wmmmé mmz mm TfflS » il '■'■'■':'' RSHW mora En- Bft%5 ';-■;..■..■'■■■ 9MKfi!n3J Wfflmm :'■••■•'!■ ::?':;:;:V-;;;l!:;'''.::',=-.;-::;-,;;':'':' !■■--■■ ■■'■ .=.;■;■ ' ■ wŒmMË •■■■'■■;■ •■:■"■ '''''•■■•''•':;:'-'.'':'-i S''.''-:'' •■ ' ' : Es BIBLIOTHECA Digitized by the Internet Archive in 2011 with funding from University of Toronto http://www.archive.org/details/histoiregnra01duja ' > M HISTOIRE GENERALE DES PRO VINCESUNIES. TOME PREMIER. ( *** J. Z.v///v/<7//- Jculp. i ; > f •■ \ \ ■ *\ HISTOIRE GÉNÉRALE DES PRO VINC ES UNIES, DÉDIÉE . MONSEIGNEUR LE DUC D'ORLEANS, A Premier Prince du Sang, Par MM.D***, «*» Mat™ d"R^K! >S***> ^ VÂcaiimk / < Impériale G* d /Z4*u*i-^ 0 m^ PREMIER» A PARIS, Chez P. G. S I M 0 N,Imprimeur du Parlement , rue de la Harpe, à l'Hercule. M DCC LVII. AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROI, . PJ I 5£ XL A MONSEIGNEUR LEDUC D'ORLEANS, PREMIER PRINCE D U SANG. ONSEIGNEUR, L'HIS TO IR E des Provinces-Unies va Vous préfenter un théâtre , où les guerres continuelles ont Tome I. a ij E P I T R E. appelle les Héros de tout l'Univers , & de tons les Ages. On reconnoîtra dans ces différens Portraits quelques-unes de ces rares qualités qui Vous caraclé- rifent. Ces Pays furent aufji le berceau de la Nation généreufe , dont votre illujlre Sang perpétue la gloire depuis tant de Jîecles. Quels motifs plus puiffans pour autorifer l'hommage que nous Vous rendons ! Le Public frappé du détail des Vertus , dont il admire la réunion dans votre Perfonne , nous accor- dera f on indulgence. Vous fixe^ f on Amour : tout ce qui porte votre attache , lui devient précieux. Mais , Monseigneur, ce nefl pas F effet le plus fat isfaifant de la Protecïion, dont il Vous a plu de nous honorer. Elle nous procure l'avantage le plus flateur & le plus fenfible ,, en nous permettant de Vous découvrir les fentimens de vénération que Vous infpirei à tous les Cœurs. Nous fommes avec le plus profond refpecl x MONSEIGNEUR Vos très-humbles & très-obéïfl*ans Serviteurs,- D * * *. S * * *, E?S5^ï^^'^ m ;^ y'j^^^k tvl JO jsjjH ^^^^È^klâ PREFACE- 'ÉTUDE de l'Hifloire a piqué dans tous les tems le goût des per- fonnes les plus fenfées ; il eil devenu général dans le fieclc où nous vivons. Les grands événemens reveillent la curiofité , & l'intérêt dont ils nous affectent, nous excite à chercher dans le paiTé des inflruclions pour l'avenir. L'Hiftoire eft l'Ecole des hommes 3 le dépôt des actions , le témoin de tous les Ages. Elle prê- che l'exemple : leçon toujours plus frappante que le précepte , Se développant les événemens par leurs caufes, elle met fous un coup d'œil leurs mo- tifs, leurs progrès & leur, réufftte , nous confeilie pour le préfent , & nous guide pour aflurer le fuc- çès. Elle appuyé fa pratique par l'expofition des aij iv PREFACE. avantages , que tant de Souverains éclairés , de Politiques habiles & de Capitaines illuftres ont procurés à leur Patrie , & des malheurs où l'impru- dence, la témérité , la ptéfomption , la méchan- ceté & le fanatifme ont précipité ceux qui fc croyoient fupérieurs à la fortune. Elle apprend aux Grands les régies d'un bon Gouvernement par le contrafte du mauvais, & démontre aux Citoyens la nécefîité de la fubordination , en leur repréfen- tant les malheurs attachés à la défobéiflance. Elle fait connoître la véritable grandeur & le point fur lequel un homme raifonnable doit fonder fes ef- pérances. Les vicifïitudes aufquelles l'Univers eft afïujetti , produifent des Révolutions qui forment les Epo- ques, & leur importance en augmente la célébrité. Plus le changement eft éclatant , plus il demande d'attention fur les circonftances , fur le caractère des Princes & le génie des Peuples. La Carrière que nous ouvrons , eft plus fertile qu'aucune autre dans les variations. Les foibles commencemens d'un Peuple devenu fi riche dans un pays 11 pauvre , préfentent un bel exemple de ce que peuvent l'amour du travail , la (implicite des mœurs & la bonne conduite. Les Holiandois ref- ferrés dans l'Etat le plus borné de notre Conti- nent, prefque fubmergé par un Elément, contre lequel ils font toujours en garde , Se fouvent obli- gés de fe défendre, manquant des chofes les plus néceffaires par l'ingratitude du fol & la rigueur du PREFACE. v Ciel, ont rendu leur pays un des plus abondans & des mieux peuplés de l'Europe. Leur Commerce s'étend dans les deux Hémifpheres, & leurs Villes font devenues les Magafins du Monde. Les pre- miers habitans , ces anciens Bataves , trop heureux de fuivre les Aigles Romaines , & d'être reçus dans les Gardes des Empereurs, méritèrent par leur va- leur le titre de Frères & d'Amis des Vainqueurs de la Terre. Les Francs qui s'emparèrent de leurs Do- maines, ne feroient que de miférables Corfaires , û leurs Capitaines n'avoient fondé par leur courage & leur conduite une puifîante Monarchie fur les débris de l'Empire d'Occident. Les Comtes de Hol- lande , foibles" Vaiïaux de ces fiers Conquérans , prefque confondus avec la Noblefle , dont ils avoient befoin pour maintenir une autorité ufur- pée, feroient encore inconnus , fi leur- Politique & les Alliances étrangères ne les euffent rendus re- doutables à leurs Voifins. Leur ambition croi fiant avec leur pouvoir , fouleva les fujets contre la ty- rannie. L'Inquifition acheva de les mettre au dé- fefpoir, & l'amour de la liberté donna naiiTance à une République, chanceilante dans fon début, mais bientôt raffermie par la valeur & la fagefle de fon Chef, oc forçant enfin l'Efpagnol à reconnoître fon indépendance, & même à partager avec elle les thréfors du Nouveau Monde. Une Politique fe- vere & bien entendue la met en état aujourd'hui de balancer la puiilance de fes Voifins & l'Equili- bre de l'Europe. Un théâtre varié de tant defcenes vj PREFACE. éclatantes nous a paru mériter l'attention du Pu- blic ; & c'efl: le fpeclacle que nous entreprenons d'offrir à Ces yeux. Les Auteurs qui nous ont précédé , honteux d'une origine fi foible, ou dégoûtés par la diffi- culté des recherches , n'ont daigné toucher que l'Epoque de la grande Révolution. Si quelques- uns ont jette de foibles regards fur des tems plus reculés , ils fe font contentés de faire connoître les premiers Souverains , ou fe font attachés à THif- toire d'une Ville , d'une Province , de quelque Canton particulier. Mais perfonnenes'eftavifé d'é- crire une Hijloire Générale & complette , qui raf- femblât dans un même contexte ce que les Anna- les & les Chroniques ont confervé depuis les com- mencemens , & de mettre fous un coup d'œil lejs faits qui fe font fuccédés de fiecle en fecle jufques au terme de la grandeur de la République. Un Vuide de cette importance dans ï'Hiftoire de l'Europe nous a frappé , & les degrés par lefquels la Nation s'eft élevée , ont fixé notre attention. Nous avons employé plufieurs années à rechercher de tous côtés les moyens d'acquérir une connoif- fance exacle des tems , $c comme dit un fameux Politique de nos jours (a) , noncontens de contempler l'eau qui coule devant notre porte , nous avons voulu remonter à la fource. Si l'Hiftoire ancienne paroîr. fouvent incertaine , & toujours obfcure , ce n'eft pas une raifon pour la négliger. Plus les objets s'é- { a ) Le Chevalier Xemplje. PREFACE. vij eriappent dans le lointain, plus nous avons cru de- . voir en approcher le flambeau de la vérité. Nous n'avons rien négligé pour nous mettre en état de juger fi ce qui paroît incertain , l'eft effec- tivement. Au milieu de nos travaux le fçavant Au- teur de ÏHiJîoire de la Patrie eft venu à notre fecours. Cet excellent Ouvrage qui s'imprime en Hollan- dois , formé fur un plan femblable au nôtre , nous a fourni des lumières qui dédommageront le Public par l'utilité du retard que leur attente a caufé dans cette Edition. L'Auteur riche de fon propre fond Se lècondé parles Amateurs de l'Antiquité, a pénétré dans les Archives4 les plus fecretes ; & nous avons profité des avantages qu'un zélé vraiment patrio- tique vient de communiquer au Public. Les laits qu'il avance r font toujours appuyés de preuves in- eonteftables, & Ces raifonnemens politiques font foutenus par les Acles mêmes dont ils naiiTent ; mais il fe reftraint à ces deux parties , & nous an- nonce que les circonftances & les defcriptions mi- litaires ne font pas de fa compétence. Le Titre d'HisToiRE Générale des Provin- ces-Unies, que nous avons adopté , comprend la Gueldre, la Hollande, la Zeelande , le Pays d'UTRECHT , la Frise , I'Overyssel, Groning-uë et les Ommelandes. Nous nous attachons cepen- dant pour l'ancien tems , & jufques à l'Union de ces Provinces, plus particulièrement à la Hol- lande , & nous ne touchons aux autres que quand les circonftances l'exigent. viij PREFACE. Cette i ïiftoire Ce range naturellement fous cinq Périodes. La première renferme ce qui s'eft paifé avant l'entrée des Romains dans la Balle-Germa- nie ; la seconde parle de la domination des Em- pereurs ; la t r o i s i É m e raconte l'invafion des francs a leur Gouvernement, & celui des Rois de la Branche Germanique ; la quatrième commence avec les Comtes, &la cinquième àlétablillemcnt de la République. Les quatre premières Epoques compofent HIistoire Ancienne , & la dernière forme ITIistoire Moderne. La Nation eft notre objet principal ; les actions des Princes qui l'ont gouvernée en diftérens tems, ne font que des accelîbires. Les voyages , les faits perfonnels, les guerres extérieures , n'ont qu'un rapport occafionnel avec le Pays ; ce font les ac- tions de Ces Habitans qui conflituent proprement fon Hiftoire. Cependant l'intérêt que la Nation prend aux événemens étrangers , & la part pour la- quelle elle y entre, nous obligent fouvent à quelque détail. Nous nous permettons même des digref- ilons, furtout lorfque nous trouvons occafion de dire ce que d'autres Hiftoriens ont négligé , ou quand la partialité les porte à donner des nuances qui peuvent altérer la vérité. Telles font les ex- curfions que nous faifons dans le deuxième Tome fur l'établHfement des Francs dans les Gaules. In- dépendamment du droit de fuivre nos Souverains dans leurs conquêtes , nous avons faifl l'occafîon de communiquer au Public les Obfervations du. fçavant PREFACE. ix fçavant M. Fueret contre l'Auteur du Nouveau Sy- ftême : difler rations qui doivent fervir de modèle dans la difcufîion des faits contefiés , & qui répan- dent de grandes lumières fur l'Antiquité. Nous avons pris les mêmes libertés fous les Carlovin- giens. La ftériiité de cette partie de l'Hilloire de~ mandoit un fecours étranger pour donner quel- que contiguïté dans les événemens : les Romains avoient rempli les premiers vuides ; c'étoit aux Francs de combler les féconds. Sous les Règnes des premiers Comtes nous avons cherché nos Supplé- mens dans la Flandre , dans le Brabant , en France & même en Angleterre ; mais nous n'avons choifi que ceux qui fe trouvoient naturellement liés avec notre fujet , Se peut-être les avons-nous envifagés fous un point de vue différent de celui des autres Auteurs. A ces digreffions près, l'Hilloire des Bataves nous offre le Tableau d'un Peuple attentif à conferver fa liberté , & de Souverains acharnés à la détruire, Nous voyons d'abord les Romains établir leur do- mination par la force des armes fur des Peuples libres par leur constitution, les révolter par des exactions & la violence ; la Germanie entière s'in- téreffer dans le combat ; la valeur fans difeipline l'emporter fur la fcîence militaire , & forcer les Vainqueurs du Monde à reftituer aux Peuples leurs droits & leurs privilèges. Nous voyons les Francs inonder une partie de nos Provinces, &fcumettre l'autre par la douceur de l'Evangile ; la liberté fe Terne I. b x PREFACE. relever fous les premiers Comtes , s'affoiblir fous leurs attaques continuelles , s'éclipfer prefqu'en- tiérement fous la puiffance des Princes de la Maifon de Bourgogne & de celle d'Autriche, fe ranimer au coup mortel que les Efpagnols entreprennent de lui porter , rappellcr Ton courage & raffembler Tes forces pour combattre l'Inquifition, triompher au fortir d'un combat inégal , forcer ces ennemis dé- daigneux à reconnoître fon indépendance , & leur arracher une partie âes deux Indes : enforte que cet Ouvrage peut être regardé comme ÏHiJîoire de la Liberté combattue } opprimée , renaifjante &* triomphante. Après l'expofition générale du Plan que nous nousfommes propofé , nous devons rendre compte des guides que nous avons fuivis dans l'exécution ; le fiecle éclairé dans lequel nous vivons , ne croit un Auteur que fur de bons garants. Les Germains dont les Bataves faifoient partie , n'avoient aucune connoiffance des Lettres ; ils ne fçavoient ni lire ni écrire (a). Les Romances qu'ils chantoient en allant au combat , & que les pères- tranfmettoient à leurs enfans (6) , leur tenoient lieu de Chroniques & d'Annales. Les Bardes com- pofoient ces Vers , & les débitoient en s'accom- pagnant d'une efpece de lyre (c). Charlemagne faifoit tant d'eftime de ces Poèmes barbares qu'il (a) Ta ci t. de Morib. Germ. Cap. XIX. (£) Idem, ibid. Cap. II. (c) Ammian. Marceilin. Lib. XV. Cap. IX, PREFACE. xj les fit recueillir avec foin , & même les apprit par cœur (a). Mais étoient-ce les mômes dont Tacite fait mention ? L'intervalle qui fe trouve entre l'Hi- ftorien Romain & l'Empereur François, fait préfu- mer que ces Chanfons qui n'avoient pour Archi- ves que la mémoire d'un Peuple groiîier, dévoient être dans l'oubli 3 & qu'on leur avoit fubftkué cel- les que Jornandes dit être venues des Gaules au commencement du quinzième fiecle (b). Nicolas Kolyn , le plus ancien Chroniqueur de notre Pays , qui vivoit dans le douzième fiecle, affirme d'avoir vu lesR.omancesdes Bardes dans le Chartrier d'Eg- mond. JeanAventin, Auteur du quinzième & du feiziéme fiecle, les cite en quelques endroits (c); mais il paroît que ces dernières ne remontcient pas plus haut que deux cens ans , & peut-être moins. On ne trouve plus de veftige ni des unes ni des autres. La perte mérite-t'elle nos regrets \ Nous avons peine à croire que les anciens Germains eu£ fent été exacls dans leur narration, ou conféquens dans leurs raifonnemens ; & quand même ces Ecrits feroient échappés du naufrage des tems } qui pour- roit expliquer leur langage ? Au défaut des Romances nous fommes forcés d'avoir recours aux Hiftoriens étrangers , Se les plus anciens ont eu le même fort. Pline le fieux avoit compofé vingt Livres des Guerres des (a) EginhartdeVtaCaroliM. Cap. XXIX. \b) DeReb. Getic. Cap. IV. (c) Annal. Eojor. Lib. I. Cap, V. mtm. 10. & Cap. VII. num. 24. bij xij PREFACE. Germains (a) ; ils ne fubfiftent plus , Se vraisem- blablement leur perte eit plus importante. Tacite nous apprend que cet Ouvrage lui a fervi dans plus d'une occafion (b). Asinius Quadratus n'exifte plus que dans les citations de Stephanus (c) & de quelques autres ; & fans doute ces deux Au- teurs nous donnoient une fuite exacte de l'Hiftoire des Germains. Strabon , Ptolomée , P l i n e le Jeune Se Pomponius Mêla ne fe font attachés qu'à décrire le Pays , quoique les deux derniers diiènt quelque chofe des mœurs des habitans. Plut arque , Suétone , Dion Cassius femblent les négliger ; le dernier ne s'étend que fur l'Expédition de Drufus. Jules César Se Tacite font les premiers qui don- nent quelque détail de la Baffe-Germanie. César paflà deux fois le Rhin , Se fon féjour au-delà du fleuve lui acquit des connoiffances plus exactes ; mais il fe renferme dansfes Expéditions , Se ne tou- che l'Hiftoire du Pays que lorfqu elle a rapport à Ces guerres. Tacite, qu'un long exercice delà charge de Quefteur avoitinftmit à fond des Mœurs Se Ufa- ges de ces Peuples , nous en rend un compte allez fi- dèle dans unOuvrage particulier^ parle fort au long de la Guerre de Civilis. Ce morceau , l'un des plus beaux de l'Hiftoire Ancienne , contient une De- feription de l'Ifle des Bataves > & fait regretter la perte des Livres qui complettoient fà narration. ( a ) Plin. Epift. LiB. III. Ep. V. num. 4. (*) Annal. I, Cap. 69. XV. Cap. 53. HiÛ.Lib. Iïï. Cap. 28.. te) De LTrbib./». 271. 743. Conf. Strabo Lib. IV.. PREFACE. xiij Mais trop Semblable à l'éclair , il ne frappe ces Pays d'une lumière fi vive que pour les replonger dans la nuit , dont il les avoit tirés. La Nation- entière difparoît pendant deux fiecies. Herodian, Julius Capitolinus, Trebellius Pollïo & Flavius "V opiscus nous avertirent à peine de Ton exiftence. L'établifTement des Francs fur les bords du Rhin réveille les Auteurs du troifiéme fiecle. Les Fri- fons & les Saxons paroiffent fur la feene à la fuite de ces Conquérans , Se le nom de Batavie reiîuf- cite pour quelques momens ; mais loin d'avoir une Kiftoire fuivie , on eft forcé de recourir aux Pané- gyriftes, efpece d'Ecrivains livrés à l'adulation ., Se que leur vénalité ne permet d'écouter qu'avec de grandes précautions. Les Panégyriques de Mam- Wertin, d'EuMENE , de Nazaire , de Latinus Pacatus Se d'autres, fourniffent de ces lumières équivoques, avec lefquelles on ne peut marcher qu'à tâton dans un chemin que Ton diftingue avec peine. Ammien Marcellin décrit les Guerres de Julien , Se ce Prince même nous laiiTe allez de dé- tails dans une Lettre aux Athéniens. Zozyme, His- torien Grec , éclaircit encore cette Epoque ; mais il feroit à Souhaiter qu'il le fût piqué de la même exactitude que Marcellin. Le déluge des Nations Hyperboréennes qui vient dans le cinquième Se le fixiéme fiecle inonder l'Em- pire d'Occident , ramené l'ignorance. Leurs rava- ges en détruifiant les anciens Monumens, étouffent ie goût des Lettres , Se nos Provinces retombent xiv PREFACE. dans l'ancienne barbarie. Les Livres de Sulpitius Alexandre, & de Renatus Profuturus Fri- gidus furent enveloppés dans la ruine générale , Se l'on n'en trouve que quelques Fragmens dans l'Hiftorien de la première Race des Monarques François. Procope, Jornandes, Idatius, Pros- per , Marius, Sec. racontent quelques événemens qui font confirmés par les Poèmes de Claudian Se de Sidonius, Se nous n'avons que ÏHiJîoire Ecclt- fia[litjue& Civile des Francs de Grégoire de Tours pour remédier à la difette de ces tems. Le fixiéme fiecle nous accable fous le nombre d'Annales 3 de Chroniques Se de Vies des Saints qui fortent des Cloîtres. L'inondation de tant de Vo- lumes diclés par un zèle ignorant, continue jufques au quatorzième fiecle. L'imagination de ces pieux Solitaires échauffée par la fuperftition , & dirigée par l'intérêt, fournit une abondante moiiTon ; mais dont la récolte exige beaucoup.de circonfpeclion. Il faut chercher , extraire & comparer fans relâche pour démêler la vérité du merveilleux qui l'enveloppe. Il faut, par le moyen des Diplômes Se d'autres Mo- numens publics , percer dans le Chaos des Miracles , fous lefquels les plumes monachales enieveliffent les faits. Le plus sûr eft de laiûer ce qu'ils veulent enfeigner , & de retenir ce qu'ils affectent de ca- cher. Ce fanatifme eft général. Les Hollandois, les Flamands , lesFrançois , les Allemands, les Italiens prennent le même ton ; leurs Ecrits fortent du même moule , Se chacun s'efforce de renchérir fur la vi- PREFACE. xv iîon. On ne peut cependant leur refufer quelque croyance , quand ils s'accordent fur les faits ; mais on doit faire main baffe fur des circonftances dic- tées par l'entriouiiaime aux dépens de la raifon. Nous avons dans le moyen Age des Diplômes , des Traités de Paix , des Déclarations de Guerre , des Actes des Synodes, des Contrats de Mariage, des Donations , des Teftamens , Sec. dont on peut tirer de grandes lumières. Les Lettres des Rois , des Minières , des Papes & des Evêques qu'on a fauvées de l'oubli des tems , nous font encore d'une grande utilité. Celles de Theodoric , Roi des Goths en Italie, celles de Clovis, de Theodebert , de Charles Martel, de Carloman, de Pépin, de Charlemagne, celles de Grégoire le Grand, de Grégoire II, de Grégoire III, deZACHARiE, d'ETiENNE III , celles de Sidonius Apollinaris , du célèbre Alcuin , & de S. Boniface , premier Evêque de Mayence & l'Apôtre des Frifons , dé- veloppent parfaitement l'établilfement & les pro- grès de l'Evangile dans les deux Germanies. Les Loix des Francs , des Frifons Se des Saxons nous inftruifent des Mœurs & des Ufages des anciens Peuples , Si les Caphulaires des Rois des Francs éclair- cilfent beaucoup i'Hiftoire du huitième , du neu- vième & du dixième fiecle. Martene & Durand, Matth^us, Rymer Se du Mont ont fait de vaftes Collections d'anciens Monumens , dont plufieurs •fervent de Preuves pour les tems de nos premiers Comtes ; & les Chroniques de Nicolas Kolyn , de xvj PREFACE. Mf.LIS STOCKE & WlLHKLMUS PllOCURATOR, COUS trois Religieux de l'Abbaye cTEgmond, nous ont confervé les faits. La clarté s'accroît à mefure que nous avançons ; les fiecles fùivans fournifîent de vrais Hiftoriens, dont les plus célèbres font Froissard , Monstre- let j Olivier de la Marche , Philippe de Com- mines , Heuterus , Sec. LcsRegiftres des AJJemblées des Etats de Hollande cTAart & ^Adrien Van der Goes viennent illuftrer le Règne brillant de Charles V., Empereur , Roi d'Efpagne Se Souverain des Pays-Bas. Ces Recueils imprimés aux dépens de la Province, ne font pas entre les mains de tout le monde ; & c'efl à l'Auteur de ÏHiJloire de la Patrie que nous devons une infinité d'Anecdotes curieu- fes qu'il en a tirées. Qu'il nous foit permis , avant de pafTer aux Preu- ves dont nous appuyons h féconde Partie de cette Hijloire, de joindre ici quelques réflexions fur l'ufage qu'on doit faire de celles que nous venons d'indi- quer pour l'ancien tems , & de certains autres Ce- cours indifpenfables pour la perfection d'un Ou- vrage fiiflorique. - Il efl: confiant que dans le choix des Auteurs on doit préférer les Contemporains aux Modernes. Cependant il ne faut pas refufer toute croyance aux Ecrivains qui racontent des faits arrivés long- tems avant eux. L'ordre & la précifion de leur récit plaident fouvent pour fon authenticité, & qui nous a/ïùrera , fi peut-être ils ne l'ont tiré de quelqu' Au- teur PRE F A CE. xvij leur inconnu , & dont l'Ouvrage ne lubMe plus l L'Ecrivain Moderne éciaircit fouvent quelque doute , ou levé queiqu'ambiguité qui fe trouve dans un ancien Contemporain , fans qu'il fembie s'être propofé de le faire. Ces marques de vraifem- blance équivalent les preuves, Se certifient la vé- rité de la narration. Nous lifons, par exemple, dans les Auteurs Contemporains de Clovis que les Al- lemands formèrent une Ligue contre lui , & nous trouvons dans un Ecrivain du douzième fiecle (a) , que les Frifons & les Saxons étoient dans leur ar- mée. Ce trait ne choque en rien la vraifemblance, <& répand de grandes lumières fur les événemens qui fuivent, quoique celui qui le rapporte, n'aie pas fongé à le faire. On fçait d'ailleurs que cet Au- teur n'a travaillé que fur d'anciens Mémoires : ainfî rien ne combat fon autorité , & nous pouvons en conclure pour la fuite. Il n'en eft pas de même, lorf- que l'Ecrivain moderne tombe en contradiction avec l'ancien. Quand, par exemple, le Moine de Fulde qui vivoit dans l'onzième fjecle , s'avife d'é- tendre les conquêtes de Clodion fur une partie du Brabant , de la Gueldre , de la Hollande , de la Flandre , du Cambrefis , de l'Artois , & lui fait même entamer les Gaules (b) , nous réeufonsfon témoi? gnage , parce que les Anciens nous apprennent que ce Monarque avança peu fur la gauche du Rhin, & que ce fut Clovis qui cinquante ans plus {a) In Libro deCaftro Ambaû&Çap. YV.num. 4. in Çollçft. d'A* çhery. Tom. \{\. pag. 269. Il (*) Marian. Scot. Chron. Lib. II. JEtat, VI. ad ann. 438. Tome If c xviii PREFACE. tard Te rendit maître d'une partie de ces Provin- ces (a)- On peut encore fuppléer au défaut d'autorités par les Annales & les Chroniques , en les purgeant des Fables par la comparaiibn des bons Auteurs. Une Chronique Rimée du neuvième fiecle nous ap- prend que » Charlemagne donna la paix aux Sa- » xons, qu'il leur rendit la liberté, les exempta des » impôts , à la réferve de la dixme dont il les char- » gea envers l'Eglife , leur permit de fe gouverner » par leurs Loix , & les afîocia aux privilèges des » Francs » (è). Eginhard ne touche qu'un met de ce Traité (c), & les autres Hifloriers fe ren- ferment dans le filence : mais nous feavons d'ail- leurs que les Frifons étoient pour-lors confondus avec les Saxons (i). C'eft fur ce fondement que les Chroniques Frifonnes débitent un grand nombre de fables qui conftatent le fait en faifant fufpecterle motif; & malgré le louche qu'elles répandent fur l'Hiftoire , on ne peut contefter l'évidence confir- mée par un concert unanime. La vérité perce à travers les vifions qui la défi- gurent , & la comparaison des bons Auteurs dé- couvre quelquefois l'origine de la fiérion. Rien n'efl: plus abfurde , mais en même tems plus commun , que le Conte qui tire les premiers habitans de nos ( a ) Gregor. Tur'on. Lib. II. Cap. 27 , 40 , 41. Gefla Regum Fran- corum. Cap. XIV. (£) Poëta Saxo de Geft. Carol. Magn. Lib. IV. adann. 803. ( c ) De Vit. Carol. Magn. Cap. Vll.pag. 48. ( de Repif- tres , de Mémoires , Se autres Manufcrits très-im- portans que des perfonnes en place fe font fait un plaifir de lui communiquer. L'ufage excellent que ie fçavant Auteur en a fait , nous ouvre une route qui fans lui auroit été toujours inacceffible à nos re- cherches» Si nos regards font éblouis jufques à cette Epoque par la multiplicité des lumières qui nous frappent de tous côtés, nous retombons pendant la Trêve dans une obfcurité, où nous pouvons à peine nous conduire. L'abondance & la beauté des Hifloires nous jettoit dans un grand embarras fur le choix ; & nous fommes obligés ici de recourir aux Auteurs Etrangers qui fourmillent d'erreurs. Nous ne crain- xxxij PREFACE. drons pas de mettre dans cette dernière ClafTe la prétendue Hifioire de Hollande de La Neuville, qui n'eft qu'un tilTu de rêveries & de menfonges. Nous trouvons quelques éclaircilTemens dans les Auteurs Eccléfiajliques : heureufement le temporel fe trouve lié avec le fpirituel dans les Difputcs des Arminiens & des Gomaristes , & Uitenb.o- gaard , Trigland , Brandt & Grotius , en agitant ces Queftions , ont éclairci plufieurs évé- nemens politiques, dont les Chefs des Partis fai- fbient jouer les reiîbrts. Meteren & Baudart fon Continuateur j font les feuls qui s'attachent à l'Hiftoire Civile pendant les douze années de la Trêve ; mais il feroit à fouhaiter que ce dernier eût la même exactitude que fon illuftre PrédéceiTeur, Tu'HiJloire de la Patrie , plus néceiTaire dans cette Epoque que dans aucun tems, nous fournit entr'- autres des Extraits des Procédures manuscrites contre Oldenbarneveld , Hogerbeets 3 Grotius &c. , & les éclaircilTemens qu'il en tire, nous ont fervi à rem- plir ce vuide. Wassenaar & quelques autres qui fefont mêlés d'écrire depuis l'expiration de la Trêve en 1621 , font étouffés fous le poids volumineux jde ¥ Hifioire Politique & Militaire de l'infatigable Aitzema. Cet. Auteur qui commence fon Ouvrage à cette Epo- que, & nous conduit jufqu'à 166S > devient pré- cieux par l'immenfe Collection de Pièces Authen- tiques qu'il contient ; & l'on peut mettre en pa- rallèle , pour ce même mérite , le Mercure Hollan- dais qui va depuis 165c jufqu'à lôcjo. L'HiJloire de PREFACE. xxxiij de Wiquefort efl plus confidérable par Ces Preu- ves que par fa narration , qui fe renferme dans un petit nombre d'années. Ces mêmes tems fournif- fent des Hijloires particulières, des Vies des Per- fonnes illuitres , Se quantité de Relations , Lettres Se Mémoires imprimés en différentes Langues , tels que les Négociations de la Paix de Munjler , les Let- tres Se Mémoires du Comte ûTEstrades , les Lettres au Pensionnaire De Witt & fes Répojifes , les Né- gociations de l'AmbaJJadeur Beverning , avec les Réfolutions qui y ont rapport , &c L'HiJloire de la. Patrie ne laiife rien à délirer. La communication des Pièces Originales Se des Manufcrits les plus fe- crets a mis l'Auteur en état de completter fon Ou- vrage ; Se l'on y trouve entr' autres les véritables motifs des Ambaifades faites en France, en Angle- terre, en Suéde, en Danemarc &c. Les Mémoires de Lamberti fourniifent une abondante moiifonde Faits Se de Preuves pour le fiecle préfent. Nous ne parlons ni de Basnage , ni de Le Clerc , quoique ces Ouvrages foient excellens pour le ftyle , l'or- dre Se les vérités hiftoriques ; mais ces grands Ecri- vains n'ont fait que compiler les Ecrits de leurs Prédéceifeurs. Nous ne les citons que rarement, Se lorfqu'il sJagit de quelque fait qui ne fe trouve que dans des Manufcrits qui leur ont été confiés. Van Loon, Auteur de ÏHiJloire Métallique des Provinces- Unies , fe borne fimplement à l'explication des Mé- dailles Se aux faits qui y ont rapport. Nous ren- drons compte dans les Tomes fuivans des fecours particuliers qui ont enrichi notre fond pour la per- Tome I. e xxxlv V R E F A C E. feétion de la Partie Moderne de cet Ouvrage. L'entreprife d'un Ecrivain qui fe conf acre à l'His- toire, eft la plus difficile & la plus délicate qu'on puiife imaginer. Qu'un Auteur feroit heureux , s'il ne rencontroit dans fa route que des Héros & des Philofophes ! Son pinceau n'auroit à s'exercer que fur des Modèles accomplis. Il ne feroit occupé qu'à rendre à la vertu l'hommage qu'elle eft. en droit d'exiger, & à donner aux Grands des exemples de ce qu'ils doivent imiter , pour vivre après leur mort dans le cœur de tous les Hommes. Mais la Nature humaine n'eft pas fufceptible de tant de per- fections ; elle n'eft qu'un contrarie perpétuel de vices & de vertus , & chaque fiecle produit des Héros & des Scélérats. La corruption du cœur & le défordre des mœurs font les mêmes dans tous les tems, & furtout fur le grand théâtre, où les occa- fions facilitent le mal , & le pouvoir femble l'au- torifer , où les Acteurs font caraétérifés par les qua- lités les plus refpeétables , & quelquefois par les vices les plus honteux. La Satyre & laFlatterie font deux écueils , contre lefquels l'Hiftorien ne fçauroit être trop en garde. Si la haine dirige la plume d'un Auteur , fa conta- gion fe répandra fur tout ce qu'il écrit. Si la crainte Se l'intérêt le dominent , il facrifiera la vérité aux Diftributeurs des châtimens & des grâces. Tacite remarque » que les Hiftoriens qui parlent de Ti- » bere , de Claude, de Caligula & de Néron, man- » quent de fidélité , parce qu'ils ont écrit pendant a la vie, ou peu après la mort de ces Empereurs. PREFACE. xxxv » Les premiers mentent par crainte ou par intérêt; » les féconds par une animofité trop marquée con- » tre le Gouvernement. Les uns Se les autres s'em- » barraffent peu d'inftruire la Poftérité. On recon- » noît dans leurs Ecrits de vils Complaifans ou des » Ennemis pafTionnés. Au refte il efl plus facile de »fe défendre des flatteurs : l'adulation dégoûte par » fa baifeife Se fa fadeur ; la médifance féduit par » un faux air de nobleiîe Se de liberté » (a ). La Vanité affeétetous les Etats. L'Amour propre perfuade aifément à l'Hiftorien qu'ii ne doit pas fe borner à la fimple narration , Se qu'il eft capable de pénétrer les motifs de la Politique des plus grands hommes , Se de prononcer fur leur mérite. Dans cette idée il les peint d'imagination, & leur prête les vertus Se les vices qui conviennent au plan qu'il s'eft formé. Se livrant à fa bile , il prend le mafque du Stoïcien, Se s'érige en Martyr de la Vérité. Su- périeur à la crainte , inacceflible à l'efpérance , Se n'ambitionnant que le titre d'Hiftorien fidèle , il devient le fléau des vivans Se des morts. Il fait gloire d'oublier fa Patrie , fa Religion , fa Fortune , fes Amis. Vrai Cofmopoiite , il ne connoît que la Vé- rité pour Souveraine , & comme le Magiftrat doit condamner le crime dans fon propre père , il pour- fuit le Vice dans quelqu'endroit qu'il fe préfente. Il a lu dans Ciceron » qu'un Hiftorien ne doit rien 5> dire de faux ; mais qu'il doit ofer dire tout ce qui » eft vrai » ( a ). Il prend ce Précepte à la lettre , Se (<î) Anna!. I. in princip. \a) De Orat. Lib. II. eij xxxvj "PREFACE. s'il encenfe laVertu , il veut fe déchaîner contre le Vice. Il craindroit de donner un Ouvrage fec 6z infipide ; il veut le rendre utile aux fiecles à venir, Se s'il fe croit dans l'obligation d'inipircr l'amour de la Vertu, il s'imagine n'être pas moins forcé de faire détefter le Vice par l'amertume de (es invec- tives. Il veut apprendre aux Grands de la Terre , que la mort délie les langues que la terreur avoit enchaînées , Se qu'ils ne peuvent éviter dans le tom- beau la flétriflure qu'ils ont méritée pendant leur vie. Sa caufticité lui paroît une noble liberté ; il ne s'apperçoit pas que La bile qui le domine , change THiftorien en Moralifte outré, Se que l'amour aveu- gle de la Vérité précipite dans les erreurs qui lui font les plus oppofées. Celui dont la fagefTe Se la prudence cenduifent la plume , évite de donner Ces opinions pour des jugemens. S'il cherche à démêler les motiis d'une acïion, c'eft pour y répandre la lumière , Se non pour noircir la mémoire des Grands Hommes. Jï ïçait que l'Hiftoire Se la Satyre font dans l'oppofi- tion la plus exacte ; mais qu'il ne faut qu'un rien pour opérer la métamorphefe. Otez au Critique l'aigreur qui fait préfumer que l'envie de médire a plus de part à fon récit que l'amour de la vérité , vous en ferez un Hiftoricn. Ajoutez quelques traits envenimés au Portrait de l'Hiftorien , vous ne trou- verez plus qu'un Mifanthrone indigne de votre con- fiance. Le changement ell d'autant plus fenfibls qu'on approche du tems préfent, où la vérité trop naïve devient une injure 3 Se expofe l'Ecrivain à mille dangers. PREFACE. xxxvij D'ailleurs quel efl l'Auteur qui puiffe fe flatter de ne prendre jamais le change fur les vues fecre- tes de ceux qui gouvernent ? Celui qui connoît les voiles ténébreux dans lefquels la Politique s'enve- loppe , fe gardera bien de donner fès idées pour des vérités hiftoriques , & l'alternative qu'on rif- que en fe livrant aux conjectures , doit effrayer le plus téméraire, s'il n'eft aveuglé par lapafTion. Le Bien & le Mal font des Etres relatifs , & les cir- conftances déterminent fouvent la qualification. Si l'Auteur envifage du mauvais côté une action que le préjugé préfent canenife , il s'expofera à la ven- geance de tout un Parti ; s'il fe range à l'opinion- de fon fiecle 3 il fera méprifé comme un vil Adula- teur, titre plus odieux que celui de Satyrique pour un Ecrivain, dont l'impartialité doit faire tcut le me-- rite : Si. dans l'un & l'autre cas il court rifque d'of- fenfer la Vérité, qu'il doit reipecter comme la Di- vinité de l'Hifloire.. Plus le fujet que l'Hifr orien embraffe , renferme de Révolutions dans la Religion Si. le Gouvernement, plus il doit être circonfpect à prononcer fur les Eve- nemens & leurs refiorts. Nous ne connoiifons que l'Angleterre qui foit comparable à cet égard à la- Hoilande. On ne peut toucher à ces matières fans- bleffer les Acteurs.- Le feu dJun Parti paroît fouvent- étouffé, lorfqu'il couve fous la cendre. On dételle dans un fiecle les mêmes actions que l'on préconi- fbit dans l'autre , & l'on voit dans l'opprobre ceux- que nos Ancêtres éievoient fur le thrône. Le Parti, qui domine , change l'efprit des hommes > & les- xxxv'u] PREFACE. poulie vers l'extrémité contraire avec cette fureur qui caractérife toujours le Fanatifme. Quel parti prendra l'Hiftorien ? S'il fe conforme au tems où il écrit, on le traitera de partial ; s'il contredit Ces Contemporains , il ne trouvera pas de Lecteurs , & fera la victime de fa fincérité. Il faut cependant raconter les faits dans leur ordre , & les motiver fuivant l'efprit qui regnoit alors. Le feul moyen d'échapper à tant de dangers eft de s'im- pofer le déiintéreflement le plus rigide. Il devient d'autant plus nécelfaire dans cet Ouvrage qu'il con- tient l'Hiftoire d'une Nation flottante entre la liberté & i'oppreffion. '-La moindre circonftance omife ou ajoutée change la face des faits , & conduit à l'erreur. L'Hiftorien doit s'attacher fcrupuleufement à déve- lopper les reftbrts qui font agir la machine ; mais il doit éviter avec encore plus de délicateiïe d'en fup- pofer lorfqu'il n'y en a point , ou de mêler de la ma- lignité dans leur jeu, s'il n'a pas de preuves fuffi- fantes pour le démontrer. L'Amour propre nous aveugle facilement fur les découvertes qui nous ap- partiennent , & les conjectures fe font un chemin d'autant plus facile , qu'elles coulent de notre pro- pre fond. Un Ecrivain fenfé fe gardera bien de les produire , à moins qu'elles ne foient fondées de fa- çon à ne laiiTer aucun doute. Loin de chercher à prévenir fon Lecteur par un ton décifif, il fe ren- fermera dans les devoirs de fa Vocation. Il racon- tera les faits dépouillés de toutes circonftances étrangères. La candeur & la fimplicité feront la pa- rure de fa narration, & s'il hazarde quelque raifon- PRE FACE. xxxix nement, il le foutiendra par des pièces authenti- ques ; mais il foumettra la décifion au difcernement du Public , après l'avoir inftruit de tout ce qui peut éclairer Ton jugement. Le Lecteur , loin de blâmer fon filence , lui fçaura gré de fa fageffe & de fa difcrétion. Telle efl la régie que nous nous fommes prefcrite. Nous nous gardons bien de donner dans les argu- mens & les conjectures. S'il nous en échappe quel- quefois, nous ne manquons pas de les accompa*- gner des raifons qui nous déterminent y & nous évitons avec foin tout ce qui pourroit ofFenfer l'exacte impartialité que le Lecteur eft en droit d'exiger de l'Auteur , & qu'il doit s'impofer à lui- même. Notre Hijioire ne commence qu'au Deuxième Tome ; il nous refte à rendre compte de ce que nous traitons dans le Premier. L'envie de débarralîer la narration de tout ce qui pouvoit l'interrompre , nous a déterminé à rejetter au commencement de notre Ouvrage les Differtations , Difcuifions , Des- criptions & Explications néceffaires pour l'intelli- gence des événemens expofés dans le Corps de ÏHiJloire. Telles font les conteftations qui fe font élevées entre les Sçavans fur la Géographie an- cienne de cette Partie de la Baffe -Germanie , fur le Cours des rivières , fur les changemens caufés par les inondations & la main des hommes , fur les limites des Provinces , fur la fondation des Villes, fur la pofition de celles qui ont été détruites , ou dont les noms ont changé , fur les Antiquités ré~ xl PREFACE. panducs en grand nombre partout Je Pays , fur l'O- rigine, les Migrations & les Ligues des Peuples , fur la Religion , les Mœurs , les Ufàges , la Difci- pline militaire , les Loix , le Gouvernement des anciens Habitans de nos Provinces. Nous donnons un précis des fentimens des Critiques fur toutes ces matières, & des raifons dont ils appuyent leurs opinions. Nous confultons les Infcriptions & autres Monumens , que les Marbres ôc les Bronzes ont fauves du naufrage des tems , & pour ne rien laif-, fer à défire-rau Lecteur, nous en donnons la forme & les caractères gravés d'après les Originaux qui font confervés dans les Cabinets des Curieux. Les Amateurs de l'Antiquité trouveront de quoi fe fa- tisfaire , & ceux qui font plus avides de faits que de diieufiions de cette efpece , pourront s'épargner la lecture de la Partie ancienne de ce Volume. Les uns & les autres ne craindront point de digreffions dans le cours du récit qui les affecte. La connbik fance des Lieux & des Auteurs facilite l'étude de i'Hiftoire , êc nous avons tâché de placer une inf- traction fi néceiTaire dans l'endroit le moins nuifible à la narration. Elle fait l'objet des quatre premières SeÛions. Les trois dernières regardent les tems modernes, êc les connoilTances qu'elles renferment -, fontin- difpenfables pour bien comprendre la Conflitution du Pays, pour lire fans interruption ôc approfondir fon HiPcoire. Elles décrivent l'état actuel des Pro- vinces-Unies , & découvrent les degrés par lefquels cette République eft parvenue au point de pouvoir & s ? RE F ACE. xlj & de richerTe qu'elle pofTéde. Les Délices de Hol- lande de Pari val, l'Etat Préfentdes Provinces Unies de Janiçon , & quelques autres Ecrits de ce genre, ne donnent que des idées imparfaites , & quelque- fois très-fautives. Un Auteur Anonyme que la pro- fondeur de Tes recherches & la folidité de {es Preu- ves nous fait croire le même que celui de ÏHiJloire de la Patrie , nous a fourni les éclairciflemens que nous cherchions , & nous nous faifons gloire de le fuivre encore danscette Partie. Nous la commençons par un précis de la Ré- forme , & nous expliquons Tes progrès dans ces Pays, enfuite l'état de la Religion dominante , ce- lui des Sectes tolérées , le nombre de leurs Eglifes, & leurs principales différences. Le Gouvernement fuccéde avec l'adminiftration de la Juftice. Après avoir décrit l'ancienne forme de Tes Tribunaux & leurs variations , nous parlons de ceux qui fubfif- tent aujourd'hui. Nous nous attachons à recher- cher la véritable réfidence de la Souveraineté , ar- ticle fur lequel plufieurs Ecrivains ont pris le change. Nous expliquons la nature & l'autorité des Etats- Généraux, du Confeil d'Etat , de leurs Membres & Affemblées , les Forces militaires de l'Etat fur terre & fur mer , {es Finances , fes Dettes , fa Po- litique, fes Maximes, Ces Alliances &c. Nous ren- dons compte des Amirautés , de leur infpeclion , des fonctions du Stadhouder, du Capitaine & Ami- ral-Général , de l'Avocat de Ho lande , appelle Grand-Penfionnaire. Nous rapportons les Edits de Tome I. f xlij PREFACE. Création Se les Réglemens que nous croyons plus inftruclifs fur ces objets que tout ce qu'on pourroit dire. Nous terminons ce Tome par l'artic'e du Com- merce , principal objet d'une Nation maritime , ôc le fondement de la grandeur de celle , dont nous écrivons l'Hifloire. Nous le prenons à fa naifTance , nous parcourons Ces progrès , & nous le fuivons dans l'établiiTement des Manufactures, &c. Nous détaillons l'origine &les fuccès desNavigations des Hollandois , leurs Pêches & leur Commerce actuel avec tous les Pays de l'Europe. Nous rendons com- pte de leurs expéditions navales pour le commerce contre les Villes Hanféatiques , contre les Efpa- gnols & les Portugais , de leurs conquêtes dans les deux Indes , de leurs EtabliiTemens , Forts , Comptoirs , Colonies , de l'Erection de la Com- pagnie des Indes Orientales , des Chambres qui dirigent fon Commerce , & des Règlements qui s'obfervent fur leurs flottes. Nous paifons à la Com- pagnie des Indes Occidentales ; nous expliquons hs caufes de fa décadence , fon renouvellement , l'origine & les progrès des Sociétés particulières de Suriname & de Berbice. Nous joignons à ces détails du Commerce maritime des Cartes beau- coup plus complexes & plus exactes que toutes celles qui ont paru jufqu'à préfent , & qui repré- sentent fous un" coup d'oeil les Navigations , Dé- couvertes & EtabliiTemens des Hollandois tant dans î'Afie que dans l'Amérique & l'Afrique. __^__^__r ! ç + ++++++++++++++++++++++++++++++++++ +++++++++++++++++++ •n.+++++^j CONTENU D U PREMIER TO M.E. SECTION I. D Ë la Situation du Belgium } de V ancien Cours de fes fleuves , Rivières , Canaux , de leurs Variations } des Inondations , des Digues , & des Antiquités qui y ont rapport. SECTION II. De la -Vraie Situation & de V Etendue de Vljle des Bataves , de fes Environs 6* Habitans , de la fondation de plujïeurs Villes } & dés Antiquités qu'on y trouve. SECTION III. De VOrigine . des Migrations & des Ligues des anciens Peu~ pies , des Germains en général , & Spécialement des Francs, SECTION IV. De l'Etat Eccléfiaflique 3 Civil , Militaire fy (Economique des anciens Germains. tâti TABLE DES SOMMAIRES: SECTION V. De VEtat Eccléfiajlique , ancien & moderne, des Provinces* Unies. SECTION VI. De l'Etat Civil , Militaire y (Economique & Politique , des Provinces-Unies. SECTION VII. Du Commerce des Provinces-Unies , des Navigations , Dé~ couvertes &• EtabliJJemefis des Hollandois dans les autres Parties du Monde. HISTOIRE de lii Te J.'-m.J RzsJ DldL I. £ MA &N E 2 «' HISTOIRE GENERALE DES PROVINCES UNIES. TOME I. SEC TION L De la Situation du Belgium , de l'ancien Cours de {es Fleuves , Rivières , Canaux , de leurs Varia- tions , des Inondations j Digues, & des Antiqui- tés qui y ont rapport. SOMMAIRE. ï. T\ I FI S 10 N des Gaules. Du Belgium & de la Gaule ■*-*S Belgique. Conteftations fur le Bras du Rhin quifervoit de limite. IJle des Bataves formée parfes Bras. II. L'IJle félon Tome I. A a. Sect. T. DuEelgium, du Cours des Rivières , Cefar. Obfcurité dans Cefar. Lljle félon Mêla. Obfcurité dans Mêla. Bras du Rhin félon Pline. llI.Come/?ano/2s/ur ces Bras. Variations des Lits du Rhin. Canal de Drufus. L'Yfftl un Bras, du Rhin. Navalia. Port de Manarmis. Digue de Drufus. IV. Bras du Rhin félon Tacite. Variations de la Meufe & du Waal. Ancien Lit du Rhin. V. La Leck un Bras du Rhin. Con- îejîationsfur le Canal de Corbulon. VI. Origine du petit Yfjel, L'ancien Lit du Rhin épuifé. VII. Château d'Hélium. Château de Flevus. Château de Britte?i. Contejlationsfur le nom de Brif- ten. Sa Fondation. Incertitude fur ce Fort. Tour de Caligula, Defcription du Château de Britten VIII. Progrès de l'Océan fur les Terre s. Inondations fréquentes fur les Côtes. Conflruc- tion des Digues. Formation des Dunes, Communication fingu- lie,re des Eaux, i. Divifîon des Gaules. fouS fTî^Pw1 ^ Part'e ^ l'Europe anciennementeonnue fou <È Iflf'-fiÈ Ie nom des Gaules , étoit regardée par les Ro' '' mains , ou félon les poiTeiTions des Peuples qu'ils appelloient Barbares, ou par rapport a (es bornes naturelles. Les Gaulois , en fe multipliant , le trouvèrent trop refferrés dans leur pays. Ils s'étendirent au-delà des Alpes , fe répandirent dans les Provinces aujourd'hui con- nues fous le nom de Lombardie, de-là jufqu'à la Mer Adria- tique ou le Golfe de Venife , & les Romains l'appcllerent la Gaule Cifalpine. La Gaule proprement dite avoir les Alpes & le Rhin à l'Orient , la Méditerranée & les Pyrénées au Midi , l'Océan Atlantique , la Mer Britannique & la bran- che du Rhin qu'on appelle le Vahal ou "Waal > la termi- noient à l'Occident £c au Nord. Les Romains ayant conquis la Gaule Cifalpine, paiferent les Alpes & s'emparèrent de» Provinces Méridionales. Les Germains ayant franchi le fleuve à l'Orient & au Nord , formèrent de grands établif- femens de leur côté , & Cefar ayant étendu les conquêtes jufqu'au Rhin, les Empereurs qui le fuivirent^ partagèrent les Gaules en dix-iept Provinces ; les deux Germanies, les deux Belgiques , les quatre Lyonnoifes , les trois Aquitai- nes j les deux Narbonnoiies ? la Viennoife , la Sequanique Des Inondations , Digues, Antiquités, 8ec. •$ Se les deux Provinces des Alpes (a). Ce partage ne fubfifta gueres'que cinq cens ans. Vers l'an 402 Petronius , étant Pré- fet , détacha du Gouvernement des Gaules les trois Aqui- taines, les deux Narbonnoifes , la Viennoife & les Alpes maritimes , Se Ton incorpora ces fept Provinces à l'Italie. La Belgique faifoit une vafte partie de la Gaule , & le? DuËefgîtmr Romains la diviibrent en première' Se féconde , qu'ils diftin- ou de la Giule guoient fous les noms de Germanie Supérieure Se Germanie e S'1UC* Inférieure , parce quelle étoit peuplée par des Colonies de Germains. (6) Ils la nommoient encore Germanie Gauloife (c). Ptolomée étend la Germanie inférieure depuis l'embou- chure du Rhin jufqu'à la rivière d'Obinga , aujourd'hui l'Aar , quife rend dans le Rhin entre Bonn Se Andernach> vis-à-vis de Rhinmagen. La Germanie fupérieure eommen- çoit au-deflus de cette rivière , & remontoit jufques aux iources du fleuve. Les vaftes Contrées qui commençoient à la droite du Rhin , compofoient la Grande Germanie , ou la Germanie Trans-Rhenienne. La Germanie fupérieure commençoit au Mont Jura , & comprenoit les villes de Bafle , Strasbourg , Spire , "Worms y Mayence , Trêves , Se l'Inférieure étoit compofée de Cologne , de Gueldre , de Cleves , de Bergues , de Maaftricht , de Gand , de Lou- vain , de Calais , de Tournay , de Terouane , d'Arras , de Tongres , de Liège , de Rheims , d'Amiens , de Soiflons , de Beauvais : en un mot elle s'étendoit depuis l'embou- chure du Rhin jufqu'à celle de la Seine ; ce qui renfer- moit le Luxembourg , l'Ifle des Baraves , la Taxandrie , le Margraviat d'Anvers , les Duchés de Gueldre , de Cle- ves , de Juliers , de Limbourg & de Brabant , avec les Comtés de Flandre & d'Artois. Ces pays qui nous regar- dent fpécialement , font coupés par un grand nombre de ( a ) Voyez JEneas Sylvius Cofmograph. Ponr. Heuter. Yet. Gall. Defcript. Lii. l.cap. 1. pag.-i. (b) Cif. de Bell. Gall. Lib. II. cap. 3. Lib. VI. cap. 1 1. Dio CafT. Lib. LUI. fflg. f 03. (c) Ammian. Marcell. Lib, XV. cap, IX.pag, ioj. ' Aij 4 Sect. T. DuBelghtm, du Cour s des Rivières", fleuves , de rivières & de canaux , & font remplis de lacs & de marais , qu'il efl neceflaire de décrire exactement y pour trouver la véritable pofition des anciens habitans. ^onteflations Le Rhin a fait dans tous les tems la iéparation des Gaules fur le Bras du g^ ^c la Germanie ; nous trouvons d'abord de grandes dif- x»ltdl limite. Acuités fur celui de les bras qui fervoit de limite. Les con- trariétés apparentes , qui le rencontrent dans les descrip- tions , que les Anciens nous ont laiflees , donnent naif- fance à ces difputes ; ce n'efl que par un examen pénible des variations que ce fleuve a fouffertes dans Ion cours , & Me des Bâta- jc ]eurs époques , qu'on peut éclaircir la vraie fituation & feTbrTsT661*" l'étendue de rifle des Bataves , formées par fes branches. II. Tous les Auteurs conviennent que le pays habité par les Description Bataves , étoit renfermé entre les bras de ce fleuve & la Mer. Ce}aue fel°B » La Meufe » felon Cefar > fort du Mont Vogefe , fur les » frontières des Lingons , & recevant par le Vahal ou Waal » une partie des eaux du Rhin , elle forme l'Ifle des Ba- » taves , & fe rend dans la mer huit cens pas au-deflbus. » Le Rhin prend fes fources dans les Alpes , chez les Lip- » pons , traverfe rapidement les habitations des Mantuaires , » des Helvétiens , des Médiomatriciens , desTriboques 8c » des Tréviriens. Il fe partage en approchant de la mer ,. » forme de grandes Ifles habitées par des Nations féroces , » dont quelques-unes ne vivent que de poiffons , & des- 3> œufs a oifeaux , & fe jette dans l'Océan par différentes » bouches (a) «. Dbfcurité En prenant à la lettre les paroles de Cefar > il femble qu'il ims Cefir. a COnfondu la Meufe & le Waal , & l'obfcurité de l'expreflion perfuade à quelques Sçavans que l'Ifle ne contenoit que le terrein connu fous le nom de Bommelerland (b). Mais outre qu'il feroit abfurde de renfermer un peuple li fameux dans une étendue qui ne contient qu'une ville & quelques vil- lages , il efl confiant que les canaux qui réunifient le Waal ( a ) CxC. de Bello Gall. Lib, IV. Conf, G«rard. Noviomag. de Batavofc IoTula. /„£) Conf. Juaii B.UST. Des Inondations , Digues , antiquités , &c. ne font plus les mêmes. » Le Rhin, dit-il , tombant des Al- » pes , traverle le Lac des Venetes , & celui d'Acronium. Il » le réunit pour ne plus le divifer qu'en approchant de la » mer. Le bras gauche modère fon cours ; le droit conierve »j fa rapidité & forme une Me avant d'arriver à la mer , dans t> laquelle il fe rend par une feule bouche. Lorfque Mêla parle de cette divilîon des branches du o&fcwiîs fleuve , il ne penfe plus à la première féparation oui fe àwsMda, fait à la Pointe du Lobeck , où eft aujourd'hui le Fort de Schenck. Content d'avoir indiqué le Waal , il paffe à la féconde branche , & fuit le bras qui defeend à Utrecht , qu'il abandonne pour décrire celui qui pafToit à Leide , & traverfoit lés marais entre Weefp & Muiden ; ce qui fait préfumer qu'il ne connoiffoit pas bien le "Waal. Mais peut- on foupçonner une ignorance pareille dans un Géographe Rhin , dit le Naturalise , une Me très-belle de cent mille fel°H^V 6 S v. c t. I. Du Belgium, du Cours des Rivières, » pas dq k'ng. Elle eft habitée par les Bataves , les Canni- » nefates , les Gauches , les Frifons , les Frifîabonnes , les » Urions , les Marfaces, & pluiïeurs petits peuples qui font » entre l'Hélium & le Flevus ; c'eft ainû qu'on nomme les » deux embouchures du Rhin qui fe jette à l'Occident dans » la Meule , & au Nord dans les .marais. Entre ces deux » branches il y en a une troifieme ; mais elle efl plus pc- » tite (a) «. Pline donne trois bouches au Rhin , parce que Drufus a voit alors creufé le Canal qui porte les eaux de ce fleuve dans l'YAel , avec tant de profufion , que ce der- nier qui n'étoit qu'une foible rivière , cil devenue ta pluscon- lidérable. Le lit du milieu perdit alors le titre de frontière , & les terres qui s'étendoient jufqu'à l'YAel , s'accrurent à l'I lie des Bataves (/>). ni. Les Critiques cependant ne s'accordent pas fur ce point. Comeftations Les uns ibuticnncnt que le lit qui fe jettoit dans la Mer entre Catwyck &Nordwyck, demeura le plus conlidérable, & fervit toujours de limites à la Germanie. Ils rapportent , pour preuve de leur fentiment , les ruines d'une grande quantité de Châteaux qu'on trouve depuis Leide jufqu'à Britten , Camp que les Romains avoient fortifié , pour gar- der l'entrée du fleuve. Us allèguent encore le grand nombre des Antiquités qu'on a tirées de ce Canton; ce qui fuppofe que les Légions y iéjournoient pour la Garde de la fron- tière. Les autres foutiennent que Pline ne décrit avec tant d'exa&itude le bras du Rhin qui fe jette dans le Flevus, que parce qu'il lervoit alors de barrière à TEmpire romain ; qu'il parle de celui du milieu comme d'un ruilteau peu conlidé- rable qui ne mérite pas fon attention ; qu'il efl clair qu'il comprend dans l'I lie des Bataves tout le pays entre l'Hé- lium & le Flevus , & que par conféquent l'YAcl terminoit alors la domination de l'Empire (c). (a) Plin. Hifl Natur. Lib. IV. cap. if. (4) Pontan. Hift. Gelr. Lib. I.pag. 14. 16. (c) Pont. Heuter. Ver. Gall. Defcript. Lit. I. cap. 1 t. pag. 60. 61. Cluver.d^ Trib. Rhen, Alveis , Cap. IX. Des Jriôndtzî ions, Digues , antiquités, êzc» 7 Ces contrariétés -nous obligent de chercher avec cxâài- Variation* &» tudc les dMereiàies tiivifsons. du Rhin & les variations arri- iKi du Rhi,s vies dans leurs cours. Ce fleuye fe partageoit- d'abord à la pointe de Lobeck. jLa partie qui coule à gauche , prend le nom de Waal , le mêle avec la Meure par plufieurs coupures & le rend avec elle dans l'Océan. Le bras droit qui confer- vort le nom du Rhin, defeendoit à Batavodurum-qu'oti croit être Wyck te Duurfleie, où il fe féparoit une féconde fois. La Leck , dont nous parierons plus bas , le jettoit des lors dans la Meule. Le bras qui confervoit le nom de Rhin def- eendoit à Utrecht, où fe partageant de nouveau, la bran- che la plus forte pailoit à JLeide ; & c'efl celle qui fe perd aujourd'hui clans les fables .de Catwyck , avant que d'arri- ver à la Mer : l'autre qu'on nomme k Vecht, fe jette dans les marais feptentrionaux entre Weefp & Muiden (a). Àinfi du tems des Romains le Rhin coûtait par quatre lits , & Drufus en ajouta un cinquième , en creuiant un canal de communication avec FYfTel. Ce Prince , qu'Augufte avoir chargé de la Guerre Ger- Canaî «fe manique^ voulant affurer un paiîàge , oùfes vaifleaux fufîcnt Drufiu. à l'abri des tempêtes fréquentes lur l'Océan Britannique , b L/{f . nn & remédier en même tems aux débordemens du Rhin ou- '" uKllH* vrit une communication emr'Arnhem & Doesbourg pour conduire une partie des eaux du fleuve dans le A[avalia, Par ce moyen il fe frayoit une route dans la Mer du Nord , d'où remontant l'Ems , il pouvoit pénétrer dans laFrife & dans la partie de la Germanie qui s'étend vers la Cherfonneie Cimbrique. La conférence de Cerialis & de Civflis , qui fe fit fur un Pont qui traverfoit cette rivière, k rend célèbre dans l'Hii; toire. Tacite la nomme Nabalia (b). La Chroniqne Rimée & d'autres Auteurs écrivent Navalia (c) , & les Francs l'ap- jpelloient Sala, d'où quelques Auteurs font dériver le nom de () , & les Auteurs du moyen Age entre l'YfTcl 8c le Vliet, dans l'endroit où eft Lecksmonde (c). Les Mo- dernes préfument que la Zuiderzee a englouti l'embouchure de ces rivières & le port , enforte qu'on n'en peut trouver de vertiges (d). Digue de Drufus fît en mêmet'ems élever urje Digue qui commençoic a Batavodurum, afin de défendre [la rive gauche qui fe trou- vant plus baffe que la droite , occafionnoit des débordemens du côté des Gaules. L'Yffel enflé des eaux du Rhin , fit un Lac des marais du Flevus , au fortir duquel fe divilant en dciïx bras , il formoit une Tfle , & fe jettoit dans l'Océan entre Ter Schelling & Vlieland , où les Romains avoient bâti le Château de Flevus, qui donnoitfon nom au Lac & à la rivière qui naiffoit de l'écoulement de fes eaux (e). IV. Tacite qui décrit les différentes parties du Rhin, lorsqu'il Bras du Rhin cft néccffaire pour éclaircir fa narration, dit en parlant de la première diyifion qui fe fait à Lobeck. ,, Le bras , qui » coupe l'extrémité des Gaules, trouvant un lit plus large, » modère fon impétuolité. Les habitans de les bords l'ap- » pellent 'Waal , & fon embouchure eft. d'une largeur im- w menle " (f). Dans le récit de l'expédition de Germa- nicus , il parle de FY ffel : „ le Rendez-vous général , dit-il , » fut à Flfle des Bataves. Il la choifit à caufe de la facilité » de Fabord & de la diftribution des troupes , au moyen des (a) Ptolom. Gcogr. Lijb. II. cap. S. Tab. Ewrop. IIJ. (b) Idem , ubi fupra. Gérard. Neomag. Barav. pag. 71. Krantz. Antiqu. Fri(. %.ib. I. cap.S.pag. ii. (c ) Cluver. de Trib. Rhen. Alv. cap. XXV.. pag. ziÇ. (d) Alting. Defcript. Frif. pag. jo^. ( e ) Cluver. ubifwrra. cjp. 14. (J) Tacit. Annal. Lib. II. §. 6. » rivières félon 'Tache. / Des Inondations , Digues) Antiquités, &c; $ v rivières qui fe partagent & coulent dans différens pays. Le „ Rhin , qui jufqu'à cet endroit n'a qu'un lit , fe fépare en » plufieurs bras , & forme de grandes Ides. Celui qui cottoye », la Germanie , confervc fa rapidité , & celui qui traverfe 5> les Gaules , coule plus tranquillement (a). „ On ne peut -douter que Tacite ne parle ici de la pointe de Lobeck , du .Waal & du Rhin. Il ajoute enfuite „ Germanicus entrant »> dans le Canal , pria fon père de favorifer fon entreprife , m dont il avoit donné l'exemple , defcendit dans le Lac , i> & l'ayant traverfe , parvint heureufement à l'embouchure. >, de l'Ems (b). „ On peut conclure de ce paiïage,que l'YfTel féparoit les Gaules de la Germanie fous l'Empire de Tibère , 6c que FIfle des Bataves contenoit le pays qui efl: entre l'Hélium & le Flevus.Le lit du milieu étoit le plus confidéra- ble du tems de Cefar : c'étoit alors celui de l'Yffel , & le premier, épuifépar lesfaignées qu'on continuoit de faire, s'eft enfin perdu fans avoir la force d'arriver jufqu'à l'Océan (c ). La Meufe & le Waal ont éprouvé les mêmes variations. Variations 8» Ces rivières fe réuniffoient beaucoup plus basqueLouveflein. ^eufe&** La Meufe forçant du Vogefe fur les Confins de la Bourgo- gne , de l'Alface & de la Lorraine , traverfe le pays des Lingons , entre Meggen & Bommel , fe communique au "Waal par de$ canaux creufés en différens tems. Elle patte à Gorinchemfous le nom de nouvelle Meufe qu'elle perd aux environs des ruines d'un château qu'on prétend bâti par Merouée , & prend le nom de Merwe. Mais ce cours n'e- x.iftoic pas du tems de Cefar , & à quelque diftance de-là il y a un Canal qu'on nomme Oude-Maas , vieille Meufe , qui étoit l'ancien lit de cette rivière. Depuis la jonction du Waal & de la Meufe , ce Canal n'eft féparé de la mer nou- vellement formée entre Dordrecht & Ger.trudenberg , qu'on nomme Biesbos , que par une langue de terre que l'inonda- tion a refpeftée. Son lit étoit autrefois encre ces deux Villes, (a) Idem , ubi fupra, a} Idem, ibid.Lib. II. §. S" ( c j Cluvçr. de Trib. Rhen. Aly. cap. t±. Tome L S jo Sect. I.Du Belgium, du Cours des Rivières; & l'on retrouve ion cours au milieu de l'inondation par le moyen de la fonde. On le reconnoît , for-tout entre les vu\ lagesde Maafdam & de Weftmaas, qui retiennent Ion nom; de-là parlant entre le Continent & Tille de Voorn, il fe ren- doit dans l'Océan près de Geervlict (a). On voit de même l'ancien lit du Waal proche d'Ablaflardam. Il fe perd quel- que tems dans les marais , dont il fort entre Putten & Portugal , & s'unit a la Meule du côte de Geervlict. Les Peu- ples , dans l'idée de parer aux inonditions, ont creufé un nouveau lit ; les flots pouffes par un vent violent , ont en- glouti les terres qui féparoient les deux lits , & leur réunion a formé le bras de mer qu'on voit devant la Brille. Ancien lit du II faut à prélent revenir au lit qui conferve le nom de Rius Rhin. Le fleuve après avoir laiffé une partie de fes eaux dans le "Waal , defeend avec la même rapidité à Wageningen , à Rheenen , à "Wyck te Duurltede , à Utrecht , à Vianen , & fe rend à Leide. C'eft ce bras que Pline caraétérife par l'é- pithéte de médiocre , que les Critiques ne peuvent accorder avec la rapidité qu'on lui attribue , & l'honneur du nom qu'il conferve. Il n'eft cependant pas difficile de concilier ces ti- tres , en faifant attention aux changemens que le fleuve a foufferts, & aux tems dans lcfquels ils font arrivés. Lorfque les Cattes , chaffés de leurs pays par des guerres domefti- ques , s'emparèrent de cette Ille qu'ils trouvèrent fans ha- bitans (b) , ce bras confervoit toutes fes eaux, & ne fê cou- poit en deux qu'en approchant de la mer. La plus confi- dérable de cesbranches paffoit entre Catwyrk & Nord wyck, & fe jettoit dans l'Océan près du Château de Britten, dont fes ruines font aujourd'hui fous les flots. Drufus ayant fait creufer le Canal qui portoit fon nom , & la Digue , dont nous venons de parler, força par-là le fleuve à refluer dans ce nouveau Ht ; ce qui diminua le volume des eaux qui luivoient le cours ordinaire. On voit encore les veftiges de cet Ou- vrage dans les élévations de terre qui fe trouvent depuis Arn- ( a ) Idem , iiid. cap. ?. i h ) Tuçit. Hift, Lib. I V..5. ja. Idem - "ï'i. 13. Gérard. Noyiomag. deBatav. ïnCv\.pag. 6. Alt'ng. Dèfcript.^Fftupaj-. ?7. Pont.Heuter. Veter. Germ.Defcnpt. Lib. hpag. $$, Krantz. de Antiqu. Frif, cag, lV.pag.17. (b ) Krantz.de Antiqu. FriC.Cap. :o, ( c) Alting. Defcript. Frif. pag. 29. 00 PJin.Hift.Natur.Lii.XXXV.-«p. 5. lui Tarrv I P Luich* l . Pa^ t6 Des Inondations, Digues , antiquités , &c 17 lui reffemble en rien , comme Munting le démontre avec évidence (a). Il faut donc recourir à d'autres conje&ures, û l'on veut découvrir l'origine de ce nom. Quelques Cri* tiques confondent Brittcn & Brittenburg., & foudennent que ce Château exiftoit dans le tems que la Grande-Bre- tagne s'appelloit encore Albion. Mais Britten étoit à l'em- bouchure du Rhin, 8c Brittenburg eftbâtilùr laMeufe (b), P'ailleurs lé nom de Britten paroit plus moderne , & vrai- iemblament il n'a été donné à ce Magafin que dans le tems que le commerce des bleds le rendit l'entrepôt des Bretons ; Ci l'on n'aime mieux fuppofer que les Bretons le bâtirent dans le tems qu'ils furent chaffés de leur Me par les Frifons 8c les Saxons,& qu'ils s'établirent fur différens côtés du Continent. Nous apprenons par une Infcription tirée des ruines de ce Château , & qu'on conferve dans le Cabinet de Sa £™Jat!°J' M. de "Waflenaar, qu'il a été reparé par Antonin & Se- Flgt u vere3 8c par eonféquent qu'il étoit antérieur au règnes de ces Empereurs (c) ; & par une autre que la mer a rongéu Fig. ii en partie , il paroît que l'Empereux Claude en étoit le Fondateur (d). Ceux qui lui attribuent la fondation de ce Château , en rapportent j'époque à fon expédition de la -Grande-Bretagne. Cependant il eft. certain qu'il partit du Port que les Romains appellent Gejforiacum , & qu'à fon jetour le Sénat ;y fit élever un Arc de triomphe. Or ce Port étoit fur la côte des Morins , comme nous le prouverons plus Las , & ne peut être que Boulogne ou Calais. Les Cartes de Peutinger en font foi , 8c le GloJJaire Britannique rend Gefforiacum par Boulo-nlong (e). Quelques Critiques même foutiennent que ces Infcriptions ont été tirées des ruines de Rpombourg, & non pas de celles de Britten (/). Van Loon (a) Con£. CannegieterDiflert. Singular.de Herba Britann. pag. 4°. ( b) Pontan. fur Flud a Ghild. Van Leuwen Batav. UluRr.pag. 4}6. Ponta». Hift. Gelr. Lib. l.cap. 7. (c) Cornel. Aurel. Batav. pag. 8?. Cluver. de trib. Rhen. Alv. cip. XIV, pag-, 317. Scriver. Batav. Antiqu. pag. 176. 182. {d) Scriver. ubifupra. (e) Scriver. Tabular. Antiqu. Batav. pag. i8ii (/) Van Leuwen Batav. Illuftr. pag. 456. Tome h C 18 Séct. î. Dti Belgiwn , au Cours des Rivières i confond ce dernier Château avec le Pratorium yJgrippinœ~i autrement Roomburg , qui cil le Palais , où l'Impératrice Agrippine tenoit fa Cour pendant fa réfidencedans les Pays- Bas ( a ) ; mais il fcmble que cet édifice convenoit mieux pour la demeure d'une Princcffe. Outre le grand nombre d'Antiquités de toutes elpeces qu'on a trouvées dans les ruines de ce Château , & dont nous parlerons , les nomsa'y/rx , de Prœfidiarium , cy d' /4r marnent arium qu'on donne à Britten , déiignent une Fortereffe plutôt qu'un Palais» incertitude D'autres avouent qu'ils n'ont rien trouvé de certain fur fur ce Fort, j., deflination de ce Fort. Sur ce que la plupart des anciens Peuples maritimes faifoient le métier de Corfaires , ils con- jecturent que les habitans de ces côtes ont pu le liguer avec les Brittes , & fortifier de concert l'embouchure du Rhin pour affurer une retraite à leurs vaiffeaux. Us ajoutent que les Romains voulant nettoyer les mers, détruifirent cec afyle ; que Severe le fit relever pour arrêtertles Frifons & les Saxons qui commençoient à infefter les côtes , & que dans la fuite les Brittes en firent l'entrepôt des bleds qu'ils apportoient pour l'aprovrlïonnement des Légions ; ce qui convenoit d'autant mieux , que par le moyen des différentes branches du fleuve on pouvoir les tranfporter dans la Haute- dans la Baffe-Germanie & dans les Gaules. Mais ne fe- roit-il pas plus naturel d'attribuer la fondation de cet édifice à Caligula ? Cet Empereur ayant eu la folie de défier l'O- céan au combat,pour le venger de ce que les flots avoienten- gloutis quelques-uns de fes vaiffeaux , le mit en bataille fur la eôte,& ordonna à les foldats de ramaffer des coquilles comme Tourd C - ^es dépouilles de fonennemi,& les témoins de fa victoire (ft). II lîguh. fit élever une Tour pour monument de fa gloire. Elle a fervi longtems de Phare pour montrer l'entrée du fleuve. Ses ruines font aujourd'hui fous les eaux à- une lieue plus loin que Britten , 8ç les pêcheurs rapportent , que quand ils jet- tent leur filet dans cet endroit , ils ramènent des branches d'arbres , & fentent avec leurs crocs les ruines de ce bâti— (a) Van Loon Ane. Hift. de Holl. Part. î>pag. 8j. ib) Sueton, in Calig, cap. XL Vit Des Inondations, Digues, antiquités , &c ip ment ; ils le nomment Cala qui vraifemblablement cfl une abbréviation de Caligula (a). Britten pouvoit être le Camp de cette Armée , & l'épithéte de Erittanorum lui fut donnée à caufe de l'abord d'Adminius qui , chafTé de la Grande- Bretagne par Cunobellinus fon père , y vint demander afyle( b ). On a trouvé dans ce lieu une médaille , fur laquelle on diftingue les quatre lettres initiales du nom du Roi , & on lit Camolodunum qui eft aujourd'hui la ville de Walden en Angleterre (c). Les fondemens du Château de Britten Defcriptioa font dans la mer ; mais ils fe découvrent quelquefois , lorf- ^u.Châ«an & que le vent de Nord-Eft foufHe fort & longtems. Ceft ce "' qui eft arrivé en 1520, 1542 , 1570, 1572 & 1582. Il fut à fec pendant quinze jours en 1596. Les fouilles qu'on a faites chaque fois pour découvrir quelques Antiquités , ont achevé de le dégrader. Nous en donnons le plan tel qu'il fut levé dans ces tems {à). Sa forme eft un quarré équilatéral ; chaque face à 240 pieds. Il avoit une double muraille & des tours aux encoignures du côté du fieuve. La ffrutture intérieure n'eft pas fi régulière que l'extérieure ; il y avoit au milieu un vafte bâtiment qui fervoît de Ma- gaiin, autour duquel étoient vraifemblablement les logemens de la garnifon. Cet endroit avance journellement dans la mer}, ce qui vnr. prouve que l'Océan gagne perpétuellement du terrein iur , Pr°gr.ès d« cette côte. Nous rapporterons les propres termes d'un témoin !l?r"a: oculaire qui vivoit dans le dernier fiécle. ,, De mon tems, » dit-il , en parlant de Catwyck , la mer a caufé de grands » dommages de ce côté. Les flots ont englouti un grand •> nombre de maifons. Cet accident eft fréquent fur la côte , » & Ton ne voit prefque pas de tempête qui n'arrache quel- • quels terres du Continent. Ceft ce qui vient d'arriver au » Bourg de Noordwyck dans l'endroit qui regarde Britten, (a) Oudaan PuiiT. Rom.pag. 19. Buchel. in Hed.pag. %%-6\. ErandtJwrB*^ tos. pag- 156. Ryckius in Hercul. Prodic.pag-.^. (b) Van Lcon Ane. Hift.de Holl. Paru l.pag. 67. ( c ) Oudaan Puifl". Rom. pag. 144. (d) Jun.iBatav.cay. 10. Ci; terres» 20 S eCT. T. Du Eelgium, du Cours des Rivières, » que l'Océan couvre depuis Iongtems. Cet élément a cm— » porté en peu d'années la plupart des maifons & le puits ■» commun. Je ne dirai rien de ce qui vient d'arriver à » Schevelingen ; perfonne ne l'ignore. Il n'y pas cent ans ». que l'Eglilc & laTour l'ont Tous les flots.On a rebâti le tem- « pie beaucoup plus loin ; mais la mer s'approche tous les » jours. Elle a depuis peu inondé les plantations , renverlé » plus de foixante maifons , & les pêcheurs ne peuvent » jetter leurs filets en cet endroit , qu'ils ne rapportent les » débris des édifices qui font engloutis (a). » ^Inondation» La grande quantité de rivières &• de ruiffeaux qui viennent LsciteiT fUf ^c tous c<^s Courir à cette côte, la violence des vents & des flots que le voifinage de celles d'Angleterre refferre en cet endroit , caufent des inondations , dont la Frife, la Hollande, & fur-tout la Zeelande ont fait fouvent de fu- rieftes épreuves. La première, qui fe trouve conftatée par l'hiftoire , arriva cent dix ans avant l'Ere Chrétienne. Elle fe fit fentir fur toutes les côtes depuis la ■ Norvège jufques dans les Gaules. Les Ombres , habitans de la PreTqu'Iile du Iutland au-deffus de l'Elbe, & les Teutons, qui peuploient lés Ifles Danoifes , furent contraints d'abandonner leurs ha^ Bitations pour en chercher de nouvelles. Leur tranfmigra- tàon changea la face de l'Europe, & penfa renverfer l'Em- pire romain (b). Sous le Pontificat d'Hungcr , onzième Evêque d'Utrecht , qui fiegeoit en 856", les flots forcèrent Fe Rhin à refluer contre l'on cours,- Ses eaux enflées par la fonte des neiges , ne pouvant arriver jufqu'à l'Océan , inondèrent les campagnes , remontèrent contre leur cours , & du haut des murs d'Utrecht on pêchoit les monflres d£ la mer ( c ). La violence du vent renverfa la forêt qui regnoit depuis cette ville jufqu'à la côte ^ & l'on tire en fouillant les terres aux environs d'Abkoude ,. d'Ouwerkerk, dé Woerden h,NeapoUtifli'«iScriyer.Batay!Illuflr. pag. 1^94 Des Inondations i Digues , 'Antiquités, êcc. 2 3 ©bftiné & i 'indultrie des Hollandois ont force la mer a ref- tituer quelques parties des terres qu'elle avoit englouties {a) ; êc l'on continue à recouvrer ce qu'on peut , en defféchant le terrein parle moyen des digues & des moulirs (b). Les at- taques de l'Océan fe renouvelèrent en 1462 & 1463. Les bouches où les trous de Marsdiep , de Heersdiep & la Vlie s'élargirent ii considérablement que les flots remontèrent jus- qu'au haut de l'ancienne digue de Zeeburg. L'efpace entre Medenblik & Twifmarzyl étoit expofé au vent de Nord- Oueft, & la tempête qui furvint en 1464, fit une ou- verture du côté de Wydeneffe , qui caufa une inondation eonfidérable. Lorfque les eaux furent retirées j on s'apperçut que la Conftroftion digue de Zeeburg n'avoit plus en quelques endroits qu'une des Digues, verge d'épaifleur ; elle s'appuyoit du côté de l'Oueft fur des Dunes qui s'étendoient jufqu aBritten.La mer avoit àuffi miné ces monticules de fable, de façon que la plupart n'avôient que trente pieds de longueur. Il falloir néceffairement travail- ler à la fureté du pays. L'ancienne digue n'étoit liée qu'avec de l'algue marine, dont on trouve une grande- abondance fur les côtes de l'Ifle de Wieringen , où les oiieaux tirent cette herbe du fond delà mer. On i'avoit mêlée des rofeaux ; mais ce rempart étoit trop foible pour réiifler à la fureur des vagues. On réfolut en 1466 démunir les endroits les plus expofés par des pilotis de vingt-fix à trente pieds , & de les joindre par des poutres de traverfc enclavées par des che- villes de fer. On efpéroit par ce moyen rompre la première ïmpétuofité de la mer. Pour fécond retranchement on éleva d'autres digues à quelque diftance de la première avec de la terre glaife mêlée de fable , qui fe terminoient en talus. La dépenfe de ces travaux fut repartie fur leDelfland & leSchie- land, furlefquels on impofa un florin du Rhin de rente à raifon de chaque arpent ; la Weftfrife fut taxée à quarante mille florins , & le Kennemerland à trente-huit mille , cha- que diftritt étant apprécié félon futilité qu'il retiroit de ces (a) Beka augmenté. pag. 414. ib\ Voyez le Grand Recueil des Placards, ïotz. III. jw£. 17» i4 Se CT. T. Du Belgium , du Cours des Rivières > travaux. Le Rhinland & l'Amflclland porteront leur part de ces nouvelles charges , à proportion de l'étendue du pays qui fe trouvoit à l'abri des inondations , & les ouvrages achevés , tous ces diftri&s furent encore charges de con- tribuer à l'entretien. C'eil à cette époque qu'on peut rap- porter l'ufage des pilotis qui a fubiifté pendant trois (iecics , & qui commence à s'abolir. Les vers qui fe mirent dans ces bois , en ayant ruiné la plus grande partie , on s'avifa de jetter dans la mer des quartiers de pierre & des cailloux pour former un talus devant les digues. Cette défenfe qui n'eft pas fujette à fe corrompre, élevé les flots & les renverfe fur eux-mêmes , de façon que la digue eft à l'abri de leurs fecoufles , & ne fouffre plus de leur effort. Ces Ouvrages prodigieux font l'admiration des voyageurs , & les vers fui- vans rendent fi noblement cette furprife que nous n'avons pu nous empêcher de les placer ici. Tellurem fecere D'à ,fua littora Belgl , Immenfœque patet molis uterque labor. D'à vacuo fparfas glomerarunt athere terras; Nihil ibi quod cceptis pojjet obejje , fuit. rjft Belgis maria ù" terrœ naturaaue rerum Obfuit. Objlantes hi domuere Deos (a). Tout ce pays eft fi coupé de rivières & de Lacs que les Pa- négyrijles traitent les habitans d'Amphybies. Cependant les chemins y font beaux dans toutes lesfaifons , parce qu'ils font élevés fur des chauffées , & couverts de gazons qu'on entretient avec foin. Le terrein de toutes les Provinces qui joignent la Hollande, ëtantbeaucoup plus élevé que fon fol, les eaux y defeendent de tous côtés , & les marées contra- riant le cours des fleuves , forment de fréquentes inonda- tions. Le flux pénétroit fort avant dans les terres , avant qu'on eût creufé des canaux , .& les peuples fe refugioiew: {«) Chryfoftom. Nçapol. de Hçillandis , pa£. n$, • XuT Des Inondations , Digues ; Antiquités , &c. 2j fur des élévations qu'ils a voient confluâtes pour fe préparer un afyle ; la plupart des maifons étoient fur des hauteurs : c'efl: ce qui fait dire aux Anciens que leurs demeures paroif- Xoient tantôt comme des vaifleaux en .pleine mer, & tantôt comme des barques échouées dans la vafe ( a ). L'on ignoroit dans ces premiers tems l'art de conitruire des digues , & les .côtes étoient périodiquement fubmergées , félon la hauteur des marées & le débordement des rivières {b). Les pre- mières furent élevées en 1037 , & l'on n'apprit à leur don- ner de lafolidité qu'en 11 80 {c). La conlèrvation de tout le pays dépendant de leur réfiftance , on créa en 1300 un Çonfeil , dont le Siège efl: ambulatoire. Il s'aflemble tantôt à Leide , tantôt à Delft , quelquefois à Rotterdam. Il efl: .chargé de vifiter ces Ouvrages & de veiller à leur entretien. Ce Tribunal ne fiege qu'en pleine Campagne , & fur les Digues mêmes ; on les nomme Heemraden , & leur Chef efl appelle Dyckgraaf ', Comte des Digues. Ces Digues fuppléent au défaut des Dunes qui manquent Formatfc>a en plusieurs endroits. Les Dunes font de petites Montagnes des Duneu de fable formées par la Nature , ou raffemblées par les vents .qui les promènent en différens lieux. En effet on en a trouvé dans l'intérieur du pays ; & les payfans , en enlevant le fable propre à fertilifer leurs terres , découvrent des yef- •tiges d'arbres & des débris des maiions , qui prouvent que ,ces Monticules ont été tranfportés d'un encfroit dans un autre {d). Nous ne pouvons paffer fous filence un fait que Petit nous Communica- a confervé fans en marquer la date. Sous le règne de Guil- jion fingul«re laume II , Roi des Romains & Comte de Hollande , Enkhuizen & S*averen n'étoient féparés que par un courant qui fe formoit du montant des marées , & l'efpace que cou- vre la Zuiderzee, étoit rempli par des pâturages abondans. (a) Plia. Hift. Nst.Lib. XII. pag. 1*4. (b) Schotan. Hift. de.Frife Lib. I. pag. il. (c) Oudenhov. Dçfcrijiî. de ,1a Sud- Hcjl. pag. il. Schotan. ubifupra. Liv. I. pag- 2. Picart Delcript. de Drenth. pag. 115. (i) Junii Batav. pag. 4. Pariyal Délices des Pays-Bas. pag. iiî. Smidt. Thrér fordesAntiquit.pag. 5 8, ■ Tome h J> 16 Sec t. T. Du Belgium,du Cours des Rivières , Hatman Galama , Gentilhomme Frifon , avoit les terre* dans ce diftritt. Un jour qu'il fe promenoit dans les prés , il apperçut unharangdans une foffe qui n'avoit aucune com- munication apparente avec la mer. Il jugea qu'il falloit qu'elle fe fit fous terre , & que le terrein, iur lequel il mar- choit , étoit creux ; d'où il conclut que fans cède miné par un élément qui détruit les fondemens les plus folides, il ne pouvoit fublifter longtems. Il fe preffa de vendre les biens , 6c du produit il acheta un village que fes Defcendans pofle- dent encore. Sa prévoyance le fervit utilement ; ce terrein fut abîmé peu après , & les vaiffeaux jettent aujourd'hui l'ancre dans cet endroit qui forme une bonne rade (a). SECTION IL De la vraie Situation & de l'Etendue de l'Ifle des Bataves, de Tes Environs & Habitans, de la fon- dation de plufieurs Villes } Si. des Antiquités qu'on y trouve. SOMMAIRE. I. yn 0 NT EST A TIO NS fur V étendue de PIfle des Bd* \^/ taves. Sur fa Jïtuation. IL Sur fes premiers habitant, Vljle abandonnée. Occupée par les Battes. Incertitude de PE- poque. III. Hijloire du Roi Batos. Origine fabuleufe de Ni- megue. Contefiations fur /'Oppidum Batavorum. Si ç'eft Ni- meçue ? Antiquité de cette Ville. IV. Valeur des Bataves. Si- tuation avant ageufe de leur Ifie. Leur Titre de Frères C? Amis de l'Empire Romain. V. Places fortes des Bataves. Batavodu- rum. Arenacum. Vada. Grinnes. Autres Villes des Bataves. VI. Antiquité d'Utrecht. Son Fondateur. Ses révolutions ££ ( a ) Petit. Chron, de Holl. Tenu I. Liv. II. pag. n*. Sect. II. De rijledes Bataves , de Ces habitans, Sec. 27 noms dijférens. Antiquités trouvées à Utrecht. Demeure des Â'îarfes. VII. Antiquité de Leide. Antiquité de la Haye. De- Jlruclions des anciens Châteaux. VIII. Roombourg , Pnetorium Agrippina;. Antiquités trouvées en ce lieu. Particularité s fur la Légion fur nommée Batave. Aile des Singuliers. Autres Anti- quités de Roombourg. IX. Alphen , Albinia. Valchenbourg. Voorbourg, Forum Adriani. Autres rejles de l Antiquité. Ba- îenjîein. Oudewater , Aquae Veteres. Burginatium. Colonia Trajana. X. Demeure des Canninefates. Kennemerland , au- jourd'hui IVeffrife ou Nordhollancle. Conjlitution de ce Pays. XI. Révolutions de laFrife. Contejlations fur la ville de Vé- rone. Particularités fur Egmond. XII. Habitations des Can- dies. Des ThufienSy des Maniaques. Des Frifîabones. XIII. Des Frifons. Leur Origine. Etendue de la Frife. Caractère de la. Nation. Demeure des Petits Frifons. XIV. Gouvernement de cet Etat. Antiquité de Groningue. De Leuwarden. De Stave- ren. Ligue Armorique. Rivage Saxon. XV. Lits des Humes. Autel de Drufus. Les Frifons incorporés dans les troupes ro- maines. Contejlations fur le Bois de Baduhenna. XVI. Habi- tations des Gugernes. Des Ubiens. Des Teniteres. Des Me- napiens. Des Tubantes. Des Chamaves. Des Brutleres. Des Tongres. Des Aduatiques. Des Nerviens. Des Morins. Port d'Iccium (y de GefToriacum. XVII. Ancien Etat de la Zee- lande & de laToxandrie. Prétendue Antiquité de Middelbourg. De Wiffingue. Ancienne ville de Roomerfwaal. Roompot. Antiquités de Dombourg. Déejje Nehalennia. NOus avons vu que le Rhin , en approchant de la Mer, I- . formoit une Ifle d'environ vingt-fept heures de marche fur°n rétendu* dans fa longueur. Avant Cefar le coté droit étoit borné par del'ifledesBaj le bras qui le jettoit dans la mer à Catvyck , & le gauche par le Waal, qui tombant dans la Meule , formoit avec elle ijne embouchure que Tacite cara&érife par l'épithéte dim~ menfe ( a ). Cefar donne à cette Ifle quatre-vingt mille pas eu environ de longueur , & Pline la poulie jufqu'à cent («) Tarit. Annal. Lit), II. Cav.f» Pi] taves. îion. 2.8 S ect. TI. De lljle des Batares, de/es Habit ans , mille, Cette contrariété , quoique légère , & la confufion qui règne dans les delcriptions, que 1 un 8c l'autre nous ont Iaiflécs de la Meufe , du Waal & du Rhin , ont fait croire à quelques Sçavans , que rillc des Bataves ne contenoit que le pays qui forme aujourd'hui l'Ifle de Bommel. Nous avons démontré l'abiurdité de ce fentiment ; & les différences, qui fe trouvent entre Cefar Se Pline , rie méritent pas qu'on s'y arrête plus longtems. Le premier a peut-être pris fa me- iure en droite ligne , pendant que l'autre a fuivi les détours du fleuve. D'ailleurs en difant que l'Ifle a quatre-vingt mille pas ou environ de longueur , Cefar fait entendre qu'il ne prétend pas déterminer abiblument fa mefure. Surfafîma- Il faut donc prendre le commencement de l'Ifle des Ba- taves à la pointe de Lobeck , aujourd'hui le Fort deSchcnck, qui fait la féparation du Rhin & du "Waal , & la terminer de ce côté au Château d'Hélium, que les Romains avoienc bâti à l'embouchure de la Meufe. Il n'eft pas auffi facile de déterminer fa largeur. Les uns la bornent au bras qui con- ferve le nom du Rhin , & qui va à Catwyck ; les autres à celui qui fe joignant à l'Yffel , alloit fe perdre dans les ma- rais de Flevus. Pline femble décider la difputc , en nommant les Châteaux que les Romains a voient bâtis aux embou- chures de ces fleuves. Mais comme il contredit la defeription de Cefar , Jwilus , pour les accorder, coniidére rifle des Bataves fous deux époques différentes , & les déligne par les" épithétes $ Ancienne & de Moderne. Il loge les Bataves dans la première, & fait occuper la féconde par lesCanninefates, & les autres petits peuples compris fous la dénomination générale des Frifons {a). La forme de cette Ifle efl pyra- midale. Les Châteaux d'Hélium & de Flevus forment les pointes ; Lobeck fait la tête, le Waal & le Rhin renferment les côtés, & l'Océan defline la bafe (b). Pline lui donne avec juftice lé titre de Très-Noble , non-feulement par rap- port à là valeur des habitans , mais encore à caulè de fa1 (a) Jun. Batav. Cluver. de trib. Rhen. Alv. Cap. Vî.pag. yo. Pont. Heutery y«er. Gall. Defcript. pag. yo. Pontan.Hift. Gelr. Lib. l.pag* (t i.9) Çont JnTaW.de Peu tingçr, Pontanus ubifup m. ,-r Toridation des failles , antiquités. £9 gfandciir. Elle étoit beaucoup plus étendue que la Holîande ne l'eft aujourd'hui. Elle comprenoit la Betuwe , l'Ifle de Bommel , le Pays d'Utrecht , une partie de la Gueldre , & la Hollande jufqu'à Leide j le relie de cette Province ap- partenoit alors à la Frife(û). Cette Ifle faifoit partie des Gaules , quoiqu' habitée par des Germains ( b ). Auiïi les Anciens la nomment Germanie Gauloife , & la Germanie proprement dite ne commençoit qu'à la gauche du Fleuve ( c ). Son terrein étoit bas & marécageux , & iî fujet aux inonda- tions , que l'Orateur Eumene doute ii on peut l'appeller terre (d).- On ignore quels étoient fes premiers habitans. Dion Cqffiùs iî. dit que les Celtes demeuroient des deux côtés du fleuve ( e ). Sur ff s £re 11 femble que ce nom étoit général à tous les Peuples de tans. l'Occident ; & quelques Auteurs le croyent plus ancien que celui des Grecs & des Latins (/). sfppien fait defeendre cette Nation de Polypheme ; Mêla & Claudien lui donnent une origine germaine. Les Chroniques remontent jufqu'à Gomer, fils de Japhet, & placent les Celtes fur les côtes de la Mer Baltique , le long de la Forêt d'Herycinne. Leurs Colonies panèrent dans les Gaules & dans lès Ef- pagnes, & s'étendirent jufqu'au Détroit des Gades, aujour- d'hui Gibraltar ( g ). L'Epithéte de Irigidi, Froids, qu'on trouve dans le Poète, femble dénoter que ce Peuple venoit de la Scythie , & l'on trouve dans la Langue Celtique , dans le Suédois , le Danois, le François & l'Efpagnol des mots qui fe reffemblent, & paroiffent établir la filiation commune de ces idiomes. Quant aux tranfmigrations , on ne peut difeonvenir que la Gaule Celtique & la Celtiberie ne tirent (a) Ponr.Heuter. Vet. GalL Defcript. pa£. <;$. 6$. (i) Tacit. de Morib. Gcrm. Cap. I. Dio Cafl". Lib. XXXÏX. Cap. 113; ( c ) Ptolom. Geogr. Lib. II. cap. 9. Lib. IV. Cap. f. (a") Euinen. Panegyr. Confiant. M. (e) Dio CafT. Lib.XXXlX. pag. 1 14. Van der HouveChron. Part. II. Lib: III. chap. 4. (/) Voyez Hérodote, Polybe,Diod. Sicul. SuiJas, Euftat. Dion, de Orb» Situ. (g) Plutarch. in Mario, Appian. Lib, I. Dio Caff. Lib. XXXIX Trebel£ ïcllio. in Claud. cap. 4. • 20 Sect. II. DeVIfledesBatavestâefesHabitans, l'Ifle atan- leurs noms des Celtes (a). Ces premiers habkans furent li • ei itraîriés par les Cimbrcs & les Teutons , que l'inondation , dont nous avons parlé , avoit chaflé.s de leurs demeures ; & ils les fuivirent d'autant plus facilement que la mer n'avoit pas épargné leur pays. Occupée par Les Cattes, Peuple puifTant dans la Hefle , ainfi nom- les Battes. m(j ^un Qiar qU'jls p0rCoient fur lcur Ecu ? comme Je Jym. bole de la liberté ( b) , ayant voulu fubjuguer les Battes qui fiifoient partie de leur Nation, ces derniers, pour éviter les troubles domeftiques , prirent le parti de s'établir dans l'Ifle qu'ils trouvèrent abandonnée. Pour conferver le iouvenir dj leur origine, ils donnèrent le nom de la Nation dont ils ibrtoient , à différens endroits , tels que Catwyck , Catten- drecht , Catten-polder , Cattenbroeck , & bâtirent Cardia dans le Pays de Catfund, Ville autrefois célèbre, & maintenant fous les flots ; mais ils conferverentleur nom particulier pour l'Ifle qui fut appellée Batavia. incertitude de On peut rapporter ce nouvel établiffcment au fiecle qui fEpoque. précéda l'Ere Chrétienne ; mais on ne peut faire qua^ drer cette Epoque avec la guerre qu'on fuppofe le motif de leur tranfmigration. Il efl certain que les Bataves formoient in peuple puiifant, cinquante-quatre ans avant Jefus-Chrift , ems où Jules Cefar le montra dans cette extrémité des Gaules (c). Ils s'étendirent même au-delà de l'Ifle entre le Waal & la Meufe. On peut préfumer que ce Capitaine leur abandonna ce diflriél, en faifant alliance avec eux , la :outume des Germains étant d'exiger des terres en récom- oenfe des fervices qu'on leur demandoit. Il efl même pro~ :>able que Cefar ayant chaflé de ce Canton les Ufipetes 8c esTenéleres qui s'étoient emparés des terres des Menapiens % a'eut pas de peine d'accorder un pays fans habitans , dans la (a) Cluver. Germ. Antïqu. Lib. I. Cap. i. Van Leuw. Patav. ÏUuRr. pag. •37. Schligtenh. Hift. de Gin ldr. Liv I. chap. 21 Con1. Juftin. Lib. II. cap. 1. CzC. de Bello Gall. Lib. I. cap. 1. Plin. Hift. Nat. Lib. XXVIII, Cap. n. (J) Junii Batav pag.110. ( c Conf. Csf. de Bello Gall. Lib. IV. cap. 1 0. Pet.ivii Ration, Tempor. Paru II. pag. 79. i Fojidation des filles , antiquités. 3 1 vue d'attacher plus étroitement ces nouveaux Alliés ( a ). Mair. eefentiment ne peut s'accorder avec les troubles inteftins des Cattes, ni avec l'Epoque , puiique ce ne fut que fous l'Em- pire de Néron que les Hermondures obligèrent une partie de ce Peuple de chercher de nouvelles demeures ( b ). Les Chroniqueurs, fans s'embarraffer dans l'examen de ces m faits , racontent que Batos, fils d'un de leurs Rois, fuyant Hiftoïre du les embûches de Panta , fa belle-mere , fortit de fon pays Roi Batos' avec un grand nombre de jeuneffe qui le fuivit volontaire- ment , & vint confulter Menape , Roi des Tongres , dont il avoit époufé la fille , fur le lieu qui lui convenoit pour faire un établiflement. Ces Ecrivains ne manquent pas de donner à ce Prince un vifige agréable , une taille avanta- geufe, une force furnaturelle , beaucoup de courage & d'af- fabilité. Ils le conduifent le troiliéme jour dans l'endroit , où le Rhin fe partage en deux branches , & racontent que Menape averti qu'il approchoit, paffa la Meufe, le joignit en cet endroit , & lui confeilla de bâtir un Fort entre la Meufe & le Waal ; que la Noblefle qui iuivoit Batos , em- braffa cet avis , & qu'elle eut bientôt élevé un Château au- quel on donna le nom de Battenbourg ; que ce Peuple aug- menta dans peu de tems , & que ne pouvant fe contenir entre les deux rivières , il paffa dans PIfle, & bâtit une fécond Fort à l'autre extrémité , auquel il donna le nom de Càtwyck ; qu'il en fit conftruire un troifiéme fur la pointe qui fait la féparation du "Waal & du Rhin , qu'il appella Lobeck ; que ce Prince voyant fon Empire devenir de jour en jour plus vafte & plus floriffant , rélolut de fe bâtir un Palais ; que pour déterminer la place , il monta fur une Colline , où il trouva les ruines d'un Château , & d'où il découvrait PIfle d'un côté & de l'autre un pays coupé de bois & de rivières ; que la beauté de Pafpedt excitant fa curiolîté , il s'informa des Tongres quel Prince avoit ha- bité ce lieu ; qu'ils lui apprirent qu'il fe nommoit Magus j (a) Cxf. deBell.Gall.L;S. VI. Cap. 33. {b ) Tacit. Annal. Lib. XIII. cap. 57. f Su 32 S e c t. II. De l'IJle des bataves , defes Habitant , & que l'es fils avoient quitte le pays pour s établir dans les Gaules ; que Batos enchanté de fa lituation , le rebâtit au O-iginefabu- même endroit , & le nomma Neomagus; qui veut dire nou- JcuidcNime- ycau Palais de Magus , dont par la fuite on a fait NL- megue (a). C'efr, ainft que nos Chroniqueurs racontent leta- blillement des Bataves. Hoofd 8c Vondel , les plus grands Poètes Hollandois, ont pris ce Batos pour le Héros de leurs Poèmes , fans autre fondement que la tradition Se la pro- babilité ; mais cette hiftoire ne fait pas grande fortune avec les Critiques (b ). Ceux-ci fe plaignent de ne trouver ce nom 4ans aucun Auteur approuvé. Ils conviennent que Dion CaJJius parle de deux Batos ( c ) j mais l'un étoit Duc des Boruffes ou Boruffiens dans la Pannonie , l'autre étoit Ca- pitaine des Dalmates , & tous les deux vivoient fous l'Em- pire de Tibère ; d'où ils concluent que ce Prince des Ba- raves n'a exifté que dans l'imagination de ceux qui fe plai- fenr d'illuftrer l'origine de leur Nation par le merveilleux d'une fable. On efl iurpris de voir le célèbre Junius du côté des Chroniqueurs. Le pafTage de Tacite que nous avons cité , pu cet Hiftorien parle de la guerre des Hermondures & des Canes, paroît le déterminer ; mais il n'a pas réfléchi , comme nous venons de l'obferver , que la guerre des Cattes arriva fous l'Empire de Néron , 8c que les Bataves étoient dans l'Ifle du tems de Cefar. Quoiqu'on ignore quand ^comment cette Colonie s'efl établie fur le bord du Rhin , on ne peut difeonvenir qu'elle ne fortit des Cattes ; les noms des en- droits que nous avons donnés, fufnfent pour en convaincre. Quelques Sçavans prétendent même que les ruines qu'on trouve auprès de Catwyclf , font celles du Palais de leurs anciens Souverains ; mais la grandeur de l'édifice qu'elles annoncent, & les débris d'architetture qu'on rencontre, dé- poferjf en faveur des Romains (d). I a ) Gérard. Noviomag.p«g. p. ( b) Voyez Bockemb. Guicciard. Cluver. Heemskerk. Brandir Batos. Douz.a Flud. a Ghild. Pontan. Hift. Gelr, Lib. J. pag. i z. Scnv^r. Bat. Illuîft. P. Lpag. 144. (c) Dio Cafl". Lib. IV. i d ) Dç m» Fil, Ann. HQU.pagj 6. Boskembt de prim. BeJg. Reg. psg. 1 ; Tacite t Fondation des filles , antiquités'! 35 Tacite ne fait mention que dune Ville qu'il nomme Oppi- Conteftatïons àum Bqtavorum { a ) ; Civilis y mit le. feu, après fa défaite., ^r l'Oppidum. Elle étoit affile hors de Plfle fur la rive gauche du fleuve, puif- que ÏHiJlorien dit que ce Général après avoir brûlé ce qu il ne pouvoit emporter, paffa dans l'Ifle. Cependant les Critiques ne conviennent pas que cette Ville fut unique. Les uns fou- tiennent que quoique Tacite ne parle que d'une Ville , il ne s'enfuit pas qu'elle exifta feule. Ils racontent à ce fujet , que Celar , ayant apporté de Rome le Culte & les Idoles de Nova & de Magia , filles de Venus , fonda en leur hon- neur Neomagum & Doesburg ; & qu'à fon retour il avoir pareillement rapporté les Statues du Dieu du Rhin & de Dura , auxquelles il avoit cofitfàcré Rhinmagen , & Durma- gen. Mais outre que ce récit fe refTent de la fable, eft-il probable que Cefar , fi exaiî dans ce qu'il a écrit , n'eût fait dans fes Commentaires aucune mention de ces établifTemens ? Quant à Neomagum, on peut croire qu'il fubfifloit avant la venue de ce Capitaine. Il eft certain que les Bataves poffé- doient alors le pays entre la Meufe & le Waal ( b) , & qu'ils ont pu y bâtir une Ville. Quelques-uns , fur ce que Tacite paroît avancer que Y Oppidum Batavorum étoit l'unique qu'ils Si c'eft Ni- euffent, prennent Nimegue pour cette dernière, & s'ap- megue( puyent fur Ptolomée qui place la Ville des Bataves fur la Meule (c). Nous démontrerons plus bas la faulfeté de cette opinion , & nous tâcherons de trouver la vraie fituation de la Ville que Civilis brûla en fe retirant dans rifle. Ceux qui combattent l'Antiquité de Nimegue , foutiennent que ce nom eft bien plus moderne que le tems des Romains , & même que la Ville ne fe forma qu'après que Charlemagne eut bâti fon Palais. Les autres foutiennent que Batos fut le Antiquité de Reftaurateur de cette habitation , comme nous l'avons dit , cette Ville, & pour prouver qu'elle exiftoit depuis longtems , ils rap- portent une Epitaphe qui leveroit le doute, fi leurs Adver- (a) Tacit. Hift. Lib.V.cap. i?. (A) Conf. Tacit. de Morib. German. Cap. XXIX. Hift. Lib. IV. cap. 12. (c) Ptolom.Gepgraph. Lib. II. Cap. $• Cluver. de trib. Rhen. Alv. Cap. 12. Idem Germ. An'tiqu. Lib. II. Cap.tf. Alting. Not. Germ. Infer. Part. ILpag. 18, Tome I. E I 14 Sec t. TT. Del'Jjle âcsBataves, de fes Habitons ; iaires s'accordoient fur fa ledture. Ceux qui foutiennent l'an-* «ienneté du nom de N&omagum, la rapportent comme il fuit* D. M. G. CLAVDIO PVDENTI. NEOMAG. VET. L E G. X. G. P. F. Mais le Sçavant Gruter qui dit l'avoir copiée fur le Ma?«* fere , la rapporte d'un autre façon que voici : DUS. MuA^ I B V s. C. I VLÎfàQ CLAV. FVDENTI. '-"LuIDoNIA. VET. LEG. X. G. P. F. AN. L. ET. I V L. 7 l V N I O. F. E I V S H. e. O c. (a ). JLa première le&ion porte Neomagum , d'où il fuivroit que' ce nom fubfifloit du tems des Romains ; mais ceux qui fe déclarent pour Gruter , foutiennent que cette Ville le nommoit anciennement Luidonia > 8c que le nom de Ni- megue appartient au fiecle de Charlemagne. Il eft même affez vraiiemblable que Cefar trouvant un porte avantageux dans un pays nouvellement conquis , ait penfé à s'en aflu- rer en conftruifant un Fort , que les Succeffeurs y ay ent ajouté un Camp retranché , & que Charlemagne y bâtiffant un Pa- lais , ait formé la Ville par fa rélidence. Il paroît que ce lieu fervoit de frontière à l'Empire romain par cette Ins- cription qu'on a trouvée fur une de les portes ; HIC. EST. PES. IMPERII. ROMANI. ?, Ici efl le Pied de l'Empire Romain. » Il paroît même que (a) Gruter. InCcript. fol. XLVII. n. i.«#Smetii An:iqu. Infcript. Scriver. Ta- bular. Antiquit. pag. 197, Fondation des Filles , antiquités. • r cet endroit fervoit de Station, pour refaire les Légions que la guerre avoit ruinées. La bonté du terroir Se la valeur des Jhabitans fourniffoient les moyens de réparer les pertes. La dixième Légion ayant paffé dans l'Orient avec Titus , 8c foutenu les guerres d'Arménie, deSyrie &de Judée, enétoit revenue dans un état fi pitoyable , que Vefpafien , pour la compléter , l'incorpora avec une autre qui n'étoit pas moins- délabrée ; & ç'eil ce qui lui fit donner l'épithéte de Jumelle, Malgré cette augmentation on fut contraint de la faire fé- journer longtems dans ce pays, Se la grande quantité de Monumens qu'on a trouvés aux environs de Nimegue , en fournit la preuve, On a découvert dans le dernier fiecle , en? fouillant les terres un Cercueil de marbre, avec ks reftes de deux corps Se l'Infcription fuivante : AVRELIVS, T, F. CAL» VOS. CAL. MIL. LEG. X. GEM. ANN, XL. STIP. XVIII. ET. M. AVRELIVS. T. F. GAL. FESTUS. CALAG. ANN. XXXVIII. STIP. XVII. ET. AVRELIVS. FLAVI. F. FLAVIANVS. LIXA. ANN. XVIII. HIC. SITI. SVNT S. V. T. L. H. F. C Nous ne nous arrêterons pas à donner l'explication de cette, Epitaphe , & nous renvoyons les Amateurs de l'Antiquité, aux Tables de Scriverius Se de Gruter , où ils trouveront un grand nombre de pareils Monumens avec leurs explica- tions [a). Il doit donc demeurer pour confiant, que du tems des Romains Nimegue étoit une place importante , & elle ne perdit rien de fa dignité fous l'Empire des Francs» (a) Voyez Scriver. Tabular. Antiqu. Bat. fc Gruter. Infcripr. Ei) 3 6 Sect. II. De Ulfle des Bataves, de fes Habitons, Elle fervoit alors de limites à la Frite; ce qui eft prouvé par une Inscription qu'on lit fur une autre porte : HVC. VSQVE. IVS. STAVERI^E. La Frife n'étant affujettie qu'au tribut, les habitans appor- toient leurs impolitions à Staveren , & Nimegue étoit des- lors une Ville Impériale, où fc portoit l'argent qu'ils étoient obligés de fournir, & peut-être le nom de Staveren vient de Stoer , Steur , qui veut dire impôt {a,. On le lert en- core de ce terme en Allemagne , pour exprimer les taxes qui le lèvent pour la guerre contre les Turcs , Tmcken-Steuer, On peut conclure de tout ceci que le nom de Neomagum eft très-ancien , & même eh écartant les Fables , dont les Chro- niques ont cru orner fa fondation, que cette Ville a été bâtie & nommée par Batos , ou autrement, du nom d'un ancien Roi qui fe nommoit Magus ; & nous adopterons ce fenti- ment jufqu'à ce qu'on nous prête des lumières plus fûres. Helïus , Ion SuccelTcur , donna le nom d'HelTcnberg à la montagne voifine de cette ville, fur laquelle il bâtit un Châ- teau , & ce Prince y rendoit la juftice à les Sujets ( b ). IV. Pour revenir aux Bataves, quelle que foitleur origine,. Valeur des ies Romains faifQient une eftime fing;uliere de leur Milice , c.mves. ... i i /— i • t , : & principalement de leur Cavalerie. Leurs chevaux etoient dreffés à paiTer les fleuves à la nage fans rompre leurs rangs ,, & la fermeté de cette manœuvre détermina plus d'une fois la victoire. Leurs Cohortes firent la première charge à la ba- taille de Pharfale ; elles étoient fur la flotte romaine à la journée d'Acthim , & les Empereurs connoiffoient fi bien la valeur & la fidélité des Bataves qu'ils recevaient leurs foldats dans la Cohorte Prétorienne , deftinée à la Garde de Situation jeur Corps (c), La communication des rivières qui facilitoit leur Me. * k tranfport des troupes dans toute la Germanie ,. & la com- ' • (a) Pontan. Hift. Gelr. Lib. Lpag. 7. 8. (b ) Conf. Gérard. Noviomag. & Smith. Oppid. Batavor. (O Dio Caff, Lib. X V. JVIurtial, Lib. VI. Epgr. Su Junii Batav. IJJufir. j tinger qui place de fuite , & fur le Rhin , Arenacum , Vada & Grinnes , détermine quelques-uns à donner la préfé- rence à Waardenbourg dans le Thielerwaard ; ceux-ci in- fiflent que Wageningen eft plus moderne, & qu'il n'efl pas fur le Rhin (e) ; mais fon cloignement n'efl pas affez con- fidérable pour détruire les autres circonftances qui militent pour ce fentiment (/). [Urinnes, Les uns veulent que Gorinchem foit l'ancien Grinnes ; les autres font pour Rheenen ; Se les troifiémes le defeen- dent plus bas vis-à-vis les Communes de Remmerten (g-). Grinnes étoit anciennement le nom d'un petit Peuple que l'on prétend Fondateur de Groningue. Mais le voifi- nage du Rhin , où Tacite place ce lieu , ne quadre pas bien avec ce Peuple. Il paroît que les Grinnes habitoient les en» (a) Alting- Notit. Germ. Infer. P. I. pag. S. { b) Idem , ibid. & Defcript.Frif._pag. 1 1. (c) Pontan. Hift. Gelr. Lib. I. pag. j. (à) Conf. Cornel. Aurel. Batav. ubifupra. (e) Schligtenh.' Hift. de Gueldr. Liv. ï.pag. 102. Cluver. Germ. Antiqu. Lib. II. cap. z6. pag. 482-483. Alting. Notit. Germ. Infer. Part. I. pag. 11J. Van Loon Hift» de Holl. Part. Lpag. 149. 183. ( f ) Pontan. Hift. Gelr. Lib. I. pag. 7. {g) Alting. Notit. Germ. Infer. pag. 80. Cluver. Germ. Antiqu. Lib. II. cap; 16. pag. 484- Van Loon Hift. Ane. de Holl. Part.I.pag. 14. virons Fondation des filles, Antiquités; a\ virons du Canal deDruius, & qu'ils occupoient le terrein où l'on a bâti Amersfoort, Wageningen, Arnhcm, Rheenen , Muiden, Weefp, Naarden , Harderwyck , Elburg , Hatten Se Campen. Ils avoient l'Yflel au Levant , le Vecht à l'Oc- cident , le Rhin au Midi , & la Zuiderzee au Nord ; confé- quemment ils tenoient à peu près le pays qu'on nomme au- jourd'hui la Veluwe. L'Yffel les féparoit de Groningue , dont ils étoient à dix-huit lieues ; & depuis l'ouverture du Canal leur pays étoit accru à l'Ifle des Bataves. Le Bourg, dont il efl queftion, étoit lîtué entre l'Yffel & le Rhin , mais fur le bord de celui-ci. Aulli voyons-nous que lorfque Ci- vilis attaqua ce polie, Cerialis étant accouru au fecours avec une troupe de Cavalerie, changea la face du combat , & que Civilis fut contraint de fauter dans le Rhin pour fe fauver à la nage (a). Il réfulte de tout ceci, que Batavodurum, Arenacum , Fada Autres Villes 8c Grinnes étoient (îtués vraifemblablement fur la rive ul- des Batav£S- térieure du Rhin. Mais quoique Tacite ne parle que de ces quatre Bourgs , il faut convenir que dès ce tems ou peu après , les Bataves avoient des établiiTemens qui n'étoiènt pas moins confidérables. Les Itinéraires parlent de plufieurs Villes & Châteaux , entre lefquelles Utrecht tient le premier rang. Les Chroniques , qui peuplent de Géans les côtes des VI. Pays-Bas , racontent à propos de cette Ville, que Granus Ant!^ul,t,e^e & Antonius fuyant la perfécution de Néron , fe réfugièrent «echt.6 ~ dans la Germanie inférieure ; que le premier s'arrêta dans un endroit , où il trouva des fources d'eau chaude dans le voifinage de la Forêt des Ardennes , où il bâtit une Ville qui prit le nom & Aqu.ce. Grani, qui fut enfuite changé en celui d'Aix-la-Chapelle , lorfque Charlemagne y bâtit une Eglife ; qu Antonin fe croyant trop proche des Colonies romaines , pouffa jufques vers l'embouchure du Rhin , où il bâtit une autre Ville , qui fut nommée Civitas Antonina , & que fes defeendans en furent les maîtres pendant cent vingt-un ans (6). Mais peut-on fe perfuader qu'un Exilé • (a) Tacit. Hift. Lié. V. cap. n. (6) BekaHift. Epifcop.Trajed.^a^-. j. Tome 1, F 42 S e c t. 1 1. De Vljle des Bataves , defes habit ans j tn but à là colère d'un Empereur tel que Néron, le foit fait tin a l'y le dans un lieu où Ion ennemi tcnoit l'es principales forces ? Celar qui le premier traverfa le Rhin, avoir, établi des garnilons depuis l'a lource juiqu'à la Mer. Drul'us avoir étendu les conquêtes juiqu'à l'Elbe es. au Wei'cr. Sous l'Em- pire de Tibère, la rigueur, avec laquelle Olonius exigea les tributs , révolta les Frilons , qui l'alTiegcrent dans le Château de^Flevus ; Lucius Apronicus accourutà fon fecours, & calma la fédition. Germanicus, fils de Drulus , acheva de lbumettre tous ces pays. Cecinna vengea cruellement le meurtre de Sanguinius Maximus que les Frilons avoient maffacré. Corbulon appaifa une autre révolte par la mort de Ganalcus -, Chef des rebelles. Avitus repoufla dans les marais eu Septentrion ceux qui avoient oie parler l'Ynel. Pompcjus gouverna tranquillement. La guerre de Civilis , dont la con- currence à l'Empire entre Vitellius & Velpaiien étoit le prétexte, caufa de grands défordres qui furent arrêtés par la valeur de Cerialis (a). Pendant le cours triomphant de ces prolpérités , quelle apparence qu'un lim^le Citoyen chafié de Rome , foit venu bâtir une ville dans une Pro- vince, où les Romains dominaient avec tant d'éclat? Et quel befoin de recourir à un homme obfcur, dans les tems où les grands Capitaines qui commandoient les Légions, dévorent penfer à conftruiredes établiifemens pour l'avantage de leurs Son Fonda- armes ? Marc-Antoine étoit Collègue deCefar dans lesGaules, t£un ■& Junius avec plus de vraifemblance lui fait honneur de la fondation de la ville d'Utrecht; cependant s'il eût co'nfulté les Commentaires de Cefar, il auroit appris qu'Antoine n'approcha jamais des Pays-Bas. Il eit donc plus naturel de compter Utrecht entre les cinquante Châteaux que Drufus éleva fur les grandes rivières pour s'affurer de leurs cours; & ce Prince à pu donner à celui-ci le nom de fa femme ou de fa fille , qui l'une & l'autre s'appelloient Antonia (è). Ses réyolu-; On ne fera pas furpris que cette ville ait fouvent changé (a) Voyez CxC. de Bell. Gall. cap. XXI. Dio Cad". LikLV. -Fier. Epitorji» Ammian. Marc. Lib. II. {b ) Heda Hift. Pontif. Trajeâ. cap. lll.pag. ïo. Fondation des Filles ', Antiquités: 43 de nom, fi Ton confidére fa pofition. Egalement expofée aux tions & noms inondations & aux invafions des Barbares , elle fut plus dlfferens* d'une fois détruite & réédifiée , tantôt d'un côté du fleuve , & tantôt de l'autre. La néceflité d'afTurer un paflage fur la frontière obligeoit à la réparer, & chaque Reftaurateur fai- fiffbit l'occafion de perpétuer fa mémoire , en changeant quel- que chofe à ion nom. Les Wiltes & les Slaves la renver- lerent fous l'Empire de Valentinien , & fortifièrent un Camp fur la rive droite qu'ils nommèrent "Wiltenbourg. Les Ro- mains , s'en étant rendus les maîtres , la rétablirent dans fa première place, & l'appellerent Trajeclum IViltingiiim ; mais nos Critiques ioutiennent que ce nom appartenoit à l'éta- bliflement des "Wiltes , dont on voit les ruines trois cens pas au-deflbus, & nomment la nouvelle Ville Trajeftum Ulpii du nom d'Ulpius Trajan , fon Reftaurateur (a). Alting croit qu'on doit attribuer le nom de Trajettum à Dagobert , Roi des Francs Orientaux , qui prit ce Château fur les Rois de Frife , & fit conftruire au-deflus une ville qu'il nomma Olt-treEl ; ce qui veut dire Ancien Trajet (b). Mais ce fen- timent efl détruit pari' 'Itinéraire d'Antonin, où l'on trouve ce Fort déligné fous le nom ^Ultra)e6ium. Pourpaffer à des fie- cles moins obfcurs , les Normands ayant renverfé cette Ville de fond en comble fous le Pontificat d'Hunger, Balderic, l'un de fes Succeffeurs , fe fervit du crédit qu'il avoit auprès d'Othon II , dont il avoit été Précepteur , pour obtenir les fonds néceffaires pour la conftruire. Mais la plaça-t'il fur le terrein où elle avoit été ? Ceux qui l'affurent , rapportent une Donation en faveur de Frédéric , fon feptiéme Evêque , dans laquelle il efl fait mention du Rhin& de la Leck. Cette Donation parle de la Leck comme d'un ruiffeau , qui fortant du fleuve , prend fon cours entre Amerongen & Wyck te Duurftede , & va fe perdre dans l'Océan vis-à-vis de la Brille. Elle dit enfuite que le Rhin paffe à Leide , & fe rend à Catwyck dans la Mer du Nord. Ils infiftent donc fur les rapports de cette defcription avec la polition de la (a) Cluver. de trib.Rhen. Alv. cap. XVI. pag. ijt, (k) Alting. Defcript.Frif.pa£. 177. Fij \ 44 Sect. IL Del Ifle des Bataves, de fts habitant , nouvelle Ville ; ils montrent les véftiges de cet ancien lie du fleuve à l'Eft & au Sud des murailles ; il y en a même qui fbutiennent que du tems des Romains le Rhin paffoit en cet endroit ; qu'on y doit placer le Port de Nabaiia ou Navalia , dont nous avons parlé ci-defliis (a) , 6c où les Bretons amenoient les bleds qu'on tranfportoit dsns lesdaux Germanies : ils allèguent pour preuve les ancres & les au- tres inftrumens néceflaires à la navigation qu'on déterre fouvent dans cet endroit. Ils prétendent que la Ville étoit très-confidérable du tems des Romains , & fe flattent de le démontrer par le nombre des Inicriptions & des an- Anuqu;t'scicns Monumens qu'on a fouillés dans les environs. Enfin Utrech*. * ^s s'appuyent fur une foule de Médailles ; la première eil d'or , & repréfente Adrien couronné de lauriers , avec l'Inlcription I M P. LAVR. VERG. AVG. P. III. COSS. II. ,& fur le revers FOR T. RED. La féconde du môme Empereur eil de cuivre, la troifiéme efl de Do- mitien , avec Pallas fur le revers. On lit fur la quatrième EG. M EL. C E G. La'cinquiéme repréfente la Victoire, & le nom de Rome fe trouve dans l'Exergue. Les autres , dont le détail deviendroit ennuyeux , font de Néron , de Trajan , des Antonins , de Verus & d'Agrippa. La plus remarquable qui efl d'un or pâle , repréfente Néron d'un côté , de l'autre une Fortune debout , & Ceres afllfe (6). Le grand nombre de ces Antiquités fait conclure qu'Utrecht étoit alors le lieu le plus fréquenté par les Romains. Ce- pendant nos meilleurs Critiques prétendent qu'il n'y avoir alors en cet endroit qu'un Camp & un Magafln; que dans la fuite les Négocians y bâtirent quelques maifons; mais que la Ville ne s'en formée que fous les Rois de France, par l'af- fluence des Nouveaux-Convertis attirés par les prédications des Millionnaires , qui étoient établis dans ce lieu , & que lesMaires duPalais avoientloin d'appuyer par de bonnes gar- nifons , afin de les mettre à l'abri des infultes des Idolâtres ( c ). ( a ) Voyez ci-dejfus pag. 7. (£) Beka.uHfupra.pag. 3. (cj Heda ubifupra. Cap.hpitg. j.Bucliel.wHedam. cap.l.pag^Ti Fondation des Filles , antiquités. 45 Cette Ville étant affile fur la branche du Rhin qui coule au milieu des deux autres , ceux qui foutiennent qu'elle ter- minoit Fille des Bataves,veulentlefaireun titre du tems que les Priions l'ont pofiedée ; mais il eft certain que depuis que Drufus eut détourné le cours principal des eaux dans l' Y fiel , tout le diftriâ: qui fe trouve entre cette rivière & le bras mi- toyen , accrut à l'Ifle ; & Ptolomée qui compte les Frifons en- tre les Nations Germaines , les afieoit depuis la rive fepten- trionale du Rhin, c'eft-à-dire , depuis l'Yfiel, jufqu'à l'Ems. Demeures Les Maries occupoient félon quelques-uns le pays entre °esMar["' le bras du milieu & l'Yfiel julqu'aux embouchures de ces Rivières. L'Itinéraire à Antonin leur donne Metila pour Capitale , que Germanicus renverfa de façon qu'on n'en trouve aucun vertige [a). L'origine de ces Peuples , & le lieu qu'ils habitoient, donnent beaucoup d'exercice à nos Sça vans. Les uns les tirent de l'Italie, &fuppofent qu'ils fe révoltèrent contre les Pifans l'an 662 deRomeious le Confulat deSextus Julius Cefar & deMarcusPhilippus ; qu'ils remportèrent une grande vi£toirefurRutilius qui fut tue dans le combat (b); mais que Pompée qui prit le commandement de l'armée romaine , les ayant défaits en plufieurs rencontres , les força d'aban- donner l'Italie, & de chercher une habitation dans la Ger- manie inférieure (c). Les autres rejettent cette hifloire , & les font arriver avec les Cattes, leurs voifms. Ceux-ci les logent dans la Gueldre & dans l'Evêché d'Utrecht aux environs du Canal de Drufus ( d ) , & ceux-là à Maarsberg , à Maarspoort & à Maarlaker , fans cependant en produire d'autres preuves que l'analogie des noms (e). yir, Leide eft fans contredit la Ville des Bataves la plus an- Anti'q«i£é de cienne après Utrecht. Ptolomée la nomme Liigdunum Bâta- vorum ; & Yltineraire qui fut dreffé fous l'Empire de Va- \a) Cluver. de tribus Rhen. Alv. cap. XVI. pag. 131. Pontan. Hift. Gelr. Lit. I. pag. 16. (b) Tite-Live Dec. VII. §. ^.Flor. Epitom.' LU. II. Cap. 6. Orof. Lié. V. Cap. 18. Appian. de Bello Civil. Blcndel. Ital. Iliufhr. c ap. zz. (c) Conf. Beka uiifupTa. cap. II. pag. 8. (d) Picard Defcript. de Drenth. cap. XXVI. pag. 106. Fonran. Hift. Gelr, Lih. l-pag. 23. ( e ) Junii Batar. pag, Cj. Scbligtenh, Hiil, de la Gueldre. pag. 1 S?» Leide. V q.6 Sect. IL Del'IfledesBataves,defeshabhans; lencinien III , l'appelle Caput Germanorum, le Chef-lieu des Germains. Cette Ville défendent la pointe déride du côté de la Frife , comme Nimegue la gardoit du côté des Gaules. Son Château qu'on nomme le bourg , paroît un Ouvrage des Romains, bâti, lelon quelques-uns, vingt ans avant l'Ere Chrétienne (a). Les autres l'attribuent à Engift , fils d'un Roi de Frife , qui chafle de la Grande-Bretagne, fît conflruire ce Fort pour entretenir communication entre les Etats de fon père & cette lile , où il s'étoit fait un établif- fement. Les premiers foutiennent que ce Prince ne fit que Je réparer , & les Connoifleurs croyent diftinguer encore , ce qui fubfifte de l'Architecture romaine , de ce qui fent la conftruction gothique (b). Ce Château eft bâti dans une Ifie que le Rhin forme au milieu de la Ville , & fur une ef- pece de montagne qui paroît un ouvrage de main d'hommes. On y trouve un puits d'une profondeur furprenante , dont l'eau eft douce ; mais en petite quantité. On prétend que ce Fort avoir autrefois une communication fouterraine avec un Camp retranché que les Romains avoient confinait au- près de Catwyck ; mais l'impoffibilité faute aux yeux dans un terrein bas & marécageux , tel que celui qui continue de cette ville à la mer. L'enceinte de ce Château fubfifte ; elle forme un Cercle , & le haut des murs eft crénelé. On a planté dans l'intérieur des vignes & des arbres, enforte que la colline n'eft plus qu'un Verger (c)„ On voit encore au Nord de l'E- glife de Saint Pierre les murs d'un vieux Château , dont les pierres font d'une grande largeur , très-épaiffes & liées par des crampons de fer. C'étoit , félon la tradition , le Palais du Préteur ; mais fi l'on en croit les Critiques , c'étoit l'en- droit où les Danois recevoient les impôts qu'ils avoient éta- blis fur la Frife. En effet on ne reconnoît rien dans ce qui fubfifte , quife refTente de l'Architecture romaine ; quelques- (a) Oudaan PuifT. Rom. pag. z<;. Orler Defeript. de Leide. Part. I. pag. 34» Junii Bnuv.pag. 4$ 1. Van Leuwen Bat. Illuftr. Prœfat. pag. 8. Guicciard. pag. 107. (i) Buchel. in Hedam. cap. IV. pag. 13. (c) Conf. Cornel. Aurel. Batav. Lib. î.pag. 9?. Cluver. de trib. Rlien. Air» •op. XV. pag. m. Scriver, Tabular. Antiquit. Batav. pag. 23X. Fondation des filles , sfmiquiiés. 47 uns fe perfuadent que les premiers Comtes de Hollande ré- fidoient dans cet édifice (a). Il faut convenir que les Ro- mains ont long-tems féjourné dans cette partie de la Hol- lande. Les ruines des Châteaux qu'on voit aux environs de Leide & fur les bords du Rhin , & les Monumens qu'on y trouve journellement en fouillant la terre, en font des preu- ves convaincantes. Entre les Antiquités qu'on y conferve , nous ne pouvons Antiquité & nous empêcher de parler de celle qui femble prouver que la IaHiye» Haye fubfiftoit auffi dès le tems des Romains. Nous la rap- porterons telle qu'elle eft écrite : . S. NERVAE. TRAIA. CAES. GER. JDACICO. TRIB. P. PP. CONS. V. LVCENSIVM. PRAEF. TRAIANO. TRIB. PO. LVCENSIVM. (6). La Haye fenommoit alors Lucenfium Aufpicium(c). L'éthy- mologie de ce nom embarrafTe les Sçavans. Les Grammai- riens le font dériver de Lux , lumière. Les uns l'expliquent par antiphrafe, à caufe de Fobfcurité des Bois qui étoient en- tre Leide & la Haye ; & les autres parce que la lueur des flambeaux & des feux qu'on allumoit pour les facrifices , per- çoit à travers les arbres ; ce qui faifoit donner le nom de Luci à tous les Bois confacrés au Culte des Dieux. Pour ne lailfer aucun doute fur l'ufage auquel ce Bois étoit deftiné , ils ajoutent que Civilis le choifit pour affembler les Chefs des Nations Germaines, lorfqu'il forma fa Conjuration. Mais eft-il vraifemblable que ce Capitaine , le plus délié des Bar- bares , ait pris pour un pareil rendez-vous un endroit en- touré de ftations romaines ? & ne doit-on pas plutôt penfer qu'il affembla les Conjurés dans les Ardennes , ou dans un ( a ) Oudaan Puiïïanc. Rom. Introd. à l'Hift. du Rhinland. pag. ??. Van Leu- Wen Batav. Illuftr. pag. i z. ( b ) Corn. Aurel. Batav. Lib. I. pag. t oo. Conf. Pighii Hercul. Prodic. (c) Oudaan PuifT. Rom. pag. 16. Ryckius in Herc. Prodic. pag. 4J. Barland Hilt. Com.pag. 41. Scriver. Batay.pag. 6u 48 i> e c t. ii. ue l'IJle des Bataves , de/es habit ans ; autre bois éloigne , d'où l'on pouvoit le fauver facilement , en cas que le my Itère fut découvert. ( a) La Haye le nomme dans le pays s'Gravenhage , qui veut dire : Demeure des Comtes , & quoiqu'elle loit en effet la Capitale des Provinces- Unies , elle ne jouit que des privilèges de Bourg. Aucune autre Ville ne l'égale en dignité. Les Etats Généraux y ren- dent ; ceux de Hollande y tiennent leurs Alfemblées , 8c c'eft le féjour des Ambaffadeurs , de la Nobleffe & du Stad- houder. La fituation du lieu plut à Guillaume II , Comte de Hollande , & Roi des Romains. Il y bâtit un Palais & y fixa fa demeure vers 1250. Le Siège de la Souveraineté avoitété ambulatoire juiqu'alors ; les Etats fe tenoient louvent à Gra- velande, ville du Delfland très-floriflante avant qu'une tem- pête eût comblé fon port (b). Ils s'affembloient auffi à Al- bertsberg , Maifon de plaifance bâtie par Florent 1 1 , dé- truite par Florent le Noir, frère de Theodoric V , & rele- vée par Florent V. On y mit alors un marbre , fur lequel on lit: HIC.QVONDAM.HOLLANDI^.CVRIA.(c). Deftrufiion Un grand nombre de Châteaux de ce pays , foit bâtis par des anciens jes Romains f ou par les premiers Comtes de Hollande, ont été détruits pendant les troubles des Hoekins & des Cabe- liaux, Factions qui ont caulé de grands défordres dans la Hollande & la Zeelande. Vin. Les plus anciens ont été renverfés par les Normands. Roombourg. Roombourg que l'on croit le Ro?nce Burgum , eft de ce nom- Prétoire d'A- bre. C'étoit vraifemblablemcnt le Prétoire d'Agrippine que gnppmc. ia Taijie de Peutinger place à deux milles de Leide. Sa fitua- tion & le grand nombre d'Antiquités qu'on a trouvées dans (a) Conf.JuniiBatav. cap. XIII. pag. zpf . Schligtenh. Hift. de Gueldr. Liv. I. pag. 37.Lib.lI.pag. 1 r. Cluvcr.de trib. Rben. Afo.cap. XVlll.pag. ijo. Ejufd. Germ. Antiqu. Lib. II. pag. 196. Alting. Notit. Germ. Infér. Pari- l.pag. 103. (b) Barland. Hift. Comit. Hoh.pag. 41. Goudhoev. Chion.pag. 43. Scriver. Bauv. pag. 61. (c) Junii Batav. pag. ? 01. Alting. Defcript. FtiC.pag. 78. Conf. Matth. AnaL. Vet. j£vi, Tom, VI. pag. 100-107. fes Fondation des Villes ', Antiquités. 4^ fes ruines , autorifent cette opinion (a). Cependant quel- ques Auteurs confondent ce lieu avec le Magailn ou l'Al- iénai que nous avons dit avoir été à Britten ; mais il faut convenir , à juger par le Plan que nous en avons donné , que ce Château paroît bâti pour fervir de Magafin. Ses forti- fications & la commodité de fa fituation à l'embouchure du Rhin fuffifent pour indiquer fa deftination , & celle deRoom- -bourg convient mieux à l'habitation d'une PrincefTe. Au fur- plus ce dernier établiffement étoit confidérahle, & l'Infcrip- tion qu'on a trouvée fur une pierre où tiennent les pieds d'une Statue , nous perfuade qu'il y avoit un Amphithéâtre dans ce lieu. MARTI. V I C T. GLADIATORES. L. G. P. F. Ces quatre Capitales marquent que le foldat vainqueur ctoît de la Légion gemelle , pieufe, heureufe (b). Un lieu de ipe£tacle ne convient gueres qu'à l'endroit où la Cour fé- journe & dans les grandes Villes, où l'opulence exige qu'on occupe Toifiveté des habitans. .11 efl aufli probable qu'Agrip- pine,'PrincerTeimpérieufe & fuperbe , voulant montrer aux Germains le crédit qu'elle avoit fur l'efprit de Claude, épuifa la magnificence romaine pour décorer le lieu qu'elle habi- toit. Ce même elprit l'a voit portée à faire conduire dans la ville des Ubiens une Colonie romaine, & elle venoit de lui donner fon nom. Au refte il paroît qu'un grand nombre de Romains étoient établis dans Roombourg , ;& ^que ce lieu étoit iîtué fur le bord du Rhin à l'oppofite de Leiderdorp * près de Rhinsboufg, à environ une lieue de Leide (c). Les Antiquaires ont peuplé leurs Cabinets des raretés Antiquités ( it) Cluver. detn'b. Rhen. Alv. cap. XVI. Ahing. Notit. Germ. Infer. Part. I. pag. 11. ' C#)'Scnver.rTabii'hf. Aiàiqû: Bsiiv: -pag. 119. Smet. Antïqu. fol. XXVI. Gruter. Infcript./o/. LVIII. num. 6. ( c] Cluvec. de tirib. Rhén. AW„.ParïU. Cap. XI. pag. 19. Pars Defcript. de Katwyck, dans la Préface. Antiqu. de Katwy«k pag. t6. Van Leuwen Batsv. Illuftr. pag. 48. Tome /. G ■- 50 S ect. I T. De VJJle des Eataves, defes Habitant, trouvées en ce qu'on a fouillées dans ces ruines. On a trouvé un grand nom» k*"' bre de pierres gravées, des bronzes, des ftatucs de marbre, des inferiptions , des lampes iépulchralcs , des armes de toute efpece, des inftrumens pour tous les Arts & tous les ouvra- ges , des vafes pour les facrifîces, de la vaiffelle , & un grand nombre de médailles de differens Empereurs. On montre celle de Sextus Othon , père de l'Empereur de ce nom ; une autre de Galba , fur le revers de laquelle efl une femme qui repréfente la Concorde ou la Providence. La troifiéme eft d'Adrien , au dos de laquelle eft une VidoircOn conlerve le Frontifpice d'un Temple dédié à Junon" & à Pallas par Fie vus Peregrinus , qui vivoit ious le Conluîat des deux Sy- ianus ; ce qui remonte à l'Empire de Commode. On garde de même l'Infcription d'un. autre Temple confacré à Jupiter,,, à Ifis & à Serapis , & quelques morceaux du Lycoftraton ou Pavé Mofaïque de ces Edifices. Les fondemens du Temple de Jupiter fubfiftent encore , & les pierres en font fi dures qu'elles brifent les marteaux (a). Particularités On a déterré depuis peu dans cet- endroit un piedeftal^ tc^S°n^ lequel on lit: Mattvt. F O R T U N vE. COHOR T T. BATAVORU M...&C- & l'on conferve à Rome un marbre brifé , fur lequel on ne distingue plus que ces trois mots : - LEGIQNIS. X. BATAVORU M (&').. "II eft queftion ici de la même Légion dont nous avons parlé , & comme elle féjourna long-tems dans ce pays pour fe rétablir , elle prit de fes recrues le titre de Batave ; mais" elle n'étoit pas feule formée de cette milice. Les Epita- pjies qu'on -rencontre, dans toutes les Provinces de l'Emr (a) Oudaan Puifl". Rom. pag. i6. Ryckius in Hercul. Pfodit' J4g« 4f« FM» 3 Ghild.yùr Cluver Pars Ihpag. y 4. (i) Giuter. fol, DXIJII. num. 1 1. ' fondation des Filles , Antiquités. . 5 1 pire , prouvent la préférence qu'on açcordoit auxfoldats Ba- taves, & l'eftime particulière qu'on en faifoit : l'Aile diftin- guée par le titre de Singulière n'étoit compofée que de Cava- Aile des Sta liers de cette Nation. Les Romains divifoient leur Cavalerie gulie«. par Aîlcs, & les nommoient ainfî parce qu'ils les diftri- buoient fur la droite & la gauche de leurs batailles , tant •pour fondre fur l'ennemi , que pour appuyer leur centre qui n'étoit que d'Infanterie. Quant aux Epitaphes , on conferve à Rome une pierre fur laquelle on a gravé un foldat mou- rant fur fon lit , avec un trépied & un enfant qui tient un fer- pent, &onlitau-deflbus: D. M. T. AVRELIQ. T. F. VLP. NOVIOMAG. VINDICI. E Q. S I N G. I M P. N. T V R. AEL. VERECVNDI. VIX. AN. XXIL MIL. AN. XL T.AUR.PLACIDVS HERES. AMICO OPTIMO. F. C. (a). On a trouvé les deux fuivantes fur le Mont Efquilin ; CANDIDINIVS. SPECTATVS. E Q. S I N G. I M P. N. N A T. BADAVS. VIXIT. ANNIS. XXX. STIP. XL TVR. PROCLINI CVR. GENIALL,, . . V I N D I C E . . . , Et l'autre i CANDIDINIVS. VERAX. E Q. SI NG. I M P. N. N. BADAVS. VIXIT. ANN, U) lien fol. DXXXII. nui*. 9. Gi/ j2 S e c T. 1 1.. De Vljle des Eataves, defes Habitans, XX.STIP. VI. T. PROCLINI CVR. CANDIDINIO. SPEC- TATO. FRATRE IPSIVS (a). Et cette autre dans la Pannonie : ALBAN. BALVI. F. DEC. ALAE. AVGVSTAE. ITVRAEO RVM. DOMO BETAVOS. AN * N O R. X L I I. STIPENDIOR. XX. HICSITVS. EST. TITVLVM ME M. POSS. TIB. JVLIVS RÈITVGENVS. ET L V C A N V S. D E C. ALAE A V G. ITVRAEORVM (b). Ce qui prouve que les Bâta ves etoient incorpores prefque dans toutes les Légions. Nous ne finirions pas , fi nous vou- lions rapporter tout ce que les Antiquaires nous onteonfervé à ce fujet ; nous nous contenterons d'expliquer laconique- ment.quelques abbréviations de celles qui le trouvent dans les Monumtens que nous venons de rapporter. EQ. SING. dénote E<\uès Singularis, Cavalier de PAîle des Singuliers ; IMP. N.' Imper atoriï Nojl ri. NN. Nofirorum. BADAVS. Batavus , ces mots étoient fynonimes dans l'âge mitoyen» STIP. Stipendiarius.{ Nousobiérverons que lamonnoye dont les Empereurs payoient les M"ilitaires , étoit de cuivre , & que cet ufage* fubfifta" jùfqu'à ,la'fin de l'Empire. TVR. Turma* CUR. Curante. ece.{c). Antres An- On a encore découvert à Roombourg une Statue de Pallas , tîquités de deux Lions, d'airain, & le Squelete d'un Géant, dont l'os de Roombourg. . (a) Gmter.lk&nptJfo}. LXXV. mm. é.Striy. Tab. Antiquit. Batav. pag, 10?. r ( b ) Gruter.ihfcrîpt.'/oi. DXIX. nurti. 5; Scriver , ubi faprà. prtg._ 107. (c) Scriver. ibid.pag. 204. Conf. Varro Fragm. LilulL &.dcXingua LauLià» IV. Item L. 27 B. de.y etbor. fignific. VII. * fondation des Filles , antiquités. 5 3 la jambe & celui de la cuiffe font de la hauteur d'un homme ordinaire ; une coupe cifelée avec délicatefle , fur le pied de laquelle font ces mots : IMP. DOMITIANI. ET GERM. COSS. XI. Des lampes , des vafes de terre & plufieurs Bas-reliefs, en- PUnchein. tre lefquels on diftingue une pierre à trois faces ; fur l'une efl %• 3- 4. la Victoire appuyée iur un bouclier & tenant une Couronne ; Fl *?' iS fur l'autre on voit un Aigle déployé monté fur un CrouTant ; la troifiéme porte une Infcription. La grande reffemblance de cette pierre avec les pierres ponces a fait imaginer qu'elle avoit été long-tems dans la mer , & qu'elle fort plutôt des ruines de Britten que de celles de Roombourg. On en mon- tre encore une autre gravée des quatre côtés , elle repréfente Kg. 4. fur une face Hercule appuyé fe repofant fur fa mafîue , de l'autre une Vicloire , dont le pied efl: fur une boule , la tête d'un Vieillard fur le troifiéme , & fur le quatrième efl écrit : AVOVST. BATAVORVM. P. On a encore un Cachet Sénatorial de cuivre fur fon piedeftal, Planche III. & une flatue femblable , qui repréfente Minerve tenant d'une Fl&' u main fon Oifeau, & de l'autre vraifemblablement une lance qu'on ne voit plus. On montre des tuiles , des goutieres , Planche II. des carreaux de différentes formes , & des clefs , dont quel- ^/ancÂe III. ques-unes ont un cachet fur l'anneau. Les Romains avoient Bg.i. coutume de l'imprimer fur leurs meubles. Ce foin regardoit là Mère de famille ( a ) , & pour avoir toujours fon cachet prêt ', elle le faifoit fouder à la clef principale. Celui dont. nous parlons , efl d'airain , & repréfente un ancre entouré d'épis de bled. La plupart de ces anneaux , quoique détachés des clefs , font de fer : il n'étoit permis qu'aux Chevaliers Romains d'en porter d'or ; mais fur les derniers tems- on fe ( a ) Plin. Hift. Natur. Lib. XXX VU. 54 Sect. II. De rifle des Batavcs, defes-Habitans, relâcha de cet uiage. On remarque furtout un Vafe ,, dont la matière eft blanchâtre. Il a une anfe , Se la tète d'un ani- mal lui iert de verfoir. L'ouverture eft ii petite que la liqueur .ne peut en fortir que goutte à goutte ; ce qui fait préiumer qu'il fer voit aux Libations. Les médailles de Caligula,dc Germanïciis , d'Agrippinc , de Drufille & de Livie , décou- vertes en ce lieu , ibnt les plus eftimées par les Curieux ( a ). IX- Le£ ruines d'Alphen ne iont qu'à un mille de Roombourg. Alïink. Quelques Sçavans veulent que ce fait Aïbinia } qui fût bâtie par Albinius., Préfet des Gaules ; fi l'on confulte les Itmerai- res , les diftances s'aeextrdent avec ce lieu ( b ). D'autres l'at- tribuent à Alphenus Varus , qui félon leur fentiment , éleva cet édifice pour fervir d'entrepôt aux bleds qui remontoient leRhin(c). Vikken- On a trouvé à Valckenbourg plufieurs Médailles de Ca- *ourg. ligula & de fes fucceffeurs à l'Empire : preuve certaine que Yçs Chroniques k trompent, lorfqu'.elles attribuent la fonda- tion de ce Château à Valck , fils de Juncker , Roi de Frifç. Ce Prince eft le même auquel elles donnent des oreilles dvâne. Il femble que cette fable doive fon origine à une Médaille d'Aurelien , que le tems a rongée de telle forte que les Chro- niqueurs , prenant les feuilles de laurier de fa Couronne pour la.pointe de fes oreilles , ont appliqué à ce Monarque î'hii- toire de Midas &ia conftruction.de cet édifice (d). Voorbpurg. Il en eft qui confondant Valckenbourg & Voorbourg , jF.rumAdnam. \c cr0yent le Forum Aàfiarii , mentionné dans les Itinéraires. Le terme de Forum défigne un Marché -plutôt qu'un Châ- teau ; & l'Empereur Adrien qui cherchoit à rendre le com- merce floriflant dans la Balle-Germanie (e) , fongeoit à bâtir des Halles pour attirer les Négocians, plutôt qu'à con- (a).Sçriver. Tabul. Antiqu. Batav. pag. -141. Junii Batav. pag. i8f. Co.rrf, Lowthorp Abrégé des Tranfaift. Philof. To/n. III. pag. 442. ' (£) Cluver. detrib. Rhen. AIv. Cap. XVIII. pag. 131. (c) Oudenho'v. pag. 29. Qrler^Defcript. de -Leide pag. 22. ParsJDe&npt. de Katwyck ,pag. 33. Van Leuwen BataY. lïluftr.pag. ^S.Oudaan Puiflànc. Ronr p'ag.xo. ( S e c t. I T. De l'IJle des Bataves , defes Habit an s , truie fwefqu^entiérement ces Monumcns. Quelques établiffc- mens plus modernes le font cependant élevés fur leurs ruines. Ptolomée parle d'un Temple conlacré à Diane fur les bords B.itenftdn. du Rhin ; le Château de Batenflein , aujourd'hui Vianen , efl: conftruit fur les fondemens : ce nouveau nom a pris naif- fance du mariage de Beatrix , fille du neuvième Comte d'Eg- mond, qui épouia Gifelbert de Langoye, Comte de Via- nen. Plufieurs Ecrivains avancent que le Château qui (ub- fifle , fut bâti de la rançon) du Comte de Saint Pol , de- meuré prifonnier lorfqu'E douar d , Comte de Gueldre , & Venceflas , Duc de Brabant , furent battus par le Comte de Hollande ( a ) ; mais les époques combattent l'autorité de ces Hiftoriens : la bataille dans laquelle le frère du Duc de Brabant demeura prifonnier , fe donna en 1376 , & le Châ- Oudewater. teau fubfifloit dès 1372 (b). Oudewater eu fans contredit Ajux -Veteres. X Aaux-Veteres des Antonins ( c ). On ne s'accorde pas de Burginatium. même au fu jet de Buuren. La\vxs le croit le Burginatium dont les Itinéraires font mention ; mais ion voifinage avec Arnhem contredit ce fentiment. Merula ne rencontre pas plus jufte , CohniaTra- en prenant Haremberg pour la Colonia Trajana. Il femble j*na. qUe ces deux ctablilfemens étoient plus bas fur le Rhin , & nous nous rangerions plutôt du côté de ceux qui nomment Burch ou Burderich , iitué à l'oppoiite de "Wefel ( d ). X. Après avoir fuivi l'Ynel & le Rhin , il efl néceffaire , pour Demeure des découvrir l'ancienne demeure des Canninefates, de revenir à Cmmnefates. ja branche du fleuve qui defeend à Leide. Ce Peuple , qui s'étoit établi dans l'extrémité de l'Ifle des Bataves , fortoit-il aufli des Carres ? Il efl certain que quoique moins nombreux que les Bataves, les Romains qui faifoient le même cas de leur valeur, les avoient alfociés aux mêmes privilèges : en- forte qu'ils n'étoient aflujettis qu'au fervice militaire (e ). Si quelques contrariétés apparentes dans Tacite embarraflent (a) Junii Batav. pag. 4?. (b) Annal. Trajeft. apudMàtth.ibid. Tom. II. pag. 76. (c) Conf. Bockemb. in Pontif. Traject.pag. 16. (d) Pontan. Hift. Gelr. Lib. I. pag. 7. ( e ) Tacit. Hift. Lib. IV. cap. 1 j. Pïin. Hift. Nat. Lib. IV. cap. ïî fur Fondation des filles , s?7itiquiters. 57 fur la fituation du pays qu'ils habitoient , il efl vraifemblable qu'ils croient voifins de la Mer , & la défaite de la flotte qui avoit tranfporté la quatrième Légion de la Grande-Bretagne , en efl une preuve bien concluante (a). Cet Hiflorien dit ce- pendant ailleurs que les Bafaves s'étendoient jufqu'à l'O- céan ; que Civilis envoya des Ambaffadeurs aux Cannine- fates , pour les engager à entrer dans fa Ligue ; & que lors- qu'ils vinrent à fon fecours , ils ammenerent les Frifons leurs voifins. S'ils euffent été dans rifle , l'Ambaffade étoit inu- tile , & comment concilier leur voifïnage avec la Frife ( b ) ? Les uns croyent fauver ces difficultés en plaçant les Gannine- fates depuis Wyck te Duurftede& Leide jufques à Catwyck ; ce qui comprend Goude, "Woerden , Montfoort , Yffel- flein , Utrecht & Cuilenbourg ; mais il efl confiant que les Bataves occupoient le milieu de l'Ifle , & de plus en les pla- çant ainfi , on ne les approche pas des Frifons. Junius 8c Divceus les logent dans la Betuwe , entre i'Yffel& le Rhin(c); mais ils occupoient une partie de l'Ifle des Bataves, & fi l'on fuppofe qu'ils tenoient les deux bords du fleuve , on les ren- droit plus puiffans que les Bataves , lorfque Tacite dit formel- lement qu'ils étoient moins nombreux. L'opinion la plus gé- nérale leur fait occuper la côte depuis Leide jufqu'au Châ- teau de Britten ( d ) , ou encore on les place dans une partie du Kennemerland , qui peut avoir quelque rapport avec leur nom. Mais on répond que le nom des Kennemers vient du Kinhem , petite rivière qui portoit à la Mer une partie des eaux du Lac Scitmera , comme le Scita conduiloit l'autre dans les marais feptentrionaux ; & parconféquent qu'on ne peut ar- gumenter de la reffemblancc des mots. On ne peut cependant concilier les paffages de Tacite , fans loger les Canninefatcs dans le Kennemerland : il faut même les étendre jufques à la (a) Tacit. Hift. Lib. IV. cap. 79. (b) Tacit. Hift. Lié. IV. cap. if. (c) Pontan. Hift. Gelr. Lib. I. pag. 11. 1 3. Cluver. de trib. Rhen. Alv. cap. XII- vag. ju-ioo. (d) Schlichtenhorft Hift. de Gueldr. Lib. I. pag. 8.Flud. a Ghild. fur Cluver. Tan. l.pag. 159. Ryckius in Tacit. Hift. Lib. IV. cap. 5. pag.^i^. Van Leuwen Bat. Illuftr. pag.$$. Alting. Not. Germ. Infer. Part. Lpag. 17. Tome I. H 58 Sect. TT. DeVJJledesBataveSfdefesHabitans; branche du Rhin , qui le perdoit dans les marais de Rhcnne- berg , & fe jettoit dans la Mer aux pieds d'Egmond. La ville de Bergh que Theodoric III donna à l'Abbaye de ce nom, ctoit placée kir l'embouchure de cette rivière. Ce fut où dé- barqua Wigbert , lorl'qu il virît prêcher l'Evangile aux Fri- i'ons , & les defeentes des Normands la rendoient célèbre dans le moyen Age. Dans ce cas le Kinhcm auroit iervi de limites entre les Canninefates & les Friions ( a ). Kennemcr- Le Kennemerland le nomme aujourd'hui Weftfrife ou dïLi' WeflfW- Nord-Hollande ; Alkmaar en eft la Capitale. La ftru&ure & fe ou Nord- Ja propreté de les édifices rend cette Ville remarquable ; elle oiiande. efl- affije aL1pres du Lac de Schermer , autrefois Scitmera , qui n'eft qu'un accroifiement de l'Y. Le nom d'Allcrr-m^: veut dire toutes les mers : aufll découvre-t-on du haut de les mu- railles l'Océan, la Zuiderzee & l'Y. On coniérve dans la principale Eglife une Chronologie qui commence en 6co & finit en 1645 (^) > ma*s ^ e^- dangereux de compter fur fa fidélité. ConfUtution Tout ce pays n'eft plus qu'une langue de terre qui s'avance entre les deux mers , & ne tient au Continent que par un paffage entre Wyck & Beverwyck. Il fe défend contre les flots par le fecours des Digues , qui font en cet endroit d'une hauteur prodigieufe. La Mer eft toujours agitée dans ces pa- rages , & la terre eft beaucoup plus baffe que l'eau , enforte que les hommes ne font à l'abri de la fureur des flots que par ces efpeces de remparts. Ils font doubles dans les en- droits les plus expofés , & les Magiftrats qui font chargés de l'infpe&ion des digues , veillent jour & nuk à leur sûreté. Mais il faut avouer que malgré toutes leurs attentions , la Hollande, la Zeelande & la Weftfrife perdent journellement de leur terrein par les petites eaux qui le raffemblent dans l'intérieur des terres , & fe réuniffent à la fin ( c ), XI. Lorfque les. Nations du Nord envahirent les Provinces Révolution» de la Frile. ( pag.13. (b) Cornel. Aurel. ubifupra. (c). Gabbema Defcript, de Leuward.pag. $?, "Fondation des Filles , Antiquités. ?H romaines , les Saxons , les Friibns , les Canninefates , les Thulïens , les Mattiaques , les Bataves & les Toxandriens fe liguèrent pour la défenfe commune de leurs demeures. Chaque Peuple conlerva cependant la forme particulière de fon Gourvenement ; ils ne le réunirent que pour les opéra- tions militaires. Ils choififfoient un Général entre les Ca- pitaines , dont l'autorité fur l'armée combinée de toutes les forces de la Ligue étoit égale à celle des Rois ; la Campagne finie , il reprenoit fon premier rang entre fes Concitoyens , & fon pouvoir finiffoit avec la guerre. Le nom de Frifon devint celui de la Ligue, & tous les pays litués entre l'Elbe «fe l'Efcaut en fuivant la côte , prirent celui de Frife. Char- lemagne divifa cette vafte Contrée en Frije Orientale & Frife Occidentale , que la Vlie coupoit en deux parties. Il rendit dans la fuite la liberté à tous les Peuples depuis cette eau jufqu'à l'Eider, & garda fous fa domination ceux qui demeu- roient en deçà fous le nom de Weftfrifons. Une ou plufieurs tempêtes ayant inondé trois Provinces , la Finlande l'Hy- fingo & la Phedage qui étoient habitées par les Thufiens , la Vlie fut confondue dans la Zuiderzee qui fe forma , & la partie de la Frife qui demeuroit du côté des Gaules , devenue peu confidérable , fut incorporée à la Hollan- de {a). C'efl dans ce pays fubmergé qu'on fuppofe qu'étoit fituée Comeftations la Ville de Vérone , qui depuis tant d'années partage Vérone'116 d defes Habitans , ma dans une Tour , dont les ruines exiftoient fous le nom de Probus-TooniyOuTour de Probus(a). Ceux qui traitent de fable & la ville & ion hiftoire, fe fon- dent fur le filence des Ecrivains Contemporains, &lur les va- riations de leursAdverfaires (b). En effet ils ne font point d'ac- cord fur lepoque : les uns placent cet événementen j 206, les autres en 1207 ; ceux-ci en 1208, & ceux-là en 1303. La dil- pute cependant s'eft échauffée au point que nous ne pouvons nous difpenfcr de rapporter le plus fuccinctcment qu'il iera poJTîble les raifons des deux partis , & nous commencerons par ceux qui foutiennent l'exiftence de cette ville. Alting appuyé de Stock 8c dcBe/ea, prétend que Vérone portoit dans la langue du Pays le nom de Vranlo, Vronlo & Vronlegeift. Il produit un ancien Terrier du Thréfor des Chartres de l'Evéché d'U- trecht qui fait mention de Vronlo , & une tranfattion entre les Evêques & les Comtes de Hollande, qui la nomme Vronla; il cite Beka qui l'appelle Urbs Vronenfis, & parle d'un Cachet, fur lequel on voit un Aigle affez mal deîïiné qui tient une épée , autour duquel on lit : SIGILLVM. CIVIVM. VRONLEGEIST. Junius dit qu'il a vu ce Cachet dans le Cabinet de N. P^orjlius (c) avec une Croix de bois , fur laquelle on avoir gravé ces mots : eCCe. CadIt. Mater. frIsI^e. (i) qui marquent l'année 1 303 . Il s'autorife encore d'une Cloche, qui étoit à Valcken-oog , village voifin de Schagen , autour de laquelle étoit l'Infcriptioniuivante : A. VRO. DOMINI. MCCLXXX. TEMPORE. ALARDI. PRESBITERI. MENSIS. SEPTEMBRI. (a) Soeteboom Lib. l.Ch. r.pag.i.4.Lib.H.ch.V. /M£. 1 67- Spaau Defcr. de Rotterd. chap. Uî.pag. 87. Wachtend. Chron. Rim. Lib. VIII. Cornel. Aurel. B.v iav. Lib. II. pag. 114. ( b) Taborita apud Matth. Analeâ. Vet. JEvl. Tom, IV. pag. j?Ot (c) Junii Bat. cap. XVII» pag» 477» Kid) Junius, ibid. Fondation des Filles , antiquités. 61 II ajoute quelle fut caiTée à force de fonner pendant les ré- jouiflances qu'on fit en 1647 , pour la publication de la Paix avec l'Efpagne , & qu'on fit refondre les morceaux à Amfterdam (a). Les Partifans de cette opinion rapportent encore quelques Monumens obfcurs , auxquels ils s'efforcent de donner une interprétation favorable. Ils placent cette ville affez proche d'Alkmaar & de Leide , & donnent une grande étendue à fa Jurifdittion (b). Alting raconte qu'elle étoit fituée fur une Colline , au pied de laquelle elle avoit un Pont fur le Kinhem ; qu'on peut juger de la puiiïance par le fiege qu'elle a loutenu contre Ion Souverain , & que fa deftruclion entraîna la foumiffion de toute la Frife ; que la guerre s'alluma par la mort d'un Comte de Hollande qui fut tué fous fes murailles ; que le fils dans le deflein de venger fon père , palfa dans la Grande-Bretagne , où il leva une ar- mée formidable , avec laquelle il revint afTieger la ville , après avoir remporté une grande victoire ; & que l'ayant enfin prife, quoiqu'il eût été repouffé dans un grand nombre d'alTauts , il l'abandonna au pillage , y mit le feu , & palTa la charrue fur fes fondemens ; enforte qu'il n'en relia plus de vertiges (c). Les incrédules fe moquent de toutes ces preuves qui ne font appuyées que fur les relations où l'affir- mation de quelques parciculiers. Il difent que dans l'ancien Frifon , Vroon , fignifie Roi , & n'a jamais été le nom d'une ville ; que l'hiftoire qu'on débite à ce fujet, n'a point de fondemens , & que les interprétations de quelques mots , fur lefquels on cherche à l'appuyer , font obfcures & forcées. Sans décider lequel de ces deux partis a raiion , nous nous contenterons de remarquer que ceux qui ioutiennent la né- gative (d) , ont beau jeu dans un fiecle où l'on ne croit plus les Auteurs fur leus parole. Egmond n'efl qu'à une lieue d'Alkmaar. Ce lieu a pris Particularités fur Egmond. ( a ) Idem , ibiâ. Soeteboom Lié. III. Ckap. VII. pag. 175. Le Barbier de Sorel Chron. Medembl. pag. Si. (&l Juniusubijupra. (c) Alting. Defcript. Frif. pag. 192. (d) Scriver. in Goudhoev./wg-. 356. VanLeuwcn Batav. Illuftr.paf. 58, Vafl Royen/ur VOrfteg. Chap. IV. pag. i$o. 6*2 S e c t. I T. De Vljle des Bataves , defes Habitans , fon nom d'une branche du Rhin appellée l'Eg, qui le rcndoit dans la mer au pied d'une Colline , lur laquelle on avoit bâti le Monaftere. On nous permettra de donner la préférence à cette Ethymologic fur celle que les Chroniques Monachales tirent des mots prononcés par S. Adalbcrt , lorfqu il eut abbattu les Idoles qui étoient en ce lieu. Gratia Deo loca BMC MUNDA J'unt (a). Thcodoric , premier Comte de Hollande, par refpeâ pour les Reliques de ce Saint , y iit bâtir un Convent de lilles. L'illuftre Mailon qui portoit ce nom , n'a pas moins contribué à le rendre célèbre. Ces Seigneurs connus dès le douzième lïecle , defcendoient de Radbod, filsd'Adalgile, petit-fils du vieux Radbod , Roi de Frite j & Contemporain de Charles Martel. Radbod , qui porta le premier le titre de Seigneur d'Egmond , fe tua en tombant de cheval (b). Vallerand le troiiiéme partageoit ielon quelques-uns fille des Bataves avec les Seigneurs d'Arkel & deWatîenaar (c). Cette Mailon fut éteinte en 1707 dans la perfonne de Procope , Comte d'Egmond. Il ne laifla qu'une tille appellée Claire Eugénie qui porta fon nom & fes Armes dans la Maifon de Pignatelli par fon mariage avec Nicolas, Comte de Bifache (d). LeMonaftere fut brûlé par les Frifons prefqu' auflitôt qu'il fut bâti. Theo- doric II le releva , le fit conflruire en pierre , pour le mettre à l'abri d'un femblable accident ( e ) , & laifi d'horreur par les abominations que les Idolâtres avoient commîtes dans ce lieu , il transfera les Religieules à Bennebroek , proche de Haarlem , & mit à leur place des Bénédictins (/). C'eft à ces Moines que nous devons l'Ancienne Hiftoire de ces pays (g). Guillaume j Procureur de cette Abbaye, commença (a) Schlichtenh- Hift. de Gueldr.pag. S. (b) Bockemb. Dynaft. Egmond. cap. I. pr.g. 1. Smidt Threfor des Andqu.pag. So. (c) Bockemb. ibid- pag • 5- Smidt uli fupra. pag. 8i. (d) Parival Délie, des Pays-Bas. Tom. II. pag. 368. (e ) Armai. Egmond. apud Matth. Anal. Vet. ^Evi. Scrivcr. in G oudhoev. pag. 239. La Chron. de Goude pag. 1 8. (/) Annal. Egmond. ubi fupra. Scriver. ubi fupra.. pag. 144. Melis Stocke Chron. vu- i n (g) JumiBàav. pag. îij.VoffiiHift.Tcœ. II. Part. H. pag. jir. Fondation des failles , Antiquités. 6\ fa Légende en 647 , & l'a continuée jufqu'en 1 3 8 3 . La fé- pulture des anciens Comtes de Hollande étoit dans cette Eglife. Les Hollandois & les Frifons étant prefque toujours en guerre , ces Religieux , qui demeuroient fur la frontière, fe donnèrent un Avoué ou Protecteur ; leur choix tomba fur Arand qui venoit de fortifier fon Château , & qui porta le premier le titre de Comte d'Egmond(a). Les Efpagnols ren- ' verferent le Château & le Monaftere pendant les guerres qu'alluma la grande Révolution, & l'un & l'autre font main- tenant enterrés fous leurs ruines {h). Les Anciens placent les Couches dans Plfledes Bataves ; xn. mais ce fait fouffre bien des difficultés. Ce Peuple d'origine Habitations germaine habitoit le bord de la Mer félon Tacite (c). Pto- d"Cauches-" lomee les loge entre l'Elbe & le "Wefer (d) , & quelques- uns de nos Géographes le mettent dans le Goefland au Sud de la Zuiderzee. Il eft cependant plus probable que les Cauches demeuroient entre le Rhin , l'Elbe & le "Weier, & qu'ilsétoient voifins des Frifons & des Cattes (e). Ceux qui les confondent avec des Bataves , font induits en erreur par un paffage de Pline : » Au milieu du Rhin , dit cet Auteur, » eft l'Ifle très noble des Bataves , elle contient cent mille » pas environ entre l'Hélium & le Flevus. Ce font les era- ;> bouchures du fleuve , dont l'une fe jette à l'Oued dans la » Meufe , <& l'autre dans la Mer du Nord. Celle du milieu » garde fon nom & fon lit. Ce grand pays eft habité par les » Frifons , les Cauches , les Frifiabones , les Sturiens & les » Marfaces (/") ». Tous ces peuples en effet demeuroient dans l'Ifle des Bataves, à l'exception des Cauches. Cluver croit que cette erreur vient de la faute d'un Copifte (g) 3 (a) Junii Batav. pag. fi4. Bockemb. Dynaft. Egmond. pag. S. (î) Junius ubi fupra. pag. fi4. $44. Goudhoev. Chton.pag. 17. (c) Tacit. de Morib. Germ. (i) Ptolom. Geograph. Lib. II. cap. 4. Ce) Schild.de Cimbris. Kirchmayer. in Tacit. de Mor. Germ. cap. XLV. pag, 377. Van Leuwen Batav. Illuftr. pag. 32. Junii Batav. ubi fupra. Flud. a Ghild. in Cluver. Part. II. pag. 214. Alting. Notit. Germ. Infer. Part. I. pag. 4 1 , (f) PUn.Hift.Nat. Lib. IV. cap. i*. (g) Cluver. de trib. Rhen. Alv. cap ..XXî. 6*4 S e c t. 1 1. De l'JJIe des Bataves y défis Habit ans ; Aking la corrige en écrivant Auchï ■-, mais on ne trouve ce nouveau Peuple que chez lui (a). Les Cauches étoient puif- fans & courageux ; mais moins féroces que les autres Ger- mains. Oblérvateurs de la Juftice, ils ne cherchoient point à ravir le bien d'autrui par la violence , & préféroient les voies d'équité & de douceur , pour conierver ce qu'ils pof- fédoient. Cependant ils n'en étoient pas moins prompts a prendre les armes , lorfqu'on les offenibit , & s'en iervoient avec autant de valeur & d'adrefle qu'aucune autre Nation (b). Il fe peut cependant que du tems de Pline les Cauches ayenc parlé dans quelques Iiles du voifinage , & les Tables de Peu~ tinter paroiifent le confirmer. Ce fut chez cette Nation que Ganafcus le réfugia , lorlque les Romains l'eurent forcé de quitter les Canninefates. Ce fameux Rebelle perfuada fans peine à ce peuple de défendre la liberté. Ils l'élurent pour Général , & commencèrent cà ravager les côtes de la Bel- gique. Ils montoient des bâtimens légers , également pro- pres à la delcente & à la retraite ; & cette guerre devint d'une telle importance, que le gain d'une feule bataille valut le furnom de Cauchïus à Publius Gabinius Secundus (c) , & que l'Empereur Claude en chargea Corbulon, un de fes meil- leurs Capitaines , qui fournit les Rebelles, comme nous l'avons dit ci-deffus (d). On peut conclure de cette Hifloire ?[ue ces peuples demeuroient fur la frontière des Cannine- àtes , de l'autre côté du fleuve , & furent compris dans FIfle , lorfque Drufus eut creufé fon Canal. Ils fe diftinguoient en grands & petits , & ces derniers habitoient les bords Jde la Vlie (e). DcsThufiens, Les Thujiens en faifoient partie; la Zuiderzee couvre le pays qu'ils habitoient. Le Bourg d'Oppertoës près de Me- denblik , efl le feul qui refte de leurs habitations ; ce Canton (a) Alting. Notit. Germ.Infer. Part. ï.pag. n. (b) rlin.Hift-.N.it.Lii.IV. cap. i4.TaciideMorib.Germ.PontHeuter. Ve- ter. G.ill. Defcript. Lib. I. Cap 1 t. Lib. IV. cap. 14. ( f ) Sirton. inChud. Cap. XXIV. Oudaan Puiiïanc.Rom.pag. \6. (d) Voyez ci-deflrs pag. 1 r. ( e ) Pont. Hniter. Vet. Gall. Defcript. Lib, I. cap. 1 z, Lib. VI. cap. I. fc Fondation des Villes , Antiquités. 65 Ce nommoit le Thuifenland , & les anciennes Chroniques le placent du côté d'Huysduinen (a). Le fentiment général place les Mattiaques dans la Zeelan- Des Marna-, de. On prétend que lorique Cefar eut détruit les Morins 8c que*' les Menapiens , ces peuples s'établirent entre Dordrecht 8c Gertrudenberg dans le pays inondé , & qu'ils s'y accrurent de façon qu'ils1 envoyèrent de puiffans fecours à Civilis (b) 5 mais le Critiques combattent cette opinion. Ceux-ci les lo> gent dans la Germanie,& foutiennent qu'on ne doit pas inter- préter Tacite à la lettre ; que cet Hiftorien parle de la reffem- blance & de la conformité des mœurs de ce peuple avec les Bataves,& non pas de leur voifinage ; que leur origine étoic commune , leur valeur égale , quoique moins féroce dans le combat ; ce qui fuffit pour établir la conformité , fans rien décider fur le lieu de la demeure : d'autant plus que ce même Auteur dit ailleurs que les Romains ayant pouffé leurs fron- tières au-delà du Rhin , prirent les Mattiaques fous la pro- tection de l'Empire ; ce qui fuppofe qu'ils étoient éta- blis de l'autre côté du fleuve ( c ). Pline leur fournit encore des armes , en donnant une Mine d'argent & des Eaux chaudes au Canton qu'ils habitoient (d); ce qui ne peut convenir ni à la Zeelande , ni aux côtes de Flandre & du. Brabant. Ces raifons battent en ruine la première opinion; mais ceux qui les avancent , ne fçavent à leur tour où loger ces peuples. Les uns conjecturent que peut-être étoient-ils auprès de Monnikendam (e) 5 les autres entre le Vecht &s la Vlie, proche de Zwoll & de Campen (/) ; ceux-ci entre Huysduinen & rifle de Texel (g) ; ceux-là dans le Kenne- merland (h). Il s'en trouve enfin qui les placent dans le (a) Junii Batav. cap. III. pig. éy. Van Royen far Verdceg. Liv. II. chap. 33. Alting. Notit.Germ. Infer. Part.l.pag. 117. Conf. Flud. a Ghild fut Cluver. Çb) Eyndii Chron. Zeel. cap. XlH.vag. 213. (c) Conf. Tacit.de Morib. Gprm. (d) Plin. JHift. Nat, Lib. IV. Cap. y. Lib. XXXI. Cap. 1. (e) Van Leuwen Batav. Uluûc.pag. 54. (/) Thom. Heibeft. fur CAuvet.pag. 16. (ê) Junii Batav. & Ouelius. (ft ) Alting. Not. Germ. Iafer. Pan. \-pag. 33. Tqmç l % nés 66 S ect. TT. De rifle chsBataves, defes Habitans ] Comté de Nàflau entre Francfort & M arpurg (a). Ce dé- nier ibntiment paroît d'autant mieux fondé qu'on trouve en cet endroit des Eaux chaudes & des Mines d'argent. DcsFrjfiabo- Pline efl le feul des' Anciens qui parle de-Frijiabones ( b ). Junius imagine , que ce petit Peuple greffier '& même flu- pide étoit voifin des Frifons ,. & s'effbrçoit de les imiter ; ce qui lui fit donner ce iurnom par ridicule (c). Les meilleurs Critiques prétendent que ce mot s'eft glifle par une erreur de Copifte & que les Frifiabones n'ont jamais exifté ( d ). XIII. Les Frifons font les feuls des anciens peuples de ces Des Priions. jjftrj£ts qUj ayCnt confervé leur pays & leur nom ; les Ba- raves mêmes fi célèbres fous l'Empire romain , font difparus. Les Saxons après avoir occupé avec lés Frifons toutes les côtes Septentrionales & Occidentales de l'Europe, ont été rencoignés entre l'Elbe & le Weler , ou forcés de fe réfugier dans la Grande-Bretagne. Les autres Nations Te font fon- dues dans les grandes Ligues qui fe formèrent à la déca- dence de l'Empire , & leur norrïs'efb éteint dans le nom gé- néral (e). Quanta l'éthymologie du nom de Frife, les uns le font venir de Friefen Lanàen , qui dénote un terroir bas & marécageux- (/). ; les autres de Frye qui veut dire Eearorlgînft Les Chroniques lé tirent de Frifo , Prince Troyen, qui fuyant de la ville embrafée , traverfa la Mer fur une botte de paille , & vint aborder aux côtes du Nord, où les peuples le reçurent comme un. homme envoyé du Ciel , & le nommè- rent leur Roi. On lent le cas qu'on doit faire de cette fable ; & cependant des Ecrivains,. d'ailleurs dé quelque poids , la débitent férieufement (h). Il en eft d'autres qui ne pouvant, (a) Cluver. Germ.Antiqu. cap. l.pag. i.Pont. Heuter. Veter. Gall. Defcrint. Lii. l.pag. 66. (b) Plin.Hift.Nat. Lib.IV.cap. 17. (c) Junii Batav. Cap. III. pag.zy. fr. (d) Pontan./ur Boxhorn pag. 17. Alting. Notit. Germ. Infer. Part.l.pag. 81. (e) Ubbo Emm. Rer. Frifîc. D c. I. Lib. l.pag. 10. 11. . (/) Gabbema Defcripr. de Leuward.pag. 10. (g) Alting. Not. Germ. Inf< r. Part. I.pag. 73. (A) Sufir. Pet. de Frif. A.nt. L. I,c. î.Sch. Defc. Ft.p. iS. Soetb. p. 1. Gab.p. 8. Fondation des failles , "Antiquités. 67 .•renoncer au mérite de l'Antiquité , vont chercher ce Frilo .entre les Capitaines d'Alexandre , & racontent que ce Gé- néral fe voyant exclus du partage des Conquêtes des Macé- doniens , s'empara de la flotte , fe mit à courir les Mers , 8c vint aborder dans cette partie des Gaules trois cens treize ans avant Jefus-Chrift. Quoique cette hiftoire ne choque pas le bon fens , il tfeft pas vraisemblable que dans un tems où la -navigation étoit à peine connue , une troupe de fugitifs ait entrepris de traverler tant de Mers , pour venir s'établir au milieu des Nations barbares , Cous un Ciel aufli dur , 8c dans un pays fi fauvage. Cefar qui nomme avec tant de foin tous les peuples de la Germanie inférieure , ne dit pas un mot des Frifons , Se leur nom ne fe trouve que dans Pline: d'où nous concluons qu'ils n'exiftoient pas encore du tems de ce Capitaine (a). Il eft probable que ce Peuple qui fe nomma Phœfons ouFrigiens, étoit compolé de Danois, de Suédois, de Saxons , & qu'il vint des pays Septentrionaux s'établir en- tre l'Ems & le Rhin, Cette Colonie habita d'abord les deux côtés de la Vlie. Elle avoit au Levant les Chamaves 8c les Angrivariens ; le Rhin au Couchant , les Cauches au Midi , FOcéan au -Nojd & les marais du Flevus la féparoient des Marfaces (/?). Dans la décadence de l'Empire le nom des Frifons s'éten- Etendue je la dit depuis la Cherfonnefe Cimbrique jufqu'à l'Efcaut ; en- Frift« forte qu'ils habitoient aufii l'Holface & les bords de la Mer Baltique. La Flandre les bornoit à l'Ouefl , la Saxe au Sud , & la Mer Germanique au Nord ( c ), Dans le huitième ôc le neuvième fiecle la Frife avoit encore pour limites , les Lauwers au Levant , & l'Efcaut au Couchant ( à ) ; enfbrte sque le pays d'Utrecht, la Hollande, la Zeelande y étoient in- («) Ponf.Heuter.Veter. GalLDeCctlpt.Lib.lï.cap.&.pag. ioo. (b) Conf. Ubbo Emm. Rer. Frifîc. Dec. I. Lib. I.pag. 4. Oudenhov. chap. Vf.pag. 16. Pontati. Hift. Gelr. Lib. I. pag. 41. Alting. Notit. Germ. Infer. Part. I. ,pag. 71. Cluver.detrib.Rhen.Alv. Lib. II. cap. 1. i^.pag. 153. (c) Krantz. de Antiqu. Frif. Lib.î. cap. 1. Pont. Heuter. Veîer. Gall. Defcript, J~ib. II. cap. 8. pag. 100. (<0 WbboEmm.Rer.FriIïç,Z?fC.IiLji.III.p ) Alting. Defcript. Frif, pag. 48. d'après Tacit. AnnaJ. Lib. II. cap. iç, Fondation des ailles , 'antiquités', y i giftrats. On les choifit de différentes couleurs , donc une décide le fort ; celui qui la prend , eft nommé ôcaufli-tôfinf- tallé. Cet ufagc venant des Grecs , faitprélumer à quelques Sçavans que la Colonie qui s'établit dans cet endroit , venoit de Grèce (a). Sinidt furJa foi d'une lection fautive de Tacite, l'a voit appellée IvoniumCivitas ; mais il fe corrige lui-même dans la Préface de fon Traité fur la Poëfe. Quelques autres la confondent avec le Philalœum de Ptolomée. Les Chroni^ ques ne manquent pas d'en faire honneur à Gruno , frère de leur Frifo ; Krantjius adopte l'hiftaire du Capitaine d'A- lexandre , & lui donne ce Gruno pour frère (6) ; mais le grand nombre des Médailles qu'on a trouvées dans ce Can- ton , ne permet pas de douter qu'elle ne ioit de fondation! romaine (c). Il eft certain qu-'elle étoit considérable en 810,. lorfqu'elle fut renveriee par les Normands (d). Son nom vient de Croene f^eenlanden, à caufe des pâturages verds qui font entre les deux eaux , dont la jon&ion forme fort- port ( e). Le terrein fur lequel elle eft bâtie , fe nomme \o Dos de l'Evéque, parce qu'il s'élève imperceptiblement (/).- Elle fut entourée de murs en 1 1 10 (g). Les Romains con- noiiïbient les Ômmelandes fous le nom de Flevum. Une grande- partie de ce pays a été engloutie par la Mer; ce qui iubfifte, forme quelques villages fur les côtes de la Zuiderzee , lépa- rés les uns des autres par des ruiffeaux & des marais ( h ). Leuwarden & Staveren étoient connus des Romains fous De Leuwaiy îè nom de Leovardia & de Stavonum Civitas. Le Dieu Sta- d™* Vonavoit un Temple dans cette dernière Ville. Elle fut fub- {a ) Ortelî.jin Gell. Lib. IV. cap. 1 1. Conf. Plutarch. de Educat. (£) Krantz. Antiqu. Frif. Lib. I.cap.ç.pag- 1 jy. (r) Lemmaye Chron. de Groning. apud Matth. Anal. Vet. &vi Tom. I. pag. joè. Schotan. Hift. de Frife. Liv. Lpag. 64. Liv. III. pag. 89. ( d ) Smidt. Threl. d'Antiquit. pag. 1 1 7. Guicciard. Defcript. XVII. Prov. Part, ilï. plg. 2.63. Ficart Defcript. de Drenth.pag-. 50. (e) Ubbo Emrrï. Rer. Frif. Dec. l.pag. 37. (/) Hubert Thomas de Tunçr. & Eburon. cap. XIX. BucKel. in Hed. pag, 179. Guicciard- ubifupra. part. III. pag. 166. (g) Ë. Beningha Chron. de Groningue & Lemmaye ubifupTa, Tom. I.pag, 106. ( h ) Alting. Delcript. Frif. pag. 8.37, DeStavcreai aron 72 'Sect. II. DelljledôsBataveSfdefesHabhanî, mcrgve par une inondation , & les Rois de Friie la rée diffé- rent plus avant dans les terres. Elle fervoit de rendez-vous aux Milices du pays qui s'affembloient pour accompagner Charlemagne en Italie (ept-Forêts • a trois milles du Flevus , & prétendent reconnoître les vef- tiges de fonnom dans le Baderhout , ou le Bois de Bader (c). Les autres foutiennent que ceBois étoit dans la Drénth ou- dans le yoifinage de Groningue 5 d'autres encore veulent le confondre avec le Bois delà Haye. Quelques-uns infiftent pour Nimegue , & les derniers le tranfportent à l'extrémité de la Weftfrife aux environs d'Alkmaar. Il femble que la; Conjuration que Civilis forma dans cet endroit(d), ait piqué d^honneur les Critiques à fixer fa fituation ,..& leurs difputes embrouillent la.queftionau lieu de leclaircir: il fe trouve de ces Ecrivains qui s'échauffant l'imagination , ont rendu l'épithéte de Sacrum que Tacite donne à ce-Bois, par le terme d'abominable (e) , fans réfléchir au refpeft que' les Germains avoient pour leurs Bois Sacrés (/). Il eft confiant que ces peuples ne s'affembloient dans ces endroits que pour y. traiter les affaires de la plus grande importance , ou pour y. célébrer les myfteres de leur Religion. Ils y nommoient leurs Généraux & leurs Magiflrats ; ils y formoient les Ligues, y recevoient les Ambaffadeurs : en un mot,. -ils y/ traitoient de tout ce qui concernoit le Public. Les habitans (a ) Kjrchmayer in Tacit. Annal. ÏX. CluyeivGerm. Antiqu. pag. f 4. Sche- dius de Diis Germ. Part. 11. pag. 32. Brandt Jur Batos , pag. 313. Flud. a Ghild. ■ fur Cluver. Part. II. pag. 58. ( b ) Tacit. de Morib. Germ. Cap. IX. _ (c) Alting. Notit. Germ. Infer. Part'. l.pag. 14. (<0 Voyez' Bockemb. in Civillpag. 1 3. Smetius de Oppid. Batav. cap. 17. Pars'J Defcript. de Catwyck Prœf. pag. 17. Van Leuwen Batay.IUuflrat.cag-. i «ç. Conf. Tacit. 'Hift. Lib. IV. cap. 14. (e) Conf. Cluver. Germ. Antiqu. part. II. pag. 52, Scriver. Pierre de Touch. - fur la Chron. de Goudepag. 104. (/) Conf. Cicer. de Nat. Deor. Lib. II. cap. 1. Plin. Hift. Natur. Lib. XVI. cap. 44. Lucan, Pharlkl, Lib. III. Silius haï. Lib, III. Sciied. de Dii t G erra, fart, II. Cap, 24, • 78 S e c t. 1 1. De l'IJle des Bataves, , 4e fes HabitanSf de Drenth en a voient un près de Groll ; les Bataves pro- che d'Arnhem ; les peuples de Gueldre à Linden entre Zut- fen & Gravenhoff, & c'efl dans cet endroit que quelques Auteurs placent Baduena , où Civilis convoqua les Chefs des Hauts-Germains (a). xvi. Les Gugernes demeuroient entre le Rhin & la Meufe , & Habitations faifoient partie des Sicambres , Nation puiffante que Tibère ugernes. foumjt £ l'Empire par fes rufes plutôt que par fes armes. Ils occupoient la Weflphalie ; ce Prince étant parvenu à les divifer , attira la plus grande partie dans la Germanie in- férieure ( b ) , les établit dans le voiiinage des Ufipetes & des Menapiens , & leur donna des habitations dans le Comté de Zutfen , dans le pays de Cleves , dans celui de Juliers & dans le Comté de Namur ( c ). Des Ubiens. Les Ubiens furent réduits par Agrippa qui commandoit dans leur voifinage. Ils demeuroient fur la rive droite du Rhin (d) , où le voyant continuellement harcelles par les Sicambres , ils le laiiîerent perfuader de paffer le fleuve , & de le prendre pour barrière contre des voifins incommodes. Agrippa leur fit bâtir une ville qui fut d'abord appellée Ubiorum Civïtas. Dans la fuite Agrippine voulant montrer l'autorité qu'elle avoit fur l'efprit de Claude fon mari , en- voya dans cette ville une Colonie romaine , ôc la nomma Colonia sîgrippinœ (e) , aujourd'hui Cologne. DcsTenâe- Les Tencleres occupoient le pays de Munfter, & en rcs" partie celui de Juliers , dont ils furent chalfés par les Sueves. Il faut obferver que ces Sueves ne font plus ceux , dont Cefar fait mention dans fes Commentaires, Les premiers compofoient un Peuple qui demeuroit entre l'Elbe ôc le "Wefer (/), Les féconds étoient une Ligue formée d'un grand (). Mais Pont anus les avarice trop , en les fuppo- pofant dans l'Amftelland jufquês vers Ruremonde ôc Venloo (c). Dm Eburons. Les Eburons , l'un des peuples les plus anciens de la Belr- gique , occupoient une partie des Duchés de Cléves , de Juliers , & de Gueldre (d). La ruirie de ce peuple éleva les Tongres , Nation Germaine qui la première s'établit dans la Germanie inférieure. Ils y demeuroient lorfque les At- tuaires qui defeendoient des fix mille hommes que les Cimbres ôc les Teutons avoient laifTés fur les bords du Rhin pour garder leurs femmes & leurs enfans, vinrent fe loger dans la Gueldre aux environs de Zutfen. Des îTongïefè Les Tongres habitoient le pays de Liège , longtems avant l'entrée des Romains dans les Gaules. Il ne commen- cèrent cependant à le faire çonnoître que par la guerre qu'ils eurent contre les Eburons. La victoire qu'ils remportèrent fur ces ennemis , accrut .leur puiflance au poirit qu'ils aflii- jettirent en peu de tems leurs voifins. Les Condfufiens qui demeuroient dans le Luxembourg fur les bords de la Meufe , les Suniques qui joignoient ceux-ci , ôc quelques autres Peuples limitrophes , reconnurent leur Souveraineté ; ils conquirent le Comté d'Oyen , le Limbourg , Aix-la-Cha- pelle & Cologne. Ils parlèrent la Meyfe, ôc s'étendirent ;dans la Flandre , dans le Brabarit , le Hayriaut , le Comté .de Namurjufqu'àMaaftricht. On trouve des vertiges de leur domination dans ces pays. Tongres , Tongerloo , Tongrin, Tongreville, Tongres S. Martin, Tongres Nôtre-Dame, .& beaucoup d'autres places confervent leur nom. Ce peuple («) CaefardeBell. Gall. Lib. IV. cap. 4. (b) Pontàn. Hift. Gelr. Lib. I. pag. 14. Conf. Montani Diflertat. Partfcuî, Lib.pag. 9. '"' (c) Conf. Itiner. Antonini Edit. WefTeling. pag. 37t. (d) Pont. Heutçr. Vetcr. Gall. Defcript. Lib. I. cxp. 9. pag. p. Cellar. Lib. II. avoir d : Fondation des failles, antiquités. S i avoit alors le Rhin au Levant , les Aduatiques au Cou- chant , les Menapicns au Septentrion & les Nervicns au Midi. Cette puiflante Nation fut fubjuguéepar les Francs , Attila acheva de l'exterminer & depuis l'invalion des Huns on ne trouve plus Ion nom dans i'Hiftoire ( a ). La plupart des Auteurs logent les Aduatiens ou Adua- Des Aduatir tiques dans le Liégeois ; mais h on lit Cefar avec attention , ^ues« on trouvera qu'ils habitoient le pays de Cleves, & celui de Juliers (b ). Ce Conquérant les détruifif , 6c fit vendre à l'en- can cinquante-trois mille prifonniers qu'il avoit enlevés. Ils avoient les Eburons au Couchant , les Treviriens au Levant , les Nerviens au Midi, les Menapiens au Nord , 6c félon quelques-uns , ce peuple étoit le même que les Attuaires (c). Tournay étoit la Capitale des Nerviens. Cependant Cefar les dit voifins des Bellovaques (d). Ceux-ci étoient' puif- Des Nerviens fans dans la Gaule, & peut-être leurs frontières s'étendoient alors julqu a celles de l'Artois. Les Nerviens étoient le peu- ple le plus féroce de la Belgique. Ils avoient les Eburons 6c les Treviriens à l'Efl , les Morins à l'Ouefl , les Menapiens au Nord , l'Artois & le Vermandois au Sud , 6c leur domi- nation s etendoit fur un grand nombre de petits Peuples (e). U Itinéraire àlAntonin leur donne trois Villes , Tournay, Bavay ôc Valenciennes. Les guerres des Romains diminuè- rent les forces de ce Peuple , ôc les Francs achevèrent de le fubjuguer. Quelques Géographes les confondent avec les Aduatiques (/); mais ces derniers étoient plus à l'Ôueit (g-). Virgile nomme les "Morins les derniers des hommes , Extremi Hominum, parce qu'ils habitoient l'extrémité des DesMoria« Gaules ( h ). Ils demeur oient alors fur les bords de l'Océan j (a) Idem, ibid. ( b) Crfarde Bello Gall. Lib. II. Cap. 19. ( c ) Pont. Heuter. ubifupra. pag. 53. (d) Catfar de Bell. Gall. Lib. IL cap. tf. ( e I Pont. Heuter. Vet. Gall. Deftript. Lib. I. cap. 9. pag. 4 f. (/) Voyez. Cluver. Germ. Ant. Lib. II. Cap. 11. pag. 41?. (g) Pont. Heuter. ubi Cupra. Lib. I. cap. 10. pag. 54. (A) Virgil. jEneid.VII.y.717. Tome I. L tum 82 SeCT.TI. De Vljle desBataves, de fes Habit ans i ils s'avancèrent peu à peu dans les terres, & dans lage mitoyen l'Evêque de Terouane efl qualifié à'Evêque des Morins (a). Ce pays étoit alors couvert de bois, & coupe par des marais impraticables que les marées renouvelloient tous les jours. L'éthymologie du nom de ce peuple , comme celui d'Armorique , vient de Mor qui veut dire la Mer (b). L'Océan Britannique ou la Manche le bornoit à l'Ouert Se au Nord , les Menapiensà l'Eil , l'Artois & le Vermandois au Sud ( c J. Toni'Icànm Ces côtes avoient plufieurs Ports , dont les plus frequerr- ii de Ge£una- t£s fe nommoient Iccium Se Gefforiacum. Ptolo?née les place l'un & l'autre fur la côte des Morins. Lorfque Cefar palTa dans la Grande-Bretagne , il alTembla Ta flotte fur la côre des Morins , & ne fut que trois heures à faire le trajet. Mais il marque que le Port , dont il mit à la voile , étoit ouvert àl'Eil, & toute cette côte gît à l'Oueit (d). Il eft certain que le Continent avançoit beaucoup plus dans la mer qu'il ne fait aujourd'hui ; mais l'afpeû devoit être le même : ce qui fait préfumer à quelques Sçavans que le rendez-vous de fa flotte pouvoit être dans une Ifle. Ta cire parle de celle déMona (e), & l'on conjecture qu'elle peut être Gerfey ou Grenefey. On ne peut croire cependant que ce Général ait choifi un rendez-vous fi proche des côtes de l'ennemi. 'Ainfi l'on ne peut déterminer le lieu d'où Cefar mit à' la voile. Quant au Port à' Iccium , on fe perfuade qu'on doit entendre "Calais, & que Gefforiacum eft aujourd'hui Boulogne (/).. Quelques Géographes veulent donner ce dernier nom à Dieppe ; mais il efl confiant que le9 habitans delà Norman- die & de laBretagneeïoient alors appelles Elu rie ns,& par con- féquent que Dieppe étoit le Navale Efuriorum (g). L'Efcaut (a) Foppens Nov. Diplomat. Collet, pag. 133, 23*. Conf. Mirari Dipl.PeJg, (b) Flud a Ghild. in Cluver. Pure. II. pag. iyr. Picart Delcript. de Drenth, fag. 27. ( c ) Pont. Heuter. Veter. GalL Defcript. Lib. I. cap. io..pag. ^6. là) Voyez C*làr de Bell. GaW.Lib. Y. cap. p (e) Voyez. Tacit. Annal. Lib. XV. cap. 19. (/) Conf. Cellar. de Situ Ofb. Lib. II. cap. 4- pag. 281. ( fej Conf. Font. Heuter. Veter. Gall. Delcript. Lib.i. cap. 1 7- pag. \\$i Fondation des ailles , Antiquités: £3 fépare le pays des Morins de celui de Catfand , 6c fon Canal porte aujourd'hui le nom de Zwarte-gat. Les)Cattes avoient bâti dans ce pays la Ville de Catzia , célèbre par fon com- merce, que la mer a engloutie avec un grand efpace du terrein. La Zeelande d'aujourd'hui qui faifoit partie de la Toxan- XVik drieé(a) , commence au-delà du Pays de Catfand. Dans le de^"^"la^ feptiéme 6c huitième fiecle la Toxandrie s'étendoit encore &delaToxa»- jufqu'à Bois-le-Duc ôc à Breda. Nous avons les Actes d'une drie« Donation de pluiieurs^terres (dans le diftricl: de ces Villes , faite à S. Lambert , Evêque de Maaftricht , où il eft qualifié ai Apôtre des Toxandrïens (b). Les bords de la mer étant impraticables dans ces tems , il efl vraifemblable que les pre- miers habitans de ces Contrées s'étoient établis dans les terres , 6c que leur nombre s'augmentant , ils défrichèrent peu à peu le pays , en s'approchant de la côte , ôc fe logèrent enfin fur les bords de l'Océan ( c )« La Toxandrie n'étoit anciennement féparée de la Flandre que par le montant des marées. Le flux couvroit les terres les plus bafles , ôc les quittoit au juffant. L'affluence des eaux , que les grandes rivières y portoient des lieux les plus élevés , contrariée par Les marées , creufa les bas fonds , élargit l'embouchure des fleuves , ôc forma des Mes du terrein qui faifoit partie du Continent , quand le reflux étoit retiré. Ces Ifles étoient au nombre de quinze à feize ; la mer en a fubmergé quelques- unes, & mine journellement les autres , qui ne fe défendent contre la fureur des flots que par le fecours des Digues. Il doit donc pafler pour confiant que du tems de Cefar la côte étoit beaucoup plus avancée , ôc qu'on n'y voyoit que des lacs ôc des eaux dormantes qui formoient des vaues marais ; enforte qu'on ne pouvoir y voyager fans bateaux , à moins de bien connoître les détours de ces labyrinthes. (a) Cluvcr. Germ. Antiqu. Lib. II. cap. i$. pag. 44p. Alting. Notit. Gerroi Infer. Part. I. pag. 1 1 1 . O) Vita S. Lamb. Martyr, cap. VI. apud Caoifium Leô. Ant. Tom. I. pag, ioz. '£c) Pont. Heuter. uiifupri. Lib. I. cap. 10. pag. 4£, 84 S e c t. ï I. De Vlfle des Bataves , defes Habitant} Les habitans y cachoient pendant la guerre leurs femmes , leurs beftiaux, 6c iouvent leurs armées battues y trouvoient l'afyle, dont elles avoient beibin. Ce Canton s'appclloit le Wadlal , & le peuple qui l'habitoit , avoit l'on Koi avant qu'il l'ut affujetti à l'Empire (a ). Prétendue Middelbourg , Capitale de. la Zeclande eft bâtie au milieu Antiquité de de l'Ule de Walcheren. Les Amateurs de l'Antiquité lui don- M.ddeibourg. nenr MetelIus pour Fondateur , & l'appellent Meulii-Bur- Etde Vliffin- gwn- Us portent encore plus loin l'origine de Vlifïlngue ; ôc Fuc« fur l'analyfe du nom , ils la iuppoient fondée par UlyfTe qui battu par une tempête , y trouva un afyle contre la fureur des flots. Les plus raifonnables rejettent ce ientiment? Se ti- rent 1 erymologie de Ion nom de la forme de Ion Port , qui reprélente une bouteille , qu'on nomme l7kfs dans la langue du pays (b). Andenneville - On découvre de la pointe de l'Ifle de Schouwen les ruines de Roomers- deRoomèrfwal , ville autrefois célèbre, & dont le nom an- nonce une origine romaine. Elle fut abandonnée en 1563 par Ordonnance des Etats , après avoir été inondée pendant iix mois. Les matériaux qu'on en put retirer , furent vendus à l'encan , pour aquitter les dettes que le Corps de Ville avoit contractées , pour réparer les dommages qu'elle avoit fouf- ferts ; & le prix n'ayant pu fatisfaire les créanciers , quelque mauvais pîaifant s'eftavrié de dire que la pauvre Ville étoit morte inl'ol-vable. Roompot. Le Château de Roompot étoit bâti à l'oppofite fur une langue de terre qui s'avançoit entre Walcheren & Schouwen. Les flots l'ont pareillement englouti , & l'on voit encore le fommet d'une Tour , lorfque le vent foufle de terre (c). Il y avoit avant l'inondation un chemin qui conduiioit par terre de la Brille à Goeree , avec plufieurs villages , dont la pointe des Clochers paroît quelquefois. L'Ifle de Sudbeveland une (a) Conf. Piin. Hift. Nat. Lib. IV. fflp.1.3. Levin. Emmius de Zeeland. pag. ij7. Eindius/urSmallegang. Chron. de Zeeland. Cap. XIII. pag. 213. (i) Levin. Emm.de Zeeland. pag. 148. (c) Eindius & Reigerfb. fur Smallegange Chron. de Zeel. Part. T. Lib. III. cap. 4. Van Leuwen Batav. Illuftr. pag. 130, Flud. a Ghild, lux Cluver. jaj. 8s. Fondation des l'Allés , Antiquités. 85 des plus expofées aux vents d'Oueft à perdu depuis quelques ficelés plus de la mokié de fon terrein {a). L'Ifle de "Walcheren étok célèbre par le culte qu'on y ren- Antiquités doit à Mercure. Willebrord qui prêcha l'Evangile aux Zee- Dombourg. landois , renverfa fon Idole (b). En 1546 une tempête fu- rieufe ayant emporté les Dunes , & la mer s'étant retirée du côté de Dombourg , on découvrit les fondations d'un Tem- ple entre Ooft- & Weft-Kappel. Les habitans profitèrent du tems pour en tirer un grand nombre d'Antiquités (c). On y trouva une pierre qui paroît avoir été le Frontifpice , fur la- quelle on lit: > H ERC VLI MARCVSANO M. R. R. I. M. F. F. I. V. I.S. T E R T I V S. v. s. l. m. (d). Les Antiquaires ont ici la bonne foi d'avouer qu'ils n'enten- dent rien à ce que fignifient ces lettres majufcules. Ils imaginent que le mot de T e r t i u s pourrok bien être un nom propre , & quant au motif qui donna lieu à la Dédicace du Temple, ils foutiennent qu'Hercule a pu venir dans la Zee- lande dansletems qu'il courok l'Univers, & que l'épithçcc de Marcufanus eft particulier au peuple qui pour lors habkoit le pays (e) , de même que celui de Gaditanus l'étoit aux Ibe- riens , & celui de Monœus aux Liguriens , &ainfi des autres. Certains Auteurs aiment mieux lire Magufanus , & leur fentiment eft confirmé par une Médaille de Pofthume , où Ton voit diflinttement la figure & le nom d'Hercules Magu- fanus. Voici comment ils rétablirent l'Inicription : (a) Gérard. Noviomag. pag. n8.Goudhoev. Chron.pag.77. (A) Idem, îbid.pag. 194. Wilhelm. Gemn. Hift. Normann. Lib. II. Cap. S. (c) 'Conf. Eindii Chron. Zeeland. pag. 671-674. (<2) Conf. Gruter. Infcript./o/. MLXX. nom. 4. Becan. Origin. Antverp. Lièi, II. III. Scriver. Tabular. Antiquit. Batav. pag. 118. (e) Gérard. Noviomag. pag. 139» 86 Sect. IL DeVTjledes Bataves, de fes Habit ans ; HERCVLI MAGVSANO M. PRIMIIVS TERTIVS y. S. L. M. (a). Ce qui paroît confirmer leur opinion , fans cependant conclure en leur faveur. On y a déterré des Médailles de Vi- tellius , de Trajan , de Severe , de Tetricus & de Vi&orinus. -DéefTe Ne- On a trouvé des Idoles de Jupiter & de Neptune , & plu- ^ Planche Ul. fieurs Bas reljefsqui repréfentent une femme afïifeavec un sfîgyï. chien à fes pieds , un panier de fruit fur fes genoux , & on lit au-deflbus : Nehalennia. Cétoit vraifemblablement le nom de la DéefTe ; mais comme il ne fe trouve que dans cet endroit , on conje&ure que cette Divinité étoit particulière aux Toxandriens. On montre à Nuis une autre Infcription , ou ce nom fe trouve ; mais on fçait que la pierre vient de Tlfle de Schouwen , & quelle fut envoyée à Freherus par Krant\ius. On fe perfuade d'autant plus facilement que cette Déeffe n'étoit connue que des Toxandriens, que les noms art. I. pag. toi.Conf. Smallegange Chroji. de Zeelande. Chvp.îV, ïgm I l'I II l'ay fj,, Fn,.J F&.& IMT CAES L SEPTIM1VS SEVER VS MVE M-iVll 1 ,1 VS -A^ONIN VS -CAS COH XV VOL ARM M.tT^IWVVE'V STAT. C ON.A BSWVrBL STITVERW7^ S^ Wj PV DEISÈLEGA^G-S R ŒA&C&Çfc-B. ^ /./. ttRïjl ANN1C GERBANIC CTV5 FELIX AVGVSTVS POXTSLAX.TRIBPoT. XVIII. C'OS.lIII.P.P.EttP.IÏÏ. ^RAM.A.DIVl>.CLA\TDIO.KT.PO^TEA. A nnUSEVERO . PATKE. SVO . RESTITUTAM. *!?'*• A iÇS£V ^U vk Tom. /.!'/.,„. /,.- m.Paf.86 fondation des Pilles , antiquité fc ^ Sy égard pour les traits vifibles du Paganifme qu'on découvre dans ces ruines , affirme quele Temple étroit dédié à la Vierge, & que les Proteftans ont mutilé fur l'Infcription du FrontiC- pice toutes les marques qui caratlérifoient la Mère du Sait- veur. SECTION III. De l'Origine , des Migrations & des Ligues des anciens Peuples , des Germains en général , & fpécialement des Francs* S O M M A I R E. ï, /OBSCURITÉ de VOrigine des Peuples. Vanité \^J des Nations, Si les Germains font des Indigènes. Pre- mières Migrations des Peuples. La Germanie inondée par les Peuples du Nord. Origine des premières' Ligues. II. Ligié des Germains contre l'Empire. Variations de ces Ligues. Leur's défaites. Origine du nom deGermains. Son Etîvymologie. Nou- velle forme des Ligues. Grande tiguedes Allemands. III. Li- gue, de s Francs. Contejlation fur leur Origine. IV. Divifiondes Francs en Saliens &• Ripuaires. Origine'de ces Noms. Loi Sali- que & Ripuaire. Particularité s fur la Loi Salique. Conteflations fur V Epoque de fa rédaction. Particularité s fur fa Préface. Sut les Fiefs Salïques. Origine des Biens Jllodiaux. V. Ligue des Saxons & des Frifons. Divifion de la-Germanie; Variations dans ces Divifions, LA connoiflance de fa vérité étant l'unique but des recher- L ches hiftoriques , ce feroit aller contre ion objet que de Obfttitirf de s'arrêter aux Fables dont l'Antiquité enveloppe les commen- jXgJ£ dcs cernens des grandes Nations. • La vanité , ii naturelle aux 88 S e c t. 1 1 1. De V Origine , des Migrations , hommes , leur a tait fouhaiter une illuflxe origine. Elle les a Îjortés à voiler leur extraction , qui ne paroit que dans un ointain trop reculé , fous des emblèmes & des Hâtions que l'ignorance a pris pour autant de réalités. Les anciens tems ftériles & fabuleux fourniflent peu de lumière ; & les opi- nions des Modernes achèvent de nous égarer. Il y auroit de l'impudence à prétendre aflujettir le jugement des Lecteurs par des vraiiemblances , 8c nous ne ferons qu'expofer fuc- cinctement le fentiment des Auteurs les plus accrédités , laiffant à chacun la liberté d'adopter l'opinion qui lui plaira. Vanité des Les Egyptiens , en déifiant leurs premiers Rois , prirent Nations. Ifls pour leur mère ; les Romains fe tirent defeendre de Ve- nus. A leur exemple les Germains fe donnèrent Thuiflon i Hercule ou Mercure pour leurs pères ( a ). Les Thuringiens fe difoient fortis de Thor qui n'efr. autre que le Jupiter des Grecs , & les Goths adoroient Mercure fous le nom de God ou IVodan , comme leur Auteur* Tacite qualifie ces rêveries de licences de l'Antiquité ( b ). Entreprendre de difeuter ces illufions, pour en tirer la vérité, ce feroit vouloir donner de Tordre aux rêveries d'un Frénétique. Loin de nous engager dans un travail auffi pénible qu'inutile , nous plaignons ceux qui s'y livrent , & laiflant ces amples differtations , plus pro- pres à faire montre d'érudition qu'à répandre des lumières fur ces fiecles ténébreux , nous ne chercherons que ce qui paroît le plus probable. Si les Ger- Tacite qui fut long-tems employé dans les Provinces dont mains font des nous écrivons l'Hiftoire, s'appliqua particulièrement à con- Iniigenes. noftre ja Germanie ; il donne à t'es habitans le nom d'Indi- gènes ( c ) , qui veut dire nés de la terre. Cette dénomina- tion nous apprend qu'il ignoroit l'origine de cette foule de petits Peuples , qui , comme autant débranches , paroiffoient n'avoir qu'une touche commune par la reffemblance des traits, l'uniformité des mœurs 8c du langage. Et comment auroit-il (a) Conf. Kriegfman de Germ. Gentis Origine, cap. VIII. ( b ) Tacit. de Morib. Germ. cap. II. Conf. Bodin. Meth. Hiû. Cap. IX. pag, ( c ) Tacit. ubifupra. pu Et des Ligues des Germains & des Francs. 89 pu pénétrer dans les ténèbres qui couvroient les premiers Etabliffemens des Germains , puifqu'eux-mêmes , dans une ignorance profonde des Lettres & des Arts , n'avoient point Je tradition confiante à lui préfenter ? D'ailleurs les révo- lutions qui fe fuccédoient continuellement fur les bords du Rhin , le changement des Colonies , l'extinction de quelques Nations , l'apparition fubite des autres , & la confufion des Ligues , étoient bien capables de rebuter un homme qui n'a- voit aucune connoiffance du Nord & de l'Eit de ces vaftes Contrées. Au refte le nom d'Indigènes n'étoit pas nouveau. Les Grecs l'avoient donné aux peuples qu'ils trouvèrent dans l'Italie , & le tenoient eux-mêmes des Phéniciens & des Egyp- tiens. Ainfï les hommes en fe répandant fur la furface de la premïerM terre , fe font rendus étrangers les uns à l'égard des autres , migrations des & les Fables de l'Idolâtrie leur ont fait perdre le fil de leur eup es* propre Hifloire: car quoique la Mythologie ait confervé le nom de Japhet , qu' Horace nomme le père du Genre hu- ma.miAudax Japheti Genusfiens humana, les lumières qu elle fournit , font fi foibles & fi louches qu'elles ne peuvent nous inftruire. L'Ecriture donne une connoiffance pofitive de l'o- rigine commune à tous les hommes , en nommant Sem , Cham & Japhet , fils de Noé , pour la tige des habitans de la terre. Elle nous apprend que les enfans du dernier peuplèrent les pays qui font à l'Occident & au Nord de l'Arménie , & que ces hommes fe différencièrent en peu de tems fous diveries dénominations. Ceux de l'Occident, plus voifins de laChal- dée & de la Phénicie , apprirent par le commerce & le mé- lange avec les Orientaux , à cultiver les Arts , à vivre fous des Loix & à former des Sociétés & des Villes. Ceux qui s'é- carterent vers le Nord , fe privèrent de ces avantages ; mais ils conferverent plus long-tems la fimplicité & la pureté des mœurs. La vie paftorale qu'ils embrafîerent , en favorifant l'augmentation des familles , les empechoit de fixer leurs de- meures & de fe faire des befoins des chofes inutiles, Ils s'é- tendirent bientôt au Nord, au Levant & au Couchant , & . parvinrent enfin jufqu'au bord de l'Océan Atlantique , où fe Tomel. M po S e c t. 1 1 1. De ï Origine , des Migrations , trouvant arrêtés , & leur nombre fe multipliant , ils le virent forcés de le débarraffer d'une partie de leur jeunefle, en la renvoyant fur leurs pas. De-la fortirent entr'autres les Peu- plades de la Bohême par les Gaulois , leurs irruptions dans l'Italie, & leurétablifiement dans une partie de l'A lie Mineu- re, à laquelle ils donnèrent le nom deGallogrece ou Galatie. La Germanie La rigueur du climat n'avoir point effrayé ceux qui s'étoient bondéeparks avancés vers le Nord. La Mofcovie , la Pologne1, la Suéde Peuples . ( e ) Beat. Rhénan. Rer. Germ. Lib. I. Sebï. z. Conf. Bucelin. Geneal. Germ. Notit. pag. 6. Cluver. German. Antiqu. Lib. I. cap. 8. Waîlafrid. Strabo VitaB* Galli Lib, l.pag. 141. Et des Ligues des Germains &■ des Francs. ^ de Noé ; mais Téthymologic qui paraît la plus naturelle , cft celle SAllerley & de Mann , qui veut dire des hommes rai- femblés. Cette Ligue fe forma des peuples qui demeuraient entre le Mayn ,' le Rhin & le Danube ( a ). Elle commença à fe faire connoître fous l'Empire de Caracalla.*Proculus& Aurelien repoufferent les premières attaques (b) , & Con- fiance Chlore tailla en pièces une armée de lbixante mille hommes (c). Les Helvétiens s'étant unis à leur confédéra- tion, ils repafferent le Rhin & ravagèrent les Gaules (d ). Julien les attaqua près de Strasbourg & remporta une vic- toire complette (e). Jovin&Valentinien continuèrent cette guerre avec avantage , & Gratien en défit trente mille dans la Franche-Comté (/). Leur nom cependant devenoit cé- lèbre, & les Empereurs prenoient par honneur le titre A\e- mannique, lorfqu'ils ayoient eu qùelqu avantage fur leurs ar- mées ( g ). Malgré leurs défaites , les A llcmands ne lailîèrent pas de gagner du terrein ; ils occupèrent d'abord le pays de- puis le R.hin jufqu'à la Pannonie, & dans le fixiéme iiécle ils s'étoient établis dans la Suabe & dans la Bavière. La Ligue des Francs qui fe forma prefq'auflitôt que celle III. des Allemands , fe fit connoître dans les Provinces dont nous Fran^f uc deî écrivons PHiftoire (h) , où les Peuples qui la compofoient, s'établirent après avoir chaflé ou fournis les anciens habitans , & forcé les Romains de leur laiiTer la libre polTeffion des pays dont ils s'étoient emparés. Ce nom de Franc étoit celui de la Ligue ; elle comprenoit un grand nombre de petits peuples réunis fous une même Confédération , qui le diitinguoient entr'eux par leurs dénominations propres , & conferverent ' (a) Goldaft. Profit, ad Script. Rcr. Allem. Jor nand. âe Reb. Getic. tâp. LV. (i) Conl'. Spardan. Vit. Caracall. Cap. X. Vopife. Vit. Proculi cagy XIII, Zofim. Lib. I. cap. 49. (c) Eutrop. Lib. IX. cap. Tf.Orof. Lz'J. VII. cap. z y. (diorum &Sa-- îicarum Origine atgue differentia. Jenœ » 171 3» Et des Lignes des Germains & des Francs. yy fie la mit en latin qu'après l'établiflement des Francs dans les Gaules , cette langue leur étant devenue familière par le commerce des Romains & néceflaire pour être entendus de leurs nouveaux fujets ; qu'enfin la Noblefle fuivoit la Loi Salque , pendant que le peuple fe régiffoit par la Loi Ri- puaire ; ce qui répond afîez au Droit Romain & au Droit Lombard dans l'Italie (a). Nous avons deux fameufes Editions de cette Loi. Celle de Pirhoeus eft compofée de foixante-onze titres ; celle de Baluie, tirée fur le Manufcrit de la Bibliothèque Royale de Paris , qui vient de celle du Cardinal Mazarin , a quelque différence dans l'ordre des matières, changement qui vrai- femblablement fe fit après la converfion de Clovis ( b ). Cette Loi contient douze Articles divifés par titres , qui forment un Corps entier de Droit ( c ). Elle étoit en vigueur dans le douzième fiécle ( d ). Les Italiens mêmes l'avoient adoptée, & fa difpofition fur les fucceflions régit encore la Couronne de France ( e ). L'époque de fa rédaction renouvelle les difputes. Leibnlt\ Contenions prétend qu'elle fut promulguée avant l'invafion des Gaules , fur l'époque de £ . x- n „ i i j ' • • i r -fa redaâion. & tire la preuve de la dénomination aes quatre Cantons qui font fitués dans la Germanie. Il remarque qu'on ne voit pas qu'elle ait été confirmée par le Roi , d'où il conclut que les 'Saliens n'en avoient point alors , & que les Articles qui con- cernent la Couronne & les Ambaffadeurs ont été ajoutés, lorf- qu'ils fe furent donné des Souverains (/). Le Moderne His- torien de France , qui fuppofe que Clovis fut le premier Roi de cette Nation, s'eleve contre l'opinion de Leibnirç, &fou- tient que la Loi n'a reçu fa forme que depuis l'établiffement (a) Coccej. Diflert. Singul. ad Leg. Salie, pag. î.1-2.9. Eginhard. Vit. Carol. JVlign. Cap. XXIX. Conring. de Orig Jur. Germ. cap. VII. Cujac. de Feudis. Lib. I. Tir. 1. Hottom. Franco-Gall. cap. X. Chifflet. Vindic. Hifpan. cap. V. Hier. Bignon. Not. ad Titulum Legis Salie. Conf. Baluz.. Tb«. I. pag. 578. ( b ) Voy. Prsefat. ad Leg. Salie. Edit. Herold. Conf. J. Georg. Eccard. Not. ad utramque Edition. (c) Coccej. ad Leg. Salie. pag. $. (d) Chillet Vind. Hifpan. Lum. V. Otto Frifing. Lib. IV. Cap 11. ( e ) Conf. Franc. Maria; Florent. MemorixMathildis Lib. III. pag. 105, ( f) Conf. Leibnitz. Diflert. Sing. ad Leg. Salie. Nij io© S e c t. TTT. T>e V Origine > des 'Migrations " des Francs dans les Gaules. Il argumente de la qualité des amendes quelle prononce , & loutient que l'argent étant rare chez ce peuple avant qu'il eût paflfé le Rhin , perfonne n'auroit pu payer des lommcs fi conlidérables ( a ). Gundling qui le déclare pour le même fentiment, reconnoît dans cette Loi l'efprit d'un Monarque Chrétien ( b ). Il ajoute queClo- vis la fit rédiger pour la donner aux Allemands , après les avoir fournis. Il prétend que les quatre noms que Leibnit\ attribue à des Cantons , appartenoient aux Rédacteurs ; que yifoivaft , Vifogajl , Arogaji &■ Salegajl étoient dos Com- miffaires chargés de cet Ouvrage ; que le terme de Gajl qui fait leur terminaifon , lignifie Gouverneur , d'où vient le nom de Gajîaldus Châtelain ; qu'on trouve encore entre le Mayn, le Rhin & le Neckre les villages de Salheim & de "Wein- heim , & que ce Canton s'efl long-tems nommé la Petits France (c). Quant à l'objefiïon fondée fur le- défaut de con- firmation par le Roi , Gundling affirme que c'étoit alors un ufage établi; que Dagobert ni Charlemagnene parlent point dans les Loix qu'ils donnèrent aux Boyens , & qu'on n'y trouve que les noms de Clodion , Chadouin , Domagne 8c Agilolf , envoyés pour les établir. Leibnitç répond|qu'il eif ri- dicule de fubflituer quatre Châtelains aux Provinces qui compofoient l'Etat des Saliens , lorfqu'il efl queflion d'un établiflement général & qui requiert le confentement una-<- nime de toute la Nation ; qu'on ne trouve dans aucun Au- teur approuvé ce nom de Petite France , & que lorfque le Moine de Saint Gall diflingue l'ancienne & la nouvelle France , il entend parler de la première demeure de ce peu- ple 8c de fes nouvelles conquêtes (d). Quant au raifonnei- ment tiré de la valeur des amendes, il répond qu'on a pu l'augmenter à proportion que la Monarchie s'efl accrue , 8c que cette Loi étant celle de la NoblefTe , les amendes dévoient (a) Le R. P. Daniel Diflert. fur la Loi Salique. ( J7 Gundlingian. pan. III; n. i. §. if . Conf. Freher. On'gin. Palàt. Lïb. II» pag. 17-19. ( c ) Conftantin. Porphyrogcn. de Adminiftr. Imper, cap. XXV. ( d ) Mônach. S. Gall. Vita Carol. M. Lib, I. cap. XXIII. XXIV. X,XX. Libi IL Cap, XVI. Et des Ligues des Germains & des Francs. îot être proportionnées aux fortunes des Seigneurs , & non pas à celles des particuliers. Gundling réplique que fi la Loi iub-- fiftoit dans le tems que les Saliens habitoient encore la Thu- ringe , on ne fçauroit nier qu elle n'ait été augmentée & cor- rigée depuis la converfion de Clovis ; & que iuivànt la cou-' tume de fon fiécle , il n'ait forcé les Allemands vaincus à s'y conformer (a). D'un autre côté il attaque l'authenticité de la Préface , qui fournit les argumens les plus forts à fon Ad- verfaire. Il foutient qu'elle ne le trouve pas dans l'Exemplaire^ de Fulde (b). Il va plus loin, & changeant la fignirkation du mot de Gajl , il lui donne celle d'Etranger -y d'où il con- clut que Clovis fit venir des Jurifconfultes de Bologne & des autres villes de l'Italie pour compiler cette Loi &Ta cor- ' rige-r (c). Van Hove qui vient à latraverle , veut que cette Loi ak pris naiffance dans la Belgique. Il croit que Sale- cheîm eft Sallick fur le Rhin , Bodechem , Bodegrave dans la Hollande, & IFinckel ,.Wydenefle dans la Weftfrife (d). Vredïus & /^/ideZi/z adoptentee fentiment ; mais ce dernier tranfporte la feene dans le Brabant , où il trouve Zelheim , Zelck , Vranckryck , Zeelbemden } Bodersheim , Wlndersho- ven Sec. (e). • Malgré ces contradictions il paroît cependant que la Loi Particularité- Salique fubfiftoit avant Clovis ; mais il faut convenir que la rur fa Pi"^flCf' Préface eft plus récente. La Loi fe reffent encore de l'an- cienne barbarie de la Nation , & Clovis après avoir-reçu le baptême, a pu -retrancher ce quitenoit le plus du Paganilme. Leftyle de la Préface eft. plus poli, & Tort y reconnoît la douceur de la Morale Chrétienne. Il eft même probable que les Defcendans de Clovis y ont fait des chângemens & des additions , & par conféquent qu'on ne doit pas regarder ce Monarque comme Légiflateur. Ilfemble même que l'on doit ( a ) ValeC Pra?fat. ad Norit. Gai!: Ci) Chiflet. Lumin. Salie. pag. zn. ( c ) Gonf. Sigeb. Gemblac. pag. 422. Maxent. Chron. Malleacejif; apnd Labb . Bibl. Nov. MSC. Part. III. Tom. II. pag. 191. Paul. Diac. Geft. Longobard. Lib, y. pag. 19. (d) Conf. O. Vred. Hift. Comit. Flandr. cap. XXll.pag. 402, 418, f ) Voyez Gundling. ubifupra. 102 S e c t. 1 1 1. De l Crigine , des Migrations ,' remonter lepoque de cette Loi au tems ou Tharamond chan- gea la forme du Gouvernement : car nous prouverons dans le fécond Tome que les Francs avoient des Kois avant Clovis , malgré les efforts du Nouvel HiJJorien de Jrance pour les anéantir, & que la Loi fut publiée pour les Saliens , & non pas pour les Allemands. Sur les Fiefs II refte à éclaircir ce qu'on doit entendre par la qualifi- Saiiques. cation de Salique , qui diitinguoit certains Fiels. Tout le pays habité par les Saliens portoit originairement ce nom ; mais il fut reltraint dans la iuite aux Seigneuries qui fe ré- giffoient par la Loi , qui donnoit l'exclulion aux hlles. Des Sçavans du premier ordre ont cru qu'on devoit appliquer ce terme aux pays conquis (a ) ; mais en lifantavec attention le Titre qui regarde ces terres , il ne lera pas impolfible de pénétrer ce que les Francs entendoient par cette qualifica- tion. Le Propriétaire d'un Fief ordinaire avoit la liberté de s'en jouer & d'en diipoler comme il lui plaifoit ; mais celui qui poflédoit une Terre Salique , ne pouvoit la morceler , & les mâles étoient les héritiers néceffaires. Les Francs ne s'ap- proprioient que la partie domaniale de leurs conquêtes ; ils en compofoient des lots qu'ils jettoient au fort, & ces fortes de Fiefs le régiffoient par la Loi Salique. Les autres dont la la pofTeffion appartenoit aux anciens Propriétaires , étoient gouvernés par la Loi du Fief dominant (b). Quelques Au- teurs fe font imaginés que îorfque le Propriétaire étoit Sa- lien , la terre devenoit Salique ; mais il eft certain que les Saliens poffédoient indifféremment des Fiefs d'une autre na- ture (c). Les Francs plus équitables que les autres peuples conquérans , laiffoient les Romains & les Gaulois dans la (a) Voyez Lindenbrogii nioflarium Goldaft. Antiquit. Allem. Tom. II. n. 28. Conf. Annal. Fuldenf. Lib. III. Trad. 18. & Brouweri Annal. Trevir. Lib. IX. pa£.44f. \b) Lindenb'r. GlofTàr. Conf. Ant. Dominicus de Prirogativ. Allodior. Cap. VII. ( c ) Vadian. Epift. de Obfcur. Verbor. Allemann. fîgnif. apud Goldaft. Antiqu. Allem. Tom. II. pag. 60. Car. Dégradai de Régal. Francis Lib. I. cap. 17. Brouweri Not. ad Venant. Fortunat. pag. 91. Junii Batav. Cap. IX. pag. 103. Cocccj Jurifprud. Publ. cap. Ul.SeSl* 6. §. 91. Hottoman. Franco-GaU. cap. X. Stxuy. DiiFert. de Allod. §. 7. Et des Ligues des Germains G* des francs. \o\ pofTeffion des biens qui leur appartenoient ; ils s'appro- prioient feulement ceux qui compofoient le Domaine de l'Empire , les Communes & les Fiefs abandonnés par leurs maîtres ou leurs héritiers. On partageoit ces terres entre le Roi & les Généraux , & le fort décidoit de la part de cha- cun. Les grands Officiers fubdivifoient leur part entre leurs Capitaines. Si l'un d'eux avoit rendu des iervices éclatans , fa conceffion étoit affranchie de tout fervice , & de-là l'ori- ~ . . , , _ «.'11 i- r '• rr ■ • Ungine de» gine des Biens Allodiaux. Les autres etoient aliujettis au Biens Aiio- iervice militaire, & par cette raifon les filles étoient exclues duux* . de la fucceffion. Mais les biens qui tomboient aux Saliens par achat , mariage ou fucceffion , ne changeoient pas de nature , & continuoient à fe gouverner par la Loi du Fief dominant. Les Allemands & les Francs , en formant leurs Ligues , v. donnèrent l'exemple aux autres Germains. Les Saxons & Ligue des Sa-; les Frilons compoierent la troifiéme Confédération de tous F°ifons, les Peuples du Nord. Elle s'étendoit le long des côtes de- puis l'embouchure de l'Eider jufqu'à celle de l'Efcaut. Elle s'empara du pays que les Francs abandonnoient pour paffer dans les Gaules. Ces Peuples maritimes connoiffoient la na- vigation , & faifoient depuis long-tems le métier de Cor- faires. Leurs forces augmentant par leur réunion & Faccroif- fement de leurs Domaines , ils devinrent formidables à tou- tes les côtes. Leurs flottes entrant dans les grandes rivières, formèrent des établiffemens dans les Provinces intérieures , & Charlemagne ne vint à bout d'abbattre cette Ligue qu'a- près une guerre de quarante années. Les Ligues des Bour- guignons, des Goths , des Alains, des Huns , des Vandales & des Lombards n'ont aucun rapport à notre Hifloire , ou n'ont été connues dans nos Provinces que par des tentatives infruclueufes & momentanées. Ainfi fans nous arrêter à ces détails , nous reviendrons à la Germanie. Les Géographes la partagent en trois parties ; la Rhétie , Dïviïïbn de l'Allemagne & la Germanie. Mais ce varie pays avoit fouf- Ia Germiiniey fert d'autres divifions du tems des Romains. Lorfque Celar eut conquis les Gaules, le Rhin devint la barrière de l'Em- 104 S e c t. lit. De V Origine , des Migrations, pire. La rive gauche étant peuplée par des Nations Germai- nes , fut appellée la Petite Germanie , & le côté droit du fleuve conlerva le nom de Grande Germanie. La féconde fe fubdivifoit encore en Supérieure ou Trans-rheniere , & en In- férieure ou Cis-rheniere. La première commençoit aux four- ces du Rhin en descendant jufqu'à Mayence. La Norique & la Pannonie , dépendantes de l'Empire , la bornoient au Sud. Elle avoit la Sarmatie au Levant, la Mçr Baltique au Variations Nord , & le Rhin au Couchant (a). Dans le moyen âge fions0" Dm~ ^CS tro*s Part^es k réunirent en deux , qui furent de nou- veau diftinguées par les épithétes de Supérieure & d'Infé- rieure , qui n'étoient plus les mêmes pays que ceux que les Empereurs diftinguoient fous les mêmes dénominations. La Supérieure, avec les terres en-deçà du Rhin , comprenoit la Suiffe ou l'Helvétie , la Suabe, la Franconie & la Bavière. L'Inférieure étoit compolée de toutes les Provinces entre l'Efcaut & le Rhin & de la Fiïfe, dont les limites n'étoient ias déterminées. Clpyis ayant conquis les Gaules, & vaincu les Allemands à Tolbiac , fit difparoître le nom de Ger- manie , & les Provinces qui la compofoient , formèrent fous les Defcendans le Royaume d'Aujlrajie, dont Metz étoit la Capitale. Charlemagne ayant pouffé fes conquêtes jufques dans la Hongrie , changea la face de cette partie de l'Eu- rope , & le nom de Germanie fe renouvella au-delà du Rhin. Par les partages des fils de Louis le Débonnaire le Royaume qui fe forma au-delà du Rhin , adopta cet ancien nom Çf). On y ajouta dans la fuite quelques Villes , quoique fituées du côté des Gaules , à caufe des vins que leur terroir pro- duifoit , & Louis le Bègue céda la Lorraine à Louis le Ger- manique X c"). Cet accroiffement rendit cet Etat tfès-p'uif- fant ; mais après l'extinttion des Carlovingiens dans la Ger- ( a ) Conf. Pompon. Mêla Lib. III. cap. 3. Clirver. Germ. Antiqu. Lib. I. cap* il. Pontan. Orig. Franc. Lib. I. cap. 1. i. Cellar. Notit. Orb. Antiqu. Lib. II. Cap. ^..Eginhard. Vita Carol. M. cap. XV. Irenic. Exeg. Germ. Lib. I. Cap. 14. ( 4 ) Regijio Chron. ad ann. 841. Sigeb. Gembl. ad ann. 844. Lehman Chron. Spirenf. Lib. iU. cap. 40. (c) Conring. de -F inib. Imper. Lib, I. cap. 6, Struv, Sy ntagnx, Jur. Publ. cap4 in.§. 14. maniç f le: Et des Ligues des Germains &1 des francs. 105 manie , & la mort de Zwentibold , Bâtard d'ArnouI , Char- les le Simple, Roi de France , refté feul du Sang de Charie- magne , prétendit réunir la Lorraine à fa Couronne. Il pou- voit étendre fes droits fur tout ce qui avoit compofé l'Em- pire d'Occident ; mais les forces lui manquant , il conclut à Bonn un Traité avec Henri l'Oifeleur , auquel il céda la France Orientale & l'Italie. Ce Prince cependant ne régna que fur l'Allemagne, & ne put parvenir à fe faire couronner Empereur. Le Duc de Frioul & le Duc de Spolete fe diipu- noient ce titre en Italie ; les guerres qu ils fe firent, affoiblirent ce pays , & donnèrent à Conrad I le moyen de revendiquer fes droits. Ce Prince étant fils d'Arnoud , Duc de Francc- nie , fortoit de la Ligne Allemande. Il donna le nom de fon peuple à fon Royaume, & le Grand Othon s'étant fait cou-< ronner à Rome, fixa l'Empire dans fa Nation. La partie de la Lorraine que Charles le Simple avoit cédée à Henri l'Oi- feleur , comprenoitle Duché de Mofelle. Il s'étendoit furune- grande partie des Provinces dont nous écrivons l'Hifloire , qui conféquemment furent reflituées à la Germanie. Le nom- bre des Peuples qui habitoient anciennement le refte de ces varies Contrées , & leurs changemens deviendroient d'un détail ennuyeux. Nous en avons rapporté quelques-uns à la fin de la Section précédente , & le Le&eur trouvera ceux qui ont un rapport particulier à notre fujet , placés fur la Carte ancienne , jointe au fécond Tome de cet Ouvrage, -f--*-j-*-, *jp -«- |H|M|h-a- ç Tome I. Q io6 S e c t. I V- De FEtat Eccléfiajlique , Civil, SECTION IV. De l'Etat Eccléfiaftique , Civil, Militaire & (Ecor nomique des Anciens Germains. SOMMAIRE. I. Ty O IS Sacrés des Germa'ms. Leurs Temples. Idoles. J_y Autels. Sacrifices. Prêtres. Leurs Dieux félon Cefar. II. Culte du Soleil. De la Lune. De Mars. De Mercure. De Jupiter. De Venus &' de V Amour. De Saturne. Origine du Culte des Planètes.. III. Culte du Peu , de. l'Air , de la Terre. D'Apollon. De Bujleric. De Jecha. De Codron. De l'hmen- ful. D'EoJlra. De Plinna. De Siba. D'Ater. De Jodutte. DTfis. De Herth ou Cybele. De Cifa. D'Hercule. D'Alces ou Cajlor & Pollux. De Suant evith. De Rugievith > Porevith ù" Porenuti. De Eelbrock & Zernebock. DeZutibure. Dt Prone. De Radegajl. de Siva. De Nehalemiia. IV. Pré- trejfes des Germains. Velleda. Origine de la ville de Guel- dre. Grana. Jethra. Temple de Tanfane. Druides & Bardes des Germains. Leur Rhabdomancie. Autres Divinations. V. Gouvernement des Germains. Leurs Cités. Bourgs. Villages. Sénieurs. Petits Comices. Centeniers. Grands Comices. Peuple. Diverfité de Gouvernemens. Compétence des Comices. Chefs d'Armée. Rois. Différentes Gaffes dans l'Etat. Nobles. Li- bres ou Affranchis. La^es ou Efclaves. VI- Loix des Ger- mains. Leur férocité. Leur Bravoure. Leurs Batailles. VIL- Leur vie domejlique. Leurs habillemens. Education de leurs Enfans. Leur Conjlitudon. Leurs mariages. Culture de leurs terres. Leur nourriture. Leurs repas. Leur yvrognerie. Leur Hofpitalité. Leur paffîon pour le Jeu. Leurs Biens & leur Commerce. Leurs fùccejfwns. Jeux de leurs Fêtes. Leurs Pu- œrailles, VIII. Révolutions dans la Germanie Inférieure., Ses 'Militaire £> (Economique des Anciens Germains. 1 07 'Habitans policés. Les Terres défrichées 6* peuplées. Conflruc* tion des Villes. Des Châteaux. Des Forts fur les Frontières* IX. Nouvelle forme des Gaules. Nos Provinces enclavées dans la France Orientale. Augmentation des Villes. Création des Ducs 6* des Comtes. Leurs Dignités devenues héréditai- res. Duché de Aï of elle. Places fortes dans Tinté rieur du Pays. ■ Origine des Souverainetés dans V Empire. LE S anciens Germains ne connoiflbient ni les Idoles ni l. les Temples (a). Ils avoienc cependant des Dieux ; jesBQSrf^ré* mais ils auroient cru déshonorer leur eflence , en leur don- nant une forme humaine , & les renfermant entre des mu- railles. Peut-être auffi l'ignorance , dans laquelle ils ctoient de l'Architeâure & de la Sculpture , en fut la principale caufe. Ils confacroient à leurs Divinités des Forets entières , des rivières , des montagnes & jufqu à des pierres & des -rochers-. L'endroit le plus épais du bois tenoit lieu du Sanc- tuaire. Cétoit un afyle inviolable pour ceux qui s'y refu- gioient , & le rendez-vous de leurs Aflemblées générales. Ils apprirent dans la fuite à bâtir des Temples , Se à fe faire Leurs Tar# des Idoles ; mais les uns & les autres fe reiïentirent long- Ples* tems de leur /implicite grofliere. Les Temples confiftoient dans de limples cabanes qu'ils plaçoient dans la profondeur de leurs bois facrés, & leurs Idoles n'étoient que des ar- Idoles, bres qu'ils façonnoient fur la place même 8c fans les trans- planter ( b ). On ignore la flru&ure de leurs Autels ; on en juge par Autels, quelques amas de pierres qu'on a trouvés dans les Forêts & fur le fommet des montagnes. La bafe en étoit de gazons , •Se la table de pierre (c) . Ils immoloient des hommes à Mars > Sacrifice* (a) Tacit. de Morib. Germ. cap. IX. (b) Plin. Hift. Nat. Lib. XII. Cap. i. Tacit.de Morib. Germ. cap. XXXIX. XL. XLIII. Annal. IV. Cap. 73. Conf. Adam.Bremenf. Hift. Ecclef. Lib. II. cap. 26. A. Ch. Efchenbach de confecratis Gentilium Lucis. Schminck de Arbore Jo- vis.Ç.III. Cluv. Germ. Ant. Lib. I. cap. 34. Gregor. Turon. Lib. 11. cap. 10. Hel- mold. Chron. Slavor. Lib. l.cap. 73. (c) Tacit. Annal. I. cap. éi. Sched. de Diis Germ. Syngr. IL cap. 16, Cl«ver0 Germ, Ant. Lib. I. cap. tf.pag. 103. Oij 108 Sect. T V. De l'Etat Eccléfîajlique , Civil , & à Mercure , & les prifonniers qu'ils faifoient à la guerre, avoient la préférence (a). La principale de leurs cérémonie* étoit les libations qui fe faifoient avec le fang desVi&imes; ils en coniultoient les entrailles qu'on brûloit fur l'A utel,& la fête finilfoit par un repas que les Aififtans faifoient durefte des ani- maux facrifiés, & dans lequel ils ne manquoient pas des'en- Préu-es. y vrer (6) .La perfonne de leurs Prêtres étoit inviolable, & ce privilège autorifoit déjà en ce tems ce Corps à tout ofer (c). Leurs Dieux Cefar ne connut que trois Dieux aux Germains : le Soleil , Cdondfur. |a Lune & Vulcain (d). Si l'on s'en rapportoit à ce qu'en dit ce Capitaine , on croiroit facilement qu'ils tenoient leur Culte des Egyptiens , & qu'il leur fut apporté par Sefoftris , lorfqu'il étendit fes conquêtes depuis l'Indus jufqu'au Danube , & depuis la Mer Noire jufqu'au Nord de la Thrace. Le Soleil & la Lune étoient l'objet de l'ido- lâtrie des Chaldéens ; les Egyptiens y joignirent Vulcain , & lui feuleut longtems un Temple dans leur pays. Mais la Mythologie des Germains étoit plus étendue ; & Cefar , qui ne les connut qu'en qualité de Conquérant , n'avoit pu s'in- ftruire à fond fur leur religion & leurs ufages. Soit que des Colonies Gréques ou Egyptiennes , foit que le commerce des Nations étrangères leur eufTent communiqué les Fables des Orientaux , il eft certain qu'ils connoiflbient très ancien- nement la plus grande partie des Dieux du Paganifme, II. Chaque jour de la femaine avoit ion Dieu , dont il por- Culte du So- toir le nom. Le Soleil , dont les bienfaits font fi fenfibles , étoit le premier ; ils l'adoroient comme le Modérateur du Ciel , l'Ame de l'Univers , & le Gouverneur du Monde (e). Son Culte pafla de l'Orient dans le Nord , & les Saxons le portèrent dans les Ifles Britanniques. Il avoit un Temple à Soltwedel , où il étoit repréfenté fous la forme d'un jeune (a) Tacit. de Morib. Germ. cap. IX. XXXIX. Annal. I cep.6i. XIII. cap. 7. XV. cap- 30. Cluver. ubifupra. Lib. I. Cap. 3 f . Schedius,, ubifupra. Sjngr. II. cap» 3 1 . Conf. Hachenberg. German. Media. (b ) Tacit. Annal. I. cap. 65. Helmold. Chron. Slavor. Lib. I. Cap. 52. (c) Helmold. ubifupra. LU. II. cap. 12. (d) CxfardeEello Gall. Lib. VII. cap. 21. O) Cicer. in Somn. Scipion. Macrob. Saturn.il. Lib. I. cap. 17. Conf, Voflïi Theol. Gentil. Van Dalede Idololatria. 'Militaire & (Économique des anciens Germains. 109 homme qui portoit une roue flamboyante fur fa poitrine , 6c le premier jour de la femaine lui étoit dédié (a). Le iecond appartenoitàlaLzwe. LesGermains étoientperfuadés quelle DehLu»e. influoit fur les entrepiifes&: les confeils. Ses Phafes déci- doient le tems de leurs AiTemblées , & la Pleine-Lune déter- terminoit le jour des batailles. Cette Divinité avoit un Tem- ple à Lunebourg ; l'Idole repréfentoit un homme avec de grandes oreilles qui portoit un difque d'argent ( b ). Mars De Mars. venoit enfuite. Vitellius lui bâtit un Temple à^Cologne', dans lequel il confacra le poignard, dont Othons'étoittué (c). Le quatrième jour portoit le nom de Mercure qu'ils nommoient De Mercure. God ou Wodan. On facrifioit des hommes à ces deux derniers Dieux (d). Jupiter n'avoit que le cinquième rang chez les De Jupiter. Germains , quoiqu'il fût le premier chez les Celtes. Son Temple étoit à Thornbourg ; on le nommoit Soranus , qui veut dire tonnant ( e ). Les Saxons honoroient particulière- ment Venus. Cette DéelTe avoit unTemple à Magdebourg, où De Venus. elle étoit repréfentée nue , couchée fur un Char traîné par des Cygnes de des Colombes , couronnée de Myrthe avec une torche enflammée fur la poitrine , l'emblème du Monde dans la main droite , & trois pommes d'or dans la gauche. Les trois Grâces étoient debout derrière elle (/). Ce peuple l'appelloit Frica ; les habitans du Nord adoroient l'Amour De l'Amour, fous le nom de Fruco (g). Saturne avoit un Temple à Hartef- De Saturne, burg. Nous en parlerons plus bas fous le nom de Codron* Nous lifons dans les Chroniques que Cefar fonda fept Villes dans la Grande-Germanie , & leur donna le nom des fept (a) Gsfar de Eello Gall. Lib. VI. cap. 10. Cluver. Germ. Antiqu. Lié. I. Cap. 3. 4. Hachenberg. Germ. Med. Dijf. VIII. §. IX. Sagittar. Hiftor. MarchisSolc- Vfcdcl.pag. 89. (b) Botho Chron. Brunfvic. pag. 282. Hachenberg ubi fupra, Dijf. VIII» §. 10. ( c ) Sueton. in Otton. & Vitell. Vellej. Patercul. cap. X. (d) Tacit. de Morib. Germ. cap. IX. Cluver. Germ. Ant. Lib. I. Cap. zé. (e) Luean. de Gallorum Diis Lib. I. v. 444. Conf. Gob. Perfon. Cofmosîr. 'JEt. II. cap. 4. Eric. Olai. Hift. Svec. Lib. I. cap. 1. (/) Krantz. Hift. Saxon. Lib. II. cap. 12. Bothon. Chron. Brunfvic. ad ann, 781. Giruld. Hift. Deor. Synt. III. (g) M. Ad?.mi Militaire &* (Economique des anciens Germains. 1 1 1 heure; & cette révolution des fept Planettes détermina le nombre des jours de la femaine ( a ). Outre ces Divinités les Germains adoroient le Feu fous le jje nom de Vulcain , Y Air fous celui de Junon, & la Terre CuiteduFeir, qu'ils repréfentoient par Pluton (b). Les Peuples du Nord r^''*** avoient leur Appollon que les Grecs adoptèrent fous le titre D'Apollon. d' Hyperboréen (c). Les Thuringiens honoroient Bujleric , dont on a trouvé De Buflericr l'Idole, il y a deuxfiecles, en démoliflant le Château de Rotenbourg : elle fut portée à Sondershaufcn. Elle eit d'un métail inconnu & repréfente un enfant de dix ans. Son re- gard eft hideux ; il a les yeux de travers. Il tient fa tête d'une main , l'autre efl pcfée fur fa cuifTe ; fa bouche eft. ouverte ,, & fa tête eft percée par le fommet. Les Prêtres fe fervoienc de cette ouverture pour remplir d'eau la capacité de l'Idole qu'ils pofoient fur des charbons ardens , après l'avoir bou- chée. Le Dieu paroiffoit fuer , & la bouche jettoit de la fu- mée , à mefure que la figure s'échauffoit. Quand la liqueur étoit entièrement raréfiée , elle faifoit fauter le bouchon avec grand bruit, .& le peuple effrayé recevoit l'oracle que le Prê- tre prononçoit. On montre une de ces Idoles dans la Biblio- thèque Pauline à Leipfic (d). Boniface , premier Evêque de Mayence, & l'Apôtre des De Jednî- Germains , renverfa dans la Thuringe une autre Idole qu'on nommoit Jecha , dont le Temple étoit au Château de Jeche- burg, près de Sondershaufen. Ils paroît que les Saxons ho- noroient Diane fous ce nom (e). Ils avoient encore un Dieu qu'ils nommoient Codron , & dont le Culte fe célébroit à Hartesburg. (/). L'Idole repréfentoit un Vieillard afïisfur (<0 Conf. Krantz. Hift. S.ixon. Lib. I. Cap. 15. Sagitcar. ubifuprd. pag. 6. Go- belin. Perfon. Cofmodr. /Etat. III. Cap. 4. (£) Gaffai-, de Eello Ga!l. Lib. IV. Cap. zr. ( r ) Rudbcck Atlantic/oi. 6z. n. 4. \d) Henr, Ernfîii Var. Obfervat. Lib. II. Cap. ult. Benjam. Scharffin Juniperî Defcript. curiofa Sagittarii Antiqu. Gentil. & Chriftianifm. Lib. I. cap. 1. Henninii Not. ad Tollii Epift. Itiner.'I. pag. 55. (e) Serrar. Rèr. Mogunt. Lib. III. Cap. n.Sagittar. ubifupra. (f) Krantz. Hift. Saxon. Lib. II. Cap. iz. Spener. Hift. Germ. Univ. Lib. I. cap. 6. p ag. 90. Fabritius de Orig. Saxon. Lib, I. pag. 61. Schedsusde Diis Gerra» Lib, IV. cap. 11. fui, ï 1 2 S e c. t. T V. De l'Etat FccléJIa(lique , Civil, un poifl'on, tenant un cercle d'une main, & un panier de fruits de l'autre. Ce Cercle eft le Iymbole de l'union , & les fruits le font de l'abondance. Les Antiquaires veulent recon- noitre Saturne fous ces Emblèmes; mais nos Critiques préten- dent que ce fimulacre eft la Statue d'un ancien Roi. On ne peut dilconvenir en effet qu'il ne le trouve quelque différence en- tre les attributs que les Romains donnoient au Dieu Chro- nique & ceux de cette figure (a). De rirmcn- On s'accorde encore moins lur Ylrmenful , dont on con- tefte jufqu'à la forme. Les uns le repréfentent comme un homme en fureur , armé de toutes pièces , ayant un coq pour cimier de fon calque , un ours fur la poitrine , un lion fur Ion bouclier, un étendart femé de rofes rouges dans une main «Se dans l'autre une balance. Ils donnent un lens myftique à cha- cune de ces pièces. Le coq eft le Iymbole de la vigilance, l'ours de la force & le lion du courage , les rofes dénotent la victoire , & la balance avertit qu'il faut peler toutes les cir- conftanees , avant de rifquer l'événement d'une bataille (6). Les autres repréfentent PIrmeniul par un groupe des Idoles de Mars , d'Apollon , de Mercure & d'Hercule (c). Ceux- ci loutiennent que ce n'étoit qu'un arbre , fur lequel , comme fur une Colomnc , les Germains avoient élevé un trophée t pour conierver la mémoire de la victoire qu'Arminius avoit remportée fur Varus (d). Sul lignifie une Colomne dans l'an- cien Thudefque ; le mot d'Irmin pourroit être une abbrévia- tion de celui d'Arminius,& de plus cette opinion fympathife avec l'ancienne (implicite de ces Peuples. On peut fuppofer qu'ayant appris un peu de fculpture , ils y ajoutèrent quelques ligures , dont la fuperftition n'a pas manqué de faire des (a) Conf. Heineccii DifTert. Sing. de Codrono §. 16. (b) Theod. Engelhus. Chron. apud Leibnitz. Script. Rer. Brunfvic. Tom. II. pag. 1061. Fabrit. Orig. Saxon. Lib. lV.pag. 416. Krantz.. Hift. Sax. Lib. II. cap. 5. Winckelman. Not. Veter. Saxo-Weftphal. Lib. I. Cap. 9. n. 110. Lib. III. cap. 11. n. 15. (c) Werner Rolefinc Antiqu. Saxon, cap. NI. Engelhus Chron. apud Leiba, uli fupra. (d) Adam. Bremenf. Hift. EccleH Lib. I. cap. 6. Conrad. Urfpergenf. Chron. fol. ipf. Mutii Rer. German. Lib. Xll.pag. 95. Beat. Rlienan. Rer. Germ. Lib. Ll.pag. 119. Pieux» 'Militaire & (Economique des Anciens Germains. 1 1 3 Pieux. Quelques' Auteurs veulent qu' Irmenful ait étél enom d'un Temple confacré à tous les Dieux (a). Ceux-ci fe font imaginés par l'analogie des noms , oplrmenful pouvoit être Hermès ; (b) ceux là le nomment Hermion du nom d'un ancien Roi des Saxons ( c ). Leibniti l'appelle Herman , 8c foutient qu'il étoit plus ancien qu'Arminius (d). Ma7tius en fait un Dieu inconnu ; Becanus un hioroglyphe {«),&: Spalatin le fimulacre d'Arminius (/). Il elt certain que les Germains célébrèrent longtems des fêtes en action de grâces de fa vittoire, 8c leurs Prêtres avoient compofé des Ro- mances que les foldats chantoient en allant au combat. Ainfi Ton peut croire que les Vainqueurs , à l'imitation des Ro- mains , ayent dreiïé un trophée dans les bois de Duisbourg , que le zélé des Prêtres afïigna une efpece de culte à ces folem- nités_, & que la fuperftition déifia le Héros. Les avis fe partagent encore fur le lieu où fe célebroient ces myfteres. Les Annales nomment Eresbourg & Mers- bourg (g-) , & cette Ville caufe une double difficulté. Etoit- ce à Eresbourg en Weftphalie {h) ou à Merfebourg en Mif- nie (i) ? Les guerres de Charlemagne , dont la première de ces Provinces fut le théâtre , femblent décider la difficulté. La déftru£tion de l'Idole fut une fuite de fes victoires , &: l',on peut croire que Ion Temple n'étoit pas éloigné de la ( a ) Regino & Lambert. Schaffnab. ai ann. 771. (6) Lambec. Chron. ad ann. 771. Meinders de Statu Relig. & Reipubl. in part» Saxon, pag. 1^9. (c) Gobelin. Perfon. Cofmodr. JEtai. VI. cap. 38. Fabritius ulifupra. Lib% II. ( d) Leibnitz. Not. in Tacit. de Monb. Germ. cap. IX. (e ) Becan. Origin. Antverp. Lib. VI. in fine. \**- 'Militaire fr (Economique des Anciens Germains. 1 17 mier étoit fi haute qu'un homme avoit peine à toucher ion menton avec un javelot. Elle avoit fept têtes , autant de de bras , une épée dans chaque main & la huitième à fon côté. Le fécond avoit cinq vifages yquatre autour de la tête, & le cinquième fur la poitrine (a). Ilsavoient encore un Dieu bienfaifant qu'ils appelloient Belbrock, 8c un autre malfaifant, De BclbrocftY nommé Zernebock (b). Wigbert f Evcque de Merfebourg , De 2e détruifit le Temple d'une autre Divinité qu'ils revéroient fous bock. le nom de Zutibure (c).- Dc Zutibure>. Les Obotrites ,- petit peuple compris fous-le nom général De Prone, de Slaves ( à ) , adoroient Prono ou Prone. Son Idole étoit placée fur une Colomne : elle avoit les oreilles longues & droites , le pied fur une Cloche , dans la- main un fer rouge de la forme d'un foc de charrue , & l'on vêtement étoit jaune, La Colomne étoit placée au milieu d'un bois fous les arbres les plus çpais ; le San£tuaire étoit fermé par une haye ouverte des deux côtés,& ceteit en ce lieu qu'on faifoir l'épreuve du fer rouge , en obligeant celui que l'on foupçonnoit de quelque crime , de marcher fur- le fer ardent , pour prouver ion in- nocence (e). Les Obotrites avoient encore des bois conficrés à Rade- DeRadegaGÊ- gajl ( f ), & lajPomeranie étoit le Siège de fon Culte. L'Idole étoit d'or , & couchée fur un lit de pourpre. Elle avoit un bufle noir dans fon Ecu , un oifeau fur fon cafque , & dans la main une mafle d'armes' (g) .- Cette Idole leur avoit été appor- tée par les Grées félon les uns , & par les Vandales félon les autres; & nos Antiquaires la prennent pour une repréfenta-' non d'Hercule (h). Eccard rejette cette opinion , & foutient (<0 SaxoGramrftar. Hift. Dan. Lib. XIV. pag. 332. Frencel. de DiisSorab. ulifupra. Conf. E'udewig. Diflert. de Idol. Slavor. (b) Helmold. Lib. I. pag, 42. Krantz.. Vandal. Lib. III. cap. 28. Schedjus Sjngr. IV. cap. 1 j.Mafii Antiquit.Mecklenburg. cap. Xl.pag. 53, (c) Ditmar. Lib. VI. pag. 2?j. (d) Helmold. I5ib.XlV.pag. 327/ (e) Helmold. Lib.I. pag. j 2. Schedius Lib. IV. Ma/îus ubifupra. cap. II. £. 4-. 'JE Civil , les fèces (a). Ces cfpeces de Poèmes leur tenoient lieu d'An- nales , & contenoient l'hiftoirc du pays & les faits des Ca- pitaines distingués. On peut juger fi ceux qui regardent les Bardes comme des Bouffons ( b ) approchent de la vérité ; 8c certainement les égards que Charlcmagne eut pour eux , fuflïfent pour prouver le cas que ce grand Prince en fai- foit (c). Le Collège des Bardes étoit même fi puiffant que lorsqu'il fut expulié des Gaules , il fonda la ville de Barde- vie en Allemagne. Ces Prêtres avoient un ufage particulier pour confulter le deftin. Ils découpoient en petites parcelles la branche d'un arbre à fruit , jettoient les morceaux au har zard fur une étoffe blanche , 8c liloient l'avenir dans le def- , LcurRhab- fein qu'elles formoient. Cette feience s'appelloit Rhabdo- mancie ( à ). Hérodote nous apprend que les Scythes la pra- tîquoient de teros immémorial (e). Ils la communiquèrent avec Autres Devi- Ie tems aux Alains & aux Rugiens. Les Bardes obfervoicnt .turioiii. encore le chant des oifeaux , & iurtout l'henniffement 8c les mouvemens de leurs chevaux (/). Les Prêtres en nour- riffoient qui ne lervoient qu'à cet ufage , £c le peuple les croyoit infpirés par les Dieux. Les Druides annonçaient l'abondance ou la ftérilité des récoltes par l'infpection de l'infecte qu ils trouvoient dans le cœur de petites pommes ou gales qui font en automne attachées fous les feuilles de chêne. L'araignée dénotoit l'année ftérile, le moucheron un été ïec , 8c le vers marquoit des pJuyes. Lorfque les Slaves vouloient juger de l'événement d'une guerre , ils cherchoient (a) Conf. Cx'fiir. de Bell. Gall. Lib. I. cap. i. Plutarch. in Mar. S: inCœjax. Tacit. de Morib. Germ. cap. III. Diod. Sicul. cap. I. Athenarus Lib. Vl.pag. 246. Amm. Marcell. ubifupra. Lucan. Pharfal. Lib. I. Cluver. ubifupra. Gyrald. Hifi, Poct. pag. 2j. (b) Valef. Not. in Amm. Marcell. Lib. XV. cap. 9. (c) Eginh. Vit. Carol. M. Cap. XXIX. Conf. Avent. Annal. Bojor. Lib. I. Cap . 7. n. 14- (d ) Adam. Bremenf. Lib. I. Cap. 3. Helmolà. Lib. I. cap. 16. 1%. *6. Albert. Stadenf. adann. io62.Sagittar. Ijlift. Bardevic. Cap. I. pag. 39. Schlopke Chron. Bardcvic. Part, l.pag. 3. Meibom. Hift. Bardevic. pag. -çè. (e ) Herodot. Lib. IV. pag. 278, Saxo Grammatt. Hift. Dan. Lib.XlV. Amm» Marcell. Lib. XXX. cap. 1 1. (/' ) Taeit. de Morib. Germ. cap. X. à 'Militaire & (Economique des anciens Germains. 1 2 x à faire un prifonnicr , l'obligeoient à fe battre en champ-clos contre celui de leurs foldats dont le fort décidoit , & l'avan- tage de l'un ou de l'autre annonçoit le parti qui devoit être vidorieux. Les Cimbrcs & les Teutons conlultoient le cours des rivières & les entrailles des priionniers qu'ils immo- loient (a). Les Germains abhorroient la fujettion ; leur Gouverne- V. ment étoit libre, quoique différent félon les Cités. Les unes Gouverne- ,,.r . /^t c t ' ■ ' 1 xt ment des Ger-. elnoient un Chef ; les autres croient gouvernées par la No- mains. blefle , & la plupart par des Comices , dans lefquels le Peu- ple avoit entrée. Quoique leurs guerres avec les Romains leur euflent appris à former des Ligues , l'Ordonnance gé- nérale des Armées n'avoir point altéré le Gouvernement par- ticulier de chaque Peuple. Ces pays étoient divifés par Citrs. On comprenoit fous Leurs Cité»; cette dénomination un certain nombre de Eourgs qui fe fub- Bourgs. divifoient en Villages. Le nombre des Bourgs rféroit point Village*, fixé pour former une Cité , non plus que celui des Villages -pour compofer un Bourg ; mais il falloit cent familles pour faire un Village. Chacune d'elles ifolée de toutes les autres , plaçoit Ion habitation félon fon goût &: fon caprice ; elle étoit îbumife au plus ancien qui s'appelloit Sénieur. L'AiTcmblée sénicurs. de ces Sénicurs formoit les fetits Comices & le plus vieux qui Petits Comi- préf îdoit, s'appelloit CentQfiier. Les villages allez voiflns pour c"- pouvoir fe iecourir mutuellement , failoient un Bourg. On cmemers# trouve encore des vertiges de ces coutumes aux environs de Heidclberg. Enfin l'Afïcmblée des Centeniers s'appelloit les Grands Co« grands Comices , & conilituoit la Cité qui renfermoit ainfi mices. ag' 1 1 ?• Freher. Orig. Palat. Lib. I. cap. j. Sagittar. Antiqu. Thuring. Lib.1V. cap. z. Beat. Rhénan. Rer. Germ. Lib. II. pag. 2.63. Knipfchild de Jur. Çiv. Imper. Lib. II. cap. 6. n. 45 3. Tome, l. Q 1 2 f Sect.IV. De l'Etat Eccléfiajliqrre , Civil , Divcdùé La forme de chaque Gouvernement vaiioit félon les cor> de Gouverne- ventions de la Cité. Les Marccmans 6c les Quades le don- noient des Rois {a). Les Uiipetcs, les Tencteres &. les Ftilons obéiifoient à un Conieil compolé de la Nobleffe (b). Les Ubiens donnoient au Peuple entrée dans leur Sénat (c) ; mais dans la Monarchie même l'autorité du Prince étoit ba- lancée de façon que la liberté publique étoit en fureté , ôc que la Nobleffe jouiffoit de tous fes privilèges (dj. compétence Les Princes prefidoient aux petits Comices , où l'on des Comices, jugeoic les affaires des particuliers ; les crimes &. ce qui touchoit à la Société , étoient relervés pour les grands Chefs «TAr- Comices ( e). Les Ducs commandoient pendant la guerre. mée* Le Général étoit élu dans l'Aifemblée de toute la Nation ; les foldats l'élevoient fur un bouclier , & le portoient dans les Cités liguées pour le faire reconnoître (f) . La valeur & le Koîsr mérite régloient leur choix ; eniorte que la naiiïance faifoit . . les Rois: le hazarddécidoit du feeptre; mais la vertu faifoit les Capitaines. Ambiotrix . Cativulcus furent Rois desEburons; Maroboduus des Sueves ; Ariovifte de tous les peuples qui demeuroient fur la rive droite du Rhin ; Arminius fut Duc des Cherulques , Acrumer des Cattes , Brinnio des Canine- fates &. Cariovalda des Bataves. Les Rois des Rugiens dc'de quelques autres peuples gouvernoient defpotiquement ; ceux des autres déterminoient à l'obéif^nce par la perfuafion plus que par le commandement ; les Ducs fervoient d'exemple à leurs foldats , au lieu de donner des ordres. Leur autorité étoit égale à celle des Rois pendant la guerre ; la paix les rendoitde fimples Citoyens. Le confentement unanime étok k titre des uns & des autres , &. l'approbation générale leur tenoit lieu d'inilallation. (a) Tacit. dcMorib. Germ. cap. XLII. (b) Carfar de Bell. Gall. Lib. IV. cap. 13. Taclt. Annal. XIII. cap. W (f) Tacit. de Morib. Germ. cap. XII. (d ) Lucan. Pharfal. Lib. VIII. verf. 454. Conring. de Urbib. Germ. HertiiNcY. Veter. Germ. cap. VI. §• ï« 2. 3. Spener. Hift. Germ. Univ. Lib. 1. cap. î-pag, (e) Conring. in Tacit. cap. XI. XII. (/) Gregor. Turon. Lib. IL cap. 40. Cafliod. Lib, X. Aimoin. Lib, III. Cap. (t Cluver, Germ. Antigu. Lib. I, cap, 46. Militaire O (Economique des Anciens Germains. 123 ClafTes dans La Nation étoit partagée en quatre ClaiTes , les Nobles , Dlffâcntes. les Libres , les Affranchis Se les Efclaves. Les Saxons ne fai- CI3*1" ' foient qu'un Ordre des Libres Si des Affranchis; enlortc qu'ils n'en connoifïbient que trois : les Adelbiges , les Frilinges Se les La^es (a). Ceux qui deicendoient des Ducs , formoient Nobles la première Claflfe ; la naiflance étoit fi refpe&ée , que Tacite même, lorfqu'il nomme leurs Capitaines, rapporte leurs Généalogies. En parlant de Claflicus , il remarque qu'il' obtint le commandement de l'Aile Trevirienne , parce qu'il fortoit du fang royal. Il a la même attention au fujet de Claudius Civilis & de Julius Paulus , en obfervant qu'ils def- cendoient des anciens Rois des Bataves ( b ). La Milice formoit le fécond Ordre. Lorfqu'un jeune Libres ou AS, homme étoit en âge de porter les armes, fes parens le pré- franchl£« iéntoient aux grands Comices , & le Duc lui donnoit la lance & le bouclier ( c ). Ce cérémonial valoit l'émancipa- tion romaine. Le nouveau Guerrier faifoit une tête dans la Cité. Il avoit voix dans les AfTcmblées ; & l'on peut croire que la Ceinture Militaire , & la réception dans la Chevalerie qu'on a longtems pratiquée , étoient une fuite de cet ufage. Les Lazzes ou les Eiclaves étoient de deux efpeces. Les LazzesouEG uns avoient vendu leur liberté ; les autres étoient des pri- clavts- foniers faits à la guerre. Les Germains n'occupoient pas leur Eiclaves au fervice domeftique, comme faifoientlesRomains. Les Serfs étoient chargés de la culture des terres , & ne pou- voient quitter leur habitation fans le confentement de leurs maîtres , à qui ils rendoient le produit , à la referve de ce qui leur étoit néceffaire pour fubfifter. On voit encore cer- tains Cantons en Allemagne, où les payfans font attachés à leurs villages , & ne peuvent s'en éloigner fans l'aveu du Seigneur ; & c'eft ce que les Jurifconfultes apppellent Servi Glebœ. -(a) Nuh3Ta.Lib.lV.pag.47S. [b ) Tacit. Hift. Lib. IV. cap. ff. Item cap. 13. Conf. Spener. Hift. Germ. Univ. lib. I. cap ^.pag.Ti. ,(c) Spener ubi fupra. pag. j Leurs bataillons avoienx la forme d'un cône , dont on leurs Bataiî- auroit emouffé la pointe : le front de leur bataille paroiffok, le,t pour ainli dire , dentelé, & leur Cavallerie fe pofloit dans les «Brides .de l'allignement. Les Cavaliers & les Fan- tafllns chargeoient enlcmble , & l'agilité des fbldats egaloit la viceffe .des chevaux. Leurs arômes offensives étoient la lance & une épée fort courte j les défensives des calques & de petits boucliers. Ils lançoienr des javelots & des flèches de toute efpeceen commençant le combat, & fondoient fur l'ennemi en même tems qu'elles partoient. Leurs armes étoient peintes de .couleurs éclatantes; quelques-uns , mais en petit nombre , avoient des cuiraifes. Ils conduifoient leurs chevaux avec un firaple bridon ; leurs Elcadrons ne «îa^- noeuvroient qu'à droite ôc par un.gra.nd circuit. Leur front étoit égal & très ferré; leurs chevaux étoient accoutumés à traverler les fleuves, fans rompre leurs rangs (b)~. Le fon d. 1. Lib. VI. cap. iz. Tacit. de Morib. cap.. XVlI. Pompon. Mêla lib. III. cap. 3. Herodian. lib. IV. cap. 7. Aur. Via. Epitom. cay. LXXIII. Plin. Hift. Nat. lib. XlX.cap. 1. Juvenal. Satyr. XIII. verf. 16c* Martial, lib. V. £p igr. XXX. Paul. Diacon. lib. III. cap. 7. Militaire & (Économique des anciens Germains. 1 27 'geoient auffi bien que les hommes (a) ; les uns & les autres 'treïïbient leurs cheveux , & les rattachoient fur la tête. Les enfans étoient nuds jufqu'à l'âge de puberté ; les mères Education de auroient cru contraindre la Nature en gênant leurs membres leurs Enf?ns' par des habits. Chacune allaitoit le Tien , 8c rien n'auroit pu l'engager à fe repoier de ce foin fur une autre femme. Le fils du maître & le fils de l'efclave étoient élevés enfemble Se fans diftinction ; la famille couchoit fur la terre avec lés beftiaux. Une éducation fi dure formoit leurs corps à la fatigue. Leur taille étoit élevée , leurs membres robuftes ; ils réiiftoient au tenr Conftî- froid & à la faim ; mais ils ne pouvoient fupporter la chaleur tutlon' ni la foif (b). Ils avoient un grand refpeft pour le mariage. Contens Leurs Nuur d'une femme , fi quelques-uns de leurs Chefs en ont pris Ses" plufieurs , c'étoit plutôt par orientation que par débauche. Le confentement des parens de chaque côté étoit néceffaire. Ceux de Fépoufe la préfentoient au mari , qui pour fa dot , lui donnoit une paire de bœufs fous le joug , un cheval bridé & des armes. Le plus âgé de l'Affemblée expliquoit le fens allégorique de ce préfent. Les bœufs fous le joug avertif- foient la femme de la foumiffion qu'elle devoit à fon maître ; le cheval de l'obligation qu'elle contractait de partager fes peines & fes fatigues , & les armes lui annonçoient qu'elle devoit le fuivre à la guerre ( c ). La pudeur étoit garand de la vertu du fexe. Sa fimplicité le mettoit à l'abri de la fé~ du£tion ; s'il fe trouvoit une adultère , le châtiment appar- tenoit au mari ; il affembloit les parens de l'infidèle , la dés pouilloit en leur prélence , lui coupoit les cheveux , & la chaffoit de fon habitation à coup de fouet (d). Les Germains n'époufoient que des filles. Chaque femme ne pouvok avoir (a) C3ef.deBelI.GalUi5.VI.rap.il. (b) CxC. ubi fupra. lib. I. cap: 3s>.Tacit. de Morib. Germ. cap. IV. Strabo. Uh. VII. Pompon. Mêla lib. III. cap. 3. Spener Hift. Germ. Univ. lib. I. cap. 8. pag. Si. Dio Caff.lib. XXXVIII. Horus lib. III. cap. 10. Paufanias lib. X. Conf. Con- ring. de Habitus Corporum Germanicorum caufîr. (c) Tacit. ubifupra. cap. XVIII. Csfar ubifupra lib, I. cap. 13. Conf, Salviaç? paffbient le jour & la nuit à s'eny vrer , 6c choifnToient ce tems pour délibérer des affaires publiques , perfuadés que les boiffons fortes ouvrent refprit & relèvent le cœur. Leurs (a ) Idem , ibid . ( b) Cl.uver. Germ. Ant. Lib. I. cap. 18. 19. Salvian. ubifup/a. Lib. VII. Sper lier ubi fupra. Lib. I. Cap. r. pag. 83. ( c ) Tacit. de Mor. Germ. cap. XXVI. () ;m«iTS il femble que ces Ecrivains entendoient fous ce nom des <£b- Corrftruaion tés telles que nous les avons dépeintes , plutôt que des Villes des Villes. fembîables aux nôtres. I! paroît même que ces dernières le formèrent à la faveur des Camps que les Romains fortifièrent dans les portes avantageux , pour s'afliircr des afyles en cas de néceffité , & que les privilèges qu'ils y attachoient , atti- rèrent des habitans qui fc rnettoient fous leur protection. Ces premiers peuples ne pouvoient le réfoudre à fe renfer- mer entre des murailles, qu'ils regardbient comme une mar- que de fervitude. Lorfqu'Agrippa eut bâti Cologne , il fut obligé d'abbatrre les portes pour engager les Ubiens avenir demeurer dans les imitons quTil venoit de conftruire. Les Des Châ- Légions qui léjournoient fur les bords du Rhin , leur enfei- gnerent l'Àrchite£ture. Drufus bâtit cinquante Châteaux pour fe rendre maître des grandes Rivières. Les habitans de la campagne cherchèrent un afyle fous leurs murs pendant les incurfions des Barbares , & tranfporterent leurs habita- tions dans leur voilinage. Ce fut ainfi que commencèrent Wageningcn, Battenbourg, Doesbourg, Leide, Alkmaary Haarlem, Alphen , Vianen, Benthenv, Qudevater, Mid- delbourg , Veere , Utreclît , Leuwaarden , Dew enter , Maaftricht , Tongres, Nimegue, &c. Les Villes fe multi- plièrent en peu de tems, puifque fous l'Empire de Conftan- tin les Francs ayant paffé le Rhin , en pillèrent plus de quarante , entre lefquclles on compte Strasbourg , Savcrne & Mayence (c). De» Forts Les ravages du plat-pays & l'exemple des Romains ap- iùr les Fron- prirent dans la fuite aux peuples de la Germanie à munir les frontières par des Forts ,.&rà fe ménager dès retraites dans l'intérieur du pays. Les Thuringiens , les Saxons, les "Weft- phaliens , &c. en bâtirent pluiieurs ( d). Les Francs s'étant («) C^far. de Bell. GàlUfi. IV. cap. 15. /ii. VI. cap. 10. (£) Ptolam. Geograph. lib. VIII. cap. ir. (c) Zofim. lib. III. Julian. Epift. ad Athenienf.pag. f 1. id) Octolon. Vit. Bonifac. lib. I. cap. 1. WittHtintL Annal, lib. I.paj. 631, »ere;. Militaire & (Economique des Anciens Germains. 133 loges dans les marais que le Rhin forme à ion embouchure , harcelloient continuellement les flations que les Romains avoient établies pour garderies paiTages. Les Légions furent contraintes de s'éloigner, ce qui donna moyen aux Barbares de franchir le fleuve. Maximin , Confiance Chlore , jù Conftantin ne purent les repoufler iur l'autre rive. Ce peu- ple fe maintint à la faveur d'un Fort appelle Difpargum }. qu'on croit avoir été iîtué entre DufTeldorp & Wefel ( a ). Pendant qu'Odoacre, Roi des Herules, détruiioit en Ita- IX. lie l'Empire de Mcmyle Auguflule, les Gaules prirent une Nouvdiefer- forme nouvelle. Les Goths, les Viiigoths, les Bourguignons & les Francs fondèrent des Monarchies dans ces fertiles Contrées , &Theodoric, devenu Roi d'Italie, leur aban- donna par un- Traité ce que chaque peuple pefiedoit alors (b). Les Vifigoths s'établirent dans les Fiovinces qui font entre le Rhône & la Méditerranée , les Pyrénées ,. l'Océan êc la Loire , & tenoient une partie de la Provence. Les Bourguignons s'emparèrent de tout le pays entre la Du- rance, les Alpes & le Rhin (c). Les Francs fondèrent un Royaume- qui. s'étendoit. depuis l'Eicaut, le Bas-Rhin, la Meufe, la Somme -jufqu'à l'Océan Occidental ; les Arme- riens formaient une elpece de Pvépublique depuis l'Eicaut jufqu'à l'embouchure de la Loire ( d). Les Saxons & les Fri- ibns s'avancèrent dans les pays que d'autres peuples venoient d'abandonner , & le Préfet de Rome maintint le relie fous le nom de l'Empire. Nous n'avons rien de poiitiff.tr la forme du Gouvernement de ces Peuples maritimes'; il paroît qu'ils avoient leurs Rois ou Ducs particuliers , dont quelques-uns étoienr fubor donnés à la Ligue Saxonne.- Celle des Francs prit bientôt le deffns-: leurs- Rois achevèrent de chalfer les Romains des Gaules ,. & forcèrent leurs voifins à reconnoî- tre leur Couronne. Les Provinces dont nous écrivons l'Hif- Nos-Provin- toire, fe fournirent ; elles entrerent-dans les partages des jeï f11^'" Orientale. ( a) Pontan. Orig. Franc, lié- III. pag. 43?. (h) Claud. K'aurg. i/i Photii Biblioth. Cod.LXXlX. (c) Sidofi. ApoJlin. Epift. VIII. Jornand. de Reb. Getic. cap. XIV» XL VIII. {d) £ofim. lib. VI. cap.],- 1 54 Sect.IV. De VEtat Eccléfmjlique , Civil , Rois de la première Race, 8c furent compriies Tous le nom delrance Orientale (a). Augmenta- Le nombre des Villes croie beaucoup augmente du tems rionjti Viles. c{c Charlemagnc. On trouve dans fes Caphulaires les noms d'Ëffttft*^ de Magdcbourg & de Bardevic. Ce Prince réta- blit Strasbourg, Saverne, Cologne & Maycnce, & releva les murs de Nimeguc , où il bâtit un Palais. Il en fit con- ilruire deux autres , l'un à Aix-la-Chapelle , 8c l'autre à Thionvillc (î>). Il bâtit encore FI ambourg, Augsbourg 8c Ratisbonnc : on croit même qu'il fit réédifier l'ancienne ville de Staveren , engloutie par un débordement. On cfl du moins a duré qu'il avoir établi dans ce lieu le bureau où les Frifons payoient le tribut qu'il leur avoit impolé (c). Mais les murs & les remparts dont cet Empereur lit entourer les Egliies 8c les Monaftercs , pour les mettre à l'abri des inful- ces des Idolâtres, contribuèrent encore plus à l'augmenta- tion des Villes , par la foule des Prolélytcs qui venoient s'y établir , tant pour le mettre en sûreté que pour être à portée des inftru&ions ( d ). Création des ' Charlcmagne après avoir réduit les Saxons, forcé les Fri> fons à rentrer dans le devoir, repouflé les Sarraflins d'Elpa- gne , conquis une partie de leurs Provinces , détruit le Royaume des Lombards, & s'être rendu maître de Rome & de l'Italie , releva l'Empire d'Occident , dont il reçut le titre. La vafte étendue de les Etats ne lui permettant pas de gouverner par lui-même les Provinces trop éloignées , il créa des Ducs 8c des Comtes qu'il chargea de veiller à leur sûreté , à l'obfervation des Loix , & à l'adminiftration de la juftice. Les guerres domefliques que cauferent les partages alors ulités entt'e les enfans du Prince , & ces partages mê- mes arToiblirent la Nation dominante , 8c diminuèrent l'au- Pues & des Cormes. (a.) Gregor.Tv.Ton. lib. U.cap. $i. (b) Egînhart. Vita Caroli M. ad ann. 808. Anml. Fuldehf. Bertini Moiflîac. eod. ann. Regino Giron, ad ann. 81 1. Lambec. Orig. Hamburg' lib. I. cap. 11. Magn. Chron.pag. 1. Vclfcr. de Reb. Boj. lib. lW.pzg.9q. ( c\ Pontan. Hift. Gclr. lib. I. pag. S. >-{U) Be.it." Rhénan. Rer.. Gerxn. lib. II. pag. 303. Çonring. de l/rb. Gcrni. $. iS. Militaire & (Economique des Anciens Germains. 135. torité de fes Souverains. Les Comtes en profitèrent pour Leurs Dignî- rendre leurs places héréditaires , & s'emparèrent peu à peu ^,s devenue! des droits régaliens. La France Orientale qui tomba dans le partage de Lothaire , prit le nom de Lorraine , de celui de Lotharingia qui veut dire , Pays de la domination de Lo- thaire. Elle. fut partagée en Haute & Baffe , ou la Lorraine proprement dite , & le Duché de Mo/elle , qui comprenoit Duché de Mo- le Brabant & les pays adjacens , jufqu'à la Mer. Ces Pro- fclle. vinces tombèrent dans la fuite aux Rois de Germanie , & devinrent des Fiefs de l'Empire. La plupart des Villes étoient alors fituées fur les frontie- Places fortes res ou fur les grandes rivières. L'irruption des Huns fit con- junpa'nstencur noître la nécelfité d'en conftruire dans l'intérieur des Pro- vinces. Ce peuple féroce étant entré dans l'Europe , s'étoit rendu maître de la Tranfylvanie & de la Hongrie qui reçut leur nom. Il ne connoilîbic ni difcipline , ni mœurs , & poulïbit la barbarie au point d'égorger ceux qui tornboient dans leurs mains pour boire leur iang. Us portèrent le fer & le feu dans toute la Germanie , dont les habitans n'avoient point d'afyle. Henri FOifeleur ayant acheté de ces Barbares une trêve de quelques années , profita de leur retraite pour bâtir une place forte dans chaque Province. Il fit en même tems publier un Edit qui enjoignoit à la neuvième partie des habitans de la campagne de s'y renfermer , & d'y porter la troifiéme partie des récoltes. Par ce moyen il les pourvut tout à la fois de vivres & de défenfeurs ( a ). L'éloignement des Souverains, les defcentes des Nor- Origine de! mands & la foibleffe des derniers Princes de la Race Carlo- Souverainetés r .c, 1 r . 1 /-> t dansl tiniure, vingienne , avoient favoriie les uiurpations des Comtes. Le befoin que ces Rois avoient de leurs fecours , les légitima. Ces Monarques trop contens de conferver l'image de la fu- zeraineté dans l'hommage qu'ils fe réfervoient , leur aban- donnèrent les droits régaliens ; & de-là cette multitude de (a) Wirtikind. Annal. Sax. lié. l.pag. 6 3) Nicol.KolinChron.Rim.p^.^.Epift. Bonif. XCV11I. (r) Fleury Hift. Ecclef. Tom. VIII. Liv. XXXV. pag. 4io. (d) Beda. Hift. Ecclef. Lib. III. cap. XXXIII. Fleury Hift. Ecclef. Tom. SU1. Liv. XXXIX. pag. 558,- & Moderne des Provinces-Unies. i?p piqua la jaloufie de ion mari , qui, pour dépouiller l'Arche- vêque de fes biens , créa deux Evêchés , auxquels il en ap- propria une partie Ça). Le Prélat ne pouvant réfifter feui aux volontés du Roi , réfolut d'aller à Rome pour gagner le Pape de fon côté. Ecfrid qui craignit les fuites du voyage , écrivit à Ebrouin , Maire du Palais de Neuftrie , pour le prier de le défaire d'un ennemiqu'il redoutoit. Il avoit compté que le Prélat traverferoit la France ; mais les vents trompè- rent la prévoyance du Monarque. Une tempête jetta"Wilfrid fur les côtes de Zeelande , & le força d'y prendre terre Çb). Adalgife , qui regnoit alors fur la Frife , le reçut avec de grands honneurs , 6c lui montra une lettre par laquelle Ebrouin le prioit de faire aflafïiner le Prélat , ou de s'aflurer de fa perfonne Çc). Le Maire voulant fe rendre maître de l'Auftrafie , avoit fait enlever Dagobert II après la mort de Sigebert III, fon père , l'avoit fait conduire en Irlande, & & les Seigneurs s'étant adreffés à l'Archevêque de York pour découvrir fa retraite , le Prélat l'avoit rendu à fes fujets qui l'avoient rétabli fur le Trône , ofFenfe qu'Ebrouin cher- choit à venger à quelque prix que ce fût , au lieu qu'Adal- gife fe faifoit un devoir de protéger un Evêque d'origine Frifonne. Wilfrid forcé d'attendre la faifon propre à repren- dre la mer , employa l'hyver à prêcher l'Evangile , & félon quelques Auteurs il convertit un grand nombre de Seigneurs, & baptifa le Roi même Çd). L'autorité du Siège Apoftolique étoit fon dogme favori , & la fourmilion au Saint Siège efè prefqu'une marque caraftériflique des lieux de fa Million. Nous lifons dans un ancien Manufcrit du Vatican , publié par les foins de Pierre Charles à S. Paulo & de Jacques Goar , iur une copie certifiée par Candinius , qui fe qualifie Secré- taire des Offices Eccléjïajliques ù" de la Cour Impériale, de Of- jiciis Ecclejïajîicis & Aulœ. Imperatoris , que l'autorité du (a) Eddi Vita S. Wilfridi cap. XXIV. & XXVI. Beda Hift. EcoleC Lib. III. cap. XXXIII. Fleury Hift. Ecclef. Tom. X. Liv. XL. pag. f . (b ) Edd. ubifupra. cy>. XXVI. Beda Hift. Ecclef. Lib. V. cap. XIX. (c) Edd. ubifupra. Cap. XXVIII. (d) Edd. ubifupra. cap. XXVIII. Fleury Hift. Ecclef. Tom. IX. Lib. XL. pag.i. _ Sij 140 S e c t. V. De VEtat Eccléjiaflique Ancien ; Pape croit dans un grand reipeét. en Angleterre & dans la Frifc. » Le privilège de Saint Pierre , porte cet Ecrit , cft j> exercé par Ion premier Vicaire qui réiide a Rome ; les 3> peuples qui demeurent fur les bords de l'Océan fepten- » trional , & les Gaulois l'ont fous fa Métropole. On trouve )> à rOueft , dans l'endroit où l'Océan femble dormir , une a Ifle fertile en braves foldats , 6c ce font les Chrétiens les » plus fournis à leur Pafteur (a) ». Les Ecoles de ces pays étoient alors dans une grande réputation pour la Théolo- gie , & les Monailercs d'Angleterre & d'Irlande ont fourni des Apôtres aux deux Germanies. "Wilfrid partit au prin- tems , & vifita Dagobert II. Ce Monarque voulant recon- noître les obligations qu'il avoir à l'Archevêque, lui offrit l'Evêché de Strasbourg pour l'arrêter à fa Cour , & le Prélat l'ayant refufé , il chargea Theodat , Evêque de Toul , de l'accompagner à Rome , 8c de le recommander de fa part aa Saint Père (b). Le Pape confirma les droits de fa Métro- pole ; cependant il ne put y rentrer qu'après la mort d'Ecfrid!, & l'opiniâtreté avec laquelle il vouloit établir la Difcipline romaine , le brouilla toujours avec fon Clergé : enforte qu'il fut obligé de quitter fon fiege une féconde fois , & il mourut en 700, fans avoir joui tranquillement des honneurs qu'il avoit mérités par fon zélé & fes vertus ( c), il. L'agitation dans laquelle il paflbit fa vie , ne lui fit pas Tentatives oublier les premiers fuccès de fes prédications en Frife ; il dcsMiffionnai- voulut fubfiituer à fa Million Egbert, Abbé d'un Monaftere res dans la d'Irlande. Celui-ci ayant pris avec lui Wigbert , l'un de fes Religieux , fe mit en mer ; mais battu par la tempête au for- tir du port , il crut que le Ciel défapprouvoit fon voyage , & fe fit remettre à terre. "Wigbert continua fa route & prêcha les Frifons pendant deux ans (d). Radbod, fils d'Adal- gife , étoit alors fur le Trône. Ce Prince élevé à la Cour de (a) Brevis Defcrïpt. S. Patriarch. poft Czndimum. pag. 313. ( b ) Edd. ubifupra. cav. XX VIH. Henry ubi fupra. pag. p. (c) Eddi Vita S. Wilfridi cap- XXVIII. XXXI. L. LU. Beda Hift. Ecclef, *5?. XX. ■ -(d} Ubbo Eœm. Rer. Frif. LU>. III. Pontan. Hifl. Gels. Lii. III. cap. XLiy. Frii'c. & Moderne des Provinces-Unies. 141 Danemarc , avoit iuccé le Paganifme avec le lait , & fe croyant en sûreté du côté des François , trop occupés des troubles domeftiques qu'Ebrouin , Maire du Palais de Neuftrie , avoit excités contre Pépin , Maire du Palais d'Auftrafie , il réfo- lut dechaffer le Millionnaire defes Etats. Ce Monarque pro- fitant des troubles de fes voifins, venoit d'étendre fa domi- nation jufqu'à la Meufe. Cefl ce que nous marque Plnfcrip- tion HVC. VSQVE. IVS. STAVERI^. trouvée fur une des portes de Nimegue. Au retour de cette expédition il fit arrêter Wigbert , & le renvoya en Angleterre , avec défenfe de rentrer dans fes Etats fous peine de mort (a). Quoi- qu'Egbert eût renoncé à travailler par lui-même à la conver- iion des Frifons , le retour du Millionnaire l'affligea , 8c voulant en envoyer un plus grand nombre , il prit le parti de s'affurer de la protection de Pépin. Dans cette idée il écrivit au Maire que la conduite de Radbod iniultoit égale- ment la Religion & la Couronne des François , & que par honneur il devoit les venger l'un & l'autre. Pépin qui venoit de foumettre Ebrouin, mena fon armée vi&orieufe dans la Frife, reprit Utrecht, força Radbod à demander la paix, qu'il n'accorda qu'à condition qu'il ne troubleroit plus les Miffionnaires , & fon premier foin fut d'envoyer une copie du Traité en Irlande. Les Sciences & les Belles-Lettres fleu- riffoient alors dans ces Ifles , & le zélé du Chriftianifme étoit dans fa première ferveur. Egbert étoit à la tête d'un des plus grands Monafteres du pays ; il n'eut pas de peine à raffembler douze Religieux qu'il choifit Frifons d'origine , afin que parlant la langue du pays , leurs prédications fuf- fent plus fruclueufes ( b ). Il nomma "Willebrord, fils de Wil- gis , pour conduire la Miffion. Ce Religieux élevé dans l'Ab- baye d'Erpen, avoit mérité par fon fçavoir & fes vertus de parvenir à la Prêtrife , quoiqu'il n'eût que vingt ans ( c ). On lui donna fous fes ordres Occo , Zuitberg , "Willibalde 7 (a) Beda HifL Ecclef. Lib. V. eap. IX. (b) Melis Stoke Chron. pag. 4. (r ) Alcuin. Vira S. V/illib. ipud Canif. Lc<3. Anf. Tom. IL Beda Hi'ft. Eccle£ lùb. X. Chron. Trajetf. apud Matth, Analed, Vet, ^Evi Tom. Y. pag. jojr. 142 S e c T. V. Da l'Etat EcclJfujliquï, sfncien, "Wincebalde , Lcbvin , les deux E\v aloes , Adalbert, Mar- ccllin, \vilfrid & Wigbert, qui , quoiqu'il rifquât la tête , voulut retourner en Frile. Leur vailléau entra dans le Rhin par l'embouchure de Catwyck qui iubiiiloit encore , & les defeendk à Utrecht (a). Les Frifons, comme nous avons vu , avoient rétabli le Paganilme dans le tems qu'ils étoient les maîtres de la Ville, & les Archevêques de Cologne , quoique chargés de veiller fur cette Eglile naiffante , avoient occafionné la ruine par leur négligence (b). Radbod failoit fa rélidcnce dans une Ifle que les Chroniques appellent Fauf- ta-Landia : d'où les Critiques concluent qu'elle étoit confa- crée au culte de Faufta , & la plupart la confondent avec l'Ille d'Egerland , à l'embouchure de l'Ems. Willebrord en abordant, trouva le peuple affemblé pour un facrifice à Ju- piter , &. ce faint homme n'écoutant que fon zélé , renverfa l'Idole , fans réfléchir fur fa foibleffe. Sa témérité fut payée d'un coup de labre qu'un des Gardes du Temple lui porta fur la tête ; & quoique la bleffure lut conlidérable , il fut guéri miraculeuiement dès le lendemain. Radbod auroit vengé le mépris de les Dieux fur la Million entière , ii la crainte de rappeller les François ne l'eût arrêté. Il fe con- tenta de les renvoyer de fon pays ; mais il fit mourir "Wig- bert en exécution de la défenle qu'il lui a voit faite de ren- trer dans les Etats (c). Miflîon de Auffitôt que Willebrord fut en liberté il fe rendit à la Wiilibrord. Cour d'Auflrafie , où Charles Martel venoit de remplacer fon père , lui demanda fa protection , en lui préfentant des Lettres de recommandation du Pape, dans lefquelies le Saint Père lui donne le nom de Clément , &. le nouveau Maire lui fit expédier le fauf-conduit luivanr. » A nos faints Pères Apofloliques & Frères en Jefus-Chrifl , » les E vêques, à nos Ducs, Comtes, Vicaires, Officiers & tous (a) Vita S. Adalb. cap. II. Alcuin ubifupra. cap. VI. (4 ) AJcuin ubifupra. cap. X. Epift.Bonif. XCVII. pag. 3i.Mirsi Cod. Donat. Piar. cap. X.pag. 13. (f) Melis Stocke Chron. J/irrorf. paf. Chron. Trajeâ. ubi fupra. pag. 4- 3°*' Fleuiy H^ft. Etclef. Tom. IX. pag. 117» 6* Moderne des Provinces-Unies. 143 » autres nos Agens , Semeurs & Mineurs , nos Amis & Com- » miifaires , Salut : » Nous vous faifons fçavoir que nous avons pris fous notre » protedion la lainte perfonne de Clément , à nous adref- » fée par Saint Pierre 5 en conféquence lui avons o£troyé le » le préfent Ecrit , en vertu duquel nous voulons que de » quelque côté Se dans quelque lieu qu'il fe trouve , il y foit » en sûreté fous notre fauve-garde , à la charge toutefois » d'obferver les Loix & Conftitutions de ce Royaume 5 & » s'il tombe dans quelques cas imprévus par les Réglemens , » nous vouions qu'il foit amené devant nous fans aucun mal, » fins qu'il puifle être traduit devant aucun Juge , tant qu'il » fera fous notre fauve-garde ; & pour que ne joutiez de no- » tre volonté, nous lui avons donné les Préfentes , fcellées » de notre cachet &: fignées de notre main (a) ». Ple&rude , Epoufe de Charles, joignit à ces lettres la do- nation de quelques terres proche la rivière de Sucflre , clans l'endroit où l'on a bâti Ruremonde ; & ce fut le premier Hof- pice de la Miflïon (6). A peine "Willebrord fe vit un afyle affuré qu'il afïigna à fes Religieux différentes Provinces. Il envoya Kilien dans la Franconie, Emmeran , Ruppert &* Severin dans la Norique , Anfgard dans la Saxe , Otton en Poméranie , Servat dans l'Ifle des Bataves , Wilfrid dans la Frife, Adalbert dans le Kennemerland , &c. Cependant comme il étoit en doute de la validité d'une prédication qui n'étoit autorifée que par la puiflfance féculiere, il réfolut d'al- ler à Rome pour prendre fes pouvoirs de la main même du Saint Père. Ses Religieux pendant ion abfence ne travail- loient pas avec moins d'ardeur , & le nombre des Profélytes augmentant , ils s'apperçurent bientôt qu'il leur manquoit un Chef pour diriger leurs opérations. L'Eglife d'Utrecht étoit rétablie fous le titre de Sainte Croix ; ils s'afTemblerent dans ce lieu & députèrent Occo , Suidbert , Marcellin & les deux Ewaldes, pour prier l'Archevêque de York de donner l'onc- (a) Voy.-z Joarm. à Leydis. Lib. II. cap. IX. (b) Alcuin Vita Willib. Lib. VI. Diplom. Pipln. in Coll. Veter. Monum* Marten. & Durand. Tom, I. col XX,. ♦-' 144 S F. c t. I V. De VEtat Eccléjiajlique , "Ancien tion épilcopale à celui d'cntr'cux qu'il jugcroit le plus digne. Suidbcrc ayant eu la préférence, repartit avec les compa- gnons , à la réïerve d'Occo qui voulut retourner dans ion Couvent. Il devient D'un autre côté le Pape Serge venoit de créer, fous le ttocku d U" m^me tltrQ d'Utrecht, Willebrord, Archevêque des Fri- fons, & luiavoit tranimis les pouvoirs d'établir des Eghies Se des Evechés dans les deux Germanies (a). On vit à Ion retour un rare exemple de la modération de ces premiers tems. Suidbert s'avança à la tête de ion Clergé au-devant de "Willebrord , & lui remit fa nomination ; Willebrord de fon côté la lui rendit, le nomma fon Coadjuteur, & n'ordonna plus rien dans fon Eglife fans l'avoir confulté. Cette intelli- gence fi chrétienne continua toute leur vie , & contribua au- tant à PaffermifTement du Chriftianifme nailfant , que la divi- fion des Parleurs de l'Eglife annonce fa ruine dans les lieux où il efl le mieux établi. ht. Ces faints Apôtres animés d'un même efprit , élevoîent de Progrès du tous côtés des Autels au vrai Dieu , & quelques-uns reçurent aa'iisià Frife.6 ^ Pa^me du martyre ; les deux Ewaldes furent maffacrés dans un village de la Saxe. Suidbert fonda en 717 un Monaftere chez lesSicambres, dans l'endroit où efl aujourd'hui Key- ferfwerth ( b ) , par conféquent Krantçius s'efl trompé quand il avance que Charlemagne mit Suidbert à la tête de l'Eglife de Verdun , puifqu'il étoit mort avant la naifïance de cet Empereur. Adalbert mourut dans le Kennemerland Se fut enterré fur une montagne , où l'on bâtit une Chapelle , qui fut le fondement de la célèbre Abbaye d'Egmond ( c ). Mar- cellin prêcha dans POveryfTel , où il fonda l'Eglife d'Olden- Zeel, & Ludger fixa fon Siège à Munfler. Radbod voulant s'oppofer à leurs progrès , s'attira une féconde fois les armes de Charles Martel , qui remporta une victoire complette, & ne lui lauTa l'a Couronne que fur la promelTe qu'il fit de fe faire (a) Anaft. Ribliofh. Vit. Pontifie, in Serg. IX. (b) UbboEmm.Rer.Frif.Lii. IV.pag. 68. (c) Nicol. Kolin. Chron. pag. n6. Vita S. Adalb, cap. V. Se VIII. Joann. à £eyâis Lib, II, cap. XL1. baptifer. C? Moderne , des Provinces-Unies'. Ï45 baptifer. Saint Vulfranc, qui fut depuis Archevêque de Sens,. fe chargea volontairement de féconder Willcbrord dansl'inf- truclion de ce Monarque ( a ). Nous empruntons ici le ftyle des Chroniques Monachales , pour donner une idée de la tournure d'efprit des Religieux de ce fiecle , & des fraudes pieufes qu'ils employoienc pour l'avancement de la Religion. Ces Ecrivains débutent de concert par un portrait effrayant Hiftoire S- de leur Héros. Il étoit d'une taille gigantefque ; il avoit le ™ort de K^ vifage plus large que long , les yeux vifs & lumineux , fes dents fortoient de fa bouche. Chauve fur le front, il portoit des cheveux touffus fur le derrière ; les uns lui donnent une barbe affortiiïante ; les autres le peignent le menton ras. Il étoit hardi , plus féroce que brave , bon Capitaine , ayant af- fez d'efprit, mais fans culture; il partait paflablement le Franc. Au fui-plus ils s'accordent à le douer d'une force furnaturelle & d'une haine implacable contre les Chrétiens. La prédica^ tien devenant inutile avec un homme de cette efpece , Wil- lebrord avoit eu recours aux armes des Francs , qui l'avoient forcé de fe cacher dans une Ifle à l'extrémité de fes Etats , & les Mifïïonnaires profitant de fa terreur , avoient abbattu les Temples confacrés aux Idoles , & détruit les bois facrés. Mais à peine l'armée s'étoit-elle éloignée que Radbod , forti de fa retraite , avoit ravagé le Brabant & la Lorraine , & porté le fcr 6c le feu jufques fous les murs de Cologne. Les cris des peuples &. les inftances des Religieux , rappellerent Charles- Martel , qui défît le Barbare dans deux batailles confécuti- ves & le força à demander la paix. Cefl ici où les Moines cumulent les miracles. Les Frifons , difent-ils , avoient la coutume barbare d'immoler tous les ans une victime humaine à Mercure, & le fort décidoit le choix. Il tomba cette année fur Onon, jeune homme d'une beauté finguliere. Le peuple. accourut en pleurs, pour engager Vulfranc à demander fa grâce. Le Roi lui répondit qu'il étoit furpris de fa demande , & que fi fon Dieu étoit aufll puiffant qu'il l'annonçoit , il pouvoit le fauver fans fon aveu. L'Evêque jugeant fes inftan- (a) Nicol. Kolin Chron. yag. 330. Ubbo Emm, Rer. Frifîc. Lib. IV.çtg. Jf. foann. à Leydis Lib. II. Cap. XXI, Tome L T jq.6 Sect. V. De VEtat Eccléfiajlique ,'j4nchn , ces inutiles, le mit en prières pendant l'exécuton , & la corde où la vidime étoit fulpendue , s'étant caffée , Onon fe releva fans mal, & demanda le baptême. Kadbod dans la première furprile , prefia Vulfranc de lui accorder la même grâce ; mais le Prélat qui connoiflbit la légèreté du perfonnage , re- mit la réponfe après qu'il auroit confultc "Willebrord. Celui- ci récrivit à Vulfranc que la nuit même le Monarque lui étoit apparu garotté d'une chaîne de fer rouge , & lui avoit appris qu'il étoit damné. Cette lettre détermina l'Evêque au refus , jufqu'à ce qu'il eût éprouvé plus long-temsfonCathécumene. Dans cet intervalle , l'Efprit malin craignant de perdre fa proye, vint trouver Radbod pendant Ion iommeil : » Se » peut-il , lui dit-il , qu'un Roi puiffant & glorieux fe laiffe » iubjuguer par un Moine, & renonce aux Dieux de fes Pe- » res ? Avez-vous donc oublié que je vous defline un fuperbe » Palais où vos Ancêtres vous attendent ? Si vous doutez de » mes paroles , que votre Evoque envoyé un de fes Minif- » très, & je m'offre de vous convaincre par fon rapport de « la réalité de mes promeffes. » Le Roi ayant raconté ce rêve à Vulfranc , le faint homme répondit que le Démon le trompoit par de vaines illufions , & le Roi répliqua que s'il en étoit sûr, il ne devoit pas balancer d'accepter le défi- L'Evêque qui fouhaitoit ardemment la converfion de fon Difciple , nomma fon Diacre , à condition qu'il le feroit ac- compagner par un de fes Officiers, afin qu'il ne reliât plus de doute dans fon efprit. Les deux Envoyés trouvèrent leur guide à la porte de Medenblick , &. l'ayant fuivi quelque tems , ils entrèrent dans un chemin pavé de marbre qui les conduifit à un Palais brillant d'or & de pierres précieufes. Leur guide leur montrant un Trône, dont les yeux ne pou- voient foutenir l'éclat : » Voilà , leur dit-il , le Siège que je « defline à Radbod « ! «S'il efl l'œuvre de Dieu, qu'il fublifte, » s'écria le Diacre ! qu'il foit anéanti à fon nom , s'il efl l'ou- « vrage des ténèbres ! » A ces mots l'édifice difparut , & nos voyageurs fe trouvèrent entourés de rofauX au milieu d'urj; marais , dont ils fe tirèrent avec peine , & n'arrivèrent que le quatrième jour à Medenblick , où ils apprirent que la & Moderne , des Provinces-Unies: j^,y nuit même de leur départ le Roi avoit été étranglé dans fon lit par le démon (a ). Cette hiftoire paroît copiée d'après le fpcclre de Corinthe , qui joua Menippe. Au relie les Hiflo- riens ne s'accordent pas fur la mort de Radbod : les uns l'at- tribuent au chagrin qu'il conçut de la ruine de fes peuples 8c de la perte de Tes Etats ; les autres à une fièvre ardente eau- fée par les fatigues de la guerre , & les derniers le font périr dans une bataille de la main même de Charles Martel. Mel- ger , fon fils aîné , continuent les Chroniques , embrafîa la vie Monaftique , fut en Afrique avec Charlemagne , prêcha l'E- vangile dans l' Abyfllnie, & fonda l'Empire du Prêtre Jean. Poppon , fon cadet , fut Roi de Frife , & favorifa les Chré- tiens autant que fon père les avoit perlécutés (b). Charles Martel , à l'exemple de les prédéceffeurs , enri- rv. chit l'Eglife d'Utrecht. Il donna à l'Evêque la propriété de . Donations la ville & du territoire , & lui céda les droits régaliens (c). pieu cs'- II feroit ennuyeux d'entrer dans le détail des libéralités dont les Princes comblèrent le Clergé , dans un fiecle où les Chré- tiens croyoient donner à Dieu ce qu'ils donnoient à fes Mi- niftres. On peut confulter le Teftament de "Willebrord, qui forme un véritable volume {à). Les femmes fur-tout ne mettoient point de bornes à leur générolké. Begga , fœur de Charles Martel , fonda l'Ordre des Béguines , & Ger- trude , fa fœur , perfuada à fa mère d'employer fes biens à doter une Abbaye qu'elle avoit bâtie dans l'endroit où l'on voit aujourd'hui Gertrudenberg ( e ). Ifmene , fille de Da- gobert II , donna tout ce qu'elle put au Monaftere d'Erpte- nac, féjour favori de Willebrord , où il mourut, & "Winfrid qu'il avoit defigné pour fon fucceffeur, le remplaça dans l'Evêché d'Utrecht. (a) Joann. à Leydis, Lib. II. cap. XVIII. Append. Chron, Fontanell. Cap. I. Schotanus , Abbas Stadenfîs, Chron. Hildesh. Sigeb. Gemb. Hug. Flaviniac. ad ann. 7 1 7. ufque ad ann. 721. ib ) Nicol.Kolin. Chron. pcg. if6.Joann.aLeydisLii.il. cap. XXIII. Le-J gend.de Bonif. Cap. II. Fragm. Incerti Auth. apuddu Chefne Tom. \.pag.$\. ■ (c) Voyez Diplom. apud Hedam. pag. z8. (d) Teftam. Willib. apud MhxumCod. Donaf . Piar. cap. VlU.pag. 11. { e) Faft. Belg. & Burgund. pag. 448. Diplom. Hilfund. inter Diplom, Belgi Lib. I. cap. XXIV. pag> 1 46. Tij 148 Sec T. V. De l'Etat Eccléjiajlique , Anckn S. Bonîface Ce dernier fortoit audl d'un Couvent d'Angleterre ; il irccilt'0 dU~ (-'toit vcnu cn7l7 Pour aider Willebrord dans les travaux. Rebuté par l'opiniâtreté des Frifons, il fut à Rome , d'où Grégoire II l'envoya dans la grande Germanie avec des let- tres de recommandation aux Egliles qui commençoient afe former de l'autre côté du Rhin (a);& ce fut alors qu'il quitta le nom barbare qu'il avoit porté , pour prendre celui de Boniface , fous lequel il efl connu dans le Martyrologe. La mort de Radbod qu'il apprit en chemin, le détermina à reprendre fa million , & Charles-Martel l'ayant nommé à J'Archevêché de Mayence, obtint pour lui le Pallium (b). Ainfi Boniface le trouva à la tête de deux grandes Egliles ; & c'eft à caufe de ce double emploi que le Pape lui donne quelquefois le titre de Coadjuteur d'Utrecht ( c ) , quoique fon nom le trouve fur le Catalogue des Evêques de cette Ville (d). Son humilité le portoit à ne le qualifier de l'une ni de l'autre de ces dignités ; il fe contentoit du titre modefte dUrùverfalis Ecclefiœ. Legatus Germanïcus , » le Légat Ger- » manique de l'Eglife Univerfelle « ou Bonif acius, bervus 6e- dis sîpojlolicœ » Boniface, Serviteur du Siège Apoflolique ». Son zélé con- Ce Prélat , héritier des vertus & du zèle de fon Prédécel- Nouveaux- eS ^eur » ^e donna tout entier à la converfion des Idolâtres , & Convertis, s'appliqua à la réforme de la doctrine & des mœurs du Clergé, où le relâchement commençoit dès-lors à le gliffer. Il pour- fuivit les relies du Paganiime , dont quelques Prêtres fai- loient un alliage monftrueux avec le Culte du vrai Dieu. Les uns mangeoient fans fcrupule de la chair des viclimes offertes aux Idoles (e) ; la plupart entretenoient des Concubi- (a) Willibald. Vita S. Bonif. apud Canif. Left. Antiqn. Tom. H. Fart. 1. pag. 136. Epift. Gregor. II. inier Epift. Bonif. pag. 164. Sirmood. Conril. G.ill. pag. 1 36. Anaft. Bibiioth. de Vit. i'onrif. pag. 176, Fleury Hift. Ecclef. Tom. IX. Liv. KLl.pag. 196. (b) Willibald. ubi fupra. cap. VI. Sirmond. ulifupra. pag. 36. Epift. Caroli ubi Çuvra. pa?. 14. Epift. apud Duchefne T>vn. II. pag. 66. -Legend. de Bonif. Cap. XVIII. Fleury Hift. Ecclef. Tto. IX. Liv- XLU.pag. »43- (c) Epift. iraer Epift. Bonif. XCVUl.pag.i$z.Mitxï Cod. Donat. Piar, C3# ^28. Synod. Roman, inter Epift. Bonif. pag. 190.8c ipj, ( i ) Capitul. Pipin. Princ. Col. D, III. Te». I. \ 150 S e c t. V. De l'Etat Eccléfiajîique , ancien , des armes ieroit défendu aux Prêtres. III. Qu'on condamne» roit à l'amende ceux qui fcroient convaincus de fornication. IV. Que le Clergé porteroit des habits longs. V. Qu'on profcriroit les Feux appelles Noordaver ou Nedfir (a). Ces mots fignifioient un feu forcé , par où Ton entendoit celui qui s'allume par la fri&ion continue 6c précipitée de deux mor- ceaux de bois. Le peuple attribuoit une grande vertu aux cendres qui provenoient de ce feu , Se l'on les employé en- core aujourd'hui contre les chenilles dans quelques endroits de l'Allemagne , fuperflition du Paganifme qui s'eft perpé- tuée jufqu'à nous ( b ). Son Martyre. Boniface pafla fa vie à établir dans l'Occident la Difci- pline romaine. Elevé dans cette Ecole, il en avoit pris les principes dès fa plus tendre jeuneffe , &il fut un des plus ar- dens Promoteurs des droits & de l'autorité du Pape. Sa ten- drefle pour les Frifons fe renouvella dans fa vieillefTe. II voulut vifiter leurs Eglifes avant de mourir ( c ). Comme il étoit fur le bord de la Zuiderzee , il réiolut de porter l'E- vangile de l'autre côté. Ses prédications attiroient le peuple ; mais les Idolâtres s'étant attroupés, l'attaquèrent près de Dockum ( d ) , & le maflacrerent avec Eoban , Coadjuteur d'Utrecht , & cinquante Religieux qui l'accompagnoient. Son corps fut porté dans l'Eglife d'Utrecht , où Lulle , fon fuccefTeur à Mayence , vint le prendre proceifionnellement à la tête de fon Clergé , & le porta dans l'Abbaye de Fuldc qu'il avoit fondée pour fa fépulture ( e ). Converfîon Ce Prélat avoit alors foixante-quinze ans , & Charlema- ies Saxons, gne commençoit à joindre l'efficacité de fes armes à la pré- dication. Il étoit alors dans la Saxe , où il détruifoit les Ido- les , renverfoit leurs Temples , forçoit les Barbares à rece- (a) Fragm. Concil. fub Carlom. inter Epift. Bonif. pag. m. Indic~t. Superfti Pagan. n. XV. Càpit. Reg. Franc, cap. 4?z. {b) Voyez du Cange GIofTarium. roef Nedfir. (r ) Vitr. Bonif. Epifc. Cap- III. pag. 238. ( d ) Vita Bonif. Cap. X. pag. z$6. . (e) Append. Chron. ad Bedam Hifl. Ecclef. Lib. V. pag. 14. Nother Mar- tyrol. apud Canif. Ltd. Ant, Tcm. II. pag. 136. Vita Bcnif. Cap. X. pagx & Moderne des Provlnces-U?ùes. 151 cevoir le baptême , & faifoit paffer les plus opiniâtres par le tranchant du glaive ( a ). Ces converiions forcées ne fub- fiftoient qu'autant que duroit la terreur qui les avoit caufées. Les Payens retournoient à l'erreur auflkôt que les armées s'éloignoient. L'Empereur, pour venir à bout de leur opi- niâtreté , faifoit enlever les plus remuans, les difperioit dans des pays qui étoient Catholiques depuis long-tems , & met- tant à leurs places des perfonnes bien inflruites , il les affer- miflbit dans le Culte du vrai Dieu. Mais ce Prince étoit trop habile pour ne pas diftinguer la Religion qui naît de la con- viction du cœur , de celle qui n'eft produite que par l'exem- ple & l'habitude ; voulant éclairer la dévotion des Nou- veaux-Convertis , il fonda de tous côtés des Ecoles ( b ) , Se fit venir de toutes les parties de l'Europe les plus habiles Profeffeurs qu'il attiroit par de groffes penfions. Il gagea jus- qu'à des Muficiens pour leur apprendre à chanter les Pfeau- mes ( c ). Il appella d'Angleterre le célèbre Alcuin , le char- gea de corriger les fautes qui s'étoient gliffces dans les Li- vres facrés par la négligence & l'ignorance des Copiftes ( d ) , & fe fervit de fa plume pour réfuter les erreurs qu'Elipard & Félix répandoient dans l'Occident. y# Ce grand Empereur avoit fi bien cimenté la Religion que Origine de la l'Eglile jouit de la tranquillité jufques dans l'onzième iiecle : Reforme- car la guerre qui s'alluma entre le Sceptre & l'Encenfoir , ne touchoit pas au Dogme & n étoit pas générale. Mais le relâ- chement dans la difcipline , la dépravation des mœurs & l'ambition du Clergé faifoient fouhaiter à tout le monde une réforme des Chrétiens dans fon Chef& dans fes Membres. Les efprits étant ainfi difpofés, un certain Valdo , riche Né- gociant de Lyon , qui menoit une vie difîblue , ayant vu tuer par le tonnere un de fes camarades de débauche , en conçut tant de frayeur qu'il changea de vie , & voulut étendre fa (a) VitaBonif. Cap. XI. pag. 246. Ann. Fuld. ad ann. 7Î4« Eginh. Vit. Car; JW. ad ann. 755. (è ) Capitul. Car. M. Col, CCXXX V. & CCXXXVI. (c) Car. M. Diplom. apud MWxum Cod. Donat.Piar. Tom. T. pag. i6t (<0 Fleury Hift. Ecclef. Tom. IX. Liv. XLIV.pag. j8^, 152 Sect. V. De VËtat Eccléjlajlique /Ancien Réforme jufques fur l'Eglifc. A force de dogmatifer fur la Difcipline , il s'enhardit bientôt à prêcher aufli lur la Foi, & fe fervant de fes biens pour attirer des Prolclytcs , il les in- fetla de proportions erronées. Alexandre 111 fulmina l'ana- thême contre ces nouveaux Prédicans ; & les Magiflrats les pourfuivant , ils fe diiperferent, & portèrent de tous côtes le germe de leurs fauffes opinions. Les rejettons en parurent en différens tems dans différens pays. Tels furent les Picards, que Philippe-Augufle détruifit par le fer & le feu. Leur refte le cacha dans les Alpes & dans les Pyrénées , d'où l'on leur vit faire de tems en tems des apparitions de tous côtés, fous les noms deCaignards, de Tramontins, de Jofcphites, de Lollards , de Frérots , de Fraticelles , &c. jufqu'à ce qu'en- fin devenus les maîtres d'Alby, ils s'accrurent lous le nom d'Albigeois , par la faveur de Raymond , Comte de Tou- loufe , & fe répandirent dans le Haut- & Bas-Languedoc. Les Comtes d'Armagnac , de Bigord , de Beziers & le Prince de Bearn les foutenant ouvertement , Innocent III chargea S. Bernard , Fondateur de Cîtaux , de prêcher contr'eux une Croifade, à la tête de laquelle étoit Simon de Montfort qui les anéantit. Wiclcf avoit porté leurs erreurs en Angleterre dans le treizième fiecle , & Richard qui regnoit alors, ayant chaffé de l'on Royaume ceux qui l'avoicnt infecté , ils fe ré- fugièrent dans la Bohême , où ils fe maintinrent jufques au Concile de Confiance , qui lit brûler Jean Hus & Jérôme de Prague , leurs principaux Docteurs ( a). Réforme de Luther reprit cent ans après le projet d'une Réforme gé- nérale , en n'épargnant ni la Difcipline ni le Dogme , & les fuites de fa tentative furent plus funeftesà la Religion Ca- tholique. Léon X voulant achever la Bafilique de S. Pierre que fon Prédéceffeur avoit commencé de bâtir dans la baffe ville , & trouvant fes tréfors épuifés , fe laiffa perfuader par le Cardinal -Santiquatro de fe fervir du même expédient que les Papes avoient employé pour fournir aux fraix des Croi- fades.C'étoit de débiter des Indulgences, qui s'achetojent par (a,) D'Aubigné Hià.U an. au commencement. de$ & Moderne, des ?r ovine es-U nies. 15 3 des aumônes. On convient que l'Eglife peut appliquer aux Pécheurs la lurabondance des mérites des Saints & du Sang du Sauveur ; mais les dons de Dieu ne doivent pas fe ven- dre , &r l'abus ne fçauroit s'excuier. Les Auguflins avoient été julqu alors chargés de la diftribution des Indulgences ; mais le Pape ayant adreffé la Bulle pour l'Allemagne à l'Archevêque de Mayence , celui-ci donna la commif- fion à Tetzel , Prieur des Dominicains. La préférence irrita Sraupitz , Sous-Prieur des premiers , qui fe trouvant Allié de la Maiion de Saxe , l'intéreffa dans la querelle , & char- gea Luther , l'un des plus célèbres Do&eurs de ion Ordre , dans l'Univerfité de Wittemberg (a) , de décrier ces nou- veaux Marchands. Mirûn Luther , fils de Jean de Luther &: de Marguerite Lindeman , étoit natif d'Eilleben , petite ville de Saxe , & quoique de fort baffe extraction , il s'étoit fait une grande réputation par fon éloquence & fon fçavoir. Sûr de l'appui de ion Supérieur & de la protection de ion Prince, il lâcha la bride a fon impétuofité naturelle , & les contradic- tions ne fervant qu'à l'irriter , après avoir attaqué les Indul- gences, il ofa s'élever contre les Sacremens & les My Itères. Jean Eckius , Vice-Chancelier de l'Univerfité d'Ingolflad, le dénonça au Conclave. L'Auguftin affeétant une grande déférence pour le Saint Siège , déclara qu'il lui foumettoit fes écrits ; mais le Pape l'ayant fait citer devant lui , il déclina la Jurifdittion , alléguant le privilège des Allemands de ne pouvoir être tirés hors de leur pays ( b ). Frédéric , Electeur de Saxe , écrivit il fortement en fa faveur , que Léon X ren- voya l'affaire devant Cajetan, qui pour-lors étoit fon Nonce en Allemagne. Luther comparut devant le Prélat , qui d'a- bord employa la douceur & les promeffes pour l'engager à fe retra&er , & le trouvant inflexible , il commençoit à changer de ton , lorfque l'Auguftin fe retira fecrettement , après avoir affiché à la porte un appel au Pape mieux in- formé de tout ce qu'il pourroit faire contre lui. Ce fut alors (a) Fleury Hift. Ecclef. Tom. XXUl.Liv. CXV. pag. 608. (b) Raynald. Ann, Ecclef. ad ann. i$iS,n.$z>Si. ^3. Tome I. y 1 54 Sect. V. De VEtat Ecclejiaflique , Ancien que la guerre éclata ouvertement, & qu'on ne garda plus de mefures. L'Electeur de Saxe , piqué ci ailleurs centre la Mai- Ion d'Autriche , prit hautement le parti de ion Religieux, Philippe Ahlanclnon , Sehvariq , Reuchlin &c. le joignirent à ion parti ( a ) , & les écrits plus vifs d'un jour à l'autre, le multiplioient des deux cotés. De Zwi'ngle Dans ce même teins Ulric Zuingle , natif de "Wildenhau- &JcCaivm. £cn^ vi!]agC du Comté de Toggcnbcurg , Curé de Zuric y commença à prêcher l'héréfie des Sacrarnentaires ( b ) , que Jean Calvin pouffa plus loin dans la fuite. Léon X voyant la Religion attaquée de tous côtés, fulmina le 15 Juillet, 1520, une Bulle qui déclaroit l'un & l'autre hérétiques (c) ; tous deux- en appellerent au futur Concile , & Luther plus accré- dité que Zwingle fit condamner par une Sentence de l'Uni- verlké de "Wittemberg la Bulle , & la lit brûler publiquement fur la place ( à ). Progrés de la Les nouvelles forces que fa Secte prenoit dans le Nord Edorrae. i'autorifoienc à tout ofer. Frédéric , Roi de Danemarc , &: Guftave , Roi de Suéde , failirent l'occalion pour abbattre l'autorité que le Clergé avoit ufurpée dans leurs Etats , & pour gagner les peuples , ils ouvrirent la porte aux Nova- teurs ( e ). Il femble que la Providence a marqué des bornes à la Puiffance Eccléliaflique , que celle-ci ne peut paffer fans renverfer la Religion même. Par quelle fatalité l'ambition des Prélats eil-elle incorrigible après tant d'exemples de ces funeftes révolutions ? Les progrès des Sc&aires étoient moins rapides du côté de l'Occident , & les Souverains étoient plus attentifs à conferver la foi de leurs Pères. On (a) Sanderus de Hxref. pag. zo<5. Florin de Rhaym NaifT. des Heref. Lib. I. chap. XV. & Liv. II. cfiap. Vil. Spondan. Ann. Ecclef. ad ann. 1 5 1 8. n. 3. Boilïiet Hift. des Variât, dé l'Eglil. Liv. II. /z-ii. (£ï Sai'der. ubifupra. pag • 209. Melchior Adam Vita Theol. Germ. in Luth* Florin de Rhaym Liv. II. chap. VII. & Liv. III. chap. 111. Spondan. ad ann. ijiy.r. 8. (c) -Labb. Collfâ. des Concil. Tom. XIV. pag. 390. Vlemberg Vita Luriù- cap. IV. Raynald. Ann. E.-clef. ad ann. 1520. n. 5 1. (.& 10. (d) Sleidan. Liv. VI. pag. 196. Pallavic. Hift. du Conc. de Trente. Liv. III.' chap. XVin.pag.xi6. Celeft. Hift. delà Conf. d'Augsbourg. Part, lll.fol. u Vij i5<^ Sect. V. De l'Etat Fcclcjïajfique , Ancien fut lue publiquement. L'Empereur nomma Jean Eckius, Fa- ber 8c d'autres pour la réfuter, & l'on lut auffi leur ré- ponfe Ça). On tint enluite des Conférences entre l'Evêque d'Augsbourg , Henri de Bronfvic, le Chancelier de l'Ar- chevêque de Cologne , & celui du Marcgrave de Baden , Eckius , &c. pour les Catholiques, & pour les Protcftans on nomma George , Marcgrave de Brandebourg , Fré- déric de Saxe , Philippe Mclanchton , Jean Brentius & deux Jurifconfultes (b). On y difputa avec opiniâtreté de part & d'autre, & les cfprits s'aigrirent au lieu de s'accorder. Enfin l'Empereur fut contraint d'accorder un délai jufqif au 1 5 Avril iuivant , à l'expiration duquel il ordonnoit aux Réformés de renoncer à leurs opinions , & leur défendoic en attendant de rien innover en matière de foi. Il ne put venir à bout de faire recevoir ce délai par les Princes ni par les Villes. Les Sacramentaires comparurent auffi à cette Diète , & demandèrent à être entendus dans leur Confeffion de Foi ; mais leur requête fut rejettée d'une voix unani- Llgue de me ( c). Cependant fur le bruit que l'Empereur armoit pour Smalkaide*. réduire jcs proteftans , [\s s'affemblerent à Smalkalden le 4 Janvier, 1 5 3 1, lignèrent une Ligue pour la défenfe de la Re- ligion , qu'ils qualifièrent d^Evangélique ; & pour fe mettre à couvert du Ban, ils prétextèrent leur Union de la nécef- fité de veiller à la confervation des libertés 8c des privilè- ges du Saint Empire ( d )» VI. La divifion des Princes ouvrant la porte à la licence , on vit Troubles des écl0re une Secte d'Enthoufiaftes fous le nom & Anabaptistes , ap es' dont les Chefs étoient Melchior Hoffman,David George, Jean Mathieu Jean Becold, Jean de Geelen & Jacob Campen. Ces Fa- natiques fe difant infpirés,prêchoient «que J. C. devoit régner » viliblementfur toute la terre avant le Jugement univeriel j (a) Sleidari. Lib. VI. pag. 213. Celeft. ubifupra. Tom. Yll.fol. 43. Cochlsus. jmg. 108. Pallavic. Lié. M. Cap. III. (b) Sleidan. pag. 217. Cochlams pag. 20g. & 210. Spondan. ai ann. 1530» a. 6. (c) Hofpinian. Hift. de la ConfefT. d'Augsb. Parc. II. fui. qu'il feroit exercer ion Empire par des Elus pris dans leur » Egiife , qui n'étant compoiée que de Saints , devoit dé- » truire les Impies «Si les Puiffances temporelles. Ils joi- » gnoient à ces vilions un grand nombre d'opinions mon- » ftrueufes fur la Trinité , fur l'Incarnation & fur les autres » Myfteres (a). Quanta la Morale, ils annonçoient le Règne >> de Nature , à laquelle la Loi de Dieu n'eft point oppoiée , » l'égalité parfaite entre les hommes , la communauté des » femmes & des biens ; qu'il eft défendu de prêter aucune » efpece de ferment pour quelque caufe & qui que ce foit qui » l'exige : » d'où ils conclucient que » perionne ne pouvoir » pourfuivre un dron de propriété, ni jurer fidélité, non » plus qu'exercer aucun a£te d'autorité fur fon femblable «. L'enthoufiafme , l'air de modeftie , la fimplicité que ces Pré- dicans affe&oient , & leurs principes qui flattoient la fen- fualité & rempliffoient les befoins des pauvres , faifant de merveilleux progrès dans la populace , les Magiflrats s'op- pofoient partout à la prédication d'une Doclrine fi perni- cieufe. Hoffmanfutbrûlé par Décret du Sénat de Strasbourg: Tripmaker , fon Difciple , fubit le même fupplice à la Haye (b). Mais d'un autre côté Henri VIII qui méditoit fa ré- volte contre le Pape , leur permettoit de prêcher librement en Angleterre ; & de-là vinrent les Quaakers qui fubfiftent encore aujourd'hui ( c ). Les habitans de Muniler embraffe- rent unanimement leurs opinions , chafferent leur Evêque qui étoit en même tems leur Souverain > couronnèrent Jean de Leïde , & fur fa prédication portèrent dans un dépôt pu- blic tout l'or & l'argent qu'ils poffédoient. L'abondance du fife releva l'ambition de ce Monarque poftiche. Il s'imagina qu'il étoit choifi pour établir le Trône de Jefus-Chrift , & détacha Jean de Geelen avec de groffes fommes pour s'em- (a) Voyez l'Hifl. des Anab. imprimée à Amfterdam en 1700. Mejhou Hift. des Anab. Lib. V. Fleury Hift. Ecclef. Tom. XXVII. Lib. CXXXIV. pag. z ?4. (b) Frider. Spanheinr. de Orig. & ProgrefT. Anabapt. Hortius Hift. Anabapt. Raynald. ad ann. 1531. n. S$. & 50. Fleury Hift. Ecclef. Tom. XXVII. Liv, CXXXIV. pag. 1 16. (c) Sleidan Liv. X. pag. 30?. Spondan. ai ann. 1J34, n, ij,& 16. Fleury Hift. Ecclef. Tom. XXVII. Liv. CXXXIV. pag. 336. 158 Sect. V. De l'Etat Eccléfiajîiqiie , 'Ancien parer des villes d'Amflcrdam, Devcnter & \vcicl , dans lefquclles les Agcns avoient formé des partis confidérables. ' Mais celui-ci ayant manque ion coup fur Amllerdam , fut réduit à fe cacher dans la mailon de Cornelilzoon , par le conleil duquel il fut à Bruxelles folliciter des lettres de rc- mifîron de la Gouvernante des Pays-Bas , qui les accorda lur la promefle qu'il lui rit de remettre Munfler entre les mains de l'Empereur. Il revint à Amfrerdam plus accrédité que jamais par la négociation dont il éroit chargé , & par le fréquent commerce qu'elle lui donnoit occalion d'entre- tenir avec la Cour & ceux de Munfter. Il reprit fous ces prétextes fes premières intrigues , fortifia fon parti de tous ceux qu'il pouvoit appeller du dehors , & le croyant en état d'envahir la Ville , il réfolut de tenter l'cntreprife la nuit du 10 Mai, 1535. Mais le Magiftrat qui veilloit attentivement fur fa conduire, avoir ordonné aux Bourgeois de prendre 1rs armes , & les Anabaptiftes repouffés de tous côtés , fuient contraints de fe réfugier dans l'Hôtel-de-Ville avec leur' Chef, qui fut tué d'un coup de moufquetàla fenêtre d'une tour d'où il cherchoit les moyens de fe lauver (a). Progrès des Sa mort mit la Hollande en sûreté du côté de ces Enthou- Hepfi" dans Halles ; mais les Sacramentaires s'infinuoient fourdement dans toutes les villes. Les Etrangers que le commerce atti- rait à Anvers , infecloient cette ville des différentes erreurs dont ils étoient imbus , & les Livres qu'ils apportoient , les répandoient dans les Provinces. Le nombre des nouveai x Sectaires dominoit dans les Campagnes voifines de la Mer. On ne trouvoit prefque plus de Catholiques dans la Zee- lande , dans la Hollande, dans le pays d'Utrecht, ni dans la Frife. Les Hérétiques perfécutés dans tous les Etats voi- Tins , augmentaient encore le nombre , en fe réfugiant dans" les Pays-Bas. Vil. Dans ces circonftances Philippe II ayant fuccedé à Char-» .,I°riSn.e de les V, imagina d'introduire l'Inquifition pour arrêter une q révolution auifi dangereufe. Ce Tribunal devoit fa naiflance fa) Hift. des Anabapt. tubi fupra- Fkury Hift. Ecclef. Tom, XXVII. Lifo ÇXXXV.pag. 477- & Moderne, des Provinces-Unies. 1 50 a Grégoire IX , qui furpris des progrès que les Albigeois fai- ibient dans le Languedoc , autorifa le premier les peines af- flictives contre les Hérétiques. L'ancienne Eglife ne connoif- ibit que l'excommunication , & les Evêques étoient leuls Ju- ges en matière de Doctrine. Ce Pape voulant détruire entiè- rement les Novateurs rebelles à Ion autorité , envoya en France Romain, Cardinal de S. Ange, avec pouvoir d'aiTem- bler un Concile à Touloufe , où l'on publia ieize Décrets qui prononcoient des peines corporelles contre les Hérétiques. La connoiffance en fut rcmife aux Evêques ; mais ces Juges trop lents & trop modérés dans leurs procédures , ne répon- doient pas à la vivacité du Pontife, qui leur enleva cette par- tie de leur Jurifdiction , en la partageant avec les Domini- cains. Ceux-ci le portant aux extrémités contraires, obligè- rent Innocent III de modérer leur zélé , en mêlant dans leur nombre des Cordeliers 8c d'autres pour prononcer les con- damnations à mort. Ferdinand , Roi d'Arragon , & Iiabelle, Reine de Caftille, fon Epouie , voulant extirper les Juifs & les Maures de leurs Royaumes , obtinrent de Sixte IV l'é- rection d'un pareil Tribunal dans les Efpagnes ( a). Le Roi nomma le Grand Inquifiteur & le Pape le confirma. La ter- reur des Jugemens qu'il prononçoit , fut fi bien établie , que les plus grands Seigneurs n'olerent lolliciter en faveur des Accufés. On les tramoit dans un cachot fur la dénonciation la plus légère ; on les gardoit ians les interroger jufqu a ce qu'ils avouaffent leur crime ; le jugement n'étoit publié que le jour de l'exécution, qui ne ie failoit qu'une fois l'an. Le Criminel cependant pouvoit obtenir fa grâce jufqu'à deux fois par une rétractation en forme ; mais la troiiiéme récidive «toit fans rémiffion ( b ). Un Tribunal fi levere ne pouvoir manquer d'effrayer une Elle révolt* Nation amoureufe de tout tems de fa liberté. Charles V avoit les Pays Bas' inutilement tenté de l'établir en Allemagne & dans les Pays- Bas. Sur la première réquiiition de la Noblefle il avoit conçu ( a ) Fra Paolo de Ong. Inquifa. Fleury Hift. Ecclef. Tom. XXIII. Liv. CXI V. Kig. 49e. Mariana Hift. d'Efpagne Liv. IV. chap. XVII. (£) Fleury Hift. Ecclef. Tom. XXIII. Liv. CX V.pag. 608, i C>o Se c t. V. De l'Etat EccljJJaJîlqve , ancien , Pimpoflibilité d'y parvenir. Philippe II nourri dans le def- potifme d'Eipagne, avoit pris l'auftérité des mœurs de la Nation 8c les principes de l'obéilfance paflive. Les habitans de ces pays rciTentirent le poids de l'a domination ; ils s'ap- perçurent en même tems des brèches que leurs derniers Sou- verains avoient faites à leurs privilèges, 8c prévirent les fers qu'on forgeoit pour eux. Ils frémiflbient au nom leul d'In- quiiition , & la hauteur avec laquelle on voulut les forcer à la recevoir, les précipita dans le défcfpoir. Ils craignoient éga- lement la lervitude 8c la guerre civile ; le iupplice des Sei- gneurs les détermina. Tous les Ordres de l'Etat étoient mé- contens ; les Gouverneurs favorifoient les Sectaires par une négligence affectée. L'inftallation des nouveaux Evoques que le Roi d'Eipagne avoit fait créer , fans confulter les Etats , révolta les Villes. Les Ordres réunis repréfenterent à la Ré- gente que le Roi ne pouvoit les obliger de les reconnoître ians violer le ferment qu il avoit fait à la Nation , & que le Pape ne pouvoit leur donner des Pafteurs contre leur gré. Sur ces entrefaites le bruit s'étant répandu que dans l'entre- vue de Bayonne entre le Roi d'Eipagne 8c la Reine de France , les deux Souverains avoient réiolu de concert d'ex- terminer les Pvéformés , la NoblelTe fe confédéra pour fa dé- fenfe. Philippe de Mornix , Seigneur de S. Aldegonde , pro- jetta des Articles que Philippe de Naffau , frère de Guil- laume, Prince d'Orange, ligna le premier, 8c fit fouferire par les autres Seigneurs. Les nouveaux Confédérés s'affem- blerent au nombre de quatre cens , 8c préfenterent une Re- quête à Marguerite, Gouvernante des Pays-Bas, pour lui demander la révocation des Placards fanguinaires. Le peu- ple fe voyant appuyé par la NoblelTe, s'affembla publique- ment ; & l'impunité augmentant l'audace , les troupes com- mencèrent à courir la campagne , pillèrent les Eglifes & bri- ferent les Images, Et eftfuivie Le Roi d'Eipagne informé de ces excès , envoya Alvarez ie la grande d Tolède , Duc d'Albe , à la tète d'une armée , pour remé- • cher aux deiordres ; mais la rigueur 8c les cruautés de 1 Elpa- gnol achevèrent d'allumer rembrûfement. Lqs Seigneurs s'af- femblerent & Moderne, des Provinces-Unies, t6i femblerent à Tcnremonde , & Guillaume , Prince d'Orange , leur repréienta : » Que les grandes entreprifes étoient envi- » ronnées de grands dangers ; que la réulïite dépend du dé- » but ; que les premiers iuccès établiffent la réputation des 3> armes ; que la vigueur ou la molleffe décide de la juftifica- » tion ou de la condamnation du parti , & détermine la ré- » compenfe ou le iupplice , & que quiconque balance à fe » montrer à l'ennemi , travaille à l'a perte au lieu de travail- » fer à fa gloire. » Ce difeours animant l'Affemblée , on ré- folut de prendre les armes & de s'oppofer à l'entrée du nou- veau Viceroi dans la Hollande ; mais Charles d'Egmond ayant refuie le commandement , Guillaume envoya en Ef- pagne la démifïion de les Gouvernemens, &: fe retira en Allemagne dans les terres de fon frère. Le Duc d'Albe ar- rivé à Bruxelles à la tête des vieilles bandes d'Italie , pré- fente fes Lettres à Marguerite , qui lui remet le Gouverne- ment & fe retire. La Nobleffe reclame l'ancien privilège qui l'autorife à n'obéir qu'à fon Souverain ou aux Princes de fon Sang. Le Viceroi convoque les Etats pour fa réception , & fait conduire fur un échaffaut les Comtes d'Horn & d'Eg- mond, bâtit des Citadelles dans les Villes , difperfe les troupes Nationales , les incorpore dans des Régimens Ef- pagnols , & forme un Tribunal compoié de douze Efpagnols & de douze Belges efpagnoliiés , à la tête duquel il établit Viglius , pour informer & connoître de tout ce qui s'eft -paffé depuis la naiffance des troubles. La crainte de ces hommes fanguinaires bannit la Nob'eife qui fe raffemble fur la frontière. Louis de Naffau la ramené en Frife , défait le Duc d'Aremberg qui veut s'oppofer à fon paffage. Le Duc d'Albe prend fa revanche , & le jeune Adolphe de Naffau périt dans le combat. Guillaume iollicité par fa Religion , par l'amour de fa Patrie , par la vengeance & les cris de fon propre lang , affemble lix rpille chevaux & quatorze mille fantafïins ; le Duc d'Albe rend fes efforts impuiffans , fans s'expofer aux hazards d'une bataille , & cette armée fe dif- fipe d'elle-même. Cependant la Nobleffe volontairement expatriée , manquant de moyens pour fubfifter , s'empare de Tome /. 2Ç 162 Sect. V. De l'Etat Eccléjïajîîqiie , Ancien quelques vaifTcaux & fait le métier de Pirates. Les ports d'Angleterre lui fervent d'aiylc. Alvarez écrit à Elilabcth , qui ménageant alors l'Elpagne , fait défente de les recevoir fur les cotes. Ces Avanturicrs réduits au déieipoir, pren- nent larélolution de le faire une retraite indépendante, iur- prennent la Brille , & s'y fortifient de façon que l'Elpagne avec toutes les forces ne peut les en chalTer. La ville de Vlif- ïingue les voyant il bien établis , le déclare pour eux , 8c bientôt leurs détachemens palTent en terre-ferme. Ils péné- trent dans la Frile , pendant que d'Arembcrg ravage la Gueldre. La Hollande convoque fes Etats à Dordrecht ; le Viceroi leur fait défenie de s'aflembler. Loin d'obéir , ils rap- pellent Guillaume , & le rétabliffcnt dans fes Charges. Utrecht & la Gueldre le reconnoilTent ; les peuples lui of- frent la Souveraineté. Le Prince d'Orange trop politique pour accepter le titre , s'alTure l'autorité. Les villes de Dor- drecht, de Haarlcm , d'Amfterdam , de Delft, de Leide 8c de Goude avoient feules le droit de députer aux Etats ; Guillaume , pour multiplier fes créatures & rendre les voix plus faciles à gagner , leur perfuade d'alTocier à leurs pri- vilèges Rotterdam , Gorinchem , Schiedam , Schoonhoven , la Brille , Alkmaar , Hoorn , Enkhuifen , Edam , Mon- nikendam , Mcdenblick & Purmerend. Le premier A de des Nouveaux Etats eft l'abolilTement de la Religion Ro- maine ; on chalTe le Clergé , on confifque fes biens. Guil- laume alTuré des peuples qu'il avoit gagnés , en affectant un grand défintereffement perfonnel, & la plus grande aver- iion pour le defpotifme , convoque une AlTemblée géné- rale de toutes les Provinces , & voulant porter le dernier coup à Philippe , il repréfente aux Etats-Généraux » que la 3> lenteur & l'incertitude qui fufpend leurs efprits 8c leurs ré- 3> folutions , perpétuant la guerre civile , il s'agit de fe déter- î> miner pour un leul objet ; que le double ferment qui d'un » côté les lie à l'Efpagne , & de l'autre à la Patrie, les fait » flotter entre deux obligations également puifTantes ; qu'il 3> eft tems d'abjurer la première, pour fe fixer à la féconde ; 3> que ii le pouvoir du Prince eft fupérieur à celui des Ci- G* Moderne des Provinces-Unlef. 1 63 » toyens , l'autorité du Souverain eit iubordonnée à celle de » la multitude ; que lorfque le Chef ne cherche que fes avan- » tages particuliers , fans s'embarraffer du bien public , le » jugement & la vindicte appartient au peuple ,»dont il tient » fa puiflance , & que fa conduite remet dans fes droits : que » l'autorité fuprême réfide dans la Généralité ; qu'on ne peut » le difputer fans traiter en même tems d'Ufurpateurs la plus » grande partie des Monarques de l'Europe ; qu'un Roi ne » tire fon droit que du confentement unanime de fa Nation , » qui par conféquent peut l'ôter à celui qui s'en rend indi- » gne ; que les Belges font plus particulièrement fondés dans » ces prétentions que d'autres peuples , ayant pris la pré- » caution de faire reconnoître ce droit par le ferment que » leur Comte prête à fon inftallation ; que les cruautés & les « infractions des Efpagnols les rétablnTent dans leur pre- » mier état ; qu'ils peuvent fecouer un joug infupportable & » choifir la forme de Gouvernement qu'ils jugeront la plus » convenable & la plus jufle » (a). Un difcours fi captieux fit effet fur des cœurs préparés depuis long-tems à la révolution. Les Etats renoncèrent unanimement à l'obéiffance de Philippe , & s'engagèrent par un nouveau ferment. On raya le nom du Roi de tous les Actes, on brifa fon fcel, &. l'on drefia de nouveaux Formu- laires. Philippe connut le bras qui le renverfoit du Trône , condamna Guillaume au dernier fupplice , & mit fa tête à prix. Les Etats voyant le danger où leur Libérateur fe trou- verait expofé , lui donnèrent des Gardes à pied & à cheval , & le 29 Janvier , 1 579 , fix des Provinces s'étant réunies , fignerent l'A£te d'Aflbciation qu'il leur préfenta , & que nous placerons ici, pour ne point interrompre le fil des événe- mens quand nous entrerons dans le détail , & parce qu'il fervit de bafe aux changemens qu'on fit dans le gouverne- ment de l'Eglife qui fait l'objet de cette Section. Le voici : » Les Etats Généraux de Gueidre & de Zutfen , de Vlir. Union d'Ui (a) LaPife Hift. Geneal. de la Maif. d'Orange. Liv. I. pag. entre l'Ems & les Lauwers ,. ont trouvé bon de s'engager t> & s'unir plus étroitement, non pour fe féparer de l'Union- » arrêtée pas la Pacification de Gand ; mais plutôt pour la » fortifier , corroborer , & prévenir les obflacles qui pour- » roient furvenir , & dans l'intention de demeurer fidèles au » Saint Empire Romain ,. les Provinces ci-defïus nommées » ont arrêté & font convenues des Articles fuivans : » I. Les fufdites Provinces & leurs Villes- s'allient mu- « tuellement & s'unifient à perpétuité , fans qu'elles puiffent » être iéparées les unes des autres par Teftament , Codicille , » Ceffion , Vente , Traité de paix , Contrat de mariage , » Donation , ou autres Conventions , de quelqu'efpece 8c » nature qu elles foient , fans préjudice cependant aux Pri- » vileges , Libertés , Immunités , Ufages , Coutumes , Sta- » tuts & Droits , qui peuvent être particuliers à chacune r «aux Nobles, Citoyens, Bourgeois & Manans, tant des » Villes que de la Campagne. Leurs peuples s'entreiecoure- » ront de leurs biens Se de leurs vies par tous les moyens » convenables , 6c fe défendront réciproquement contre qui » que ce fbit qui voudra les attaquer , lans toutefois entrer y> dans les difputes particulières que quelques-unes pourroient j> mouvoir à railon de leurs privilèges , à moins que ce ne » foit à titre de Médiateurs : enforte que lefdites contefta- >» tions foient décidées à l'amiable & par voye de Juftice. » II. Les fufdites Provinces s'obligent & s'engagent à » s'aflifter mutuellement dans quelque cas & contre qui que » ce foit , quand même on fe ferviroit du nom du Roi ou du » relpecl de la Religion pour leur en impofer. » III. Chaque Province promet de fournir le fecours qui *> lui fera impoié par la Généralité contre tout Prince , Sei- » gneur ou Monarque qui voudroit les molefter. » IV. On fortifiera pour la sûreté commune les places des » frontières , moitié aux dépens de la Province où elles fe- » ront (ituées , & l'autre moitié aux dépens de la Généralité; » mais Ci les Etats-Généraux jugent à propos de bâtir ou » fortifier une place, fans la requifition de la Province , tous. » les frais feront portés par la Généralité» & Moderne des Provinces-Unies. 165 5» V. Pour fubvenir à ces frais & aux dépenfes néceffaires » pour la garde des forts , on affermera les droits qui feront » impoiés iur les boiffons fortes , fur la mouture des grains , » fur le fel , fur les draps d'or , d'argent , de laine & defoye , » fur les beftiaux vendus , achetés ou tués dans les bou- » chéries, fur les marchandifcs fujettes aux poids , mefures » & balances ,. & fur tous les effets & biens qui d'un confen- « tement unanime feront jugés fuiceptibles de ces impôts, en j> fuivant les Etats qui feront dreffés à cet effet ; $z l'on em- » ployera par préférence les revenus provenans des Do- »> maines qui appartenoient au Roi d'Efpagne , déduction » préalablement faite des charges & dettes , auxquelles ils « pourront être hypothéqués. » VI. On pourra augmenter ou diminuer ces moyens , » haufiér ou baiffer leldites impofitions félon l'exigence des » affaires, attendu qu'ils font établis pour fubvenir à la dé- » fenfe commune ; & par cette raifon la Généralité fera tenue » de les fupporter , fans qu'on puiffe en aucune manière dif- » traire leur produit à d'autres ufages. « VIL Les Villes frontières , & même celles qui font fi- » tuées dans l'intérieur du pays , feront obligées cle rece- 3> voir en tout tems telle garnifon que les Etats-Généraux s> jugeront néceflaires , & réciproquement les Etats-Géné- » raux feront tenus d'envoyer fur la réquifition des Villes s» les fecours dont elles auront befoin. La folde des garni- s> fons fera payée par la Généralité , & les Soldats & Offi- » ciers , outre le ferment ordinaire , en prêteront un parti- » culicr à la Ville & Province où ils feront envoyés ; ce qui » fera couché par écrit aux articles de retenue : comme auflï » l'on obfervera tel ordre &: telle difeipline entre les gens de « guerre , qu'aucun Citoyen , Eccléfiaftique ou Laïc ne foit j> molefté, foulé ou chargé , en quelque manière que ce foit; » & pour cet effet les fufdites garniions ne jouiront d'aucune 3) exemption , attendu que la Généralité paye leur fervice & » leur logement, fuivant l'ufage établi dans la Hollande, 8c 5> que leur paye doit fubvenir aux charges & aux autres dé» » penfes. 1 66 S e c t. V. De VEtat Eccléjîajlîque , Anckn » VIII. Et afin qu'en tous tems & en toutes rencontres » on piaffe être affilié des gens du pays, les habitans des » Villes & de la Campagne ieront palliés en revue dans un » mois au plus tard, & Ieront enregiftrés depuis dix-huit ans » juiqu'à foixante , afin que leur nombre étant connu , il foit »> ordonné dans les premières Alîcmblces ce qui fera jugé »> convenable pour la plus grande sûreté & défenie du pays. » IX. Aucune Province ne pourra conclure de traité , ni » déclarer la guerre , ni lever dimpoliticn , contribution ou » autre charge , que du confentement de la Généralité , & » dans tout ce qui concernera l'Union , on le déterminera à » la pluralité des voix , qui feront comptées par Provinces. » Elles feront recueillies félon l'ufage établi juiqu'à ce jour , » & ce par proviiion , juiqu'à ce qu'il en foit autrement or- » donné par le confentement unanime des Provinces confé- » derées. Mais fi les fufdits Traités de trêve , de guerre ou de » paix , ou bien les Ordonnances concernant les impôts , » caufent de la divifion entre les Membres qui compofent les » Etats , enforte qu'on ne puiffe parvenir à former une réio- » lution unanime , on portera la délibération devant les Gou- » verneurs & Lieutenans des Provinces , lefquels accorde- « ront les Conteflans félon ce qu'ils trouveront jufte & rai- j> fonnable ; & dans le cas où leidits Gouverneurs & Lieute- » nans feroient eux-mêmes partagés, on choilira des Arbi- » très non-partiaux qui décideront le différend , & les Pro- » vinces feront obligées d'acquiefeer à leur Jugement. » X. Aucune des Provinces ou Villes comprifes dans la » Confédération ne pourra faire de Ligue ou d'Alliance avec 3> un Etat ou Pui fiance voifine , fans le confentement des « Provinces-Unies, » XI. On eft convenu qu'en cas que quelque Prince ou » Etat voifin veuille accéder au préfent Traité , il ne pourra, » être admis que du confentement unanime de toutes les Vil- » les intéreffées. » XII. Chaque Province & Ville fera tenue de fe confor- » mer au Règlement qui fera fait fur l'évaluation des mon- » noyés. (V Moderne des Provbtces-Unies. i6j » XIII. Quant à ce qui regarde la Religion , les Provin- j> ces de Hollande & de Zeelande ordonneront ce qu'elles jj jugeront le plus convenable dans leurs diftrids pour con- » ferver l'union & la paix ; les autres fe conformeront au j) Règlement projette pour le bien général & particulier , » pour la tranquillité , le bonheur , la sûreté des Villes & des » Sujets , tant EccléfiafHques que Laïcs , fans qu'une autre » Province puifTe s'immifcer ou critiquer leur conduite : en- « forte que chacun pourra profeffer librement la Religion » qu'il voudra choilir , conformément à la Pacification de » Gand. Le i Février les Etats confédérés expliquant entant que de be- foin V Article précédent , ont déclaré qu'ils n'entendent exclure aucune Ville fous prétexte quelle ne voudroit autorifer que Ve- xercice de la Religion Catholique , pourvu que/es habit ans fe, conforment au préfent Règlement , &fe gouvernent en bons & fidèles Patriotes. » XIV. Les Convens , Eglifes & Communautés Séculie- » res & Régulières jouiront des biens qu'elles pofTédent j> dans l'étendue des Domaines de la République , confor- » mément à la Pacification de Gand. Les Moines qui fe fe- » ront enfuis de leurs Maifons pendant les troubles, ou ceux j> qu'on aura chaffés de la Hollande & de la Zeelande, fe- » ront entretenus dans les lieux qu'ils habitent pendant leur » vie fur les revenus de leurs Maifons. » XV. Ceux qui feront refiés dans leurs Convens , & qui » par des motifs raifonnables voudroient en fortir , feront » pareillement entretenus dans les endroits qu'ils choi/iront » pour retraite ; bien entendu que ceux qui ne font entrés » dans les fufdits Convens que depuis la publication des » Préfentes , ne pourront prétendre de penfion , & fe con- » tenteront de reprendre ce qu'ils auront apporté dans la » Maifon , fans qu'on puifTe les retenir ni les empêcher de 3> fortir ; mais ils ne pourront fe fouflraire à l'obéiffance » qu'ils ont jurée à leurs Supérieurs qu'en changeant d'habit » & de Religion. » XVI» S'il furvient quelque méûntelligence entre une i6B S e c t. I V. De VEtat Eccléjïafîique , "Ancien *> ou plufieiiKS Provinces, la contcflation fera portée devant « les Provinces défintéreffées , & décidée par des Commil- » faires qu'elles nommeront à cet effet. Si la contestation in* »> téreffe la Généralité , elle fera décidée par les Stadhouders , »> conformément à l'Article I X du prélent Règlement. Les » fufdits Arbitres feront tenus de prononcer dans le délai » d'un mois, & plus promptement, h" le cas l'exige ; & la » Sentence fera exécutée nonobftant appel, relief d'appel , »révi(ion, nullité, requête civile, griefs, & fans préjudice « des droits des Parties au principal. » XVII. Les Provinces confédérées éviteront avec foin » de donner aucun prétexte de guerre à leurs voifins , & » pour cet effet ils administreront la juftice aux Etrangers » avec autant d'exaâitude qu'aux Sujets de l'Etat. Les Etats- » Généraux , les Stadhouders & leurs Lieutenans y tien- » dront la main , & feront tenus d'informer les Etats-Géné- » raux des abus qui pourroient s'introduire dans les Tri- 35 bunaux. 35 XVIII. Aucune Ville ou Province ne pourra établir de » nouveaux péages ou charges publiques dans ion diftricl , * fans le contentement unanime de la Généralité. 33 XIX. Pour prévenir les difficultés qui pourroient fur- » venir dans l'exécution des Préientes , les Confédérés s'en- « gagent de fe rendre à Utrecht au jour qui fera marqué r> pour y prendre , à la pluralité des voix , une réfolution » fixe fur les points qui pourroient feuffrir difficulté. Ceux » qui ne comparoîtront pas , ieront tenus de fe conformer » à l'Arrêté de l' Affemblée , fous peine d'être privés du droit v de voter , bien entendu que ceux qui ne pourront s'y trou- 33 ver pour caufe légitime , feront libres d'envoyer leur voix »3 par écrit , & de charger un Procureur d'agir en leur nom. 33 XX. S'il furvient quelqu'affaire qui demande célérité, » les Parties pourront s'adreffer aux Commiffaires chargés 33 de la Convocation des Etats , & requérir une Affemblée 33 extraordinaire. 35 XXI. S'il fe trouve quelque chofe d'obfcur dans les Pré- »3 fentes , on en demandera l'éclairciffement aux Etats , 6c le » Stadhouder en donnera l'explication, v XXII. & Moderne , àes Provinces-Unies. 169 » XXII. Nul ne pourra ajouter ni rien changer aux Pré- v> fentes fans un confentement unanime. 5> XXIII. Les Stadhouders , leurs Lieutenans & les Offi- » ciers des Villes feront ferment d'obferver & faire obfer- » ver tous les Articles de la préfente Union. » XXV. Les Compagnies Bourgeoifes , les Collèges , »» les Confrairies , les Corps des Arts & Métiers prêteront » aufîi ferment. » XXVI. Il fera fait des Copies authentiques fcellées des » Armes de la République, lignées du Stadhouder , & con- »» trefignées par ion Secrétaire , qui feront envoyées dans «? toutes les Villes , afin que perfonne n'en puifTe prétendre * caufe d'ignorance. » Cet Acte fut figné à Utrecht , le 2 3 Janvier , par Jean , Comte de Naffau , Stadhouder de Frife, & les Députés de cette Province. Guillaume , Prince d'Orange, Stadhouder de Hollande, de Zeelande & d'Utrecht, le ratifia quelques mois après , & George de Lalain > Comte de Renneberg & Stadhouder de POveryîTel , le fouferivit au nom des Villes & des habitans de fon Gouvernement. Les Hollandois & les Zeelandois , en vertu de l'Article Les Catholî- XIII, bannirent les Catholiques des deux Provinces , chai- ?UoCnafI?ci.e r 1 t»«- • o rr 1 1 • 1 laHcllande& lerent les Moines , & conhlquerent tous les biens du de 1,1 Zedan- Clergé. Ils établirent en même tems la Liberté de confciencc; ie- mais la Se£te des Sacramentaires , & nommément celle des Calviniiles , devint la Religion dominante ( a ). Nous com- mencerons par donner un idée de fon Clergé & de fa Hié- rarchie. Quoique plufieurs Religions ayent obtenu la liberté d'e- , I X. 'Xercer publiquement leur Culte , les feuls Calviniftes font âemedesPrT- admis aux Charges & Dignités. Il faut , pour être reçu , ac- vinces-Unies. cepter les Arrêtés du Synode de Dordrecht & le Catéchifme d'Heidelberg pour Régies de la Difcipline & de la Foi. Le Corps Eccléfiaftique efl compofé de ProfeiTeurs de Théo- logie, de Miniftres, d'Anciens & de Diacres. Les pré- cis) Boxhorn Chronique de Zeelande. Pr.Tt. II. pag. îjz. Tome L Y ' tyo Sect. V. Del'EtatF.ccléJiaJîiquc, Ancien micrs font au nombre d'environ dix-fept, &: rempliffent les Chaires des cinq Univerfités établies dans les Provinces, Celle deLeidc en a quatre, Utrecht le même nombre ; ils ne font que deux à Hardervryck , trois à Franecker , & quatre àGroningue. La place de Minirire n'efl pas incom- patible avec celle de Profefleur, & la plupart de ces derniers poffédent ces deux Dignités. Les fondions des Profeffeurs fe bornent à l'inflruclion de la jeuneffe qui fe defline au Mi- niftériat&à la défenfe de la Foi contre les Novateurs. Leurs appointemens font payés par la Province où TUniveriité efl fondée, à l'exception d'Utrecht, où la Ville feule en efl chargée. Les Minières font prépoiés à la dellérte des Eglifes dans les Villes èc dans les Campagnes , &. leur pofle efl plus fatigant que lucratif. Ces efpeces de Curés font obligés de débiter deux ou trois prêches chaque femaine , d'affilier aux Conieils Eccléfiaftiqucs , aux Clalfes , aux Synodes Provin- ciaux & Nationnaux , de faire tous les jours le Catéchifme, de viliterles malades , &s tous les Paroifîiens dans le temsde la Cène qui fe fait quatre fois l'an , & dans quelques Eglifes tous les deux mois , de confoler les prifonniers & d'affilier les criminels au fupplice. Ils n'ont que 2200 florins à Am- ilerdam , où les gages font les plus forts , & quelques pré- fens de peu de conféquence , que les deux Compagnies des Indes ont coutume de leur faire. Les Miniftres de la Campagne n'ont que 600 ou 650 florins , & dans plufieurs endroits ils font réduits à la dixme de quelques terres que le Magiflrat leur abandonne. Le relie des revenus de l'Eglife efl. mis en caifle pour être employé aux befoins de la Pro- vince. Lorfque les Miniftres font envoyés à la fuite des armées , on leur accorde cinquante florins d'augmentation pour les frais de la campagne. Il faut avoir trente-deux ans pour être élu dans une Eglife d'Amflerdam , vingt-fept dans les autres Villes , & vingt-deux dans les Villages. Le Pro- pofé doit avant tout accepter le Synode de Dordrecht , & rapporter l'approbation de fa Gaffe. Lorfqu'une place efl vacante , le Confeil Eccléfiaftique préfente trois lujets au Magiflrat , qui choifit le plus capable & le renvoyé à la & Moderne, des Pr ovine es-Unîef. 171 Claflê pour fubir l'examen. Il revient enfuite au Magiftrat qui le confirme. On publie alors ion éle&ion trois Diman- ches consécutifs , pendant lefquels les Paroifïiens iont reçus à propofer leurs reproches ; le terme expiré , un ancien Mi- niftre le rend à l'Eglife , lui fait un dilcours fur fes obliga- tions , & finit par l'impolition des mains , qui feule lui donne fes pouvoirs. Les Miniftres font obligés de jurer qu'ils n'ont fait ni reçu de préfens. Il leur eft expreffément défendu de parler en Chaire de ce qui peut intérefler le Gouvernement ou la Police. Ils peuvent , en cas d'abus , coucher leurs Remon- trances par écrit & les envoyer au Grand-Penfionnaire , qui les communique aux Etats-Généraux , dont il leur rend la réponfe. Ils font vêtus de noir avec le manteau & le rabat , & ne prennent ni furplis ni étoles , ibit qu'ils prêchent , foit qu'ils adminiftrent la Cène. On leur donne des Adjoints ou Coadjuteurs auiïkôt qu'ils le demandent , & pour l'ordinaire ces derniers obtiennent la Cure , quand le Pourvu vient à décéder. Le Synode de Dordrccht n'épargna rien pour faire annuller les Patronages , dont quelques Seigneurs font en poUeflion ; & s'il ne put venir à bout d'anéantir leurs droits , il les limita à la liberté d'accepter ou de refufer le Miniftre qu'on leur préfente , fans rendre de raifon dans l'un ni l'autre cas (a). Chaque ParoifTe a fon Confeil compofé des Miniftres de ConfeilsEc* l'Eglife & des Anciens ; dans quelques-uns les Diacres y clefuftiiues. ont entrée. S'il ne s'y trouve qu'un Miniftre , il fait les fonc- tions de Préfident & de Secrétaire. Ce Confeil s'aflemble une fois la iemaine. Il fait l'élection des Anciens fans l'interven- tion du Magiftrat. La nomination des Anciens efl procla- mée pareillement trois Dimanches confécutifs. Leurs fonc- tions confident à accompagner le Miniftre dans fes viiïtes, à veiller à l'obfervation de la Difcipline ; & ils font Mem- bres du Confeil Ecclélîaftique. On traite dans cette Affem- blée de l'adminiftration fpirituelle & temporelle de l'Eglife ; on y examine les Nouveaux-Convertis , avant de les rece- (e) Conf. Van Zurk Codex Batavus. Tù. Patron. $.11. a. i. pag. 843. Yij ij2 Sect. V. De r Etat Eccléjîajlique , Ancien voir à la Cène , 6c l'on y donne des certificats de vie & de mœurs pour ceux qui veulent changer de domicile. Ce Tri- bunal a droit de citer les Pécheurs publics , loriqu'ils font in- corrigibles. Il peut leur interdire la Cène, & même les chai- fer de l'Egliie ; mais avant de palier à ces extrémités , le Conleil eft obligé de prendre l'aveu de la Claffe & de les re- commander trois fois aux prières des fidèles : la première fans les déligner , on les nomme à la féconde , & les lépare de la Communion à la troifiéme. Les crimes qui font ainfi punis, font l'héréiie obftinée, les inimitiés ouvertes , le blai- phême, le parjure, l'adultère avéré & les débauches ican- daleufes. Le Confeil peut caffer d'autorité les Diacres con- vaincus de ces crimes , & fui pendre le Miniftre même ; mais il faut une Sentence de la Claffe confirmée par. le Synode Provincial pour le dépofer. Les Diacres s'élilent tous les ans, & leur fonction ne lubfifte que deux. Us font chargés de la réception & de la diftribution des Aumônes , dont ils ren- dent compte au Conleil , en préfence des Commiffaires nom- més par la Paroiffe. Ils ont lous leurs ordres un Teneur de Livres & un Caiffier. Outre ces Officiers chaque Eglife a des Infpetteurs pour àdminiftrer lès revenus ; ceux-ci iont char- gés de veiller fur les biens des Fabriques , des Hôpitaux & des Ecoles , de faire les réparations nécelfaires & de payer les dépenlès annuelles. Ils Iont à la nomination du Maeif- trat ; mais ils agiflènt fous la direction du Conleil & du Sy- node Provincial. Gaffes. La Claffe le forme d'un Miniftre & d'un Ancien dépu- tas d'un certain nombre d'Eglifes voifines , qui Iont chargés 'de leurs pouvoirs & de leurs inftructions. Ces Affemblées le tiennent au moins trois fois dans l'an , Se l'on indique le jour de la prochaine dans la dernière iéance. Il eft. queftion d'y régler la Difcipline , la direction & l'adminiftration des Eglifes, des Hôpitaux & des Ecoles, la diftribution des Aumônes , & la défenle de la Religion Protefiante. On y nomme ceux qu'on envoyé au Synode ; on y dreife leurs instructions ; on choifit les Commiffaires qui doivent vifiter les Eglifes & les Ecoles de la Campagne ; on examine les 6* Moderne , des Provinces- Unies. 17-3 Candidats qui fe proposent pour le Miniflériat , fur quoi nous obferverons qu'il dépend de ceux-ci de demander une Convocation extraordinaire de la Claffe , s'ils ne veulent pas attendre le tems marqué pour la tenir ; mais en ce cas l'Af- femblée le fait à leurs frais & dépens. Toutes les Claffes d'un diftri£t députent au Synode Pro- Synodes Pro- vincial deux ou trois Miniflres avec autant d'Anciens une vmciaux, fois chaque année. Le Prélident de l'Affemblée précédente en fait l'ouverture par un dilcours , après lequel il fait une prière. Il examine enfuite les inftrucîions ôc les lettres des Afliftans. On fait le fécond jour les éle&ions du nouveau Prélident , du premier AiTefTeur , du Scribe ou Secrétaire des Correfpondans , qui font chargés de communiquer aux au- tres Synodes tout ce qui fe propoie de part & d'autre. Ces Agens n'ont que la voix conlultative dans les Séances. En- fin l'on choifit ceux qu'on doit charger de l'exécution des Arrêtés , ceux qui doivent examiner les Propofés au Mi- niflériat , &c. Il efl défendu à tous ces Ofliciers par un Arrêté du 23 Septembre, 1671 , d'entretenir aucune corres- pondance avec les Claffes d'un autre Synode (a). Les Etats de la Province où le Synode eft affemblé , ont droit d'y nommer deux Commifîaircs politiques, pour affilier aux Séan- ces, & quoique ceux-ci ne puifîent parler dans TA Semblée, ils ont le pouvoir d'impoier hlence aux Opinans , & d'arrêter les délibérations toutes les fois que la queftion touche à la Police ou au Gouvernement. Les Egliles des Provinces- Unies font partagées fous neuf Synodes. Celui delà Gueldre n'a point de lieu fixe pour les Séances. Il s'affemble dans la Ville qu'il a plu au dernier Prélident d'indiquer, & tient ordinairement au commencement d'Août. Les Députés de la Sud-Hollande fe rendent à Dordrecht le premier Di- manche de juillet , & ceux de la IMord-Hollande le dernier Mardi du même mois , tantôt dans une Ville & tantôt dans une autre. Les Etats de Zeelande le font réfervé le droit de convoquer le Clergé de la' Province qui ne peut s'aflem* (<0 Recueil des Placard» Eceltfiafli^ues.Tcflz.II.pag. ^$u 174 Sect. V. De l'Etat Eccléfiajlique , /închn hier fans un Mandement des Etats. Les Séances le tiennnent dans la Sacriftie de la grande Eglife de Middclbourg. La Cathédrale d'Utrecht fort également auClergé de laProvince, qui s'aifemble tous les ans la première ou leconde lemaine de Septembre. Le Synode de Frite ouvre huit jours après la Pentecôte dans la Ville indiquée par le dernier. Celui d'Overyffel commence quinze jours après la Pentecôte. Ce* lui de Groninguc 8c des Ommelandes tient alternativement dans cette Ville ou dans Appingadam la première lemaine du mois de Mai. Le Clergé de Drenth qui ne dépend d'au- cun de ces Synodes , a les Affemblées particulières dans le mois de Novembre. Les Eglifes de la Mairie de Bois-le- Duc , du Palland Se du Kempenland , de Maaftricht font fubordonnées au Synode de Gueldre ; celles de Breda le font au Synode de la Sud-Hollande , 8c celles du Marqua fat de Berg-op-Zoom 8c de l'Kle de Thoolen, qui forment une ClarTe à part , dépendent de la Zeelande. Nombre Jcs Le nombre des Miniftrcs qui font dans les fept Provinces- piimiires. Unies & dans les Pays de la Généralité , en comprenant les Allemands & les Anglois , monte à quinze cens foixante- dix , fans compter les deux Deffervans de rifle d'Ameîand qui ne font d'aucune Claffe. Indépendamment de ce nombre, les deux Compagnies de commerce entretiennent dans les Indes plufieurs Minières qui font Corps avec le Clergé de l'Europe. Elles en ont quarante-fix dans l'Orient , neuf dans l'Occident , 8c quoique la Nouvelle York foit aujourd'hui entre les mains des Anglois, on y compte vingt Miniftres réformés Hollandois; il y en a un dans la Penlylvanie , & un dans l'Ifle de S. Thomas. Outre ceux-ci , les Etats Gé- néraux en entretiennent dans tous les Pays ,' où leur Com- merce eft couvert. Ils en ont un à Norwich , un à Col- chefter , 8c chez leurs Ambaffadeurs à Londres , à Paris , à Vienne,' à Madrid, à Lisbonne, à Ratisbonne, à Pe- tersbourg, à Mofcou , à Archangel , à Stockholm , à Cop- penhague , à Bruxelles , à Confiantinople , à Smirne , à Alger, &c. X. Après avoir détaillé l'Hiérarchie de l'Eglife dominante , W allons, (f Moderne , des Provinces-Uniei. j 75 nous dirons un mot de celles qui iont autorifées , quoique privées de certains droits. Les "Wallons , par lefquels nous commencerons , ont droit dé tenir des Synodes deux fois l'an, vers la fin d'Avril & vers le commencement de Sep- tembre. Ils célèbrent le fervice félon leur ufage à portes ou- vertes , & la conftru&ion de leur Temple les fait recon- noître extérieurement , ioit dans les villes , loit les cam- pagnes. Les Eglifes des Pays-Bas Autrichiens qui fuivent les mêmes ulages , fraterniicnt avec celles des Provinces- Unies. Les Députés des premières font reçus dans les Sy- nodes des dernières , & c'eft le Corps le plus ancien des Réformés dans les Pays-Bas. La première Union fe fit à Tournay & à Anvers en 1563 , où ils s'affemblerent fecré- tement pour fe dérober à la perfécution des Efpagnols. Quelques années après les Egliles Bataviques fe réunirent à Embden ; mais le Synode de Dordrecht de 1578 or* donna qu'elles feroient diftincles & féparées à caufe de la différence des langues. Cet Arrêté fut confirmé par la fa- meule Affemblée de 161 8 ; & depuis ce tcms,, elles font deux Eglifes , quoique leurs Miniftres le traitent de Frè- res , qu'elles profeifent les mêmes Dogmes, & qu'elles fuivent la même Difcipline. Les Wallons des Provinces-Unies font partagés en deux Leurs Sjh»$ Synodes , dont l'un fe tient à Middelbourg , & dépend des des> Etats de Zeelande ; l'autre qui fe forme de toutes les Eglifes des autres Provinces , & des Députés de celles des Pays- Bas Autrichiens , s'affemble quatre fois l'an dans une ville de Hollande. Les Wallons ont vingt Eglifes , où leur Sy- node peut fieger ; les autres n'ont que le droit de députer. Les Etudians qui briguent le Miniflériat , fe préfentent a ces Affemblées, qui nomment trois Miniftres & trois Anciens pour les examiner. S'ils font approuvés , on met leurs noms fur la lifte des Candidats ; lorsqu'ils font nommés à quelque place , ils fubiffent un fécond examen plus févere que le premier , après lequel ils reçoivent leurs pouvoirs par l'im- pofition des mains. Le Synode en fe féparant , nomme tou- jours une Gommiflion qui demeure chargée de préparer les Anglicans & Prefbytérieis. Syntfde Na- tional. 1 7^> S e c t. V. De VEtat Eccléfiaftique , Ancien m iticres qu'on te propofe de traiter dans le Synode iuiwint, &c ce Bureau fait chez eux le même Office que les Clafles chez les Hollandois. Le Clergé des Wallons eft compolé de quatre-vingt-deux Minières qui deffervent cinquante Eglifes dans les fept Provinces ou dans la Généralité; ils font deux dans la plupart, & le fécond qui porte le titre de Coadjuteur , eft deftiné à remplir la place du premier. Groningue a Ion Eglife particulière délier vie par deux Mi- mitres qui ne font point Corps avec les autres. Les Anglois peuvent célébrer publiquement , félon leur Culte, à Amfterdam , à Leide , à la Haye, à Middelbourg, à Vliffinguc , à Veere, à Dordrecht, à Utrecht & à Rotter- dam. Les Eglifes de cette Nation font partagées fous deux Diocèfes : les anglicans , qui reconnoiffent les Evêques , font foufferts à Amfterdam & à Rotterdam ; les autres font Prefbytériens , & les Miniftres de ces derniers ont entrée dans les Claffes Bataviques. Le Synode National ou Général eft compofé des Députés des Synodes Provinciaux. La convocation dépend des Etats Généraux , qui ne la font que dans les cas nécefTaires. Tel fut celui qui lé tint à Dordrecht en 1618, & qui ne fut clos que Tannée fuivante. Il étoit queftion de juger la contefta- tion qui s'étoit élevée entre Armxnms & Gomar , qui penfa étouffer la République dans fa naifïance. L'AfTemblée fit un grand nombre d'Ordonnances concernant la Difcipline. Le cinquantième Article portoit que lous le bon plaifir des Etats , le Synode Général feroit affemblé tous les trois ans ; mais foit qu'il ne le foit pas préfenté d'affaire affez confidé- rable, foit que Leurs Hautes Puiiïances ayent appréhendé les fuites d'une AfTemblée auffi nombreufe du Clergé , le Décret n'a pas eu d'exécution. Le Manulcrit de tous les Acfes, paffésdansce Synode, eft dépofé dans les Archives des Etats Généraux , qui nomment tous les trois ans des Dé- putés pour en faire la vifite , conjointement avec ceux des Synodes Provinciaux, & en drefier un Procès- verbal, La Députation fe tranfporte enfuite à Leide , où l'on garde l'exemplaire de la nouvelle Traduction de la Bible qui fut faite &■ Moderne des Provinces-Unies". I 77 faire par ordre de L. H. P. en exécution d'un Arrêté du même Synode , & publiée en 1637. Le cérémonial qui s'ob- ferve dans ces deux vifites , mérite quelque détail. Les Synodes Provinciaux nomment vingt-un Miniftres VJfîtefoIem- qui fe rendent à la Haye tous les trois ans au mois de Mai ; jdlcdes^df le Synode Wallon y joint le vingt-deuxième. Us s'affemblent Dordrecin & le lendemain dans le Temple pour former le Ccetus , c'eft le d.e la Traduc- 1 1 t-» / • tt j> » 1 • ''on de la Bi-, nom de la Deputation. Un d cntr eux commence la prière , blet après laquelle il prononce un dilcours , & le prêche achevé., on élit le Préfident & le Scribe. On vile les pouvoirs des Députés ; on fait le&ure du Procès-verbal du Ccetus précé- dent, & l'on envoyé aux Etats Généraux & au Coniéil de Leide , pour annoncer l'arrivée des Députés. Le jour marqué pour l'audience , ils s'affemblent pareillement dans une Eglife , & la prière achevée , ils partent deux à deux , tra- verlènt la Cour du Palais dans cet ordre , & font reçus dans la Salle des Comtes. Le Préfident prononce une courte ha- rangue qu'il finit par un requifitoire tendant à obtenir la permiffion de viiiter les Manufcrits. Le Préfident des Etats Généraux le complimente fur le zélé du Clergé, & lui ac- corde la demande. Le lendemain la Députa tion revient pro- ceffionnellement ; les deux Commiffaires nommés par L. H. P. la reçoivent au haut de l'efcalier, & la conduifent dans la Chambre de la Trêve , où chacun ayant pris féance autour d'une table, on apporte un Coffre fermé à huit ferrures , du- quel on tire dix-fept volumes bien reliés. Les Commiffaires les préfentent au Préfident qui les fait paffer par les mains de tous les Députés , & la vilite achevée , un Miniftre com- mence une prière pour rendre grâces à Dieu des Loix qu'il lui a plu d'infpirer à fon Eglife ; il remercie L. H. P. de leur attention à conferver ce Dépôt précieux , & ce jour fe ter- mine par un magnifique repas. Le lendemain , les Commif- iaires & les Députés s'embarquent fur deux Yagds des Etats , & vont defcendre au Bourg de Leide , où un Bourgmeftre , le Penfionnaire & le Secrétaire du lieu les attendent, & les conduifent à l'Hôtel de Ville. Les Commiffaires font reçus dans la Chambre des Bourgmestres , & les Miniflres dans Tome L Z I78 S e c T. V. De VEtatEccléJiaJlique , ancien celle du Confeil. On y apporte un Coffre fermant à deux clefs ; le Secrétaire de la Ville en préfente une , & le plus ancien Régent du Collège des Etats l'autre. La vifitc com- mence & finit par une prière , après laquelle on ramené la Dépuration au Bourg de Leide , où elle eft régalée une {c-> conde fois aux dépens de L. H. P. Pendant le repas un Huiffier de la Ville après avoir frappé trois coups fur un baflïn d'argent, offre aux Députés de L. H. P. huit pots de vin du Rhin , refle d'un ancien uiage où les Convives pré-" fentoient le vin d'honneur à celui qui les regaloit. Les Dé- putés prennent à la place de ce vin chacun cinquante florins, qu'ils diftribuent aux Huifïiers & autres Officiers. La Dépu-* ration de retour à la Haye , dreffe le Procès-verbal du Ccetusr reçoit fon audience de congé des Etats , & chacun retourne à fon Eglifer Réflexion On peut juger de ce que nous avons dit que la puhTance' fur la Religion temporelle domine fur la fpirituelle. Les Catholiques traitent •espays"'6 C eette autorité d'illégitime ; les Réformés foutiennent au con- traire que L. H. P. en qualité de Membres de l'Eglife & de Chefs de la République r font en droit de veiller iur tout ce qui peut contribuer au bon ordre , à la tranquillité & à la fureté des Citoyens ; que le Miniftere de la parole & l'inf-* tru&ion étant le moyen le plus efficace pour les maintenir ou les troubler , il eft du devoir du Souverain de veiller fur le choix de ceux qu'on deftine à cet Office 5 qu'on ne doit le confier qu'à des perfonnes fages, éclairées & pacifiques; qu'on ne peut nier, fi Fenconfulte l'Evangile, que le foin de conferver la Difcipline n'appartienne au Magiftrat fécu- lier , Juge de l'extérieur, ainîi que l'Eccléfiaftique l'eft de l'intérieur ; que l'efprit de domination dans le Clergé eft diamétralement oppofé à la Loi divine , & que l'obéiffance aux Loix fondamentales de l'Etat , eft , après l'amour de Dieu , la première obligation du. Chrétien. Au furplus le Gouvernement n'entre point dans ce qui regarde les con- feiences , & la tolérance fur ce point eft pouffée jufqu a l'ex- trémité. Chacun penfe comme il veut, ôtfait profeftîon de la,Sette qu'il choilit^Le Clergé, pour reprimer cette licence > G* Moderne âes Provinces-Unies". 17$ «voulant^ au Synode National de Middelbourg de 1581 , donner quelques extenfions à Tes droits au préjudice du Gou- vernement & de la liberté des confciences , le Magiftrat de Leide remontra aux Etats de Hollande : » que l'intolérance » en fait de Religion eft une maladie de l'Etat , à laquelle m on ne peut trop tôt couper racine ; que le Confeil de » Leide avoit arrêté de n'inquiéter perfonne fur cet article ; » que leurs pères en facrifiant leurs biens & leurs vies pour » conferver cette liberté fi précieufe , n'étoient pas uniformes » dans la Foi; que les Etats dévoient veiller à la confervation » d'un héritage payé fi chèrement , & craindre d'aliéner les » cœurs des Citoyens , des amis & plus encore ceux de leurs » femmes & de leurs enfans , qui ne pouvoient fe réfoudre à » reprendre le joug Eccléfiauique qu'ils venoient de fe- *> couer « ( a ). Avec ces principes , on ne fera plus étonné de la multiplicité des Se£tes qui font en Hollande. Outre celles dont nous avons parlé , on y trouve des Luthériens , des Rémontrans , des Anabaptiftes , des Rhinsburgeois ou Collégians , des Quaakers ou Trembleurs , &c. Avant de parler de ces Se£tes , nous dirons un mot des xi. Catholiques-Romains , qui ont environ trois cens cinquante Catholiques Eglifes deffervies par environ quatre cens Prêtres dans les Roraalnî' Villes & dans la Campagne des Provinces - Unies , fans compter celles du Pays delà Généralité. Mais elles n'ont au- cune diftinftion apparente. La partie extérieure fert pour le logement des Prêtres , & l'Oratoire eft toujours hors de la vue des paffans. On ne peut pas en bâtir de nouvelles fans une permiffion expreffe du Magiftrat. Les Prêtres ne peu- vent faire aucun A£te extérieur de leur Culte ; ils font même obligés de quitter les habits qui les caraclérifent , quand ils paroiffent dans les rues. Les Catholiques de Zevenbergen , Viile Hollandoife fur la frontière du Brabant, prétendoient enterrer les Officiers de leur communion avec les honneurs militaires. Les Etats Généraux rejetterent leur requête, & (a) Borïlift. des Pays-Bas. Tom.ll> dan.s les Addit. des Pièces Authentiques, ryt • • 180 Sect. V. De VEtat Eccléfiaftique , sfncïen leur Curé ayant voulu bâtir une Egliie iur le modèle de celles* des Pays Catholiques , fut condamne à démolir à les dépens ce qu il avoit commencé , & à rebâtir à les frais la grange dans laquelle il célebroit anciennement (a). Quoique l'en- trée des terres de la République l'oit nommément défendue aux Jéluites (fcj, ils font reçus dans quelques Villes lous l'habit de Négocians, dont ils exercent la pror'effion, vraiiem- blablement pour mieux tromper les Magiftrats.Ilsavoicnt ap- porté dans les Eglifes Catholiques l'Office de Grégoire VII ; mais les Etats Généraux ont défendu de le reciter lous peine d'être traités comme Perturbateurs du repos public , & d'être condamnés à fermer leurs Egliles , parce que cette Légende favorife ouvertement les prétentions Ultramontaines fur le temporel des Souverains (c);&le2i Septembre, 1730, ils publièrent un Règlement qui porte : 1°. Qu'on ne pourra recevoir aucun Prêtre ni lui permettre d'officier ou prêcher fans une permiffion authentique du Magiltrat. IL Qu'on n'admettra dans cet Ordre que les Naturels du Pays. III. Dé- fenfe aux Religieux , Moines , & notamment aux Jéluites , de s'immifeer en aucune façon dans les Egliles. IV. Que ceux qu'on recevra , feront tenus d'affirmer préalablement qu'ils ne croyent pas que le Pape puiffe difpenfer les Sujets du ferment fait à leurs Souverains. V. Qu'ils promettront de prêcher le contraire. VI. De ne faire fortir aucun argent du Pays , fous prétexte d'affilier les pauvres Eglifes ou les Sé- minaires. VIL Qu'ils jureront enfin de ne publier aucun Mandement ou Bulle fans l'avoir communiqué au Ma- giltrat ( d). Les Inipetteurs des Aumônes des Eglifes d'Am- iterdam , de Haarlem , de Hoorn, de Delft , de Rotterdam & de Medenblick ont cependant obtenu le privilège de pouvoir exiger juridiquement les legs en faveur des pau- vres , & les Etats Généraux ont arrêté depuis qu'on ne re- (a) Recueil des Edits , Tom. V.pag. 578. (£) Recueil des Edits, ibid. pag. 56?. Ç78. &c. & Tom. I. Col. xpf. (c) Voyez le Mercure d'Europe. Juin Se Décembre , 17.30. pxg. 128. (d) IdewL.ubifupra. & Moderne , des Provinces-Unies. 181 fufef oit à l'avenir aucune requête , dont la charité feroit le motif (a). Les Catholiques font exclus des dignités & des charges , à l'exception des grades militaires qu'ils peuvent obtenir jufqu'à celui de Veld-Maréchal exclufivement. Mais le Conleil Eccléfiaftique de Namur s'étant plaint que plu- fieurs Officiers des garnifons des places voifines abjuroient la reforme , pour époufer des filles Catholiques , L. H. P. arrêtèrent en 1738 que ceux qui changeraient de religion pour fe marier, perdroient leurs pofles (■■''). Les Catholi- ques de la Flandre & du Brabant Hollandois payent une re- devance annuelle pour avoir droit d'ouvrir leurs Eglifes (c). Cependant quelqu'obftacle que les Etats oppofent à la pro- pagation de la Foi Catholique , elle eft profeffée par un tiers des Sujets de la République. Les Chrétiens Arméniens que le commerce amené à Am- fterdam , y ont une belle Eglife. Ils font indépendans du Siège de Rome , communient fous les deux efpeces , & n'ont point d'images. Les Luthériens poflédent des Eglifes publiques , & qui font décorées extérieurement : ainfi le Defcripteur de la Hollande ( d ) fe trompe , quand il avance que leurs Eglifes reflemblent à celles des Rémontrans. La défenfe d'en con- ftruire ( e ) ne porte que fur les villages , & même n'eft plus en vigueur. Ils jouiffent d'une pleine liberté , à la réferve des charges dont ils font exclus. Nous avons des exemples de quelques Baillifs qu'on a forcés de réfigner leurs Offices à des Reformés , uniquement parce qu'ils étoient Luthé- riens (/). Ils ont quarante Eglifes dans les fept Provinces ou dans la Généralité , & le nombre de leurs Miniftres monte à cinquante-un. La Hollande feule compte vingt-fept Prédicans & dix-neuf Eglifes ; la Zeelande quatre Miniftres & trois Eglifes , & ainfi à proportion. Il y en a quatre dans le Brabant (a) Recueil des Edits Eccléfïait. Tom. II. pag. fïp. &c. (b Voyez ]e Pftillon Bâta vique du mois de Mars, 17 $2, pag, 3 J2« (r) Recueil des Edits Eccléiîaft. Tom. II. yag. ^43. (d) Janiçon Etat Préf. des Prov. Unies. Tom. l-pag, ip» ( e ) Grand Recueil des Edits. Tom. II. col. 3027. (/) Grand Recueil des Edits. Part. IV. pag. 337. Arméniens. Luthériens. t %t S e c T. V. De PEtat Ecdéfiajlique ; slncîeti Hollandois , & l'on vient de bâtir un Temple pour les Emî-i grans de Saltzbourg , dont le Miniftre eft appointé par les Etats Généraux. Les Etudians de cette Religion appren- nent les Langues , 1'Hiftoire 8c la Théologie dans les Uni- versités du Pays , 8c vont prendre leurs dégrés dans celles d'Allemagne. Ils font admis à prêcher aufli-tôt qu'ils ont fini leurs études , à la réferve d'Amfterdam qui les foumet à l'examen avant de leur ouvrir la bouche ; mais les gra- des leur font néceflaires pour être élus au Minifteriat. Lors- qu'on les propofe pour quelqu'Eglife, on les examine une leconde fois , & la feule imposition des mains fuffit pour leur installation. Les Eglifes font très fréquentées dans quel- ques Villes ; celle d'Amfterdam eft la "plus conlïdérable , elle eft compolée de cinq Ministres , de dix Anciens , de douze Diacres & de trois Infpe&eurs. Le Gonfeil Ecclé- Caftique s'asTemble deux fois le mois , & l'on célèbre la com- munion tous les quinze jours. Les Luthériens ont des Mai- ions pour leurs Orphelins à Amfterdam , à Leide , à la Haye & à Haarlem. Le premier de ces Hôpitaux eft gouverné par trois Régens & trois Régentes. Les cérémonies ne font pas uniformes dans les Eglifes Luthériennes Allemandes & les Hollandoifes. Ces dernières n'ont ni Autels ni images .; les Prédicans y font l'Office dans leurs habillemens ordinaires , prêchent 8c administrent la communion fans robe ni furplis, &emontrans. Les Rémonîrans ne font connus que dans les Provinces- Unies. Cette Secte doit fa naiflànce & fon nom aux remon- trances que les Arminiens préfeoterent aux Etats Géné- raux en 1610. Armmïus & Gomar } l'un & l'autre Profef- feurs de Théologie dans l'Univerfité de Leide , diviferent les Réformés en deux partis. Le premier foutenoit la Pré- destination rigide ; l'autre enfeign'ok : » que Dieu dans l'é- » lection & la réprobation a égard d'un côté à la foi & à la » perfévérance, & de l'autre à l'incrédulité & à l'impénitence ; » que Jefus-Chrift eft mort pour tous les hommes ; que la » grâce quoique nécefTaire à la conversion , n'agit pas fur le » pécheur d'une manière irréfiftible ; qu'il n'eft pas impof- ?> iible que les Saints ne retournent au péché 5 qu'on ne doit 6» Moderne des Provinces-Unies. 1S5 * përfécuter aucune Sette dès quelle reconnoît J. C. pour •» Chef; qu'un homme qui prend l'Ecriture pour régie de fa » créance & de fa conduite , qui abhorre le péché & l'ido- » latrie y eft un Membre prochain de l'Eglife , & par con- » féquent ne doit pas en être féparé. « Maurice, alors Stad- houder , échauffa la difpute par un trait de la politique. Ce Prince qui nepenfoit qu'àrenverferOldenbarneveld, Grand-- Penfionnaire , dont la prudence faifoit échouer les vues de fon ambition , & qui s'étoit déclaré pour Arminius , prit le parti contraire , & ie fortifiant des Gomariftes , il fe fervit de leur animolîté , pour conduire fon Antagonifte fur un échafaut , & perdre tous ceux qui ofoient lui rélifter. La mort du Chef ne pouvant appaifer la fureur des partis , L. H. P. furent contraintes d'aflembler un Synode général à Dor* drecht , où la Doclrine d'Arminius fut condamnée. Les Mi- niftres qui la foutenoient , furent empriformés ou dépofés y & ceux qui refuferent de fouferire aux Arrêtés du Synode , bannis à perpétuité des terres de la République. Frédéric Henri ayant fuccédé à Maurice, & fe trouvant fans intérêt perfonnel , permit tacitement aux Exilés de revenir dans leur patrie , & leur retour rétablit ces Sectaires dans leur premier état. La perfécution du parti oppofé forçant les opprimés à iè diftinguer par l'étude , par l'éloquence & par la pureté des mœurs , ils devinrent néceffairement plus édifians & plus perfualifs. Avec ces avantages , les Rémontrans attrroient quantité de monde de leur côté , & leurs Profelytes s'accru- rent de façon qu'ils furent bientôt en état de fonder un Se^ minaire dans Amfterdam , où l'on inftruifoit la jeunefTe à la prédication. Leurs progrès furent d'autant plus rapides que les Eglifes "Wallonnes fympathifoient avec leurs opinions : enforte qu'ils eurent en peu de tems trente-trois Eglifes Bs quarante-trois Miniftres. Ils fe trouvèrent même affez nom- breux pour envoyer une Colonie dans le pays d'Holftein 9 qui s'établit à Fridericftadt , & qui tire fes Miniftres de Hol- lande. La plus célèbre de leurs Eglifes eft celle de Rotter- dam ; elle a quatre Miniftres , & celle d'Amfterdam en a «rois. Ils entretiennent deux Profeffeurs ,-dont l'un enfeigne i S4 S e c t. V. DeVEtat Eccléfiajlique , Ancien la Philofophie, l'autre la Théologie. Ils ont plulieurs Ecoles pour les langues. Lorfqu'un Etudiant le préfente pour le Mi- nifteriat , on nomme une commiflion compoiéc de huit Exa- minateurs choifis entre les Miniftres d'Âmfterdam & de Rotterdam , & les plus habiles dans les langues facrées. Les Candidats peuvent adminiftrer le Baptême & la Cène , aufli- tôt qu'ils font approuvés, & les Infpe£teurs les envoyenc dans les Eglifes pour foulager le Miniftre qu'ils remplacent , lorfqu'il vient à mourir. Leur Conieil Eccléfiaflique s'affcm- ble tous les ans vers la Pentecôte , tantôt à Amfterdam , tantôt à Rotterdam. XII. Les Atiabaptijles , dont nous avons parlé , foutienncnt Anabaptiftes. entr'autres qu'on ne doit adminiftrer le baptême qu'à ceux qui font en âge de connoître les engagemens qu'ils contrac- tent , & qu'on doit le renouveller , lorfqu'on a devancé cet âge. Ce Dogme eft l'éthymologie de leur nom ; on les con- noît encore fous celui de Mentionnes qu'ils tirent de Men- no Simonç, Fondateur de leur Secfe. Cet homme né dans la Frife en 1496, s'éleva contre l'autorité de Rome , forma le Schifme en 1 5 3 6 , & mourut en 1561. Il conferva de la modération dans fon début ; mais enhardi par le fuccès de fes prédications , il pouffa la reforme jufqu'au point de fou- tenir que les Fidèles dévoient non-feulement éviter ceux qui n'étoient pas de leur Communion , mais qu'un mari même de voit rompre la Communauté de la table & du lit , fi fa femme n'étoit pas de Ion Eglife. Cette rigidité ne put fub- fifter longtems ; le relâchement divifa les Seclaires , Se forma des branches à l'infini , entre lefquelles les anciens Frifons , les Vlamingois & les Waterlanders font les plus confidé- rables. Nous en dirons un mot & nous parferons fous fi- lence les Dantziquois, les Gruningois , les Suiffes &c. dont les noms font à peine connus. Les trois Seêtes principales fraternifent , & leurs Eglifes font communes. L'Auteur que nous avons déjà cité , donne à ces Affemblées le nom de Dreckivagen (a) , qui fignifie un Chariot rempli d'immon- (c) Jiniçon Etat préf, djsProv. Unies. Tom.î-pag. 1?. dices, & Moderne , des Provinces-Unies. 185 dices , fans faire attention que ce mot n eft qu'une injure in- ventée en 1555 par Léonard Bouwens en haine des \vater- landers (a). Tous ceux de cette religion ne compofoient qu'une Eglife dans les commencemens ; la bigarrure des vê- temens , les différences dans Pœconomie domeftique & dar s la nourriture, les divifa. Il fallut inventer des noms, pour diflinguer ces différentes Gaffes. Les Waterlanders prirent leur origine & leur nom dans le"Waterland , où ils commen- cèrent à le montrer en 1554, &- s'étendirent peu à peu juf- ques à Franeker. Moins rigides que leur Fondateur , ils or- ûonnoient trois admonitions avant de faire fchifme avec leurs frères. Les anciens Frifons leurs reprochèrent cette modification comme une héréfie, & leur refuiérent l'entrée de leurs Eglifes; ce qui bs mit dans la néceffité d'en con- flruire à leur ufage. Il feroit difficile de rendre compte de tous les dogmes qui les partagent. Ils varient entr'eux de tant de façons qu'ils n'ont plus de commun que le nom gé- néral. Ils s'accordent à foutenir : I. Qu'on doit différer l'adminiftration du Baptême jufqu'à l'âge de raifort. II. Que le ferment eft défendu , fous quelque prétexte & qui que ce foit qui l'exige. III. Il en eft de même du port des armes ; ' IV. Ils foutiennent qu'on ne peut exercer aucune autorité fur fon femblable. Ces derniers points les rendent inutiles- à leur Patrie dans la paix & dans la guerre ; ce qui les faifoit appeller par dérifion Chrétiens fans défenfe, reproche qu'ils repouffoient , en s'intitulant eux-mêmes Chrét iensfins ven- geance. Au furplus les uns s'impofent la loi de fe laver les pieds tous les matins ; les autres de prier dans le filence ; ceux-là chantent en Chorus dans leurs Eglifes , & prefque tous mêlent à leurs luperftitions quelques dogmes des Ré- formés. Ils ont cent quatre— vingt-fix Temples dans les fept Provinces , & trois cens douze Docïeurs pour les deffervir. Le plus grand nombre eft dans la Friie & dans la Nord- Hollande. Ils en ont trois dans la Gueldre ; foixante-feize dans la Hollande; quatre dans la Zeelande ; deux à Utrecht $ (a) Orig. des Divif. des Anabapt. pag. 1 1. Tome I. A a 1 8tf S e ct. V. De VEtat Eccléfïajfique , Ancien cinquante-huit dans la Frife ; feize dans l'Overyffcl ; vingt- feptà Groninguc& dans les Ommclandcs. Leurs Aifcmblécs fe font féparémcnt dans la Nord-Hollande & dans la Sud- Hollande ; on y diftribue les Docteurs dans les Eglifes qui les demandent , & l'on répartit les aumônes fuivant le be- foin. Elles fe tiennent le dernier du mois de Juillet; le Sy- node de Frife eft toujours fixe au premier Lundi après la Pentecôte. On choifit le plus fçavant pour expofer le fujet des délibérations ; ils font très attentifs fur le choix de ceux qu'ils employent. Leurs Miniftres n'ont que très peu ou point d'appointemens ; ce qui les oblige de faire le commerce ou d'exercer quelque métier pour leur fubfiftance. Chaque Eglife demande le nombre de Deffervans , dont elle a befoin , fé- lon fon étendue. Ils envoyoient autrefois leurs Etudians dans les Séminaires des Rémontrans ; ils ont aujourd'hui leur Collège , dans lequel ils entretiennent des Profeffeurs pour la Théologie , la Philolophie, & des Maîtres pour les lan- gues ; leurs gages font de deux mille florins. Les Diacres l'ont l'élection des Docteurs , & l'Affemblée les confirme. Quant aux Diacres , ils font tirés du nombre des Etudians. Dans quelques Eglifes les dignités font à vie ; dans les autres leur fonction eft limitée à certain tems. Le confentement de la Confraternité eft néceffaire dans toutes les Elections aufîi bien que le concours des Docteurs & des Diacres. Quelques Eglifes admettent des Diaconneffes qui font nommées de la même manière. Ils ont auffi desMaifons pour les Orphelins, &des Hôpitaux qui font richement dotés. Le Gouvernement favorifeces Sectaires qui l'ont fouvent utilement fervi de leur bourfe {a). Leur argent a du moins autant contribué à la liberté des Provinces que la valeur des autres Citoyens ; & L. H. P. pour marquer leur reconnoiffance,leur ont accordé le privilège d'être exempts des charges & des emplois publics, auxquels les autres font affujettis , & de fe fervir enjuftice d'un formulaire d'affirmation qui confifte à dire : En vérité d'homme, ou : J'affirme ces-paroles véritables. Us occupent quel- (a) Réfolut. des Etats de Holl. du i. Mars 1673. dans Van Zurk Cod. Batov. 'Art. Mexuonitss. &c. Gf Moderne , des Provinces-Unies. 1 87 qucfois la place de Régent dans les Hôpitaux, non par hon- neur , mais par charité. Au iurplus ils lont obligés de fe con- former aux Réglemens de Police pour leurs mariages (û). Les Rh'msburgeois ou Collégiaux font moins connus , & Rhinfljurgeok leur nombre eft moins grand. On les nomme Collégians ouCollegians. àcaufe des Collèges qu'ils ont fondés dans différens endroits, tant pour la prière que pour l'inftruclion. Le nom de Rhins- burgeois vient du village de Rhinsburg près de Leide, "où leur Cène fe tient deux fois l'an, l'une vers la Pentecôte, & l'au- tre avant le dernier Lundi du mois d'Août. Cette Seéte parut pour la première fois en 1619 dans le tems que les Rémon- trans furent chaffés du Pays. Jean , Adriantz & Giielbert de Codde étoient des Corroyeurs ou Laboureurs des villages d'Oegsgeeft , de Rhinsburg & de. Warmond. Un autre frère s'étoit adonné aux études , & s'efl fait connoître par fes Ecrits fous le nom de Guillaume Coâdœus ; fon fçavoir lui valut la place de Profeffeur des Langues Orientales dans l'Univerfité deLeide. Malgré leurs occupations méchaniques, les premiers fe difïinguoient par la connoifTance qu'ils avoient acquife dans les Saintes Ecritures , & Gifelbert avoit été choifi Ancien de l'Eglife de Warmond , où la place de Mi- nière étoit pour-lors vacante. Il fe mit à prêcher une nou- velle Réforme , & le nombre de fes Profelytes augmenta en peu de tems. Il enfeignoit que tous les Chrétiens étoient autorifés par leur titre à remplir les fondions facramen- tales & de Culte, & que les Miniftres fe les arrogeoient par pure ufurpation. Ces nouveautés qui rétabliffoient l'égalité , ïéduifoient la populace , & le nombre de ceux qui fe décla- roient pour fes opinions , groffiffant tous les les jours , il transféra fon Siège dans le village de Pvhinsburg. Il admi- niftroit le Baptême par immerfion; les Anciens de l'Aflem- • blée faifoient la cérémonie & diftribuoient la Ccne aux Af- fiftans , & celui qui le préientoit , débitoit le prêche. Cet homme avoit rafîemblé tous les paffages de l'Ecriture qui pouvoient favorifer fon Syftême' & s'embarraifoît peu d'en (,*) Conf. Recueil des Edite EccléHaft, Tom. II. pag. ii4« Aaij 1 88 S e c t. V. De VEtat Eccléjiajtique , Ancien détourner le fcns , pourvu qu'ils ferviffent à ion objet. Il fc fondoit iinguliércment fur le XIV Chapitre de VEpître aux Corinthiens , 8c fe vantoit d'avoir rétabli la Dodrinc dans fa première pureté. La tolérance qu'il pouflbit à l'excès, étoit ion Dogme favori. Il fuffifoit de reconnoître la Divinité de Jefus-Chrift pour être reçu dans fa Communion. Il recc- voit jufqu'aux femmes dans la Chaire. Il n'avoit ni Symbole ni Conlcffion de Foi ; chacun interprétoit l'Evangile à ia guife ; l'imagination étoit la régie de la Foi , & de-la la variété prodigieufe des principes qu'on enfeignoit dans ces Collèges. Si les premiers fuccès de ces Prédicans furent ra- pides, la durée n'y répondit pas , & leurs Eglifes diminuent tous les jours. Celles qui fubiiftent, s'affemblent,le Samedi pour fe préparer à la Cène. Après la prière, le plus Ancien demande fi quelqu'un veut édifier les Affiftans ; le premier qui fe préfente , prend un texte de l'Ecriture , fur lequel il débite ce qui lui vient dans la tête, & chaque Affiliant y peut ajouter à fa fantaifie. La cérémonie finir par quelques Pfeaumes qui font chantés en Chœur. Le Dimanche ouvre par une courte exhortation fur la grandeur du Myftere qu'on va célébrer ; un des Anciens s'approche de la table , 8c diftribue le pain 8c le vin , après avoir protefté qu'il n'en* tend tirer aucun mérite de la fonction qu'il fait , & qu'il efl trop heureux li l'on le juge digne d'occuper la dernière place dans l'Eglife. Pendant la Cène on quête pour les pauvres , & le fervice fini , chacun fe retire. Le Lundi matin on re- vient à l'Eglife pour rendre grâces à Dieu ; on s'exhorte mu- tuellement à la perfévérance dans les bonnes œuvres , & chacun s'en retourne à fes affaires. Nous avons dit que le Baptême s'adminiftroit par immerfion ; ce qui mérite quel- que détail. Ils ont à PEft de Hhinsburg un Collège , dont le jardin eïi traverfé d'un canal. Ils ont conftruit fur le bord un réfervoir quarré , dans lequel on peut conduire de l'eau chaude. Les Cathécumunes fe rendent dans cet endroit ; on leur explique l'origine & les motifs du cérémonial ; on les interroge fur leur créance, & pourvu qu'ils reconnoiffent Jefus Chrift & les divines Ecritures , on mené les hommes & Moderne , des Frav'wces-Unies. iga dans une chambre , & les femmes dans une autre , où on les vêtit convenablement ; on les ramené en cet équipage auprès du réfervoir , où s'étant mis à genou , un des Anciens les prend par les pieds & les précipite dans l'eau la tête la première , en prononçant les paroles facramentales. On leur rend eniuite leurs habits ; on les introduit dans l'Egliie , & on leur explique les engagemens qu'ils viennent de con- ' tracter. Ils n'appartiennent pas cependant à l'Egliie de Rhins- burg , & font libres de choiïir la Secte qu'ils veulent pro- feffer. L'AfTemblée générale fe tenoit tous les ans à Rotter- dam dans l'Eglife des Rémontrans ; mais à préfent qu'ils en ont une particulière, ils s'aifemblent trois fois. Ils ont dix- huit à vingt Collèges , prefque tous dans la Hollande. Celui d'Amflerdam eft le plus confidérable ; il renferme uneMai- fon pour les Orphelins , où les filles font féparées des gar- çons. Les autres font à Leide , à Haarlem , à Alkmaar , à Hoorn , à Enkhuifen , à Saandam, à Wormerveer, à Crom- menie , à "Weftknoîiendam , &c. Us en ont deux à Gro- ningue, & un à Leuwaarden dans la Frife. En général on peut regarder cette Secte comme le réceptacle de toutes les autres (a). Les Quaakers font encore plus diminués que les Collé- Quaakers. gians. A peine en trouvera-t-on une vingtaine dans Amfter- dam , & l'on n'en compte pas plus de cent dans toute l'éten- due de la République: d'où l'on peut conclure qu'ils feront bientôt anéantis. Le nom de Quaker ou Trembleur leur vient des friifonnemens qu'ils affectent en priant, leurs Apô- tres leur interprétant matériellement le précepte d'opérer Ion falut avec crainte & tremblement (6). Fox, leur Patriarche étoit Juge de Paix de Derby en Angleterre. En 1655 Guil- laume Katon , Jean Stubs , & Guillaume Ames , fes Dif- ciples , commencèrent à prêcher , que Dieu a donné à cha- que Créature une lumière ou connoiffance intérieure qui lui , (a) Conf. l;iRéroluf. des Etats de Holl. du 30. Sept. 164S. Van Zurk Cod. Ba« tav. :it. Rhin. §.I.n. q.pag.pô}. (b) Epitre de S, Paul aux Philipp. II. 11, Sewel Hift, des Quaakers. Liv, î. ■fag.ii. ioo Sect. V. De V Etat Eccléfiajlique , ancien fuflit pour la conduire & la mettre en état d'expliquer fa di- vine parole. Toute leur religion le renferme dans ce Dogme : aufli leurs Profélytes n'ont ni culte ni cérémonies. Ils le qua- lifient (ÏEnfans de la Lumière 8c de^raisConfejJeurs.lls s'ap- pellent A mis , & c'efl à ce nom qu'on les reconnoît en An gleterre ; lorfqu'ils s'affemblent pour prier , ils gardent un profond iilence julqu'à ce que l'un des Confrères s'étani échauffé la rête , fe levé & prononce un difcours qu'il ac- compagne de contorfions étranges : ce qui le fait regarder comme un homme inlpiré. Les femmes jouent le même rôle, & font écoutées avec la même attention. Ces déclamations fanatiques font fans fuite & fans ordre. Les Prophéties ou l'Apocalyplé fourniflent communément le texte & les ci- tations ; & les miferes de l'humanité & la crainte des Juge- mens de Dieu font la matière. Ils foutiennent que les hom- mes doivent fe livrer aux opérations du Saint Efprit ; qu'ils font égaux entr'eux ; & fur ces principes ils fe livrent à l'en- rhoufiafme & tutoyent jufqu'au Roi. Robert Barclay , un de leurs Docteurs , a défendu leurs fentimens dans un Ouvrags imprimé , & Guillaume Sewel d'Amfterdam a compofé leur H'îfloire. Un Eflain de ces Vifionnaires a paifé dans la Pen- fylvanie , où ils font établis ; mais les Canadiens travaillent actuellement à la deflru£tion de la Se£le , qui menace ruine dans les deux Hémifphéres. Herrenhu- Une nouvelle Religion leur fuccéde en Hollande fous le thers. nom ^Uerrenhuthers , ou Frères d'Herrenhuth. Elle doit fa naiilance à Nicolas Louis , Comte de Zintzendorf, homme atrabilaire , qui fe livrant à la vie folitaire , fe mit en tête d'inventer une nouvelle Réforme (a). Dans cette idée il acheta la terre de Beriholsdorff dans la Haute Luface , où il commença à débiter fa nouvelle Doctrine. L'aiyle qu'il don- noit dans fon Château à ceux qui l'écoutoient , attira le refle des Frères de Bohême que le Gouvernement perfécutoit, & leur nombre s'augmentant , il leur bâtit des maifons autour de fon Château qui formèrent bientôt un Bourg confidérable (a) Voyez LeLong Merveilles de Dieu dans fon Eglife, Part, l.pag. ri. & Moderne > des Provinces-Unies^ 19 ï qu'il appella Herrenhuth , mot qui fignifie la Protection du Seigneur. Augufte Gottlieb Spangenberg apporta fa doc- trine en Hollande en 1735 , & rit de grands progrès en s'inlinuant auprès des perlonnes dévotes qu'il exhortoit à ï Amour du cher Sauveur , en leur donnant de nouveaux principes de perfection , fans rien changer à la SeCle qu'elle» profeffoient. Après avoir gagné quelque confiance auprès des perlonnes crédules , il chargea IJàac le Long de com- pofer un Livre > dans lequel il expliquoit fes dogmes & ion culte. Le Comte de Zinzendorf informé de ce qui fe pafToit , fe rendit à Amfterdam, & convoqua des AfTemblées, dans lefquelles il faifoit célébrer fuivant fon Rit. La curiolité attiroit les fpe&ateurs , & la nouveauté en féduifoit toujours quelques-uns ; il fe trouva bientôt en état de fonder une Êglife auprès d'YfTelflein , fous la direction dePhilippe de "Watteville , & lui donna le nom d"Herrendjck , qui veut dire la Digue du Seigneur. Il feroit difficile de décider fi ce nouveau Doéteur a plus emprunté du Luthéranifmc que du Calvinifme. Au furplus il établit que l'homme ne contribue que paffivement à fa fan&ification ; que la Grâce efl univer- lelle, & que la Charité doit être aveugle pour le Genre humain. Ils lilent dans leurs AfTemblées un Chapitre de l'E- criture , fur lequel leur Chef prononce un difcours , avec une courte exhortation fuivie d'une prière & du chant des Pfeaumes. Le Dogme favori de ce nouveau Vificnnnaire eft l'obligation de communiquer fa docfrine à tout le monde , & pour remplir le précepte , il vient d'envoyer des Million- naires dans le Groenland , à Ceylon , à Saint -Thomas , aux Indes Occidentales , au Cap de Bonne Efpérance , & chez les Hottentots. On ne flniroit jamais , fi l'on entreprenoit de rendre Autre* Seflei. compte de toutes les Religions moins connues , dont la Hollande efl: remplie. On y trouve des Myjllques , des Deurhovlens , des Bekkeriens , des Leenhofiens , des Hat- temlfles , &c. Mais ces petites Se£tes n'ayant aucune Eglife , nous nous contenterons de dire que les Myjllques qui cher- chent à s'infinuer dans toutes les autres , font généralement 102 Sect. VI. De l'Etat Civil , Militaire ; rejettes, & «que celles-ci travaillent de concert à pouffer le Gou .'crncment pour les détruire. Juifs. Indépendament de toutes les Religions qui reconnoiffent Jeius Chrift pour leur Chef, les Juifs ont des Synagogues à Amllerdam, a Rotterdam & à la Haye, & font lotfrertsà Naarden , a Maarien & dans Utrecht. Les Etats de Hol- lande les reçurent à bras ouverts , lorfqu'ils furent chailés de l'Efpagne & du Portugal en 1 530 & en 1550. Ils obtin- rent en 16 io la permillion de profeffer publiquemert le Judaifme ; ils jouiffent des mêmes droits que les autres Ci- toyens , à l'exception des Corps de Métiers , dont ils font exclus , & leurs mariages iont aiïujettis aux Réglemens de la Police (a). Ils font diilingués en Portugais & en allemands ; les derniers fui vent à la rigueur les inflitutions des Rabbins , dont les autrçs le relâchent beaucoup. Ça) Réfol. di s Etats de Holl. du 14. Mai 1711. Voyez le Grand Recueil de» Edits. Tom. V. p.ig- 681. SECTION VI. De l'Etat Civil , Militaire , (Economique & Politique des Provinces-Unies. SOMMAIRE. ANCIE N NE Forme du Gouvernement de ces Pays. I. ^/\ Tribunaux. Ufurpations des Seigneurs. Et des failles. Origine des Tribunaux des failles. Abus de Jujlice. II. Con- feilde Hollande. A Semblées Générales & Provinciales. Loix. Amendes'. Impôts. III. Jugemens de Dieu, Judicia Dei. Duels Juridiques. Abolis. Etabliffement des Jurifliâions. Rejles des Duels. Répartition des Impôts. Jugemens Eccléfïajliques. Pre- mieres Monnoyes.IV. Nouvelle lorme de Gouvernement. Sou- veraineté des Vûies, Pouvoir limité des Députés. Corps de la République.. G* Politique des Provinces-Unies, ipj République. Etats G* Députés à la Généralité. Etats de Guel- dre. De Zeelande. D'Utrecht. De Frife. D'Overyjfel. De Groningue G* des Ommelandes. Pays de la Généralité. Etats de Hollande G* de It^eftfrife. V. Etats Généraux. Leur défini- tion. Lieu de leurs Ajfemblées. Ordre G* tems de leurs Affem- blées. VI. Lenteur de leurs Délibérations. Unanimité requife dans certains cas. Siège de la Souveraineté de la République. Autorité G" Pouvoir des Etats-Généraux. VII. Ambaffadeurs de la République dans les Pays Etrangers. Minijlres des Cours Etrangères à la Haye. Leur Entrée publique. Audiences G* Négociations. Titre G* Armes des Etats-Généraux. Officiers. Grande Affemblée. VIII. Confeil d'Etat. Son Origine. Sa Con~ jlitution actuelle. Exclusion donnée aux Stadhouders. Lieu des AJJemblées du Confeil. Ses occupations. IX. Forces Militaires de l'Etat. Marine. Forces de Terre. Répartition des Troupes fur les Provinces. Officiers G* leurs payes. Gouverneurs , Com- mandons , Gr des Places fortes. Corps du Génie. X. Finances. Leur ancien Etat. Multitude des Impôts modernes. Dettes de VEtat. Ses Resources. Ses Maximes. Ancienne Répartition des Impôts. Répartition Moderne. Pétitions du Confeil d'Etat. Contejiations à ce fujet. XI. Autres Départemens du Confeil d'Etat. Ses Injlrucîions. Ses Titres. XII. Charge de Tréforier Général. Ses InjlrucTions. Charge de Receveur Général. Ses Injlrudions. Secrétaire du Confeil d'Etat G* fes Fonctions. XIII. Chambre des Comptes. Ses Officiers. Ses Fonctions. Ses Injlruttions. Chambre des Finances. Ses Officiers G* Fonc- tions. Chambre des Monnoyes. Ses Officiers G* Fondions. Chambre Mi - partie. XIV Amirauté. Son Origine. Création de l'Amiral. Et de fon Tribunal. Etablijjement des Collèges de l'Amirauté. Collège de la Meufe. D'AmJîerdam. De Zeelande. De Weffrife. De Frife. Fonctions de ces Tri- bunaux. Limites de leur Jurifdiclion. XV. Grand-Amiral. Divifion des Flottes. Confeils de guerre. Appointemens des Officiers. Ordonnances de Marine. Rançons des Prifonniers. XVI. Fonds de la Marine. Armateurs. Droits d'Entrée Cf de Sortie. Officiers de V Amirauté. Fijcal. Secrétaire. Comm'r. Maîtres des faites. Maîtres des Equipages. Bureaux des Col' Tome I. B b it>4 Sect. VI. De l'Etat Civil, Militaire * leges de l'Amirauté. Titres & Armes des Conseillers. XVII. Stadhouder & Amiral- Général. Origine du Stadhouderat. Guillaume I , Stadhouder de trois Provinces. Déclaré Chef ds l'Etat. Il afpire à la Souveraineté, Maurice , Stadhouder de la République. Il veut fe rendre Souverain. Ses Pleins pouvoirs. Ses Difgraces. Frédéric- Henri élu Stadhouder , Gr. Son Au- torité dans l'Etat. Guillaume II, Stadhouder par furvivance. Ses vues ambitieufes. Arrêtées par fa mort. Abolition du Stad- houderat. XVIII. Guillaume III. éluCapit aine-Général. Elevé au Stadhouderat par la Populace. Il règne en Souverain. Le Stadhouderat général éteint. Stadhouders héréditaires de Guei- are & de Frife. Le Stadhouderat général rétabli par la Popu- lace. Déclaré héréditaire. XIX. Autorité & Pouvoir des Stadhouders. Leur ancienne Injlruttion. Contejlations des Pro- vinces fur leurs Droits 6* Prérogatives. Puijfajice de la Mai- fon à" Or ange. XX. Grand Penfionnaire ou Avocat Général de Hollande. Importance 6* danger de cette Charge. XXL /alliances de l'Etat avec les PuiffaJices Etrangères. Avec VEmpire. Avec la France. Avec l'Angleterre. Avec VEf pa- gne. Avec le Portugal. Avec la Pruffe. Avec la Suéde , h Danemarc } la Rujfie. Avec la Porte &* les Républiques d'A- frique. T. A Van t de palier au Gouvernement a£tuel établi de- Ancienne Jf-\pUis la Révolution par Guillaumel, Prince d'Orange, vememcnt de n°us devons parcourir en peu de mots les variations arrivées ces pays. fouS }e Règne des Francs & fous celui des Comtes particuliers de ces Pays. Charlemagne ayant adouci l'ancienne barbarie des Loix Frifonnes , les avok données pour régir les peu-* pies des Pays-Bas. Ce Monarque , à l'imitation des Lom- bards , confiok le gouvernement des pays conquis à des Sei- gneurs de Ta Cour qui prenoient le nom de Comtes , Comi- tés , à comitare , parce qu'alors la Noblefle accompagnoit le Roi, à l'exception de ceux dont les emplois fixoient la ré- fidence. Tribunaux. Chaque Province avoit fon Gouverneur. Le Prince en le (Economique &• Politique des Provinces-Unies. 105 nommant lui donnoit un Formulaire , fur l'obfervation du- quel il prêtoit ferment. Il juroit d'être fidèle , de rendre juf- tice fuivant les Loix, de protéger les veuves & les orphe- lins, de punir les malfaiteurs & les brigands, déporter au Fifc les revenus domaniaux , de prononcer fes Jugemens en public, de préfider à chaque Séance du Tribunal , de défen- dre l'Eglife ôc les Eccléfiaftiques , & de veiller fur la con- duite des Officiers fubalternes. Lorfqu'il s'agiffoit de juger quelqu'affaire , il devoit fe faire accompagner au moins de iept AlTeffeurs tirés des Rachembergii , c'eft-cà-dire , Bour- geois , qui fe divifoient en Scultarii , d'où font venus les Ef- eoutets , en Scabini , Echevins , & Centenarii , Centeniers. Us tenoient leur fiege en pleine campagne ; ce Tribunal fe nommoit Mallum , & dans la Frife, où cet ufage étoit encore en vigueur dans le quatrième fiecle , le lieu de la féance étoit proche d'Aurich , aujourd'hui Capitale de POoftfrife , & fe tenoit fous un Arbre qu'on nommoit Upjîal-boom (a). En tems de guerre le Comte convoquoit & menoit au rendez- vous général les Gens ou Hommes d'armes de fa Province. On comprenoit fous cette dénomination un Gentilhomme armé de pied en cap , avec fon cheval harnaffé , fuivi de fes Vaftaux auflî montés ; & de fes Varlets à pied : ce qui for> moit une Compagnie de dix ou quinze Cavaliers & de qua- rante ou cinquante Fantafïins (b). Le Comte les paflbit en revue, condamnoit à l'amende ceux qu'il trouvoit en faute , commandoit fa troupe pendant la Campagne , & la rame- noit l'hyver dans fon pays ( c). Les guerres civiles des Defcendans de Charlemagne ayant Usurpations affoibli la Monarchie , les Comtes ufurperent l'hérédité des des Seigneurs. Domaines qui ne leur étoient confiés que pendant leur vie , & , pour s'y maintenir , ils partagèrent l'autorité avec la No- bleffe, du concours de laquelle ils ne pouvoient fe pafTer. Ils la confultoient fur les intérêts de l'Etat, ôc l'appelloient à la iignatu're des Traités. (a) Ubbo Emm. Rer. FnT. pag. 90. &$i, (b ) Capit. Reg. Fianc. roi CCLVM. (O Ibidem ,col. CCLVI. Bbij io6* Sect. VI. De l'Etat Civil , Militaire ,' JEt des Villes. Les Bourgeois des Villes enrichies par le commerce pro- fitèrent bientôt des befoins de ces nouveaux Maîtres , pour extorquer des privilèges ; ils demandoient toujours quelques droits en échange de leur argent, & les néceffités du Prince fe multipliant , ils obtinrent fur la fin du treizième ficelé la permiffion d'envoyer des Députés de leur Ordre aux Affem- blées. Edouard I , Roi d'Angleterre , & Florent V , Comte de Hollande , ayant arrêté le double mariage de leurs fils avec leurs filles , exigèrent réciproquement l'approbation de leur Noblcffe & des grandes Villes. La divilion qui lur- vint entre ce Comte & fa Nobleffe , fervit encore à l'élé- vation des Bourgeois. On commença à les employer dans les négociations , dans les Ambaffades , & ils concoururent bientôt avec les Gentilshommes dans les fondions les plus importantes. Nous avons plufieurs Traités qui ne font fignés que par le Confeil des Villes, & lorfque Jaqueline renou- vella en 1436 le Grand Manifefte , elle promit de n'entamer aucune guerre fans les avoir confultées. Les troubles des Hoekins & des Cabeliaux , en ruinant les Châteaux des Nobles, affurerent l'autorité du Tiers-Etat. Les Seigneurs s'étoient déclarés pour les derniers ; la Bourgeoifie qui tenoit pour les premiers , étant la plus forte , fe rendit maîtreffe de la campagne en la ravageant. L'ambition de Guillaume V qui vouloit dépouiller la Mère du Comté qui lui apparte- noit , avoit donné naiffance à ces Factions. Sa reconnoif- fance décida fa faveur pour le parti qui l'avoit mis fur le Trône. Albert s'en fervit pour fe maintenir dans la dignité de Ru- waarà pendant la démence de fon frère , & les malheurs de ces tems élevèrent le crédit des Bourgeois au point qu'E- douard refufa d'entrer en négociation fur les droits de Phi- lipinne , la femme , fans le concours & l'aveu des Villes (a). Dordrecht , Leide , Haarlem & Delft jouiffoient des droits de Capitales ( b ) ; Goude obtint le même avantage après la mort du Comte de Blois , qui l'avoit poffédée à titre d'appa- (a) Rymer Afla Publ. Angl. Tom. Ul.part, ll.pag. no. (£) Balen Defcript, de Dordr.pag. 511. (Économique Sr* Politique des Vrovinces-Unies. 197 nage {a). Amiterdam acheta le même privilège (6). Ces iix Villes furent appellées à l'Affemblée convoquée en 1400 pour la délivrance de Zierikzee que les Flamands aflie- geoient. Elles fournirent les fonds pour armer la flotte qui iauva la place ; & ce 1er vice les rendit li vaines que le Comte étoit obligé dans fes réquilitions d'entremêler les termes d'or- donner & de demander , 8c que les Bourgeois affecloient dans l'Odroi de n'employer que le dernier. On ne trouve que la fignature des Députés de ces Villes dans le Traité qui fut alors conclu avec les Trajcctins (c), & dans celui de Paris entre la Hollande & la Flandre (d). Les Villes profitèrent des mêmes circonflances pour éle- Origine dej ver leurs Magiftrats au-deffus de ceux du Souverain. Dans les Tribunauxde» premiers tems le Comte préfidoit en perfonne au Tribunal îupérieur , & la Nobleffe adminifbroit la juftice à fes VafTaux. L'aflîduité qu'exigeoit cette fonction ennuya bientôt les Sei- gneurs ; ils le déchargèrent de la fatigue iniéparable des hon- neurs fur les Eicoutets , les Echevins & les Baillifs , qu'ils chargèrent de rendre la juftice en leurs noms. L'abfence des Chefs ouvrit la porte aux abus. Quoique les Comtes s'occu- paffent encore de l'interprétation & de la réformation des Loix , qu'il en fût queftion dans les AfTemblées ( e ) , & que les Magiftrats fuffent autorifés à redrefTer la chicanne , en fe joignant aux AfTefTeurs & aux Légiftes , les Souverains ac- cordoient trop facilement des exemptions &: des grâces pour les peines prononcées , & fouvent le coupable le rachetoir. pour une modique fomme de la confifcation qu'il avoit en- courue (/). Les Juges à leur exemple , faifoient acception de perfonne ; le peuple opprimé avoit peine à porter fes plain- tes aux pieds du Trône ; s'il y parvenoit } le Comte fe croyoit ( a ) Jo^nn. à Leydis Lib. XXXI. cap. y f . ( b) Manifeft. d'Amfterd. pag. -3. (c) Matthsei Anal. Vet. iEvi. Tom. V. pag. ?i8. & de Jure Gladii cap. XIV\ pag. 238. (d) Paft. Pacis Int. Philip. Fland. Se Florent. Holl. Comit. apud Marten 8c Du- rand. Thef. Anecd. Tom. I. col. 1036. D'Oudegheeft Chron.Fiand.p pie ; Rotterdam fe créa un Confcil de Ville (g) , & les ha- bitans d'Amsterdam formèrent une efpece de Sénat ( h). L'éle&ion de ces Magistrats étoit annuelle dans les com- mencemens , & l'on ne portoit devant eux que les affaires de moindre conféquence. Quelques Critiques , pour augmenter le luftre de ces Officiers , en reculant l'époque de leur érec- tion, ont affecté de confondre le Bourgmeftre avec le Ma-? gifler Civium dont il eft parlé dans les anciennes Chroniques , & de donner le nom de Vroedfchap aux Députés qui paroif- Cent dans la célèbre Repréfentation des Villes de 1385 ; mais (a) Maxim. Polit, de Holl. Tom. I. chap. XXV. pag. np. (Z>) Grot. Iiitrod. à la Jurifpr. de Holl. Liv.U.part. XXVIII. $; 9. (c) Manif. du Kenncm. pag. 138. & 139. préf. du Recueil des Placards d'U» fa-echt. (d ) B lien Defcript. de Dordr. pag. î4f. & 346. (. Van de Water. pref. du Recueil des Placards d'Utrecht. Manifeft. du Kennemérl, pag. 138 & 1 35- (d) Conf. Max. Politiq. 8cc.Tom,î. pag. u$, Réfolut.du i. Mai 173t. Recueil fcs Placards. Tom, 111. pag, 8 j. 200 Sect. VI. De V Etat Civil, Militaire; II. L'époque de l'érection du Confeil de Hollande caufe des Comeil de difputes d'autant plus grandes, qu'on veut y remonter celle HolLmde, &c. du Confeil d'Etat qui iubiïfte aujourd'hui. Les uns la font antérieure au Règne d'Albert , & les autres attribuent fa création à Philippe I , Duc de Bourgogne. Si l'on examine les Actes ( a ) qui nous relient , on ne pourra Te difpenfer d'être du fentiment des premiers. Il paroît que fa réfidence n'étoit pas fixe avant Jaqueline ; mais il luit que Philippe ne fit que le transférer à la Haye, d'où il ne fortit plus. L'Em- pereur Louis de Bavière voulant réunir les Comtés de Hai- naut , de Hollande , de Zeelande & la Seigneurie de Frile en faveur de Guillaume V , ion neveu (b ) , créa un Con- leil fuprême , auquel il attribua un refTort fur les quatre Sou- verainetés. On l'appelloit indifféremment le Conleil de Hol- lande (c) , la Cour des Provinces (d) , ou le Grand-Con- feil (e). Cependant les Hennuyers foutiennent que leur Province a toujours formé un Etat diftinct & féparé , régi par fon Tribunal particulier ; mais on voit que Philippe I ne créa le Confeil de Hainaut qu'en 141 8 (f ) , & que pour in- demnifer la Cour de Hollande , il lui attribua le droit de ju- ger définitivement & fans révifion toutes les conteftations qui s'éleveroient dans les autres Provinces ( g). Son fiege cÛ fixé à la Haye par le même Acte , qui conftitue Philippe héritier de Jaqueline , & les deux Souverains règlent de con- cert la nomination & le nombre des Officiers qui doivent le compofer. La Ducheffefe rélerve le droit d'en nommer trois , & confent que le Duc en choififfe trois Nationaux & trois Etrangers : difpofition diamétralement oppofée aux privilè- ges de la Nation , qui venoient d'être confirmés par les Sou- verains de la Maifon de Bavière ( h). Cette infraction ne fur. (a) Manif. du Kennemerl. pag.zj &17. (i) Voyez les Lettres d'Ereci. caw Burma n Anecdot. d'Utrccbt part. 1. pag.7. ( c ) Burman", ubifupra. j(d) Manif. rapporté-par Boxhornjùr Veldenaar.pag-. î8f. (O Voyez la DifTert. de Papendrecht furie Conf. de Holl. & fon Ered. dans Ces Analect. Eelg. Tom. U.'part. l.pag. 7- ■(f) Recueil des Placards. Tu/71, ll.pag. if. lg"l Ibidem Tom. Ul.pag. 643. (Aj[ Hift.de la Patrie. Tom.lïl.pag. 477. & 487. qu'un (Economique & Politique , des Provinces-Vnief. 20 r qu'un eflai des atteintes que la Maifon de Bourgogne donna dans la fuite aux droits de la Nobleffe & des Villes. L'in- troduétion des garnilons étrangères , la conftru&ion des cita- delles, l'impofition de deniers fans l'aveu des Etats &c. appa- rent au peuple , combien il eft dangereux d'avoir un maître „ dont la puiflance eft indépendante & fubfifte par elle-même. Le Grand Thréforier fut élu Préfident de ce Tribunal , au- quel on donna le titre de Chambre des Comptes. Philippe lui attribua le droit de juger définitivement toutes les con- teftations qu'on porteroit devant eux , de nommer &. révo- quer les Baillifs , de recevoir & régler les comptes des Re- ceveurs , & de connoître des crimes. Il excepta de leur Ju- rifdi£lion les pays , terres , rentes & revenus appartenans en propre à la Ducheffe , les donations , collations , préfenta- tions , confirmations des Bénéfices réfervés à fa nomination , iauf toutesfois le droit de limiter ou d'annuller la préfente conceflion , quand il le jugeroit à propos ( a ). Ces innova- tions ont donné lieu à quelques Auteurs de prendre pour une érection l'A£te qui les introduit ( b ) ; mais il eft certain que les variations ne peuvent porter d'atteinte à l'ancienneté. Si l'on adoptoit ce fentiment , il faudroit defcendre l'époque à 1 542 , puifqu'alors le Stadhouder fut créé Préfident à la place du Grand Thréforier, qu'on fupprima un grand nom- bre de Confeillers qui s'étoient trop multipliés , & qu'on donna une forme nouvelle au Tribunal (c). Il doit donc demeurer pour confiant que ce Confeil a fubfifte fous diffé- rens noms depuis Guillaume V , & qu'il dirigeoit les affaires d'Etat conjointement avec le Souverain (d ). Il fubfiftoit encore au tems de la Révolution , & pour-lors il fut com- pofé de fept Hollandois , trois Zeelandois & deux Trajec- tins ( e ) ; mais il ne reprit fon premier éclat qu'en 1 5 80. Les AfTemblées Provinciales n'étoient pas uniformes , & AfTemblées Générales S (a) Papendrecht. Anal. Belg. Tom. IL part, i.pag. i». Provinciales. (b) Manifeft. d'Enkhuizen.pa^. 24. r6.& tS. (c) Conf. Manif. â'Enkhuiz. pag. zç. iç>. 30. & 31. (d) Bos Hiû. des Pays-Bas. Liv. Vl.pag.3s0. Hooft.Hift. des Pays-Bas. !&• yill.pag. $z9. ( e) Hooft. ubifupm. Liv, XX.pag. 8 8 y. TomeL Ce 202 Sect. VI. De l'Etat Civil , Militaire, ne portoient pas alors le titre d'Etats. Le Clergé qui pofle- doit prelquc toutes les grandes terres du Hainaut , tenoit le premier rang dans ceux de ce Comté. Les Eccléliaftiques étoient reçus dans les Affemblées des Frilbns , mais fansdif- tinction ( a ), L'Abbé de Notre-Dame de Middelbourg pré- fjdoit en Zeelande (fc) ; mais le Clergé étoit exclus des Etats de Hollande , & quoique l'Abbé d'Egmond fût très- puiffant par fes terres , les diftin&ions & les négociations dont il étoit fouvent chargé , il ne put jamais obtenir le droit d'y fieger ( c). Quant au nom d'Etats qui fait aujourd'hui le titre conftitutif de la République des Provinces-Unies , il ne fut connu qu'en 141 8. On le trouve pour la première fois dans le Traité de Jaqueline & de Philippe , 6c l'on croit qu'il fut apporté de Bourgogne par ce dernier. Loîx, Amen- Le changement dans la Jurifprudence fut une fuite nécef- mpots. ç^ç jes varjatjons (ju Gouvernement. Quelque réformation que Charlemagne eût faite dans les Loix Friibnnes, elles fe lentoient toujours de leur première barbarie. Les crimes n'é* toient punis que par des amendes , & le Parricide même en étoit quitte pour la confifeation de fes biens. Les premiers Comtes s'occupoient à corriger la férocité de leurs peuples > & même autorifoient les Etats à faire des Ordonnances fans les confulter (d). Dans le douzième fiecle l'homicide étoit puni de mort à Dordrecht , dans le cas où le meurtre auroit été commis avec des armes prohibées. Guillaume II , qui fut Roi des Romains , inftruit par le commerce des Allemands , travailla le plus efficacement à policer les Hollandois. II prononça le dernier fupplice contre le viol & l'afTaffinat £ il fixa à fept perfonnes le nombre des témoins néceflaires peur la conviction des coupables. Il régla la valeur des amendes pour la punition des moindres crimes. Une femme faifant le métier de boulangerie, & trouvée en fraude fur le poids .*• ( a ) S. Beningha Chron. de Frife. pag. 4i6. (£) Boxhorn fur Reigerfb.. part, x.pag- iî4« (c) Rcgift. des Aflembl. de Holl. d'Aart Van âcrGoespzg. jî.' (d) Bynckershoeck Queft. Jur. Publ. Lib. II. cap, I, pag. 51, Rcpert. deS Placards dépofés au Greffe de la Cour de Holl. 9 1 . B. (économique & Politique des Provinces-Unies. 203 perdoit fa fournée ; le Braffeur fon braffon ; le Tifférand étoit condamné à payer une quantité de fil pefant environ vingt-cinq livres, &c. (a) Il régla, par proportion aux biens, les droits que chacun de fes fujets devoit payer. Un Gentilhomme qui menoit ioixante hommes à la guerre , étoit tenu de payer vingt livres par an en tems de paix , & devoit en compter autant toutes les fois que le Prince alloit en Allemagne , lorfquil le marioit, qu'il éroit armé Chevalier , & lorfque fes frères , fes fceurs ou fes enfans étoient dans ces mêmes cas (6). Les Villes dans lelquelles il faifoit féjour étoient obligées de faire les avances de tout ce qui étoit néceffaire pendant quinze jours. Guillaume compila des Loix pour la Zeelande , qu'il tira du Droit Frifon 8c des Coutumes loca- les ( c ). Il chargea les Baillifs de juger les cauiés qui n'é- toient pas de la compétence des Efcoutets ( à ) , & fit un grand nombre d'Ordonnances pour diminuer le nombre des procès & faciliter leur jugement. Les Comtes ne purent extirper malgré leurs foins cer- nr. tains ufages que le Paganifme avoit introduits. La Jurifpru- JudidaDd, d/ • • • / . 1 1 ' . Ju démens ds ence etoit entièrement inconnue dans les premiers tems ; Di*u# les Moines qui s'appliquoient à l'étude , fe contentoient de la Théologie Se négligeoient tout-à-fait la feience des Loix* La fuperflition coniacroit les anciens préjugés , & les peuples regardoient les événemens du fort comme des Décrets du Ciel. Ils les confultoient comme des Oracles aflurés au défaut des preuves. On foumettoit l'aceufé a l'épreuve de l'eau bouil- lante , ce qui confiftoit à retirer un anneau du fond d'un xâk pendant l'erTervefcence de la liqueur (e). On obligeoit le criminel à prendre un fer rouge avec la main (/) , ou Ton le forçoit de marcher les pieds nuds fur des charbons ardens ( g ) , & s'il fortoit de ces épreuves fans marque de brûlure s (a) Boxhorn Theatr. Urb. Holl. pag . ï6i. (b ) Manifeft. Willielm. II. apud Screvel. Defcript. de Haarlem. pag, lëtj ( c ) Manifeft. Willelm. II. apud Balen. Defcr. de Dord. pug. 140. (rf) Boxhorn fur Reigerft). Part. lî.pag. 73. (e) Leg. Frif. Tit. III. L. VIII. Tit. XIV. L. IV. (/") Ibidem. ig-rl*g- Carol. Magn. ri, CY. Çcij ft04 Sect. VI. De l'Etat Civil, Militaire, on le jugcoic innocent des crimes qui lui étoient imputés (a ). Quelquefois on le condamnok à demeurer pendant un long tems les bras en croix , & fa juftiheation dépendoit de la confiance avec laquelle il fupportoit cette attitude l'orcéc ( fr )« Ces expériences étoient appellées Judicia Dei » les Juge- » mens de Dieu ( c ). » Duels Juri- La Nobleffe long-tems accoutumée à ne recevoir de Loi B'ques. que de Ion courage , cherchoit à le juftifier par les armes , & les défenfes les plus feveres ne peuvent abolir le préjugé. Les Nations barbares s'y livrent avec confiance ; les Tarta- res forcent un priionnier à combattre contre celui de leurs foldats que le fort déligne , & la victoire de l'un ou de l'au- tre annonce l'événement de la guerre. Le duel étoit ancien- nement une preuve juridique. Les Magiftrats , & quelque- fois le Souverain, étoient les Juges du combat. Il falloit être Gentilhomme pour avoir droit de provoquer. Le Juge du camp mefuroit les armes des champions afin d'établir une égalité parfaite. L'aggreffeur Se le défendeur étoient forcés de combattre en perlonne , à l'exception des femmes , des Magiftrats & des Êccléfiaftiques , qui préfentoient à leur place un Efcrimeur , qui prenoit leur fait & caufe ( d). Les Cheva- liers briguoient cette commifïion lorfqu'il étoit queflion de foutenir l'honneur du beau Sexe. Chaque Province avoit un lieu fixe pour les duels. Celui des Flamands étoit à Bruges. Kous trouvons un Décret du quinzième fiecle qui ajourne dans cette ville Jean deNeuwde Aggreffeur ,& Adrien Très- longue Défendeur , pour fe battre en préfence du Comte Louis (e). Le champ de bataille dans le Hainaut étoit à Valenciennes , & nous avons un Jugement de Guillaume IV qui condamne le vaincu au dernier fupplice (/). Leide, Delft & la Haye fervoient indifféremment de théâtre à ces combats ; mais le plus célèbre étoit à Haarlem. La Maiforj (a) Schotan. Jus Frif. pag. 46. (i) Capit. Car. Mag. adann. 77?.n.X.pag. 744. berté , étoient faciles à conduire , quand on avoit foin de » leur cacher le joug, » effayoit lentement les innovations qu'il fe propofoit d'introduire, & les abandonnoit facilement > quand elles n'étoient pas bien reçues. Philippe II bleffé de la liberté Flamande , quitta des pays dont les mœurs le ré- voltoient, & les livra à la foibleffe d'une Femme & à l'am- bition d'un Cardinal qui ne doutoit de rien. Les cœurs ul- cérés fe réunirent pour défendre leurs prérogatives ; la ri- gueur peu mefurée du Confeil d'Efpagnc acheva de les jetter, (a) Brandt Defcript. d'Enkhuiz. pag. 10%. {b) Manif. npud Balen Defcript. de Dordr. pag. f z». dans (Economique &■ Politique , des Pr.bvinc.esJJfAes. 209 dans le défefpoir , & les cruautés du Duc d'Albe rendirent la révolte néceffaire. Guillaume de Naffau , Prince d'Orange, voyant allez de bras pour garantir fa tête, s'en déclara le Chef, & la fignature de l'Union dont nous avons rapporté les arti- cles, le mit en état de renverfer le Gouvernement dans tou- tes fes parties. Affuré du contentement des Confédérés , il ne penfa plus qu'à donner une forme folide à les Etabliflemens. Il conçut qu'il ne pouvoir s'affurer des difpofitions qu'il avoit fait naître dans les cœurs , & gagner la confiance des peuples qu'en leur donnant la liberté pour objet & pour récompenfe du fang & de l'argent qu'ils feraient obligés de répandre, Il commença par les raffurer fur la crainte de fe forger de nouveaux fers , en refufant le titre de Comte qui lui fut of- fert, & profitant de l'averllon que leurs derniers Souverains avoient allumée contre le delpotiime , il divifa l'autorité de façon que chaque particulier pouvoit fe flatter d'avoir part au Gouvernement, Il établit chaque Ville fouveraine dans Souveraineté fon territoire , 8c tous les Citoyens ayant voix dans les Ai- des Vilks» femblées, dans les Elections des Députés & dans celles des Magiilrats , croyoient ordonner ce qu'ils ne faiioient qu'exé- cuter. La difficulté coniiftoit à trouver un nœud capable de réunir un pouvoir fubdiviié dans tant de parties , & d'empê- cher que le Président de l'Affemblée où fe feroit la réunion , ne pût ufurper la fuprême puiffance. Cet obftacle iniurmonta- ble pour tout autre céda au génie du Prince d'Orange. Il ima- Pouvoir Iîm£- gina de reftraindre le pouvoir des Députés Provinciaux à la u' ^sDcPlue-c« faculté de rendre le vœu de leurs Commettans , fans pouvoir ajouter ou retrancher la moindre choie, & à l'impuiffance de prendre aucune réfolution dans les circonflances impré- vues , fans avoir reçu de nouveaux pouvoirs. Pour expliquer lin plan fi fingulier, il efl néceffaire de Corps de 1» dire un mot du Gouvernement particulier de chaque Pro- République, yince. La Gueldre, anciennement érigée en Duché, prit le premier rang. La Hollande & la Zeelande la fui virent en qualité de Comtés, & les Seigneuries d'Utrecht, de d'Overyffel & de Groningue prirent leurs places fuivant les Tome I. D d Etats & Dé- putés à la Gé- néralité De Gueldre. De ZecÏMiîc. 210 Sect. VI. De VEtat Civil , Militaire i Frife, dates de leur acccflion au Traité d'Union. La Gueldre étoit partagée en quatre Quartiers du temsde fes Souverains. Nimcgue , Capitale du premier , comprend le Tielerwaard & l'iile de Bommel. Zutphcn, Duisburg , Dockum, Groll, Sec. forment le fécond ; le troilîéme eft compofé de la Veluwe, & des villes d'Arnhem , d'Harder- \vyk , de "Wageningen , &c. Ruremonde, Capitale du qua- trième , & le refte du pays s'eftféparé du Duché pour rentrer fous la domination d'Efpagne. Les trois Quartiers réunis à la Confédération députent trois Gentilshommes , & chaque Ville un Bourgeois aux Etats-Généraux. Le Confeil de Ré- gence cfl: compofé de douze Conieillers , quatre de l'Ordre de la Nobiefle, quatre de celui de la Bourgeoise, & les quatre autres font tirés du Corps des Légiftcs. Il juge en dernier relTort toutes les appellations des Tribunaux infé- rieurs , ôc le Stadhouder en eft le Préfident. Quoique la Hollande fuive dans l'ordre du rang , nous la garderons pour la dernière. La Haye étant la réfidence des Etats , des Tribunaux Supérieurs , des Grands Officiers & des Miniftres Etrangers, nous avons cru devoir commencer par le détail particulier avant d'entrer dans les généraux. Les Comtés de Hollande & de Zeelande, fournis depuis long-tems au même Souverain, étoient en quelque façon in- corporés, & fe régiffoient par un même Confeil qui réfidoit à la Haye. Dans le commencement des troubles leurs Dépu- tés étoient confondus dans les Alfemblées générales. La Province de Zeelande réclama fes droits par le confeil du Prince d'Orange , qui, dans fa qualité de Marquis de Vlif- fingue & de Veere , étoit fon premier Noble , & dont le cré- dit la fit rentrer dans fes anciens privilèges. La Zeelande a préfentement fes Etats & fes Tribunaux particuliers. Les Princes d'Orange , jufqu'à Guillaume III , ont eu le droit de nommer leur Procureur à la tête de la Nobleffe entre les Députés aux Etats-Généraux. Dans la fuite les Négocians ayant acquis les terres des Gentilshommes , cet Ordre a été prefqu'anéanti , aulïi bien que le Clergé : enforte que la Dé- (Economique 6* Politique , des Provinces-Unies 2 1 1 put-ation eft principalement compoiée des Députés des Vil- les , entre lefquels celui de Middeîbourg tient le premier rang (a). Le Clergé d'Utrecht avoit autrefois fes entrées dans les D'Utrecht^ Etats de cette Province. Les Chapitres du Vieux-Dôme , du Vieux-Mouftier , de Saint Pierre , de Notre-Dame & de Saint Jean , avoient droit de députa»:ion, dont il relie même encore quelque veftige. Tous les Gentilshommes y avoient féance, ôc les Bourgeois d'Utrecht , de Montfoort , d'A- mersfoort, de Rhenen & de "Wyck te Duurfteçle compo- foient le Tiers-Etat. Cette cohue eft aujourd'hui réduite à quatre Nobles, deux Bourgmeftres de la Capitale , & un Député que les autres Villes nomment à tour de rôle (6). La Frife eft divifée en quatorze Cantons. L'Ooftergo De Frife. comprend onze Quitainies ou Bailliages ; le Weftergo qua- torze ; le Sevenwolden , ou Sept-Forêts , dix , & les Villes forment le quatrième quartier. Cette Province a difputé la préleance à la Seigneurie d'Utrecht à plufieurs reprifes. Elle fe fondoit fur une Conceiïion de Charles V , confirmée par Philippe II. Les Trajectins oppofoient leur ancienneté dans la Ligue & l'ancien partage de la Souveraineté fur la Frife entre les Evêques & les Comtes de Hollande. Les Etats-Gé- néraux appréhendant les fuites de cette conteftation , por- tèrent les deux Provinces à décider leur différend par le fort , «fe la primauté échut aux Trajectins. Louis XIV s'é- tant rendu maître d'Utrecht en 1673 , & l'ayant abandon- née prefqu'aullitôt , les Frifons renouvelèrent leurs préten- tions, & foutinrent que le changement de Maître avoit anéanti les anciens titres. L. H. P. renvoyèrent la queftion devant les Stadhouders des deux Provinces , qui décidèrent le 27 Décembre, 1675 , en faveur d'Utrecht (c) ; Se la Sentence fut homologuée par les Etats-Généraux. Le cérémonial des Elections dans la Frife eft différent de celui des autres-Provinces. Les Bourgeois & les Quelmans (a) Wicquefort Hift. des Provinces-Unies. Liv. L pag. 13. [b ) Wicquefort ubifupra. Liv. l-pag. 36. (O Recueil des Placards d'Utrecht. Tom. Lpag. 175. Ddij 212 Sect. VI. De VEfat Civil , Militaire , ou payfans s'alTcmblent féparément, & nomment deuxCorffl- miffuires pour repréfenter le Bailliage. Ceux-ci s'étant réunis en choififfent huit , dont on forme un Commité , & le furplus le partage en quatre Chambres. Le Commité le charge de l'inflruction & du rapport des affaires , & les Chambres pro- noncent le Jugement. Toutes les terres étant en franc-aleu, la NoblefTe n'a point de prérogatives. Les Etats s'affem- blentà Leuwaerden , & le Stadhouder qui y prélide , fait exé- cuter les arrêtés (a). D'Overyiïcl. Le Zailandt , la TVeuth & le pays de Vollenhoven font compris fous le nom de l'Overyffcl. Le Droffard ou Grand- : Prévôt gouverne pendant la vacance des Etats de la Pro<- vince ; mais pour mettre les Ordonnances à exécution il eft obligé de le faire affilier de trois Gentilshommes ôc de trois CommifTaires , nommés par les villes de Deventer , de Carrt- pen , & de Zvol ( b ). La Province de Groningue étoit bornée paf la ville 3c fon territoire ; mais la réunion des Ommelandes y joint tout le pays qui fe trouve entre l'Ems & TYiIel. La ville eft gou- vernée par un Sénat compofé de huit Bourgmeftres & de feize Confeillers , qui font choifis dans la Compagnie qu'on appelle Sermentée. Elle s'affemble une fois l'an pour remplir les places vacantes. Le premier Bourgmeftre apporte un chapeau ; chaque affiliant y met une fève noire ou blanche, & ceux fous le nom delquels il s'en trouve cinq noires-, font maîtres de l'Election. Il lemble que cette façon de voter vient des Grecs qui la pratiquoient ( c ) ; mais comment & dans quel tems a-t-elle pénétré dans la Frife ? Les Députés aux Etats font tirés du Sénat ; le Stadhouder de la Province eft en même-tems Gouverneur de la Ville , & la dernière di- gnité étant annuelle pendant que la première eft à vie, les Bourgeois , pour empêcher la prefeription , s'aflemblent De Gronin- gue ScdesOm melanJcs. (a) Conf. Ubbo Ëmm. Rer. Frif. Lib. T. Wïcqtiefort Hift. des Prôv. Unies. Liv. I. pag. 13. (£) WicqutfortHift. desPr. Un. ubifupra. ( r ) Conf. Plutarch. de Educat, Demofth, Orat.-IX, Ortelius/ur Gellius Lik IV. <*J>. II, (Economique & Politique , des Provinces-Unies. 213 pour le continuer ; ce qui n'eft plus qu'un iimple cérémo- nial (a). La Drenth confine à la ^eftphalie , aux Ommelandes 8t PavS delà à' Groningue. Quoiqu'elle forme une Province diftincte & fé- Gen"^"e. jjarée , L. H. P. lui refuient le droit de députation>& laregar- dent comme un pays conquis. lien cil de même de la partie du Brabant & de celle de la F landre qui portent le titre de Hollandoifes , Se font compriies fous celui de k Généralité. La Hollande,, la Province la plus riche, la plus puif- EtatsdeHol- fante, & dont le nom eft devenu en quelque façon généri- 'j^ * de que pour toutes les autres , le diviie en Sudhollande & Nord- hollande, ou "Weftfriie. Ses Etats font compofés de la No- bleffe & des Députés des Villes. Onchoifitfept ou huit Gen- tilshommes entre les Maifons les plus anciennes ; ils opinent les premiers , leur léance eft diftinguée ,. & leur Office cil à Vie. Ils ont leur entrée dans le Conleil d'Etat , dans les Siè- ges des Amirautés r&c. Au commencement des troubles le droit de députer n'appartenoit qu'aux villes de Dordrecht, Haarlem , Delft ; & Gouda ne l'obtint que depuis fa réunion au Comté. Leide, Amfterdam,Schiedam , Leerdam& Alk- ftiaar y furent reçues dans la fuite ; mais Guillaume I vou- lant augmenter Ion crédit , & fe rendre maître des délibé- rations , perfuack aux Etats de recevoir Rotterdam , Go- rinchem, Hoorn, Enkhuizen , Edam , Monnikendam , Medenblik & Purmerend ( b ). Le Gouvernement de ces Villes eft prefqu'uniforme. Leur Confeil eft compofé d'un ou de plufieurs Bourgrneftres & de Confeillers , partie No- bles & partie Bourgeois ; le Penfionnaire eft toujours tiré du Corps des Légiftes ; il fait l'office de Procureur Général , de même que le Grand-Penfionnaire remplit celui d'Avocat Général de Hollande ; il prépare les matières qu'il met en délibération , compte les fufîrages ,. réiume les avis & rédige les Arrêtés , qui fe forment communément à la pluralité des ( a ) Ubbo Emrr.ius de agro Jrt. Aiîiif. & Lowic. & Urb. Groning. ^Ticquefort Hift. des Prcv. Un. Liv.hCap. XIV. (•4 ) Conf. Réfolut. de Hoil. du 15 Avril , i$4J5t Recueil des Placards Tom, îr fol. 1019. 214 Sect. VI. De l'Etat Civil, Militaire; voix : car lorfqu'il cil queftion de l'intérêt général ou d'un- pofition, l'unanimité eft néceflaire , & l'oppolîtion de la moindre voix dans le Conieil de la Ville ou des Villes vo- tantes dans la Province , arrête la décifion. Les Etats de Hollande s'aiïemblent régulièrement quatre fois l'an , &: plus ibuvent en cas de beibin. L' Aflemblée , en Te léparant , nom- me un certain nombre de Députés qui forment un Commité , chargé de préparer & de communiquer aux Villes les affaires qui doivent faire l'objet de la première Convocation. Le Grand-Penfionnaire a l'infpe&ion fur leur travail, fait l'en- voi aux Conléils des Villes, & les Députés rapportent à leur retour le voeu de chacune. Les grandes Villes prétendirent en 1640 avoir chacune un Député dans les Etats (a). Cette affaire caufa de grandes conteftations , Se pour éviter la con- fuiton inléparable des grandes Affmblées , on arrêta que Dordrecht , Delft & Amfterdam nommeroient en même tems chacune un Député ; que Haarlem , Leide , Rotter- dam , de même que Gouda , en envoyeroient un chacune , & qu'Enkuizen , Hoorn & Allcmaar y en joindroient un , chacune à fon tour. V. Nous avons dit que la fonction des Députés des Villes fe Etats-Géné- bornoit à porter le voeu de leurs Commettans , fans pou- voir y changer la moindre chofe. Les Provinces , par une conféquence néceflaire , ne peuvent donner plus d'éten- due aux Députés quelles nomment pour les Etats-Géné- raux : d'où il luit que l'autorité fouveraine réllde dans toutes; les parties qui forment le vœu , & que l'Arrêté qui fe fait dans cette Affemblée , ne devient exécutoire que parce qu'elle réunit le confentement de la Généralité. Ainii ces Leur Défini- Députés ne font en effet que des Procureurs ou des Commis tl0Q* qui n'ont aucune autorité perfonnelle , quoiqu'ils jouiffent de tous les honneurs & prérogatives de la Souveraineté. La République eft un Etat compofé de plulieurs Républiques alliées, fans fubordination & dans l'impuiflance d'exercer aucun a£te attentatoire à l'autorité de l'une ou l'autre , quand (<0 Aitzema. Liv. XX.pag. 104, t. jefté & l'Autorité fe raflemblent ( b ) « > 6c la Prière Publi- que femble confirmer leur opinion : » Nous prions , difoit le » Miniflre , pour ceux qu'il a plu à Dieu de prépofer à la tête » de la RépubIique,Nos Seigneurs les Etats- Généraux &c.»j & l'Arrêté de 1 500 porte à peu près les mêmes termes ( c). Les Sçavans , éblouis par ces autorités , ont cherché des rei- femblances dans tous les fiecles pour démêler l'exiftence réelle d'un Gouvernement fi compliqué. Les uns ont eu re- cours à la Ligue que fept Républiques de la Grèce formèrent contre les Perfes. Chacune d'elles confervoit fes Coutumes & fes Loix ; le Confeil des Amphictyons qui fe tenoit à Del- phes , à Thermopyle & à Lacedemone , n'avoit rien à voir fur leur Police ou Gouvernement particulier ; mais il déci- doit fouverainement de tout ce qui concernoit la guerre, or- donnoit des levées d'hommes & d'argent, 6c difpofoit de t'attaque ou de la défenfe : en quoi l'ancienne conftitution diffère de la moderne , puifque les Etats-Généraux ne peu- vent déclarer la guerre , conclure la paix , affembler une ar- mée , établir le moindre impôt fans le confentement una- nime des Villes. Ceux-ci prétendent avec plus de vrailem- blance trouver leur comparaifon dans la Ligue des Suifles {à;. Ceux qui fe rapprochent le plus de la vérité , définiflent les (c) Le Chev. Temple Remarqu. fur les Pays-Bas. chap. II. pag. ic.?. & J37. (b) Schotan. Defcript.de la Frife chap.V-pag r 54. (O L'Auteur Anonym.de la Prière Publ.Tcwz. II. pag. ?oy. Conf. Réfolut. du teins de De Witt. pag 7:8. S e c T. V I. De PEtat Civil > Militaire, Etats-Généraux » l'Aflcmblée des Députés des Provinces » Souveraines , liées par le nœud le plus relpeétable & le » plus étroit, pour veiller à l'obfervation & à la conferva-r » tion des droits de la Confédération. » Cependant ces Dcv pûtes dans les cas importans où la célérité1 e néceflaire, ont pris quelquefois leur parti fans attendre la réponfe de leurs Commettans ; 6c c'eft ce qui fait dire à Grotius que » les Dé- » pûtes font autorités par un pouvoir libre avec la reftridion w de confulter leurs Provinces , lorfque le retard neft pas » trop préjudiciable (a). La haine du Stadhoudcrat porta le Pensionnaire de "Witt à faire un Arrêté qui reftraignoit en- core le pouvoir des Etats-Généraux , quelque néceflaire qu'il fut de l'étendre dans certaines circonflances. Les Etats de Hollande ordonnèrent le 22 Août, 1 6^5 3 , que les Députés feroient obligés d'exhiber leurs pouvoirs avant de prendre féance , & jureraient de luivre exactement leurs inftru&ions (6). Plufieurs Provinces adoptèrent le Règlement ; mais il fut aboli en 1672, lorfque Guillaume III rentra dans les dignités de fes Ancêtres. Au furplus l'autorité des Etats-Gé- néraux efl tellement bornée qu'ils n'ont même aucun droit fur les Membres qui compofent la Compagnie. Si l'un d'eux prévarique dans fes fonctions , il n'eft jufticiable que de la Province qui l'a commis. Lieu de leurs Dans les premiers tems ils ne s'auembloient que fur la Aff.mbkcs. convocation du Confeil d'Etat. Guillaume I voulant s'op- pofer aux entreprifes que le Duc de Leicefler formoit con-* tre la liberté , fous prétexte du fecours qu'il avoit amené j pouffa les Villes à s'affembler de leur propre autorité. Pour rendre les délibérations plus libres, il leurconfeilladechoifir une Ville hors de la portée de l'Anglois. Us s'aflemblerent en 1585 à Middelbourg, & depuis à Utrecht & à Delft. Quelques Critiques ont prétendu que ces Etats étoient ir- réguliers par le défaut de convocation , & parce qu'ils s'af- fcmbloient ailleurs qu'à la Haye ; mais on leur répond que (a) Grotii Annal. I.ib.V.pag. np. (b) Dedud.de 1654 dansks Addit.n.XIV.p^. 113. Réfolut. du tem* de De Wn.pag. 770. les (Economique cr Politique , des Provinces-Unies. 217 les Villes n'avoienc pasbeloin d'autorilation pour délibérer fur des affaires intéreffantes pour la liberté de laRépublique,& que la réiidence des Etats n'étoit pas encore établie. Elle ne le fut en effet qu'en 1 55)3 , & même depuis cette époque ils s'aftem- blerent à Gorinchem. Ce fut en ce lieu qu'ils fe donnèrent Je titre d' Etats-Généraux des Provinces-Unies. Depuis 1 599 ils fefont conformés au Règlement qui les fixe à la Haye (a) , & les Etats de Hollande leur ont cédé la grande Sale du Pa- lais des Comtes , aufïi bien que le pas , fe réfervant au refte la Souveraineté fur la Province dans toute fon étendue. Cette Sale a trois portes , dont une communique à un Salon ma- gnifiquement orné , qu'on nomme la Chambre de la Trêve , parce que l'on y figna celle qui fut conclue pour douze ans avec l'Efpagne. On y voit les portraits des Stadhouders , & fur la cheminée une femme qui repréiente la République. C'eft dans cette Sale que les Commiffaires des Amirautés confèrent avec les Membres des Etats , & les Miniftres Etrangers y traitent ordinairement de leurs affaires *. Les Députés des Etats-Généraux prennent leur féance Ordre & teins autour d'une table longue , couverte d'un tapis de drap verd, àfe [eurs Af-, dans les faces de laquelle on arrange des chaifes couvertes de la même étoffe ; le fauteuil du Préfident eft de velours de même couleur, rehauffé d'un lion brodé en or, autour du- quel font les écuffons des fept Provinces. Les Députés de Gueldre fe placent vis-à-vis le Préfident ; après eux ceux de Zeelande , ceux d'Utrecht & ceux d'Overyffel. Les Dé- putés de Hollande fe mettent à main gauche & du même côté que le Préfident ; le premier fiege à fa droite eft tou- jours rempli par un Député de la Province qui prélide , & les autres font occupés par ceux de Frife & de Groningue. Si le nombre des Députés eft plus grand que celui des Siè- ges , l'excédant refte debout ; & c'eft ce qu'on voit arriver fréquemment, chaque Province pouvant envoyer à fes frais (a) Conf. Romain de Hooge Miroir de l'Etat Tom. II. pag. i<5o. L'Auteur da "la Prière Publique , Tom. III. pag. 184. Meteren Hift. des Pays-Bas Liv. XXI» fol. 411. Grotii Annal. Lib. V. pag. 1 10. (* ) Cette Sale eft repréfentée dans la Vignette de ce Volume. TomsL Ee femblées. 218 Sect. VI. De V Etat Civil y Militaire, & dépens le nombre quelle veut. Les Etats-Généraux s'af- femblent tous les jours de Tannée , même les Dimanches, a onze heures du matin ; il dépend cependant du Préfidcnc d'indiquer celle qu'il veut. Chaque Province prélide à Ion tour pendant une lemaine , depuis minuit du Dimanche juf- qu'à l'odave à la même heure. Pendant ce tems on préfente au Préiident les lettres , lesplacets, les requêtes & les mé- moires des Mïniftres , tant de la République que des Etran- gers. Le Greffier en fait le£ture ; le Grand-Penfionnaireex- pofe le pour & le contre ; le Préfident ouvre la délibération , & l'Arrêté fe forme à la pluralité des voix. VI. Si le Préiident de lemaine eft d'un avis différent du refte Lenteur dans de l'Affemblée , ou s'il refufe de conclure, il eft obligé de étions. céder le fauteuil à celui qui préfidoit avant lui ; mais dans les affaires où l'unanimité eft néceffaire , on fufpend la délibé- ration , & l'on charge les Députés des Villes oppofantes de retourner vers leurs Commettans , & de revenir avec leurs conclufions & des pouvoirs fuffifans. La néceffité de recourir à ces expédiens préjudicie d'autant plus à l'expédition,que le nombre des Villes votantes dans les fept Provinces fe monte à cinquante-deux , fans compter l'Ordre de la Nobleffe. Ce vice du Gouvernement apporte une lenteur qui fait fouveni échouer les meilleurs projets, & donne aux Puiffances étran- gères le moyen de fe faire un parti pour arrêter les délibé- rations les plus importantes. La France s'en fervit en 172 6 pour retarder la conclufion du Traité d'Hanovre. Les Etats pour remédier à cet inconvénient , ont pris quelquefois le parti de paffer fur les oppofitions. Ceft ce qui arriva en 1654. à la conclufion de la paix avec Cromwel , à l'alliance qui fut fignée en 1668 avec Charles II , Roi d'Angleterre , & en 1688 , lorfqu'on réfolut le paffagede Guillaume III dans ces Ifles i mais les Députés expofoient leurs têtes, fi ces affai- res euffent mal réuffi (a), requîfe^dans ^n Peut réduire les cas où l'unanimité eft requife , aux certains cas. Articles fuivans : I. Quand il s'agit de paix ou de guerre, <«) Le Chev. Temple Rem. for les Pays-Bas. çhaj, Il.ptff. rj8, (Economique 6* Politique , des Provinces-Unies, z 19 II. Quand il faut lever des hommes ou de l'argent. III. Pour conclure une Alliance ou une Ligue avec l'Etranger. IV. Il dépend des Etats-Généraux d'abroger , de promulguer & d'interpréter les Loix ; mais leurs dédiions ne font obliga- toires que pour les Villes qui les ont acceptées. V. Les Ar- rêtés faits par l'unanimité des Provinces ne peuvent être caffés par les Etats-Généraux. VI. Les Provinces fe font refervé le droit d'élire le Stadhouder ou de fupprimer fa Charge , de nommer les Gouverneurs de leurs Villes , d'en garder les clefs , d'exercer la Police , à l'exception du militaire, de figner les brevets des Officiers qui font à leur folde , d'établir des garnifons dans leurs places & d'exiger un ferment particulier des Commandans ( a ). On peut conclure de tout ceci que la Souveraineté parta- Siège de u cée entre les Villes réunit fes effets , & fe manifefle par les ?°îIVDÎîntr Etats-Generaux , Organe commun , par lequel 1 autorité de que. chaque Province devient générale & defpotique. Les Dépu- tés font autant de Plénipotentiaires chargés d'inflru&ionsqui les autorifent à promulguer des Arrêtés qui deviennent des Loix par l'acceptation générale , & à délibérer fur tout ce qui touche à la Confédération , fans ofer paifer leurs or- dres ni rien ftatuer fans pouvoir, Lorfque l'Arrêté efl: une fois accepté , il efl plus abfolu que les Edits & les Ordon- nances des Rois , & nulle Puifïance fur la terre ne peut y faire de changement. On nomme les Députés tous les trois ans ; les voix fe comptent par Province, & comme elles nç font que fept, il ne peut y avoir de partage dans les cas où la pluralité l'emporte. Le Stadhouder , l'Amiral & tous les Of- ficiers de terre & de mer font exclus des délibérations , & ne peuvent entrer dans les Etats que quand ils ont quelque propofition à faire , ou quand ils font mandés pour rendre compte de leur conduite , recevoir leurs commiffions , ou leurs congés. Au refle les Etats-Généraux jouifTent de tous leshonneurs Autorité g (le la Souveraineté. I. Cefl en leur nom qu'on fait les dé- P°uvoiL,def *■ Etats -Géné- raux. ï a ) Voyez l'Union d'Utrecht. Art. VU. Eeij 220 Sec t. VI. De VEtat Civil, Militaire, clarations de guerre & qu'on conclut la paix. II. Les Géné- raux &c les Officiers prêtent ferment entre leurs mains. III. Ils envoyent auprès du Vcld-Marêchal un Confeil tiré de leur Compagnie , ians lequel ce General ne peut rien entre- prendre , & ceux qui le composent, ont droit d'avoir dans le Camp une Garde d'Infanterie Se de Cavalerie. IV. Le bre- vet du Général eft en leur nom , & porte leur lignature. Les Etats de Hollande prétendirent en 1657 que le Veld-Marê- chal devoit prendre auffi l'attache des Provinces ; mais cette affaire eft reliée indécife (a). V. Ils expédient les fauvegar- des. VI. Les lettres de grâce pour les déiérteurs. VII. Et les' tarifs des droits d'entrée &c de fortie. VIII. Ils envoyoient autrefois tous les trois ans quelques-uns de leurs Membres à la Compagnie des Indes Orientales à Amfterdam , pour exa- miner l'es comptes ; mais la Compagnie ayant représenté combien ces députations lui étoienr onéreuies , on arrêta en 1728 qu'elle envoyeroit quelques Députés à la Haye pour compter avec ceux qu'il plairoit aux Etats-Généraux de nommer. IX. Leurs Hautes PuifTances ont l'infpetiïon fur les Chambres des Monnoyes , & ce font Elles qui fixent la taille & la valeur des efpeces. X. Ils nomment les Tréforiers , Receveurs & autres Officiers chargés de la perception des deniers publics. XL Ils peuvent le porter Médiateurs des différends qui furviennent entre les Provinces ou les Villes , mais ils ne peuvent s'arroger l'office de Juges fans le con- fentement des Parties. XII. Ils régiffent fouverainement les pays de conquête , où ils nomment les Gouverneurs &c les Magiftrats. XIII. Ils forment différens Bureaux, où l'on traite des Affaires Etrangères , de Finance, de Marine & du Commerce. Ils font tous compofés de neuf Commiflaires , un de chaque Province , avec le Penfionnaire & le Greffier. Le Député de Gueldre y prélide toujours ; ils envoyent tous les deux ou trois ans deux Commiflaires Décifeurs qui fe joignent à deux autres Députés par l'Evêque de Liège pour former un Tribunal qui revoit les procès des pays d'Outremeuie 8c (a) Voyez Aitf en», Liv, XKXYlLpag, 708, Réfolut, du teins de De Witft- (Economique & Politique, des Provinces-Unies. 22 1 renouvelle le Magiftrat. Ces deux Officiers font alternative- ment tirés des Etats-Généraux & du Confeil d'Etat. XIV. Les Etats-Généraux font chargés de l'exécution des Arrêtés , ce qui leur donne un grand crédit ; mais la Majefté fouveraine le manifeile dans tout l'on éclat à la réception des Ambaffa- deurs ôc par la nomination de ceux que la République envoyé dans les Cours Etrangères. La Hollande & la Zeelande s'étoient réciproquement abandonné le droit de nommer la; première les Ambaffideurs en France , & l'autre ceux en Angleterre ; cette dernière le plaignit en 1665 que la Hol- lande propofoit plus de Miniflres pour les Pays étrangers que tout le refle de la République (a). Les Etats de Hol- lande pour empêcher que la Généralité ne nommât des Mi- niflres pour le Commerce,, arrêtèrent le 27 Mars , 1657 f que lorlqu'ils auroient nommé quelqu'un , il ne feroit plus permis à leurs fujets de briguer ou d'accepter la même place fans un ordre exprès ( b ), La Politique engage les Etats des Provinces-Unies à ren- vir. dre de grands honneurs aux Ambaffadeurs Etrangers , & à Ambaflkdeurs donner de gros appointemens à ceux qu'ils envoyent , afin ^^^1^" de s'attirer de la confidération au dehors. Leurs Ambaffa- pays étran- deurs extraordinaires ont cent vingt-cinq florins à dépenfer gers* par jour, foixante par mois pour l'entretien d'un Miniflre ,. autant pour le Secrétaire , quarante pour le Maître-d'Hôtel & foixante pour les Commis. Ils font obligés d'avoir deux caroffes à fix chevaux & quinze Valets de livrée. Outre ces fommes qui font annuelles , on leur donne avant leur départ dix-huit mille florins pour leurs équipages , fix mille s'il fur- vient un deuil , & trois mille pour le renouvellement des li- vrées. Si l'Ambaffadeur vient à mourir , fes héritiers jouilfent de quatre-vingt florins par jour pendant deux mois , s'ilétoit envoyé en Portugal ou en Efpagne , & pendant un mois s'il étoit ailleurs. Les appointemens des Ambaffadeurs Ordinaires- font beaucoup moindres & réglés félon les circonftances, («) Conf. Wicquefort Ambafl". Se Ces Fondions Liv. I. Seâi. U.pag. 30. Aitzem» ÏÀv. XXXV. pag. 437. (,i ) Réfolut, du teins de De Wut.pag. jo j. 222 Sect. VI. DeVEtat Civil, Militaire, L'efprit d'œconomie étant un attribut du génie marchand , les Etats adjugent quelquefois les Ambaflades au rabais. Le fieur de Beverning accepta en 1670 l'Ambafïade en France, à condition qu'il feroit ieul , qu'on le rappclleroit fur fa ré- quisition j & qu'on lui donneroit cent florins par jour ( a ). Les appointerons des Ambaffadeurs étoient très-modiques il y a deux cens ans. On nomma dans une AfTemblée tenue «à Dordrecht le o Juillet , 1539, Florent d'Affendelft , Sei- gneur de Kyfhoek, ôc Nicolas Barthélémy , Penfionnaire de la Ville , pour complimenter Charles V fur la mort de l'Impératrice. Ils demandèrent chacun deux Couronnes par jour , fans les frais du voyage , dont ils promettoient de te- nir regiftre. Leur prétention parut encore trop forte , & l'on convint qu'à leur retour le Stadhouder évalueroit les frais, de leur Ambaffade (b). L'Envoyé extraordinaire n'a que cinq mille florins pour fes équipages , foixante florins par jour, & le refte à proportion. Mais quelquefois pour éviter ces dépenles , L. H. P. ne donnent à leurs Miniftres que le titre de Député Extraordinaire. Rofenharn , Miniflre Sue-? dois , auquel cette nouvelle qualité étoit inconnue , reçut en 1654 les lieurs Beuningen & Bootfma, Députés Extraordi- naires à cette Cour , dans fon vefhbule ,"leur fit préfenter des fieges , pendant qu'il étoit dans un fauteuil (c) , en s'exeufant fur ce qu'il ignoroit la valeur de ce titre. Ceux-ci n'ont que trente-cinq florins par jour & deux mille pour leurs équi- pages. Les Réfidens , Agens & Commiffaires ont cent cin- quante florins par an pour leur domeflique , deux cens pour la correfpondance , cinquante pour leur bureau , cinquante pour etrennes , cent cinquante pour leur table , quatre cens pour le deuil , s'il en furvient. Si l'un de ces Miniftres re- vient dans le pays pour les affaires , il ne peut exiger aucune indemnité pour le voyage ; & s'il y refle plus de deux mois , il perd les appointemens pendant fon féjour. Les Confuls font nommés par L. H. P. fur la préfentation des Négo- (a) Réfolut. de Holl. du z. Cf du 4. OSlob. 1670. (b) Regiftr. des Aiïèmbl. de Holl. de Van der Go'cs.pag . z9*- ( c ) Wic 1 06. 224 S e c t. V I. De VEtat Civil , Militaire ," que pour faciliter la négociation , que le cérémonial rencj plus embarraiïante dans le premier cas. Leur entrée S'il donne Ja préférence aux honneurs, il va à Delft, ou publique. £_ Yi.t p# envoyent leur Maître-d'Hôtel qui le conduit dans le Yagdt des Etats au pont appelle Hoornbrug , aune dcmfc- lieue de la Haye , où deux Députés de L. H. P. le reçoivent dans le carolTe de cérémonie. Il fe place dans le fond , & fcs Conducteurs fur le devant. Il eft fuivi d'une file de carofles que les perfonnes de diftincîion envoyent pour lui faire hon- neur ; ce qui fait un cortège au moins» de quatre-vingt équi- Eages. Il vient defcendre dans cet ordre à l'Hôtel des Am- aifadeurs , où il eft encore complimenté par huit Membres de l'Etat qu'il reçoit & reconduit à la portière de leurs ca- rottes ; deux le détachent & demeurent auprès de lui pour lui tenir compagnie & l'aider à recevoir les vifites. Audience & Le troifiéme jour deux Députés viennent le prendre dans négociations. un caroff-e âtte\£ de quatre ou fix chevaux , félon la dignité du Prince qu'il repréfente , & les mêmes équipages qui l'a- voient accompagné , le fuivent encore à cette cérémonie. L. H. P. le reçoivent par deux de leurs Membres à la def- cente du carolTe. Il traverfe la Cour entre la Garde rangée en haye & fous les armes ; on l'introduit dans la Sale , ôc on le place dans un fauteuil vis-à-vis celui du Préfident ; ils fe couvrent l'un & l'autre , & n'ôtent leur chapeau que lorf- que dans la harangue ou dans la réponfe on prononce le nom du Maître de l'AmbalTadeur ou celui de L. H. P, Nous rer marquerons en paffant que le Prélîdent ne donne à l'Am- balTadeur que le titre de Monfieur , quoique tous les autres Membres hors de PAfTemblée le nomment Excellence (a). On le ramené à l'Hôtel dans le même ordre qu'il eft venu , & Je foir il fe rend à celui qu'il a loué pour fon féjour. Les jours fuivans fe confomment en vifites , & l'on ouvre les négociations. Elles fe font par écrit ; l'AmbalTadeur pré- fente fes Mémoires , & l'Agent des Etats rapporte les ré- (?) Recueil des Placards. Tarn. IV.pag. 108, ponfes , (Economique & Politique , des Provinces- Unies. 225 ponfes. Si le premier demande une conférence, L. H. P. nomment des Commiffaires qui fe rendent à fon Hôtel. Il les reçoit à la defeente du carotte , & leur donne le fauteuil au- deffus de lui ; mais s'il n'a pas fait fon entrée , les conféren- ces fe pafTent dans la Chambre de la Trêve , où l'on traite fans cérémonie & d'autant plus brièvement que les Commif- faires n'ont qu'une porte à pafTer pour conlulter les Etats- Généraux fur les difficultés qui fe préfentent. L. H. P. font préfent à l'Ambafladeur , lorfqu'il prend fon congé , d'une chaîne d'or où pend une Médaille du même métail , du poids à peu près de fix mille florins , & le Secrétaire en reçoit une de treize cens. Les autres Miniftres , tels que les Réfidens , &c. remettent leurs pouvoirs au Préfident. Celui-ci les fait complimenter par l'Agent des Etats , qui les conduit dans fon caroffe à l'audience ; on le place fur un ûege vis-à-vis le Préfident , auquel il demande la permiffion d'entrer en né- gociation. La féance s'ouvre dans la Chambre de Hollande ou dans celle de la Trêve ; le premier Commiflaire prend le haut de la table , les autres les deux côtés ; le Réfident fe met au bas , en biffant même une place, vuide entre le Gref- fier & lui. Les négociations des Agens fe pafTent par écrit ; l'Huiffier des Etats fe charge des demandes ôc des réponfes. Tout Miniftre titré jouit à la Haye des prérogatives d'Am- baffadeur. Il a droit d'avoir une Chapelle dans fon logis , d'y faire l'office fuivant fon rit , & ne paye aucun droit pour l'entrée ni la fortie. Suivant l'Arrêté du 7 Février , 1 65 3 , les Etats-Généraux Titre & Ar- prennent le titre de Hautes-Puijfances , ou de Hauts 6* Sénfiilx?*"' Puijjans Seigneurs (a ). L'Efpagne ne les appelle que Mef- fieurs les Etats-Généraux , & la France avoit confervé ce même ufage jufqu'à la négociation de 1 7 1 7 , où l'Abbé Du- Bois leur donna le titre de H. P. La République qu'ils re- prélentent, porte pour Ecuffon de gueulle un Lion d'or grimpant , lampaflé d'azur , armé d'un coutelas d'argent (a ) Voyez, le Gr. Recueil des Placards. Tom. III. pag. 78. Tome I. F f 226* Skct. VI. De V Etat Civil , Militaire, emmanche d'or , tenant fept flèches d'argent lices- d'azur dans- la griffe ieneftre , ôc pour ame : CONCORDIA RES PARViE CRESCUNT, Ce font les dernières paroles que Sallujle met dans la bou- che de Mecipie, Roi de Numidie , loriqu'en mourant il rc- - met le gouvernement de l'Etat à fes deux fil;; ( a ). Les fept flèches iémblent empruntées de l'Apophtegme de Scitaris, Roi de Scythie , qui laiifant quatre-vingt garçons , & le trouvant au lit de la mort , leur remit un iailceau de flèches du même nombre , & leur ordonna de le rompre. Chacun ayant fait des efforts inutiles , il le reprit , le deiia , brifa fa- cilement les flèches 1er unes après les autres, & leur apprit par cet Apologue que leur union les rendroit invincibles (fr). Le Comte d'Egmond adopta en 1 564 l'Emblème , &leiub- ftitua aux attributs ridicules que les Confédérés avoienc choiffs dans le tems qu'ils fe donnoient le titre de Gueux (c). Depuis la paix de Munfler le Chapeau qui furmontoit l'E- cuiTon , comme lymbole de la liberté , a été changé contre une Couronne fermée , marque de la Souveraineté de la Ré- publique. Officiers. Ce que nous avons dit du Maître d'Hôtel & de l'Agent des Etats , explique fuffifamment leurs fondions. Outre ces Officiers les Etats ont à leurs gages plufieurs Avocats qu'ils coniultent , quand il fe préfente quelque queftion de Droit. Ceux-ci répondent féparément & par écrit. Ils en avoient un particulier qu'ils appelloient Fifcal , que fon inutilité a fait. Supprimer depuis quelques années. Grande Af- Dans les cas de la dernière importance les Etats-Géné- raux appellent à leurs féancesles Membres de la Régence des fept Provinces , & c'effee qu'on nomme la Grande A^emblée, Il faut un confentement unanime pour fa convocation , & ( a ) Salluft. Je Bell. Jugurth. cap. X. (b) Plutarch. de Apopht^gm. Regum. (ej Strada de Beilo Belgico. Dec, 1. Lib.IV.pag. ijr». femblée. (Economique 6* Politique , des Provinces-Unies. 227 Ton communique les motifs qui l'exigent , aux Etats Provin- ciaux , qui donnent à leurs Régens des inftru&ions détaillées fur chaque Article. Les Arrêtés de cette Affembîce font re^ gardés comme Loix conftitutives de l'Etat, & nulle Puif- iance ne peut en iuipendre l'exécution ; la dernière fe tint en 1651. Le Confeil du Stadhoudcr , prefqu'anéanti dans le com- vnr. mencement des troubles , reprit l'on autorité par le retour Conlei1 d'E~ du Prince d'Orange. Dans l'irréfolution des autres Provin- Son Origine- ces, la Hollande, la Zeelande & le Pays d'Utrecht ayant rappelle leur Stadhoudcr , lui confièrent le Gouvernement , & lui adjoignirent le Confeil d'Etat , qui fut alors compofé de fix Hollan'dois, trois Zeelandois & trois Traje&ins ( a ). La nécefïké de remédier ta la mauvaife adminillration du Duc d'Alençon , augmenta le crédit de ce Tribunal , & le droit de convoquer les Etats lui rendit tout ion luftre. Lorfqu'en 1585 on conféra la Régence , ou le Gouvernement général , au Duc de Leicefter, qu'Elifabeth , Reine d'Angleterre , avoit envoyé au fecours des Provinces-Unies , ce Confeil qui lui fut adjoint , acquit une autorité prefque defpotique. Ce Seigneur abufant de fon pouvoir , pour fe frayer un che- min à la Souveraineté , les Etats-Généraux , par le confeil de Guillaume , s'affemblerent fans attendre la convocation , & choifirent Middelbourg , pour dérober à l'Anglois la con- noiflance de leurs délibérations. Elifabeth ayant rappelle fon Général , les Etats rétablirent le Confeil fur l'ancien pied (b). Les féances de PAflemblée Générale devenues permanentes & continues à la Haye , achevèrent de ruiner l'autorité du Confeil. Les Etats s'emparèrent en 1651 des affaires étrangères , & de tout ce qui concerne la Guerre & les Finances : enforte que le Confeil d'Etat dépouillé de fes (a) Voyez Bor Hift. de; Pays-Bas. Liv. VI. pag. 330. Hoorfd Hift. des Pays- Bas. Liv. VIN. pag. 31p. Rieraer Defcript. de la Haye Tom. I. chap. IV. pag. (£) Conf. Hoofd Hift. des Pays-Bas. Liv. XXV. pag. 113e. Bor Hift. des Pays-Bas L/V. XXIV. pag. 6y, Ffij 228 S e c T. VI. De l'Etat Civil , Militaire , plus nobles fondions , n'eft preique plus charge que de l'exé- cution des Arrêtés de L. H. P. Sa Conftitu- Il efl aujourd'hui compoié de douze Députés nommés par tion aâuelle. ]es Provinces , chacune proportionnellement à la part qu'elle fupporte dans les contributions. La Gueldre en envoyoit deux ; mais les François l'ayant conquiie en 1 6j2 , Gronin- gue , dont la vigoureule défenfe avoit fauve la République , obtint la place (a), & nomme deux Députés, comme la Zeelande & la Frife , pendant que la Gueldre n'en donne qu'un. La Hollande en envoyé trois , dont le premier efl tiré de l'Ordre de la NoblefTe. Utrecht & l'OveryfTel nom- ment les deux autres. La commiffion de la plupart des Con- seillers efl limitée à trois ans. Le Député Noble de Hollande & ceux de Zeelande confervent leurs places pendant leur vie. Dans la Sudhollande les villes de Dordrecht , Delft , Haarlem , Goude , Rotterdam , Leide & Gorinchem , & dans la Nordhollande celles de Hoorn , Enkhuizen , Alk- maar & Amfterdam , ont tour à tour le droit de nommer. On fera lurpris de trouver Amfterdam dans la Nordhol- lande ; mais la nomination ne tombant que tous les vingt- un ans dans la Sudhollande , il efl vraifemblable qu'A ra- fler dam par ion crédit's'efl fait comprendre dans cette Gaffe, où ce droit revient tous les neuf ans. On compte les voix par tête dans ce Confeil , & conféquemment la Hollande y domine fur les autres Provinces. Les Etats-Généraux re- çoivent le ferment des Membres qui le compofent , & le Préfident change à tour de rôle de femaine en femaine'. Le Tréforier Général & le Greffier , qui affîflent aufii au Con- feil , n'y ont que la voix délibérative. Exclnfîon Les premiers Stadhouders fiegeoient dans le Confeil , fans Stadhoud "X cePendant porter le titre de Préfidens. Us opinoient les pre- miers , & leur crédit emportok fouvent les délibérations. Guillaume -I, Maurice & Frederic-Henri , fes fils , Guil- laume II & Guillaume III , fçurent tirer de grands avantages (a) Réfolut.deL. H. P. du iq Avril 1674 j dans le Grand Recueil des Pla- cards > 2cm. III. pag. 45. (Economique G? Politique, des ?rovinces-Unies. 229 de ce droit de préfence. Les Etats de Hollande profitant de la minorité de ce dernier , firent un Arrêté en 1 65 1 , par le- quel ils ôtoient la léance aux Stadhouders, & faifoient d'au- tres changemens , que les Membres de ce Tribunal refufe- rent d'accepter , fous prétexte qu'ils étoient impraticables. Ces conteftations durèrent jufqu'en 1671 que L. H. P. for- cèrent les Confeillers d'Etat de prêter un lerment conforme à leur Arrêté , fauf à les diipenier de ce qui ne pourroit pas s'exécuter. La Hollande ayant dans la fuite fupprimé la Charge de Stadhouder , ordonna que ceux des autres Pro- vinces ne pourroient entrer dans ce Confeil, de crainte de donner trop de crédit aux Provinces qu'ils gouvernoient. La Zeelande , Utrecht & l'Overyifel y iouferivirent , & de- puis les Stadhouders font demeurés exclus de ce Tribu- nal (a). Le Confeil d'Etat s'afFemble dans une Sale du Palais des Lieu des ac- Comtes à la Haye, & les Bureaux, dans lelquels il fe fé- rimh^s du pare , fuivant la nature des affaires , fe tiennent dans des chambres qui la joignent. Il efl fous la garde de deux Huif- fiers poflés dans l'Antichambre , dont la fondtion confifte à faire entrer ceux qui demandent audience , après les avoir annoncés. L'adminiftration de la Guerre & des Finances eft l'objet Ses Occupa-- principal de fon travail. ïl délibère fouvent avec les Députés tions' des Etats-Généraux fur ce qui regarde la sûreté & la dé- fenfe du pays en tems de paix & de guerre ; & dans toutes les affaires l'Arrêté de ce Tribunal efl porté à L. H. P. pour recevoir leur confirmation , à moins que le cas ne requierre autant de fécret que de célérité : car alors il expédie des or- dres pour l'exécution ; mais toujours au nom des Etats-Gé- néraux. Tous les Officiers Militaires prêtent ferment devant le Confeil d'Etat, quoiqu'ils en doivent un premier aux Provinces dont ils dépendent. Il connoît des engagemeos des Soldats , des contraventions aux Réglemens , des levées de troupes , des munitions , tant de guerre que de bouche , & paffe en revue les garnifons distribuées dans les places de la Généralité. Les Etats Provinciaux députent des Commif- («) Réfolt de Holl. du 1 6 Août , 170$, LambeniMém.Tcw.IV.ps£. 661. Forces Mi fcUres de l'E 230 S e c T. V T. De VEtat Civil , Militaire ', îaires pour pafTer en revue les Régimens qui font à leur folde ,' & le Confeil d'Etat ayant voulu s'immilcer en 1662 de la garnifon de Rhinberg, en lut empêché par délibération de L. H. P. Ce Confeil efl encore chargé de maintenir la dis- cipline , de faire exécuter les Ordonnances pénales , & de connoitre par appel des Jugcmens prononcés par les Con^ léils de guerre , des armées ou des Places fortes. Son inipec- tion s'étend fur les Fortifications , Magafins , Ariénaux , Moulins à poudre , places frontières , & particulièrement de la Gueldre & de POveryflel. Les autres Provinces font char- gées de celles qui lont dans leur diitriét , & jouiifent à cet erfet d'une fomme modique qui leur efl afTîgnée lur les fonds de la guerre 3 qu'on rabat fur leur quote-part des importions. I X. Les Forces Militait es de la République confident dans un grand nombre de Villes & de Forts qui font fur la frontière ut.' ' & dans l'intérieur du pays. On peut facilement inonder les environs de plufieurs Villes : ce qui les rend prefqu'inaccef- fibles ; elles font munies de bonnes garnifons. Marine. La Marine étoit plus conlidérable autrefois quelle n'eft aujourd'hui. On n'entretient plus que les vahTeaux de guerre néeefTaires pour garantir les flottes marchandes de l'infulte des Corfaires. Cependant les Amirautés doivent être en état de mettre en peu de tems fous voile quarante ou cinquante vaiffeaux de guerre , & les magafins font remplis des choies néeefTaires à leur conftruélion. Nous entrerons dans un. plus grand détail à l'article des amirautés. Forces de Quant aux Forces de terre, la République entretient en 1 erre* tout tems plus de quarante-deux mille hommes de troupes réglées , dont elle â cédé un foldat par Compagnie à la So- ciété de Suriname. La Compagnie des Indes Occidentales en employé environ deux cens , & chaqu'Officier prend ceux qui lui font néeefTaires pour Ion fervice : ainfi l'on ne peut guère compter que fur quarante mille hommes efFeétifs. Même les efpeces de Banquiers qu'on nomme Solliciteurs Militai- res } qui font le commerce d'avancer la paye aux Officiers & aux foldats , en occupent toujours quelques-unsdans chaque Régiment. Les troupes étoient plus confidérables avant la (a) Replut, du tems de de Witt. fag. 606, (Economique & Politique , des Provinces-Unies. 231 réforme de ij\6. La Garde achevai quiotoitde foixante- huit Cavaliers par Compagnie , fut réduite à cinquante-fix ; la Cavalerie ordinaire de cinquante-un à quarante-ilx ; les Dragc ns de ibixante-quinze à quarante-huit ; la Garde à pied de cent à ibixante-quinze ; le refte de l'infanterie tant nationale qu'étrangère de foixante-cinq à cinquante-cinq ; les Suiffes de deux cens à cent cinquante , & l'Artillerie de cent dix à loixante-dix-neuf. Voici l'état a&uel des forces de terre : Cavalerie Dragons Infanterie SuifTes Artillerie u Compagnies Chevaux. ' Hommes. ardes utre 6 de 60 Cbev. & 56 Hom. font 360 375° Gardes Ecofibis Nation- naux 75 de 50 J4 48 12 . . 30 . . 537 46 48 75 5f 150 69 i6}% 33^ 34ÎO 1650 *953ï 4500 574»! 4M5? Toutes les troupes font payées par les Provinces & le Pays Répartition de Drenth, fuivant le Tableau qui luit : des troupes fur les Provinces» Cavalerie# Dragons. Infanterie. SuifTes. Artillerie. Ef. C. Reg. C. Bat. C. Bat. C. Reg. C. 1 3 (a) 18 n 2 6 • 4 34 • • • 4 46 (b) 17 171 6 6\ 3 y ■,i 1 4 î(c)7 • • • • • 4 47 7 85 * 5 * • • ï 3 9 * • 2 24 1 4 1 • ■ ■ 3 36 1 8 7 21 » - • • * • 26 81 4 34 54 579 10 30 1 8 La Gueldre. La Hollande La Zcelande Utrecht. La Frite L'OveryfTel Groningue 8c les Ommel. Drenth La Généralité Total (a) Iln'yaque deux E'eadrons , formant n*x Compagnies fur la répartition de la Nordhollande ; le refte de la C ivalerie eft entretenue par la Sudhollande. (b) La NoHhoihnde n'eft chargée que de deux Bataillons, faifant vinpt-une Compagnes d'Infanterie. Les autres deux cens c:nqu:'nte-une Compagnies, y compris les trente Compagnies de Suilfes , font payées par la Sudhollande. ( c) La Compagnie de Gardcs-du-Corps du Stadhouder n'efl pas comprife fur le Tableau, 232 Sec t. VI. De VEtat Civil , Militaire , Indépendamment des troupes qui l'ont fur la répartition de la Hollande, Amfterdam paye trois Compagnies d'infanterie, dont deux gardent la Ville , & le troificme le Château de Louweftein. La Hollande entretient encore cinq Compa- gnies d'Invalides , qui iont diftribuées à Delft , à "Woudri- chem , à Naarden, au Clundert & à Woerden, & quelques troupes particulières pour la garde de différens Forts. Tou- tes celles-ci ont quatre-vingt-quatre florins de paye par chaqu'année. Les Artilleurs , que cette feule Province en- tretient , ont à leur tête un Capitaine , fon Lieutenant , deux Artificiers & quatre Sous-Lieutenans par Compagnie , aux- quels on ajoute en tems de guerre , un Capitaine des Pon- tons , deux Commis de l'Artillerie , une Compagnie de Mi- neurs , le tout fous le commandement de trois Capitaines- Lieutenans. Officiers & Toutes ces troupes étoient commandées , du tems de leurs payes. Guillaume III , par un Capitaine Général & fon Lieutenant , qui l'un & l'autre avoient le titre de Veld-Maréchal. Le pre- mier fut retranché à la mort de ce Prince , & la féconde place eft demeurée vacante depuis le fieur d'Ouwerkerque. Le plus ancien Général de Cavalerie prend aujourd'hui le comman- dement ; mais il eft fubordonné au Confeil député par les Etats-Généraux. Il a fous lui trois Lieutenans-Généraux de Cavalerie & quatre d'Infanterie , dont les anciens feulement ont la paye ordinaire. La Cavalerie a trois Majors-Géné- raux & l'Infanterie quatre ; la première a fept Brigadiers , & l'autre neuf. Il y a auffi deux Quartiers-Mcftres-Géné- raux , un pour la Cavalerie & un pour l'Infanterie , avec un Lieutenant-Général Quartier-Meftre. On compte vingt- deux Colonels de Cavalerie , fept Lieutenans-Colonels & vingt-quatre Majors ; dans l'Infanterie foixante^trois Colo- nels , quatre-vingt Lieutenans-Colonels , & foixante-trois Majors. Chaque Compagnie de Cavalerie a fon Rittmejler , fon Lieutenant & fon Cornete , & dans l'Infanterie un Ca- pitaine , un Lieutenant & l'Enfeigne. La paye du Rittmefter eft de deux cens cinquante florins pour un mois de 42 jours ; le Lieutenant en a quatre-vingt ôc le Cornet foixante-dix , outre (Economique & Politique , des Provinces-Unies: 233 outre vingt-cinq florins pour le cheval. Le Cavalier a vingt- huit & le Caporal trente-fïx. Dans l'Infanterie le Capitaine a cent quatre-vingt florins ; le Lieutenant cinquante-trois , & l'Enleigne quarante-huit ; les foldats ont douze florins & cinq fols , fur quoi l'on retient le centième. Ceux des Gardes & les Etrangers ont quelque chofe de plus. En tems de paix ces Corps font diflribués fur la frontière Gouverneurs; fous les ordres des Gouverneurs ou des Commandans , & Commandans . r , 1 1 1 • ' • t &c- des Places quelques-uns lont pour la garde des places intérieures. Les fjrtes, Gouvernemens des frontières étoient au nombre de vingt- fix avant l'évacuation des Barrières , fçavoir : Tournay , Namur, Berg-op-zoom, Breda, Heufden, Woudrichem , l'Eclufe, Furnes, Ypres, avec les Forts d Heemert & S. André , Bois-le Duc, Crevecœur , les Châteaux de S. An^ toine & Ifabelle , Coeverden , Bourtange , les Forts de Benninkwolde, de Langerack , d'Ommer, de Lieroort, de Clundert, de Willemftad & de Maaflricht. Les Com- mandans font diflribués à Axel , à Bredevoort , à Delfs- ziel, à Deventer , à Doesburg , aux Forts de Philip- pine , de Sainte Anne , de Quenoc , à Saint Michel , à Gertrudenberg , à Graave , à Hulft , à Louvr eftein , à Lillo , àLiefkenshoeck , aux Forts de la Croix, de Frederic-Henri, à Menin, àNaarden, à Steenbergen, à Stevenfwaard , à Zutfen, à Venlo, à Yfendyck, à Veere, à Vliffingue , à Rammekens , au Sas de Gand & au Fort de Saint Antoine. 11 n'y a que des Majors à la Brille, à Hellevoetfluis , êc aux Forts de Grootpas, d'Henricius, de Moermont, de Pinfen, de S. Donaas , de Zuidfort , à Gorinchem , à Groningue , à Campen, au Moerfchans auprès de Hulft , au Fort Demoi- felle auprès d'Yfendyck , à Nimegue & à Zvol. Les autres endroits & les Magafms font gardés par des Commis. La Claffe du Génie eft compofée de trente-cinq Ingénieurs , Corps du G» qui font diflribués , un à Arnhem , deux a Berg-op-zoom , nie« un au Fort de Benninkwolde , un à Breda , un a Deventer, un à Doesburg, deux à Tournay, un à Graave , deux à Bois-le-Duc, un à Hulft, un à Coeverden , deux à Maas- tricht , un à Menin , deux à Namur , autant à Nimegue , un Tome I. G g 234 Sect. V I. De VEtat Civil, Militaire ,' au Sas de Gand , un à l'Eclule , un à Steenbergcn , un à Src- vcniVaard , un à Vcnlo , un à Furnes , deux a Ypres, deux àZutfen, & un à Zwol. La Compagnie des Indes en entre- tient quelques-uns à ion 1er vice ; les Etats-Généraux en ont quatre qui n'ont point de département, & qu'ils envoyent dans les cas néceflaircs où le befoin les demande. Cette Ecole a fon Directeur général , & cinq particuliers ; le pre- mier réiide à la Haye , les autres fur la frontière , à Gronin- gue , &c. X. Le fécond Département du Confeil d'Etat , qui n'efl: pas Finances, moins confidérable , regarde les Finances. La néceflité de foutenir une longue guerre contre PEipagne a forcé les peu- ples à fe foumettrc volontairement à des impôts exorbitans ; celles qui l'ont fuivie , n'ont pas permis aux Etats d'acquitter les anciennes dettes , & les fujets de la République fe font accoutumés à fupporter les charges , de façon qu'ils fournif- fent fans murmurer les augmentations que les circonftances exigent. Leur ancien Les anciens Hollandois ne pouvoient fe faire aux impo- *uu fitions permanentes. Les Comtes jouifToient des Biens Do- maniaux , & ne demandoient que des fecours momentanés , quand il iurvenoit quelque affaire nouvelle. Leurs revenus confiftoient dans les terres qui leur étoicnt affe£tées , dans les péages ôc fa Navigation des rivières , dans les Alluvions , dans la Pêche , dans la Chafîe , les Moulins & les Bois (a). S'ils avoient befoin d'un fupplément , ils étoient obligés de le demander eux-mêmes à î'AiTemblée des Nobles & des Villes , qui leur accordoit une contribution par forme de Pé- tition, & payable par termes pendant un tems limité (£>). Charles V tenta d'abord d'établir une taille d'un fol par ar- pent qui lui fut refufée (c). Il vint cependant à bout dans. (a) Van der Schelling du droit des Décimes en Holl. Part. I.pag. rp?. Orig. &c.du«Gouvern. héréd. des Comtes de Holl. Part. Vlll.pag. 1 18, (b) Voyez les Manif. du Kennem. pag. 3 & 43. Orig. Progrès & Fin du Gou- vernement Héréditaire des Comtes de Holland. Part. XXX. pag. 467. Part. VIII. pag. 134. (c) Regiflre de l'Aflèmbl. de Holl. par Van der Goes.pag. 143. 144. 14S. 1 jo, & i;4. (Economique & Politique j des Provinces-Unies: 235 In fuite d'obtenir un droit fur les maifons (a) , & d'introduire la gabelle ; mais ces impôts étoient fi légers qu'on s'en apper- cevoit à peine. On accorda à Philippe II un droit fur toutes les marchandifes , qui devoit fubfifter neuf ans , à condition de pouffer vivement la guerre contre la France. La haine que tous les Ordres de l'Etat conçurent de la cruauté des Efpagnols , & la crainte de l'Inquifition les détermina à fa- cririer juiqu'au nécefiaire , pour fecouer un joug odieux , & ceux mêmes qui venoient de prendre les armes pour ne pas payer le dixième , donnoient volontairement le total de leurs revenus (b). La multitude & la diverfité des impôts qui fubfiftent en- Multitude deâ core, & dont le nombre augmente de jour en jour, ne ™Potsmo nous permet pas d'en donner le tarif ; tout y paye , hors l'air qu'on relpire ( c ) ; ce qui fait dire à un de leurs plus grands Politiques : » Certaines Nations avoient imaginé , » pour peupler leurs Villes , de mettre une capitation lur les » perfonnes qui vivoient dans le Célibat ; mais en Hollande j> & en Zeelande il faut payer pour fe marier , & l'on exige » une amende de ceux qui meurent ( d ) «. Les impofitions les plus confidérables fe lèvent fur l'entrée & la iortie des marchandifes , fur les immeubles , fur les ventes & fuccef- fions , fur les perfonnes , fur le nombre des domefliques , fur la confommation des vivres , &c. Les revenus ordinaires font payés par les Provinces. Les fonds qui proviennent de l'entrée & fortie des marchandifes , font deftinés à la Marine , & ce font les Amirautés qui fe chargent de la perception. La diminution du commerce caufe un vuide que les Cham- bres ne peuvent remplir qu'en demandant des fupplémens , & les Provinces leur accordent des taxes fur les immeubles , furies ventes , les fucceffions & la capitation, qui rapportent eonfidérablement. On évalue ce que chaque terre ou maifon (a) Recueil des Placards. Tom. II. col. 1047. (b ) Grotii Ann. Holl. ad ann. 1 Ç73. pag. 41. Hooft Hift. de Holl. Lib. T. pag. *•(■>, | c) Traité de la Liberté dans l'Etat Civil, chap. XI. pag. ?n. (d) Bynkershoeck Quxft. Jur. Pubi. Lib. II. Cap. 11. pag. 348* 2^6 Sect. VI. De l'Etat Civil, Militaire; doit payer fur le prix des loyers , & quand une fois elles .font lur le rôle, on n'a plus d'égard au dépériflement ni aux diminutions. On exige toujours la même fomme : enforte que le Propriétaire efl louvent forcé de déguerpir & d'aban- donner ion bien. Les villes & les terres de la Nordhol lande le trouvant trop chargées par cet impôt , les Etats de Hol- lande, pour remédier à la ruine des familles , arrêtèrent qu'il feroit fait une nouvelle eflimation des biens fonds, eu égard à leur valeur a&uelle , & que la taxe feroit fixée au dou- zième des loyers des mailons & au quinzième des moulins» Le contrecoup de la diminution efl: retombé fur la SudhoK lande , qui paye aujourd'hui deux cens foixante-quinze mille florins d'augmentation , & la Nordhollande ne fe trouve déchargée que de quarante-fix mille. Les immeubles payent le quarantième du prix de la vente , les fucceffions en colla- térale le vingtième , & l'on y comprend les rentes foncières , les obligations & les vaiffeaux qui paffent quatre tonneaux. Les Actions fur les Compagnies Oiientales & Occidentales payent le dixième. On met en tems de guerre un impôt fur les terres labourables , & l'on levé la capitation fur tous les fujets de la République. Charles V accorda en 1536a quel- ques Villes le droit de lever des impôts fur le vin , fur la bierre & fur les étoffes de laine & de foye. Les Etats Provin- ciaux rejetterent cet Octroi ; mais ils fouffrirent peu-à-près qu'on l'établit fur le fel, & depuis il s'eft étendu fur toutes fortes de marchandifes (a). Ils font aujourd'hui portés pour les den- rées à un tiers de l'achat ; l'on paye pour les domefïiques , les voitures & les chevaux , & l'exécution de ces droits fe fait avec la dernière rigueur. On a encore introduit le papier timbré pour tous les Actes Judiciaires, ou qui font foi en Juflice , à l'exception des lettres de change ; le prix de la feuille efl depuis trois fols jufqu a cent cinquante florins , par proportion aux engagemens contractés. Les Commutions pour les Emplois , les Provifions pour les Charges , les Sen- tences , les Teftamens , les Contrats de mariage , les Com- (a) Conf. le Regifl. des AfTembl, de Holl. <àe Vander Goes.pag. 16$, jtfi* 364. 3<55«ô< 367. (Economique 6* Politique, des Provinces-Unies. 237 ptes de tutele , les Obligations , les Baux , les Placets , les Mémoires , les Polices d'affurance , les Minutes , les Grottes , les Copies authentiques , &c. tirent leur validité & leur hy- pothèque du timbre. Tous ces impôts étoient affermés, & ce n'efl que depuis peu qu'on a créé des Receveurs particuliers, qui font obligés de porter leurs deniers à la recette générale , & de rendre leurs comptes devant des Chambres particuliè- res. L'on porte de même à cette caiffe l'argent qui provient des Domaines & de la Généralité, fur lequel on acquitte les dettes des Provinces & des Villes. Quoique les revenus , dont nous avons indiqué les four- \ Dettes de ces , montent à des fommes immenfes pour l'étendue de cet 1 Etat* Etat, la République efl encore grevée des obligations con- tractées pendant la guerre d'Efpagne , dont elle paye les in- térêts à deux & demi pour cent. Quelquefois les Provinces demeurent en arrière du courant, & quelques-unes fe font portées à faire perdre l'intérêt à leurs créanciers. Ces incon- Ses Reïïbwr- véniens font tomber le papier ; mais malgré les hazards & la C£s> modicité de l'intérêt, le commerce rend l'argent fi commun dans ce pays , que le crédit fe relevé en peu de tems par l'im- pofïïbilité de trouver des débouchés plus sûrs & plus avan- tageux. Les Etats-Généraux ont foin de foutenir la con- fiance par des rembourfemens qu'ils annoncent de tems en tems , quoiqu'ils nepuiflentles effectuer que par de nouveaux emprunts. Cette République fe foutient par la pratique exa£le & Ses Maximes, confiante de trois Maximes, dont la première confiée à mettre les habitans à leur aile , enfavorilant la Navigation , la Pêche & le Commerce. L'avidité des Anglois a fait grand tort au dernier, & quelle que foit l'attention des Etats-Gé- néraux , Londres commence à l'emporter fur Amflerdarru Le deuxième moyen eft de cultiver la paix autant qu'il eft pofïïblc (a). Il efl de maxime dans toutes les Républiques de veiller à la garde des frontières, fans penfer à s'aggrandir ; celle des Provinces-Unies en a toujours fait la bafe de fa Po- (a) Voyez l'Union d'Utrecht. Art. XVII. Conf. Recueil des Placards Tom, I. Col. XIV. 238 S e c t. VI. De VEtat Civil , Militaire ; litiquc. Elle confcrve un corps de troupes conlidérable pen- dant la paix ; l'es frontières l'ont hérifl'ées de forterefles pour rélifter aux attaques de l'ennemi , & lorsqu'on la force à prendre les armes , elle n'a pour but que de cimenter la paix. Ainfi le premier précepte de L. H. P. efl d'éviter tout ce qui pourrait irriter les Puiffances Etrangères. Enfin L. H. P. fe piquent de Pexaétitude la plus ferupu- leufe dans l'obfervation des Traités & des Alliances. Ce lentiment parut avec éclat dans la condamnation d'un Livre , dont l'Auteur avoit avancé : » Que le Souverain ne doit ob- » lerver les Traités publics qu'autant qu'ils s'accordent avec » les intérêts de fon Etat. « L'Edit du 28 Mai, 1669, porte en termes exprèsj: » que la République a toujours mis fa plus » grande gloire dans la plus exa£te exécution de fes enga- » gemens , & qu'elle n'a pu lire fans indignation une maxime » ii contraire à la foi publique. « (a). Si les Etats-Généraux fe font quelquefois écartés de ce principe , on ne trouvera pas qu'ils ayent cherché à fe couvrir par des raifonnemens po- litiques , & pour donner une idée de la façon de penfer de cette République , comme de la plupart des autres , on doit s'attendre à n'y trouver ni beaucoup d'infidélité ni beaucoup degénérofité (b). Ancienne ré- C'eft la fagefle de ces principes qui met fes fujets en état parution des ^Q payer pre{qUe fans s'en appercevoir les contributions énormes qu'ils fourniifent tous les ans. Lorfque les dix-fept Provinces étoient réunies fous la domination Autrichienne , la Flandre feule portoit un tiers des charges , le Brabant un quart , la Hollande un quart de la portion de la Flandre ; la Zeelande un quart de celle de la Hollande ; Utrecht autant , & les autres Provinces à proportion (c), Rérnrtitîon La répartition des Pétitions accordées au Confeil d'Etat moderne. fe fa[t d'une autre manière aujourd'hui. Chacune des fept Provinces èft chargée de fournir fa quote-part , fuivant le ( a ) Recueil des Placards. Tarn. III. pag. fn. (b) Voyez B.ynckershoeck Quzft. Jur. Publ. Lib. II. cap. K.pag. i<;$. (c) Voyez BoxhornChron.de Zeel. Tom, II. pag. 159. Meterea Hift. d trent pas dans le tréfor public ; mais attendu que les paye-? ( a ) Ccnf. Aitzema Liv. XXïX.pag. 8 j8. Liv. XXXIV. pag. z 84. liv. XL V. pag. 104e. &c. Lamberti Ment Tom. IV. pag. 345- Tom. VI. pag. 373. & 711, Tom. VIII. pag. 893. Ci ) Vpycz Aitzema Liv. Xlï.pag. 74. Liv. XLVUI.pag. 3*8. & le Lion ré- Uhïi.pag. 468, mens (Économique &• Politique, des Provinces-Unies: 241 Siens ne font faits que fur des quittances du Receveur géné- ral & par ordre du Confeil , ils opèrent la décharge aufli va- lable que fi l'argent entroit dans la caifle de la Généralité ; & c'eft en rapportant ces délégations & quittances que les Provinces prouvent quelles ont acquitté leur contingent. La dépenle augmentant pendant la guerre , il eft fouvent Conteftaùons difficile de déterminer les Provinces à ie charger de l'excé- àceiujet. dent néccflaire. Ces dépenfes montoient au commencement du dix-feptiéme fiecle à trois cens mille florins par mois au- deflus des revenus de l'Etat ( a ) : enforte qu'on étoit obligé de recourir aux députations , & même aux menaces , pour engager les Provinces & les Villes à fournir leur contin- gent (b). Par {"Article XXII de VUnion d'Utrecht les biens de chaque particulier font affectés aux charges publiques , & fufceptibles defaifie. Le 13 Janvier, 1^79 , les Stadhouders des Provinces déclarèrent la claufe exécutoire , en cas de re- tard dans les payemens: de façon qu'en 1586 le Confeil d'Etat autorifé par cet Arrêté força les Hollandois à com- pléter leur impofition , & l'on exerça de pareilles contraintes dans la plupart des autres Provinces jufqu'en 1639 (c). Quelques-unes s'érant réunies pour former oppofition , le Confeil d'Etat fut obligé de furfeoir la rigueur des pourfui- tes. Les inconvéniens qui furvinrent de fa condefeendance , engagèrent les Etats de Hollande en 1 66$ à faire eux-mêmes leurs efforts pour remettre la Loi en vigueur ( d ) ; mais ils n'y ont pas réuffi. Les Politiques attribuent l'opiniâtreté de quelques Provinces aux fommes confidérables qu'elles doi- vent à la Caiffe publique : enforte que leurs Députés ne fe- roient pas en sûreté , fi l'on permettoit au Confeil d'Etat d'exécuter à la lettre l'Arrêté de 1579 (e). La Hollande plus facile que les autres à accorder les Pétitions dont on lui démontroit l'utilité , fe trouve la plus endettée. Suivant I'in- (a) Grot. Hift. Lib. XVII, pag. j4i. (b) Réfolut. du teins de De Wm.pag. <; 10. 639. & 668. Lamberti Mém. Te m IL pag. î4 & î $ . Tom. XI. pag. 308 & 310. (C) Bynckershoeck Quarft.Jur. Publ. Lib. II. Cap. XUl.pag. 180. (d) Réfolut. du temsdeDe Wht pa^.6fi. ( e ) Bynckershock Qusft, Jur. FublLib. II. cap. XIII. pag. 180 & »8l, Tome h \ H h 242 Sect. VT. De l'Etat Civil , Militaire, dication du Grand-Penfionnaire d'Oldenlarneveld , elle étoic arriérée de vingt-iix millions de florins dans les neuf dernières années avant la trêve ( a ) , & elle le trouva fi preflee en 1 63 5 qu'elle représenta aux Etats-Généraux qu'elle étoit entièrement épuiléc (b). Ses revenus montoienten 1643 à onze millions de florins , fur leiquels il falloit en prélever fept pour le payement des intérêts des anciennes dettes , & les dépenies de la guerre montoient à douze millions : eniorte qu'elle s'arriéroit de huit millions chaque année (c). Par la computation des revenus & des charges de la Hollande, faite en 1672 , il eft évident que cette Province étoit arrié- rée de près de fix millions par an. Les charges montoient à .... 161,00288-14-5 Lesrevenusà 101,85380-15-4 ww^— ■■■-■■■ * La Province étoit donc arriérée de . . 50,14907-10-1 La conformité de la matière nous engage à joindre ici un état de ce que chaque Province devoit en 17 12 pour les ar* rérages de la paye des troupes étrangères feulement. LaGueldre 368734 12 o La Hollande 59^377 $ I2 LaZeelande 425007 5 o Utrecht 337794 ° 6 LaFrife 71 1089 4 6 Groningue & les Ommelandes . . . 3*64 3 12 La Drenth 52802 3 12 2408148 io 10 Enforte que les arrérages montoient enfemble à environ un million & demi (d). En 17 16 & 1717 leConfeil d'Etat re- nouvella fes.inftances pour obtenir le rétablifTement de l'an- cien Arrêté, & les Etats-Généraux projetterent en 172 1 un (a) Aitzema l.ib. I. pag. 70. (3) Aitzema Liv. XV. pag. 199. (c) Aitzema Liv. XXIII. pag. ^17' (d) Voyez Lamberti Mémoires. Tom. Yllî. yag. 6, (S.:ou. -que £f Politique , des Provinces-Unies. 243 plan pour l'acquittement des dettes de la République. Il fut envoyé aux Etats Provinciaux ; mais juiqu'à préfent on n'a pu recevoir la réponfe des Provinces, En tems de guerre les contributions qu'on tire du pays XL ennemi , font encore une des principales branches des rêve- Autres «fé- nus. Elles rapportent dans certains tems des fommes fi con- ConfdH'Ewt! fidérables qu'en 1 648 le Receveur de la Généralité repré- fenta à L. H. P. que fa recette étoit diminuée par la paix de Munfler de fept cens quarante mille florins ( a ). Les contri- butions font perçues par un Receveur qui a différens Officiers fous fes ordres , & rend fes comptes au Confeil d'Etat. Il reçoit les fauves-gardes , l'argent des pafleports & les con- fiscations. Quant à la dépenfe , le Confeil exécute la diftri- bution ordonnée par les Etats-Généraux ; & ce n'eft qu'en leur nom qu'il peut établir & difpofer de tout ce qui fe tire du pays ennemi. Il juge cependant en dernier reffort toutes les conteftations qui peuvent intervenir à ce fujet. Autrefois on pouvoit appeller de ces Jugemens devant L. H. P ( b ) ; mais l'ufage a prévalu de n'en demander que larévifion ( c ). En 1661 les Etats-Généraux accordèrent au Confeil d'Etat le pouvoir de nommer à plufieurs Emplois militaires , de Fi- nance & de Police. Il entre quelquefois en Corps dans leur Affemblée ; mais ordinairement lesconférencesfepaffentpar députation de part & d'autre. Le Préfident de femaine eft toujours à la tête ; il propole le fujet delà délibération , & le premier Député du Confeil dit d'abord fon avis & recueill* les voix. Ces Députés prennent féance vis-à-vis le Préfident, mais à quelque diftance du Bureau. Le Confeil envoyé tous les ans quelques-uns de fes Membres pour vifiter les places de la Généralité , lesmagafins, & pour renouveller les fer- mes. Il nomme en tems de guerre un Député qui fe joint à ceux de L. H. P. pour afilfter le Général qui commande > & l'infpe&ion des munitions de guerre , de bouche & de tout (a) Réfol. de Holl. du 2f Juin , 1648 , dans Wicquefort Hift. des ProT.Unie*. Preuve l.Liv. III. pag. 391. (A) Aitzema Liv. XIX. pag. iif. (c) J. de RiemerDefcript.de la Haye Tom, l.chap. IV. pag. 147. H h if -' 244 Sect. VI. De l'Etat Civil, Militaire; ce qui re/Tortit au Confeil , lui appartient. Pour donner une idée plus complette du Corps le plus augufte de la Républi- que, nous rapporterons ici un Abrégé de l'Initru&ionque les États-Généraux lui remirent en 165 1 (a). Scsinftruc- " !• Les Stadhoudersdes Provinces y auront féance. Us fe* tiens. » ront regardés comme Membres du Confeil , & veilleront » avec le Préfident qu'on ne porte devant ce Tribunal au- j> cune affaire particulière , à moins quelle n'ait traite avec » celles fur lefquelles on délibère. Nota. Les Stadhouders ont perdu ce privilège par l'Ar- rêté de 1705. » II. On ne recevra perfonne qui ne profefle la Religion » Réformée. On exclut pareillement ceux qui font au fervice » des Rois ou Princes Etrangers , & ceux qui auront des Pa« » rens ou des Alliés dans la Compagnie au quatrième degré. » III. Le Tribunal s'afiemblera deux fois par jour , à neuf » heures le matin , & à trois heures après midi. » IV. Il veillera à conferver l'Union des Provinces , des » Villes & de tous les Membres de la République. » V. Il aura la direction des affaires militaires , conjointe* » ment avec les Députés de L. H. P. » VI. Il aura une attention finguliere de ne rien faire qui » porte atteinte aux privilèges , droits, prérogatives & uia- » ges des Provinces & des Villes. » VII. Il veillera pareillement fur les places frontières 8c » leurs garnifons. » VIII. S*il s'agit de changer les garnifons d'une Ville » dans une autre , ou de faire marcher des troupes , & que » L. H. P. veuillent prendre l'avis du Confeil , il informera » promptement la Généralité de l'Arrêté , & leur envoyera » les Lettres-Patentes qu'il fera expédier fans délai. »IX. Il eft, pareillement chargé de la vilite des places » frontières, dont il communiquera l'état à L. H. P. » X. Il examinera fi les fufdites Lettres font dans les for- » mes , paraphées Se lignées du Préfident de iémaine ? des Ça) Recueil des Placards. Tom. IV.p»g. iîj« (Rcoîtomique &■ Politique des Provinces-Unies. 245 » Députés des deux Provinces (lavantes , du Greffier , & » fceîlées du fcel des Etats-Généraux. » XL Si les Lettres contiennent pdes ordres pour chan- » ger les garnifons dans une Ville votante , il aura foin d'en- » joindre aux troupes de ne pas entrer dans la Province fans » avoir obtenu la permiffion de fes Etats , & laifTera le nom » des Officiers en blanc , afin que les Etats Provinciaux les » remplirent. » XII. Les- fufdites Lettres feront lignées par le Préfi- j> dent & le Secrétaire du Confeil , & expédiées aufïi prom- yf *> ptement qu'il eft poffible. » XIII. Si les troupes ont été rappellées d'une garnifon » pour des raifons particulières , elles y feront renvoyées » fitôt que la railon ne fubfiftera plus. » XIV. Le Confeil fera chargé de pourvoir aux approvi- » fionnemens de guerre & de bouche fur la frontière. » XV. Il aura foin parillement que les impôts le lèvent » d'une manière uniforme. » XVI. Et de faire exécuter à cet effet les Ordonnances 3-> des Etats-Généraux. » XVII. Il fera citer devant fon Tribunal les Fermiers, » Débiteurs, Receveurs Généraux & particuliers , &nepour- » ront les habitans d'aucune Province être traduits ailleurs « fans la permiffion de leurs Etats Provinciaux. » XVIII. Il .veillera à ce que tout Dépofitaire des deniers « publics rapporte chaque année un Etat de fa recette & dé- » penfe à la Chambre des Comptes ,un autre au Confeil d'E- » tar, & le troifiéme fera rendu au Comptable pour opérer fa « décharge. » XIX. Il ne pourra employer les deniers de la caiffe pu- »blique qu'au payement des troupes , ou aux frais de la » guerre. y> XX. Le Confeil d'Etat fera tenu de payer tous les mois y> la folde des foldats. » XXI. Les Ordonnances feront lignées par le Thréibrier » Général , par trois Confeillers de différentes Provinces , & 2+6 S e ct. VI. De l'Etat Civil , Militaire; j> par le Secrétaire du Confeil ; qui veillera à les faire porter » fur les regiftres de la Chambre des Comptes. » XXII. Il aura foin pareillement de la perception des »> impôts de convois & licentes établis par L. H. P. furl'en- i> trée & fortie des marchandifes. » XXIII. Que les Villes jouiffent pleinement de la liberté » qui leur eft accordée , en cas de néceffité , d'armer des vaif- » (eaux en guerre aux dépens de l'Etat , à condition d'en » donner avis aux Etats-Généraux. » XXIV. Il remettra tous les trois mois aux Etats-Géné- » raux un bref état des frais de la guerre , 8t des fommes cm- » ployées , & le double fera porté aux Etats Provinciaux. » XXV. Il tiendra pareillement regiftre des garnifons , » & fur la première réquifition il en envoyera copie aux » Etats des Provinces. » XXVI. Il veillera à fin qu'il n'arrive point de çhange- « mens dans les limites des Provinces particulières. » XXVII. Il aura foin de faire prêter aux Etats-Géné*. » raux & Provinciaux le ferment dû par les foldats , par les » Stadhouders, & parles Gouverneurs des Villes. » XXVIII. Il veillera pareillement à l'obfervation des » conditions portées par les Traités d'Alliance avec les » Puiffances Etrangères. » XXIX. Chaque Membre du Confeil pourra dire libre- » ment fon avis , & l'Arrêté fe formera par. la plurailté des ?> voix. S'il eft queftion d'une affaire dans laquelle le Parent » ou l'Allié de quelqu'un des Confeillers , ou lui-même fe » trouve intéreffé , il fera tenu de fortir du Confeil pen- v dant les opinions. v XXX. L'Arrêté fe formera en préfence de tous ceux » qui fe trouveront dans le lieu où fe tient l'Affemblée. » XXXI. Il eft défendu au Confeil de s'affembler pour » des affaires extraordinaires , à moins d'y inviter tous les »> Membres qui fe trouvent dans le lieu de l'Affemblée. » XXXII. Il eft pareillement défendu au Confeil de don» »? ner ni congés ni jpenfions aux dépens de l'Etat, (économique & Politique, des Provinces-Unies. 247 "XXXIII. Il ne pourra non plus donner décharge aux » débiteurs de l'Etac , ni quittance aux Fermiers , fans le con- » lentement des Députés de L. H. P. » XXIV. Il recevra les enchères en public pour les entre- » priles , arrérages & fournitures , les adjugera au rabais, 8c » donnera les mandemens d'acquit fur le Receveur Général y » qui délivrera des referiptions fur les Receveurs des Pro- f> vinces. » XXXV. Il fera défendu au Tréforier , au Secrétaire , » & aux autres Membres & Officiers du Cortfeil de prendre » aucun intérêt directement ou indirectement dans les fuldits » marchés , de ne recevoir aucun préfent , & s'ils en reçoi- » vent fans connoître celui qui l'a envoyé , ils feront tenus » d'en avertir le Confeil , qui en fera diftribuer la valeur aux » pauvres. Tous ces Officiers feront obligés à leur réception » de prêter ferment fur cet article, & de le renouveller tous »> les ans le premier Mardi du mois de Mai. » XXXVI. Ils feront tenus de fe purger par ferment fur »> le moindre foupçon. «XXXVII. L'Auteur du préfent fera condamné à une amende pécuniaire à l'arbitrage du Confeil. » XXXVIII. La défenfe de faire & recevoiraucun préfent «fera affichée dans l'Anti-chambre du Confeil, en Hollan- » dois , en François , en Anglois & en Ecoffois , avec in- » jon&ion aux Procureurs & Officiers fubalternes d'en don- » ner connoiffance à leurs Cliens. » XXXIX. Le Fifcal fera autorifé à citer devant leTiïbunai » ceux qu'il foupçonnera d'avoir fait ou reçu des préfens , & » leur procès fera fait & parfait fur fon réquifitoire. ""XL. Si l'accufation qu'il aura intentée fe trouve fauffe , » il pourra lui-même être pourfuivi devant le Magiftrat de la » Province, dont l'accufé dépend. » XLI. Toutes Lettres , Commiflîons , &:c. feront fi* » gnées du Préfident , d'un Confeiller de la Province inté- » reffée , & du Secrétaire , qui tiendra regiftre de l'expédi- » tion & du nom de ceux qui affiffoient à la délibération. » XLII. Lorfque l'affaire paroît importante , le Confeil 248 Si', ct. VI. De VEtat Civil, Militaire; » pourra convoquer la Confédération , c'eft-à-diic , le Gou- » vernement de chacune des fept Provinces , en averriffant » L. H. P. des raifons qui l'engagent à demander une Aflém- » blée Générale, ôc fous la condition expreffe :fauf le droit « des Magiltrats de ne pouvoir erre attirés hors de leur » refïbrt. » XLIII. Le Confcil fera tenu d'ouvrir fes féances au lieu » preferit par L. H. P. , & cinq Confeillers au moins feront » obligés de féjourner continuellement, dans la Ville in- » diquée. » XLIV. Les honoraires des Membres du Confeil feront » payés par la Province qui les aura nommés. Si l'un d'eux » vient à décéder , elle en fubftituera un autre qui de- » mandera l'agrément des Etats-Généraux , «Se recevra l'on » inftruction. » XLV. Les appointemens du Thréforier Général & du » Secrétaire feront payés par la Caifle générale, » XLVI. Le Secrétaire aura huit cens florins, » XLVII. On expédiera les affaires qui dépendoient des » Comtes , & qui font aujourd'hui fous la direction du Con- » feil , fous la formule : Par Ordonnance de Nos Seigneurs les » Etats-Généraux , fur le rapport du Confeil d'Etat. » XL VIII. Les affaires de moindre importante feront ex- » pédiées fous la formule : Par Ordonnance duConfeil d'Etat ; » mais toujours fous le feel , contrefeel & cachet de L. H. P. 5? XLIX. Le Confeiller auquel on confiera la garde du » Sceau , fera obligé de tenir regiftre des expéditions & des »> fommes qu'il aura reçues. » L. Les Confédérés n'entendent par les Préfentes nuire r> en aucune façon aux droits & prérogatives ni des Etats- ?> Généraux, ni des Etats Provinciaux» non plus que porter » préjudice aux ordres qu'ils pouvoient donner pour le bien » de l'Etat. Ils entendent pareillement que tout ce qui con- » cerne le Gouvernement & l'adminiflration de la Juftice , ** & qui n'eft pas expreffément attribué au Confeil d'Etat , » demeure fous la direction immédiate de L. H. P. &q.ue les a Compagnies Bourgeoises, ne foient aflujctties qu'aux Etats (Economique &• Politique des Provinces-Unies. 249 » de la Province , lorfque le befoin de l'Etat exige leur fer- » vice hors de leur territoire , fans que le Conièil d'Etat » puifle prétendre aucune infpetlion fur elles. |. » LI. Les Officiers du Confeil , avant de prendre pofTef- » fion de leurs places , feront tenus de jurer fidélité aux* » Etats-Généraux , de maintenir & défendre la Religion Ré- » formée , de renoncer à toute négociation avec les Provin- » ces au préjudice de la Généralité , de tenir les délibéra- » tions fecretes , furtout aux Miniftres Etrangers , d'obferver » exactement leur inftru&ion , & d'affirmer qu'ils n'ont rien » donné ni reçu pour leur nomination. » LU. S'il fe trouve quelqu'obfcurité dans ces Articles , » il n'appartiendra qu'aux Etats-Généraux affemblés avec i> le Confeil d'Etat d'en donner l'explication. Nota. On a depuis changé le XXI article , & l'on a at- tribué à la Chambre des Comptes la vérification des Ordon- nances pour payement ( a ). Le Confeil d'Etat efl fubordonné à quelques égards aux Ses Titres» Etats-Généraux , quoique fes Députés jouiffent des mêmes honneurs que les leurs , dans les Villes de la Généralité. On les qualifie dans les requêtes de Nobles 6* Puijfans Sei- gneurs , & dans le difcours on leur donne le titre de Nobles Puiffances. Le Thréforier Général porte aufïi le titre de Confeiller xn. d'Etat , & fes fondions durent autant que fa vie. Son Elec- _, ,Çh?rge d,c tion dépend des Etats-Généraux. Il fiege dans toutes les Af- néral. femblées ; mais il n'a que voix délibérative. Son infpettton s'étend fur tous les revenus de la République , quoique les deniers ne paffent pas par fes mains. Il veille fur la conduite des Receveurs & Commis employés à la perception des de- niers. Il efl chargé de repréfenter au Confeil d'Etat les abus qui s'introduifent dans le maniement des efpeces , & d'en propofer la réforme. Il vife les Bons de payement & les Or- donnances ; il en fait le rapport , les approuve & les ligne. Il dreffc les Pétitions ordinaires , les Extraordinaires & les («) Aitzema le Lion Rétabli, pag. ^9. Tome h I » 250 Sect. VI. De V Etat Civil , Militaire, Etats pour la guerre. Nous joindrons fon Inflruétion, pour mieux expliquer les fondions d'un pofte d'auffi grande im- portance. « I. Le Thréforier Général aura loin que les revenus , » tant des Provinces que de la Généralité , ioient perçus 6c v gouvernés fcomme il le doit. » II. Que les Baux à fermefoient pattes dans le tems , dans ;> les lieux & dans la forme convenable, qu'ils Ibicnt affichés » & publiés félon les régies preicrites, & il cil tenu d'avertir » le Confeil de nommer les Députés qui doivent faire les » adjudications. » III. Il tiendra la main à l'exécution de la difeipline mi- » litaire , & veillera pour empêcher les troupes de commettre » aucun délordre dans le plat-pays. » IV. Il aura foin de faire rendre exactement les comptes » des Receveurs , tant généraux que particuliers , & de les- x> faire porter à la Chambre des Comptes. » V. Il doit affilier à toutes les féances du Confeil , quoi- :> qu'il n'ait que la voix confultative. » VI. Il y fera le premier & fortira le dernier , fans qu'il » lui foit permis de s'abfenter , iï ce n'eft pour caufe de ma- 3> ladie ou autre empêchement valable qu'il fera tenu de j> prouver. » VII. Il ne pourra découcher de la Haye fans en infor- » mer le Confeil d'Etat & fans la permiffion de L. H. P. » VIII. Il a de droit la révifion des Ordonnances & des » Arrêtés du Confeil : s'il y trouve à redire , il doit les re- o> porter au Bureau , & s'il les approuve , il les fîgne le pre- » mier , & les prélente à ceux qui doivent les contre-llgner , » conformément à l'Inftru&ion du Confeil. » IX. Il doit expédier les affaires le plus promptement v qu'il eft poffible. » X. Il doit veiller à ce que tout fe pafle dans l'ordre au v Comptbir Général ôc dans la Chambré des Finances. » XI. Il doit prendre garde qu'on ne furcharge les Pro- » vinces de dépenfes inutiles , lorfqu'il s'agit des fortiiica- » tions , &c, (Economique & Politique des Provinces-Unies 251 » XII. Lorfque l'armée fe fépare & que les Députés des » Etais & du Confeil font de retour , il doit vifer les com- » ptes de la dépenfe , les préfenter au Confeil avec la répar- » tition de ce que chaque Province en doit fupporter & tenir » cet état prêt à repréienter aux Etats-Généraux à la pre- »miere réquifition. » XIII. Il doit pareillement veiller à ce que Pétât nécef- v faire pour l'entrée de la campagne foit préfenté dans le » tems convenable , & joindre aux Pétitions les raifons qui » peuvent déterminer les Provinces à accorder le fecours » qu'il demande. Lorfque le Confeil approuve le plan , & » que les Provinces ont confenti les contributions , il doit » travailler à la rentrée des fonds & à l'emploi des deniers, » XIV. II doit pareillement dreffer les Pétitions extraor- *> dinaires , & les faire agréer par le Confeil. » XV. Si quelque Province efl en retard , il doit en ren- » dre compte au Confeil , & recevoir fes ordres pour accé- » lérer les paycmens. » XVI. Il doit fur le confentement de chacune , faire j> fes remarques , & les communiquer au Confeil. » XVII. Il doit dreffer tous les états de recette & de dé- » penfe , & les faire approuver par le Confeil. » XVIII. Il aura l'infpettion fur les Receveurs , les Ma- » réchaux des Logis , & tous les débiteurs ou administrateurs » des deniers militaires. » XIX. Il doit, pour y parvenir , tenir un regiftre exa<3: j> de chaque adminiftration, » XX. Il doit exécuter les ordres qui lui font confiés , ?> fans égard pour perfonne, ni pour Ville, ni pour Pro- » vince. » XXI. S'il efl queflion au Confeil de quelqu'affaire qui ?> concerne fes Parens ou les Alliés , il doit en fortir , de s» crainte de gêner les fuffrages. j> XXII. Il lui eil défendu de recevoir aucun préfent fous *> peine de perdre fa Charge. » XXIII. Il dreffera fur de bons certificats un état dou- » ble des foldats en pied 3 & fera tenu de porter l'un aux Iiij 252 Srct. VI. De l'Etat Civil, Militaire; .. » Etats-Généraux , & d'envoyer l'autre aux Etats des Pro- )•> vinces. » XXIV. Il aura foin de faire légalifer par le Confeil les » certificats en forme, fur lefquels il dreiîera ces rôles. » XXV. Il fera tenu d'en relire les Arrêtés à la féance qui » luivra. » XXVI. Il aura foin qu'on ne délivre aucune Ordon- » nance ou Refcription fans un ordre du Confeil. » XXVII. Il doit veiller de tout fon pouvoir pour em- » pêcher que l'autorité de L. H. P. ne foit compromife avec » celle des Provinces, &que les dernières oblervent exac- » tement toutes les conditions portées par l'Union d'Utrechr. » XXVIII. H aura foin que les magafins foient en bon » état. » XXIX. Il tiendra les délibérations fecretes. y> XXX. L. H. P. fe réfervent le droit d'ajouter ou de re- » trancher ce qu'Elles jugeront à propos dans la préfente » Inftruétion. r> XXXI. Le Thréforier Général jouira du titre de Con- »> feiller d'Etat. » XXXII. Il fera ferment d'obferver la préfente Inf- » tru£tion. » XXXIII. Et celle du Confeil d'Etat. Charge de Le Receveur Général eft obligé de paroïtre tous les jours Receveur gé* aux Affemblées du Confeil d'Etat , pour y préfenter les Ii> ftru&ions & les Informations néceflaires & pour faire le rapport des affaires qui le concernent ; après quoi il doit fe retirer. Tous les revenus de l'Etat pafTent par les mains de cet Officier , & il en fait l'emploi fur les Ordonnances da Confeil d'Etat, à l'exception de ce que les Provinces payent par elles-mêmes aux Officiers ou aux créanciers de l'Etat. Il eft. encore, chargé de l'exécution des Arrêtés du Confeil qui regardent la Finance , l'état de la guerre & les referiptions du Confeil qu'on nomme AÛes de Demande ; il parle pour comptant les délégations du Confeil que le Receveur Géné- ral a reçues en payement , & qu'il rapporte dans fes comp- tes comme argent, de fa çaifle ?, ce dernier en étant refpon- tions. (Economique & Politique , des Provinces-Unies. 25$ fable jufqu'à ce qu'il les ait retirées. Lorfque le Confeil le rend en Corps aux Etats-Généraux , & dans les autres céré- monies , le Receveur Général eft regardé comme Membre du Confeil , & cette Charge étant la féconde , nous en don- nerons une idée , en rapportant le fommaire de fon Inf- truttion (a). » I. Le Receveur Général aura foin de faire rentrer & de Ses Inftrac- » percevoir tous les revenus de l'Etat, tant ceux qui pro- j> viennent des impositions ordinaires que ceux qui font j> produits par les impôts extraordinaires , enfemble les de- » niers levés fur la Généralité , & les contributions qu'on » tire en tems de guerre du pays enriemi. » II. Il doit compter & fe charger en recette du gain quî » fe fera fur l'échange & par l'augmentation des eipeces. » III. Il répondra & rendra compte des emprunts faits » pour la République , & des fommes qu'elle peut toucher » d'ailleurs. » IV. Il pourfuivra la rentrée de toutes les impofitions , » une fois confenties par les Provinces. » V. Il pourfuivra le payement des dettes des Receveurs « particuliers & autres débiteurs ; il fera cenfé en être payé » trois mois après qu'elles feront conftatées , s'il ne jufïifie » pas avoir fait les pourfuites néceffaires ; &: dans ce cas Te » Confeil lui fera expédier fa décharge. » VI. H ne pourra recevoir les deniers des Provinces que » fur une décharge fignée au moins de deux Confeillers d'Etat s» & du Thréforier Général. » VII. Il pourra donner des délégations fur les Provinces » & fur les autres débiteurs , pour faciliter les payemens de » part &. d'autre. » VIII. Il tiendra un regiflre exa& de ces décharges & » des quittances de payement , à moins que les circonftances 3) ou l'efpece de l'affaire n'exigent le fecret : auquel cas il » pourra tenir une fimple notice pour la repréfenter à la fin » de l'année au Confeil d'Etat & à la Chambre des Comptes* (a) Recueil des Placards Tom, V.pagv 1 j©*. 254 S e c T. V T. De VEtat Civil , Militaire J » IX. Il doit pareillement enregiftrer tous ces A£tes dans » fon Livre de Recette. » X. Il en fera refponfable & chargé jufqu'à ce qu'il re- » préfente l'original avec l'acquit. » XI. Si les Provinces s'excufent valablement de payer » le tout ou partie des lommes fur elles impofécs , il en in- » formera le Confeil, qui déchargera ion compte jufqu'à due » concurrence. » XII. Il doit pareillement tenir un état du retard des »> payemens. » XIII. Il ne pourra donner aucune décharge fans paye- » ment que par l'autorité du Confeil, » XIV. Il ne pourra retenir aucuns deniers pour lui ou » pour fes gens , 8c il fera tenu de porter la totalité de ce » qu'il reçoit dans fa caifTe & fur fa recette. » XV. H ne pourra difpofer de la moindre fomme fans un » ordre exprès du Confeil , ligné de trois Confeillers de dif- » férentes Provinces , du Trélorier Général & du Secrétaire, » XVI. Il pourra cependant acquitter , fans que l'ordre ?> foit néceflaire , les arrérages échus des deniers empruntés •> par la République , afin de foutenir fon crédit. =» XVII, Il fera tçnu de garder les originaux des obliga- « tions acquittées, » XVIII, Si le créancier ne fçait pas ligner fon nom , il » fuffira qu'il fafTe fa marque en préience de deux témoins » qui la certifieront véritable, » XIX. Les Ordonnances ne pourront être acquittées « qu'en argent ou par des délégations. » XX. Il expédiera les cédules pour reliant , & les fera « quittancer dans les formes lors de leur payement. =» XXI, Le créancier n'en pourra exiger la valeur que trois «mois après l'année révolue, & le Receveur fera tenu de » les porter dans fa recette jufqu'à ce qu'elles foient ac- » quittées, » XXII. Le Receveur fera tenu d'expédier promptement » les Ordonnances du Confeil , fans prétendre la moindre 9 reçonnoiffance pour l'efcompte, (Économique 61 Politique , des Provinces-Unies; 255 fe XXIII. Il obfervera avec exactitude , tant en recette » qu'en dépenfe les Edits & Réglemens qui concernent les » monnoyes. » XXtV. îl1 ne pourra efcomprer ou acheter aucun effet » de l'Etat , ni prendre intérêt? dans les Fermes , adjudica- « tions ou marchés qui feront faits pour le fervice de l'Etat. » XXV. Il pourra cependant prêter fon argent à la Ré- » publique , pourvu que l'obligation foitpaffée en fon nom , « Se qu'elle ne forte pas de les mains. » XXVI-, 11 lui eft expreffément défendu de faire l'agio » d'aucun papier de l'Etat. » XXVII. S'il contrevient au précédent 'article, il perdra » fa Charge , & ne pourra exiger le payement de l'effet ef- » compté , dont dès maintenant L. H. P. prononcent la' » nullité. » XXVIII. Il aura foin de tenir un Journal exact de fa" » recette & de fa dépenfe , qu'il rapportera par articles fur » deux regiftres , dont l'un contiendra la recette des Pro- » vinces & du Pays de Drenth , & l'autre la recette de la j> Généralité ; il en tiendra deux autres pareils pour la dé- » penfe. »XXIX. Il dreffera tous les mois ces doubles états, & j> fera tenu de les remettre auGonfeil avant le 10 du mois » fuivant. » XXX. Il délivrera tous les ans à la Chambre des Com- » ptes deux états pareils , l'un de fa recette , l'autre de fa » dépenfe. » XXXI. On forcera fa recette du montant des cédules « pour refranr de plus groffes fommes qui ne feront pas ac- ?> quittées dans les trois premiers mois de leur échéance , & » elles feront réputées à fa charge jufqu a leur payement. » XXXII. On comprendra dans fa dépenfe les intérêts & 31 les capitaux acquittés. » XXXIII. Il fournira avec fes comptes de recette & de » dépenfe un bilan ou état balancé d'avoir & de devoir, j> afin que le Conieil puiffe juger d'un coup d'œil de l'état de v fa Gaiffe» 25<î S e c t. V t. De l'Etat Civil , Militaire ; »> XXXIV. Il y joindra une Table alphabétique des noms » de ceux qui auront reçu ou payé quelqu'argent , avec in- » dication des pages où leur article eft porté. « XXXV. Le Receveur affirmera par ferment que fes » comptes font drefles Ici on la vérité. » XXXVI. S'il s'y trouve quelqu'erreur , il payera le dou- » ble de la fomme omife, fauf ion recours fur le Commis qui" » aura fait l'erreur. » XXXVII. Il ne portera point dans fon compte les Or- » donnances qui ne doivent être acquittées que l'année fui- » vante. »XXXVIII. S'il porte en compte quelque recouvrement, » il doit indiquer quand & par quel article la fomme a été « portée à fa charge. » XXXIX. On ne lui tiendra compte des diminutions d'ef- » pece , que lorfqu'il aura conftaté par un procès-verbal figné » des deux Députés de l'Etat , que la fomme exifloit dans fa » caifle avant la diminution. » XL. Si l'Etat a befoin d'argent , le Receveur fera tenu » de lui prêter fon crédit , pour faciliter l'emprunt à l'intérêt » le plus modique qu'il pourra. » XLI. Il pourra porter en compte l'intérêt qu'il fera tenu « de payer , en déclarant que ni lui ni fes Commis n'en re- i> tirent aucun profit. » XLII. Il aura un demi-florin pour cent de bénéfice fur « les fommes qu'il fera trouver, à l'exception des emprunts, »pour lefquels L. H. P. donneront des obligations en » payement. « XLIII. Il fe munira d'une Réfolution de L. H. P. qu'il « fera obligé de repréfenter au Confeil d'Etat avant de faire » l'emprunt. » XLIV. H fera chargé du rembourfement des fommes » empruntées par lui , fans qu'il foit tenu de conftater , fi les « obligations ont été données en vertu de Réfolutions , à » moins que L, H. P. n'en ayent autrement ordonné. » XLV. Les emprunts cependant faits fous la garantie de i» L. H. P. feront rembourfés fuivant leurs numéros , & les » porteurs (Economique & Politique , des Provinces-Unies 257 » porteurs defdits effets feront avertis deux mois avant le « rembourfement, » XLVI. Le Receveur fera tenu de n'avertir que ceux » qu'il eft en état de rembourfer. » XLVII. Il doit prendre fon logis dans le voifinage du » lieu où le Confeil d'Etat s'affemble , afin d'être à portée de y- comparoître auffitôt qu'il efï mandé. Il ne doit jamais dé- » coucher de la Haye , fins en avoir informé le Préfident du » Confeil. » XLVIII. Il fera admis à l'AfTemblée de L. H. P. toutes » les fois qu'il aura quelque repréfentation à faire ; il fe trou- j> vera à chaque féance du Confeil d'Etat pour recevoir fes y. ordres , •& il en lortira après les avoir reçus. » XLIX. Il ne fçauroit être trop exad & trop affidu pour >; remplir les fonctions de fa Charge. » L. Il doit avoir un nombre futfifant de Clercs & de Com- *»' mis bien inftruits dans la Finance & les affaires , s'il veut » faire plus sûrement & plus commodément fa recette. j> Nota.- Le Bureau général eft actuellement eompofé de 3? neuf Commis , dont quatre Ambulans , de fix Clercs & y. d'un Huiffier. Ils doivent avoir l'agrément des Etats-Géné- j> raux 6c du Confeil d'Etat. S'ils font envoyés dans les Pix> » vinecs pour les recouvremens , fur la frontière ou bien à » l'armée pour faire des payemens , on leur donne quatre » florins par jour, & trente fols pour leur Affiliant, outre >; les frais du voyage. » LI. Le Receveur Général donnera caution folvable au j> moins pour cent mille florins ; fes répondans fe foumettront »? à la Jurifdi&ion du Confeil d'Etat , & renouvelleront leur » obligation tous les fix ans. » LII. Le Receveur aura cinq mille florins par an , dont a il entretiendra fes Commis , fes Clercs & l'Huiffier ; de 9 plus fix cens florins pour les frais du Bureau , douze cens » florins pour fon premier Commis , huit cens pour le fe- » cond , douze cens pour les trois Ambulans , & trois cens » pour l'Huiffier. » LUI. Il lui efl défendu , comme à fes Commis de rien Tome L K h 258 Se ct. VI. De l'Etat Civil > Militaire} » exiger pour le droit de quittance , de dépêche ou de délé- » gation , ni Tous quelque prétexte que ce foit. Il leur eft pa- » reillement défendu de recevoir aucun préfent, fous peine » de payer une amende du quadruple de la valeur Se de per- » die leurs places. » LIV. L. H. P. fe réfervent le droit d'augmenter , re- » trancher, amplifier , ou diminuer ce qu'ils jugeront à pro- » pos dans la prélente Inftruttion. » LV. Le Receveur Général prêtera ferment devant L. » H. P. d'obferver exactement fon inftru&ion. Secrétaire du Le Secrétaire du Confeil d'Etat poffede fa Charge tant &° Vs fonc- °lu ^ VK ? il efl à la nomination des Etats-Généraux. Il doit ùons, affifter à toutes les féances du Confeil , & rappeller au Pré- fident les affaires fur lefquelles il faut délibérer , commen- çant toujours parcelles qui regardent le Public ; il doit enre- giftrer les délibérations & les Arrêtés. Il a l'infpe£tion fur les Bureaux de dépêche , affilie avec le Thréforier Général aux Affemblées & Conférences avec les Députés des Etats- Généraux, prépare les matières qu'on doit mettre- fur le ta- pis ; & comme ils affilient en qualité de Commiffaires plutôt qu'en celle d'Officiers'du Confeil d'Etat 7 leur voix eft comp- tée avec celle des Députés de L. H. P. X 1 il. Le Confeil d'Etat ne pouvant fuffire aux affaires que l'aug- cimpteu d" mentat^on des fubfides & la dépenfe de la guerre multi- plioient tous les jours, il fut déchargé par les Etats-Géné- raux de la ré vifion & de l'apurement des comptes , &L.H.P^ érigèrent en 1607 une Chambre à cet effet, dont l'inftruction fut dreffée l'année fuivante. On y fit des changemens en> 1 62 2 ; & ce ne fut qu'en 1 65 1 qu'elle acquit toute l'étendue de fa Jurifdi&ion (a). Ses Offeicn. Cette Chambre eft compofée de quatorze Députés , dont chaque Province envoyé deux. La Hollande choifit alterna* tivement le premier dans l'Ordre de la Nobleffe & dans la Bourgeoifie des Villes votantes de la Sudhollande ; le fé- cond eft nommé par celles de la Nordhollande , le tour de (a) Aitzema. Liv. IV. Jflg. 74^. Recueil d«s Placards, Tom. lV-pag. 134- & (Economique 6* Politique , des Provinces-Unies^. 259 chacune étant réglé par rapport aux contributions dont elles font chargées. Celui d'Alkmaar , de Hoorn & d'Enkhuizen revient le plus fouvent ; Schiedam , Schoonhoven & la Brille ont fait juiqu'à préfent de vains efforts pour participer à ce droit. Les deux Secrétaires du Tribunal font chargés de re- cevoir les comptes , de les revoir & de les préienter aux Chambres. Ils ont fous eux plufieurs Clercs ou Commis qui font payés auiïi bien qu'eux par la Généralité , & chaque Province efl chargée des honoraires de ceux qu'elle députe. Ils fe partagent en deux Bureaux qui s'aiïemblent deux fois par jour, à l'exception des Dimanches, & travaillent pendant Jûx heures. On porte à cette Jurifdidion : I. tout ce qui regarde la Fi- SesFon&onsi nance , non pour la recette , mais pour la dépenie ; c'eft ce qui regarde le premier Bureau. 1 1. Ce qui rentre dans les Cailles particulières des Provinces du produit de l'entrée & de la fortie des marchandifes. Ces droits font perçus par des Bureaux érigés par les Amirautés , dont les Receveurs por- tent leurs comptes au fécond Bureau. III. Le Receveur Gé- néral y préfente auiïi les fiens. IV. Tous les Dons , Brevets, Ordonnances , &c. du Confeil d'Etat , y font enregiftrés , & ne font payables que fur le vu de la Chambre des Comptes. V. On y préfente pareillement les déclarations , mémoires de dépenfe & de frais faits par les Députés des Etats-Géné- raux & du Confeil d'Etat , & ce qui concerne les Miniflres Etrangers ( a ). VI. La Chambre reçoit auiïi les comptes des Receveurs particuliers , des Direfteurs , des Fermiers , des Prépolés en tems de guerre pour la perception des contri- butions établies fur l'ennemi , des revenus des biens Ecclé- fiaftiques , de ceux de la Généralité , du produit du grand & du petit Sceau , des fiefs & domaines , du papier timbré , & généralement de tous ceux qui touchent ou perçoivent les deniers publics. Ce droit a caufé de grandes conteflations entre le Confeil d'Etat & la Chambre des Comptes ( b). Le premier prétendoit qu'étant chargé de tenir la main à la (,ag. 137. 2 fo S e c T. V I. De l'Etat Civil , Militaire ; Commiftàire des pontons 8c bateaux , des Entrepreneurs des vivres , &c règlent les journées de ceux qu'ils ont employés pour le fervice de la campagne. Ils ne peuvent comprendre dans ces comptes que les fommes acquittées , 8c ils doivent porter fur un état féparé les avances & frais qui font dûs pour être pourvu à leur payement par la Chambre des Comptes ; III. Ils doivent connoître des mémoires arrêtés à l'armée fous l'infpe&ion des Députés des Etats-Généraux & du Con- feil d'Etat ; ces comptes feront portés à la Chambre des Comptes & au Confeil , qui garderont chacun un double de la liquidation. IV. Les Ordonnances du Confeil pour folde de compte , & les déclarations des Commis de Finances y feront pareillement enregiflrés , pour opérer leurs payemens. Chambre des j_,a Chambre des Monnoyes de la Généralité créée avant Monnoyes. l'Union d'Utrecht , fut rétablie peu de tems après. Chaque Ville , en qualité de Souveraine , s'attribuant le droit de fa- briquer des elpeces , leur multiplicité & les différences de La valeur ruinoit entièrement le Commerce. On étoit convenu par le douzième Article (a) de faire un Règlement pour en fixer la taille , le poids & la valeur numérative , 8c chaque Province avoit promis de l'exécuter. On érigea pour-lors un Tribunal pour veiller aux contraventions , & cependant on ne put parer entièrement aux abus. Les Etats de Hollande furent obligés de défendre en 1704 & en 1705 les Ecus de Nimegue , parce que leur alloi étoit de trente-trois fols fur cent florins plus bas que celui qu'on avoit fixé ,8c le 6 Août , 17 14, ils défendirent le cours des florins de Frife , plus lé-* gers d'un & demi pour cent que le taux de l'Ordonnance. Nimegue , Zutfen , Campen , Zwoll & Groninguc ayant des droits de Monnoye impériale , fe prétendoient au-defTus des Réglemens généraux , & L. H. P. ont été contraintes , pour les obliger à fe conformer au cours ordinaire , de leur accorder des indemnités pour fe conformer aux changemens des monnoyes ; elles n'étoient d'abord que de deux mille («) Recueil des Placards. Tonu V'pag. j8o. 981. Se 994* & Fonctions. (économique & Politique des Provinces-Unies. 263 florins par an pour chaque monnoye , elles font montées à quatre mille (a). La Chambre des Monnoyes eft compofée de trois Con- Ses Officiai feillers ou Maîtres des monnoyes , d'un Effayeur général & d'un Secrétaire, qui font à la nomination de L. H. P. & tiennent leurs féances dans le Palais des Comtes fous la garde d'un Huiffier. Sa Jurifdiction s'étend fur toutes les elpeces Nationales & Etrangères , dont elle peut interdire ou per- mettre le cours , en déclarant billions celles qui font faufles , trop légères , ou dont l'alloi n'efc pas au taux de l'Ordon- nance. Elle fait tous les ans la comparaifon des vieilles & des nouvelles ; elle juge en dernier reffort toutes les contefta- tions qui interviennent fur la valeur intrinféque , & fur l'or & l'argent employés par les Orfèvres , les Jouailliers & les Metteurs en œuvre , contre lefquels elle prononce en cas de délit, des amendes 8c la confiîcation. Les Eflayeurs , les Agens de Change , les Courtiers & les Banquiers qui trafi- quent la monnoye étrangère , font fournis à ce Tribunal. Il veille à l'obfervation des Edits qui le concernent , infhuit les procès des contrevenans & prononce des indemnités pour ceux qui fe trouvent léfés ; mais iî le crime exige des peines affli&ives , il doit renvoyer la connoiflance de l'affaire de- vant le Conléil d'Etat. Il tient tous les ans une Aflemblée , où fe rendent des Députés de différens Collèges , pour être préfens à la comparaifon des efpeces , & l'on enferme fous le fceau du Tribunal une pièce de chaque efpece , pour fervir à la comparaifon de l'année fuivante. Cette Chambre fe gou- verne encore fuivant l'inflruction qui lui fut donnée en 1535 par Marie , Reine d'Hongrie , & Gouvernante des Pays-Bas ; mais elle fe conforme aux Réglemens publiés depuis par les Etats-Généraux. L'ancien ufage étant de faire des calculs avec des Jettons , cette Chambre faifoit frapper un certain nombre de médailles , fous une Emblème qui changeoit tous les ans , & dont on donnoit une bourfe aux Membres des (a) Conf. Recueil des PlacarJs. Tom.V.pag. 578. Griefs génér. & particul. à la Charge des Régens de Nimegue. n. XXIV. pag. 30. Aitzema Liv. XXIX« pag, 601, L'Auteur Aucnyme de k Prière PubliqueParr. Ul.pag. 17$, %6j[ Sect. VI. De l'Etat Civil, Mil/taire; Etats-Généraux , aux Conlcillers d'Etat , aux Officiers de la Monnoye ôc à ceux des autres AfTcmblécs. Cet uiage fut aboli, ôc le dernier jetton tut frappe à Utrccht en i6yi ; mais le Préicnt fubiifte , Se le fait en efpeces : la valeur eft d'environ quatre-vingt-un florins (a). Les inconvéniens qui juivent l'augmentation & la diminution des efpeces, & que la République a ibuvent éprouvés, ont déterminé les Etats- Généraux à ne plus y toucher depuis long-tems. Le Ducat d'or qui ne valoir que vingt-fix lois en 1485», fut haufle à trente-neuf en 1520 ; à quarante- huit en 1526 ; à foixante- quatre en 1586 ; à foixante-douze en 1598 ; dans la fuite il monta fuccelïivemcnt à foixante-feize , à quatre-vingt , à cent , & s'efl enfin fixé à cent cinq. Les Etats eurent recours à différens moyens pour forcer les peuples à recevoir ces changemens , & principalement fous le Gouvernement du Comte de Leicelter, où pour faire honneur à la Reine d'An- gleterre , on ff*appa des efpeces de beaucoup trop légères au coind'Elifabeth(6). Chambre Le XXIe. Article de la Paix de Munfler avoit donné Mi-partie. naiflance à un Tribunal qui ne fubfifte plus. C'étoit une Chambre Mi-partie d'Efpagnols & de Hollandois , pour dé- cider les conteflations que le voifinage pouvoit occalionner entre les deux Nations (c). Nous en parlerons plus au long dans le Corps de YHijloire. XIV. Il nous relie à parler des Collège de V Amirauté , dont il Amirauté. efl. Crès— Avril, 1677. Le Grand Recueil des Placards. Tom> y.pag. 309. . (b) Recueil des Placards. Réfol. du 31 Juillet, 1725. An. XLIII. XLIV. XLV. CCVI. & CCXII. (r) Van Zurk Codez Batav. Tir. Amiratte'. §. III. 11. A. pag. 12. Manif. «TAmflerd. Tom. I. Lit>. I. chap. ll.pag. 3. & chap. Vll.pjg. 1 $. Confult. du Hol- land.Tew. I. Confult, CCCXl.pag. joj, abandonnées. (Economique & Politique , des F r ovine es -Unie s. 273 abandonnées à leur Jurifdi&ion , telles que les délits com- mis dans les havres , fur les rivières , aux portes où leurs Bureaux font établis , & dans les places où l'on charge ôc décharge les vaiffeaux (a). Il efl recommandé aux Villes & aux Provinces, lorfqu'elles nomment ces Officiers , d'exami- ner fi celui qu'ils choififîent n'a point de parent au quatrième degré , ou d'allié au troifiéme , dans le Tribunal où il doit entrer ; il eft même défendu de demander de difpenfe fur ce point (b). L'Elu doit affirmer qu'il n'a fait aucun préfent pour obtenir fa place, ce qu'on non.me Juramentum purga- tionis » Serment purgatoire». En fécond lieu il doit jurer d'obferver fidèlement fon Inflruûion & les ordres des Etats- Généraux ; de n'acheter aucunes marchandifes des prifes ou confifeations ; de ne prendre jamais d'intérêt dans les Armé- niens ; de ne recevoir des préfens de qui que ce foit ; de ne faire acception de perfonne , & de ne fe mêler directement ou indirectement d'aucune fourniture ou marché (c). Les ap- pointemens font de mille florins & quatre cens pour loge- ment ( d ) ; on leur paye cinq florins quinze fols, par jour , quand on les oblige à quelque voyage. Chacun préfide à fon tour pendant fa femaine. Le Conleil difpofe des emplois fubalternes , & L. H. P. nomment le Fifcal , le Secrétaire , le Receveur & le Commis Général. Les Etats de la Province où le Collège réfide , difpofe des Charges de la Marine. Ce Confeil efl tenu de les avertir des places qui viennent à va- quer ; les Etats de leur côté le prient de leur indiquer les fu- jets les plus capables , & le choix fe fait entr'eux fous la re- ferve du droit de nommer par eux-mêmes , lorfqu'ils le ju- geront à propos. L'Amirauté d'Amfterdam ayant employé en 1 66ç) le terme de nomination au lieu de présentation , fut mandée par les Etats de Hollande & vivement répriman- dée (e). (a) Recueil des Placards. Tom. IL col n8 <;.Tom. III. pag. iyji. (b ) Réfolut. du tems de De Wht.pag. 773. ( r ) Voyez les Inftruô. & Réfolut. du tems de De Wht.pag. 783. (d) Recueil des Placards de l'Amirauté. Tom. I.fol. 41. Tom. II. fol. 3*8. & le Grand Recueil des Placards , Tom. III. pag. 11^3. ( e ) Réfolut. de» Etats de Holl. du 1 j Mai , 166?. Tome I. Mm S*f S e c t. VI. De VEtat Civil, Militaire , X V. La place de Grand-Amiral ou Amiral-Général étoit au- Grand Ami- trcf0is réunie dans la Mailbn d'Orange avec le Stadhoude- rat. Cet Officier préfidoit à tous les Collèges , & donnoit aux flottes les routes & les ordres qu'elles dévoient luivre. Aucun cependant n'a voit monté de flotte , à l'exception de Guillaume III , lorfqu'il pafla en Angleterre en 1688. La plupart des expéditions navales le lont faites fous le com- mandement du Lieutenant-Amiral-Général ou des quatre Lieutenans-Amiraux & Vice-Amiraux de la Meule , de la Zuiderzce , de Nordholhnde &. de Zeelande. Le Lieute- nant-Amiral de Ruiter obtint le privilège de préfider dans les Collèges (a). Les Etats-Généraux expédient la com- miflion , & l'initruclion de celui qui doit commander , & les Collèges délivrent les ordres à ceux qui convoyent les vaif- feaux marchands. L. H. P. ont quelquefois joint au Com- mandant un Confeil tiré de leur Compagnie , qui remplit fur la flotte la même commiffion que celui des Armées de terre (6). Divifiondes La flotte en fe mettant fous voile fe divife en trois Efca- dres , fous les titres d' Avant-garde , de Corps de Bataille ou Pavillon & d'Arriere-garde, qui lont diftinguées par les cou- leurs de leurs flammes. Chacune d'elles eft encore fubdivifée en Aile droite & gauche. Chaqu'Efcadre eft commandé» par fon Lieutenant-Amiral 5 qui a fous lui un Vice-Amiral & un Schout-by-Nagt ; les flottes commencent ordinairement le combat par le côté , & l'Avant-garde donne la première , à moins que le vent ou le courant ne les force à changer leurs difpofitions. L'Amiral ou Chef de la flotte aflemble à fon bord le Confeil général : fon vaifleau porte le Grand Pavil- lon , & fe diftingue par fes flammes & les feux. Il donne les ordres pour le combat , & régie les fignaux. Quand l'A- miral feroit tué dans le combat , fon vaifleau ne quitteroit point fes marques , de crainte de jetter l'épouvante dans fa flotte. Il a toujours à fon bord le Fifcal & le Secrétaire ; ce dernier tient regiflre de tout ce qui fe pafle. (a) Réfolut. des Etats de Holl. du 10 Décemb. i66f, dans Brand Vie de Bg Ruiter. pag. 4^6. V b ) Aitiema Liv. XIV. pag. 9 6 8 . Brand Vie de Ruiter. pag. î ti. Flottes. (Economique & Politique , des Provinces-Unies. 275 Le Fifcal pourfuit les criminels cà fa requête ; lorfque le Confeils de procès efl inflruit , l'Amiral arbore le Pavillon rouge pour Guerre« affembler le Confeil général , & l'Arrêt fe forme à la plura- lité des voix. Les fimples délits font punis par la confifca- tion des mois & la prifon. On condamne les criminels à paf- fer un certain nombre de fois fous la quille ou la carène du vaiffeau , à être précipités de la vergue dans la mer , à être fufligés par l'équipage , attachés au mât du vaiffeau , mis aux fers au pain & à l'eau ; & fi le criminel mérite la mort , on le pend aux vergues ; on le pafle par les armes , ou on le jette à la mer. Lorfqu'il efl: queflion d'infliger ces fupplices, ioic que l'Acculé foit Officier , foldat ou matelot, il ne peut être jugé que par le Grand Confeil de la flotte , où tous les Officiers de terre & de mer font obligés de fe rendre , juf- ques aux Capitaines en iecond inclulivement. Si la faute efl moins grave , il efl jugé par le Confeil du vaiffeau , où l'on appelle les deux Capitaines , le Lieutenant, l'Enfeigne & les Sergens. On tient un regiflre exact de tout ce qui fe fait dans ces procès , dont l'Amiral doit rendre compte à fon retour au Confeil d'Etat & à L. H. P. Ces Confeils prononcent fou- verainement , quand la flotte efl en mer ; mais la confîfca- tion , lorfqu'elle a lieu , ne peut s'étendre que fur les gages & les effets que le criminel a dans le vaiffeau. Le génie d'épargne , naturel à la Nation , fe fait fentir dans AppomtM°"nance$ L. H. P. ont une attention finguliere fur la Marine, & le Corps des Ordonnances qu'elles ont faites pour les Amirautés,, defeend dans un grand détail. Nous ne pouvons nous dif- penfer d'en donner un extrait, Les Arrêtés de 1702 & de 1703 (6) , ordonnent » de faire foir & matin la prière pu- » blique fur chaque vaiffeau. Il eft exprelfément enjoint à » chacun de s'y trouver , fous peine de quatre fols d'amende » pour la première fois , huit pour la féconde , & pour la troir » fiéme aux fers , au pain & à l'eau pendant huit jours. Qui- » conque prononce un jurement, paye un efealin & eft'fuftigé » devant le mât par le Quartier. Tout Matelot, Officier ou » Soldat qui s'enyvre, fera huit jours au pain & à Teau, 8c » fi fon yvreflfe a des fuites , il fera puni félon les cas. Pour » prévenir de pareils accidens , il eft défendu aux Officiers >*de fe régaler entr'eux , & d'avoir à bord des cartes ou des » dez. Si quelqu'un provoque fon camarade au combat , il » fera précipité de la vergue & fuftigé par le Quartier ; s'il » tire le couteau , il fera cloué avec le couteau au mât par la » main , où il reftera jufqu'à ce qu'il l'arrache lui-même ; s'il » a bleffé , il fera paffé trois fois fous la quille ; & fi le blefie circonftances. Ceux qui feront defeendus au point de ne v pouvoir atteindre l'ennemi , forceront de voiles pour le re- joindre. Si la flotte a lèvent, chaque vaifleau s'efforcera » d'en venir à l'abordage 8c de fe rendre maître du vaifleau »> oppofé ; ôc celui qui négligera fes avantages , fera puni de » mort. Les Efcadres auront attention de conferver leurs di- ?> fiances pour ne pas fe nuire réciproquement , «fe principa- » lement lorfqu'il s'agit de difputer le vent. Celui qui n'o- » béira pas au lignai , pour aller en avant ou en arrière , fera » puni de mort. Lorfqu'un vaifleau eft démâté , ou mis hors » de combat , le plus proche eft tenu de lui jetter un cable » pour le remorquer hors de fon rang , 8ç s'il ne peut le tirer » du feu de l'ennemi , il doit le brûler ou le couler à fond » plutôt que de le laifler entre fes mains. Les brûlots pren- « dront porte entre les vaifîeaux de la première ligne pour » être à portée de s'attacher à l'ennemi à la faveur de la fu- » mée & du canon. Les vaifleaux les protégeront de tout >> leur feu , & tiendront leurs chaloupes prêtes à fauver leur » monde , auflltôt qu'ils les verront attachés à l'ennemi. Cha- » qu'Officier animera fon Equipage pendant le combat par » la crainte des punitions & l'efperance des récompenies. j> L'Amiral aura foin d'avoir fur chaque bâtiment des per- 3> fonnes sûres pour l'exécution des Préfentes , & le Schout- » by-Nagt fera finguliérement chargé de rendre compte* de »> tout ce qui fe fera pafle , afin que L. H. P. foient en état 3) de récompenfer la valeur & de punir la lâcheté au retour » de la flotte. » Lorfque la Garde fera pofée , il fera défendu de parler » une langue étrangère , de faire des fignaux de feu ou de (Economique &* Politique , des Provinces-Unies. 279 » bruit , fans néceffité , ni de demeurer debout , fous peine » d'être mis quatre jours aux fers. Si quelqu'un va à terre j> fans permiffion , ou quand il n'eft pas de quartier , il fera » amendé d'un florin, & n'aura point à manger pendant » vingt-quatre heures. Celui qui ne reviendra à fon bord » qu'après la garde paflee , fera quinze jours au pain 8t à » l'eau ; s'il paffe la nuit à terre , il fera précipite trois fois » de la vergue. Ceux qui y refieront plus que leur congé ne » porte, feront punis de même. Il eft défendu à qui que ce » l'oit de defeendre du vaiffeau fans permiffion , fous peine » de perdre fa paye , &c. » Les vaiffeaux de guerre traiteront avec civilité les Amis » de l'Etat, fans cependant fouffrir aucune chofe qui marque » du mépris ou lui porte détriment. Il eft défendu fous peine » de punition corporelle de faire ni tort ni préjudice aux ha- » bitans des côtes, ni de les traiter hoftilement , fans un or- » dre précis du Commandant. Il eft pareillement défendu » d'entrer ou paffer fur un vaiffeau marchand ou autre fans » permiffion. » Il eft défendu de porter de la lumière dans le vaiffeau , » d'y fouffrir de la paille ou du foin , ni de fumer ailleurs » que dans l'endroit deftiné à cet ufage. On doit ménager la » boifîbn & les autres provifions, auffi bien que la poudre à » canon , & pour cet effet les falves d'honneur ne feront ti- » rées que par le vaiffeau qui porte le Pavillon. Si quelqu'autre » falue , il fera condamné à une amende de vingt-cinq flo- » rins pour chaque coup de canon , de cinquante en cas de » récidive & cafté pour la troifiéme. Il eft pareillement dé- » fendu de tirer fur l'ennemi avant d'être à portée , & de ■» vendre ou troquer fes armes. Ceux qui font chargés de la » garde des munitions , en feront refponfables> , & rendront » compte au retour de la recette & de la dépenfe. Il eft dé- » fendu , fous peine d'être pendu , de vendre de la poudre » ou des boulets. Ceux qui montent au mât , feront tenus » d'examiner les cordages & de les tenir en bon état. Il ne « fera permis qu'aux Canoniers de defeendre à la Sainte » Barbe , fous peine contre tout autre de perdre un mois de zso S b c T. V I. De VEtat Civil , Militaire ; » gages & de paffer trois fois fous la quille. Les Officiers exer- » ceront chaque jour lés foldats au maniement des armes «Se j> les matelots a la manœuvre. Le Charpentier doit veiller » à la clôture du bâtiment , fous peine de dédommager fur j> fes gages la perte que fa négligence occaiionneroit. Le » Maître de Quartier fera jour & nuit fur. le Pont pendant » fon fervice , fous peine d'être paffé fous la quille du vaif- » feau. Il doit faire bonne garde , refter fous la main pen- » dant les repas ôc defeendre fous le pont quand le repas effc » fait , pour faire ferrer les refles a fous peine d'être précipité « trois fois de la vergue. » Les Capitaines & les Commandans auront foin que l'E- » quipage foit fervi fuivant l'Ordonnance & que l'eau ne » manque pas. On donnera par tête une livre de fromage » d'Edam , ôc une demi-livre de beurre par femaine : ceux » de la cahutte auront double ration. On donnera le gruau « le matin. Le Dimanche à dîner une demi-livre de porc » fumé, ou une livre de mouton ou de bœuf, avec des pois » gris à volonté. Le Lundi , le Mardi & le Mercredi on di- » ftribuera du ftoevis & des pois blancs ; le Jeudi une livre » de bœuf ou trois quarterons de porc frais. Le Vendredi ôc » le Samedi du ftoevis & des pois. On diftribuera la bierre » fans la mefurer jufqu'au Cap de Finifiere , paffé lequel on » ne donnera plus que de l'eau. Dans k Méditerranée on » fervira à l'équipage de l'huile au lieu de beurre , & quatre » livres de bifeuit à la place du fromage ; dans les Mers Oc- » cidentales on diftribuera un verre de vin par defïus le gruau, « Il eft défendu de murmurer fur la diflribution des vivres. » Si quelqu'équipage a lieu de fe plaindre , il s'adreffera au » Commandant en chef. Il eft défendu de porter à boire ou » à manger à ceux qui font en punition , fous peine de per- « dre un mois de paye. Il eft défendu de quitter fa chambrée » pour manger dans une autre ; il eft pareillement défendu » d'emporter ou de cacher des vivres ; fi quelqu'un en prend » de force dans la bottellerie , il fera paffé trois fois fous la » quille 8c fuftigé par l'équipage. v Ceux qui ieront blefTés en faifant leur fervice ou dans (Economique &* Politique > àes Provinces-Unies, 281 » le combat , feront panfés aux dépens de la République. » S'ils refient hors d'état de gagner leur vie , ils auront à leur » choix une fomme une fois payée ou unDucaton par femaine » à dépenfer. S'ils demeurent eftropiés , on leur payera pour » la perte florins. » Des deux yeux . 1500 » Pour un œil 350 » Pour les deux bras 1500 » Pour le bras droit 450 » Pour le gauche '350 Pour les deux mains 1200 Pour la droite 350 Pour la gauche 300 Pour les deux jambes 700 » Pour une jambe 350 » Pour les deux pieds 450 » Pour un pied 200 v Les moindres bleffures à proportion (a). » Le Commandant de la flotte aura foin que les Chirur- » giens s'acquittent de leur devoir , & fera vifiter les blefles » & les malades par le Médecin & le Chirurgien-Major. Il »> aura attention de faire embarquer fur chaque vaifTeau au- » tant de vieux draps qu'il porte de canons , pour l'ufage de » l'Hôpital. Les foldats 8c matelots ferviront ceux de leur » chambrée en cas de maladie. Chaque Capitaine fera laver » & nettoyer fon vaifTeau au moins trois fois par femaine. Il » le fera arrofer de tems en tems avec du vinaigre & brû- »lera du genièvre (6). Il efl défendu de vendre dans le » vaifTeau ni tabac ni eau-de-vie , fous peine de confifcation j> des marchandifes & autre châtiment à volonté. On n'y fouf- » frira aucun frippier , & fi quelqu'un acheté le moindre chif- »fon d'un matelot, il fera rendu à celui-ci fans rcflitution ?> du prix. On n'en laiffera fortir ni paquet ni ballot fans a l'avoir vifité. Il efl défendu à qui que ce loin , même au (a) Recueil des Placards , T quelque raifon que ce foit. » Il eft défendu d'ouvrir ni les caiiïes , ni les ballots , ni les » lettres des vaifleaux pris. On les remettra au Commandant, » pour être envoyés par la première occaiion à l'Amirauté , » & l'on ne pourra relâcher aucun priionnier , ni recevoir fa » rançon que de l'aveu des Collèges. On ne recevra fur la » flotte aucun Marin qu'il ne faite ferment d'obferver les » Préfentes , dont leclure lui fera faite à haute & intelligible » voix. » Les vaifleaux de guerre feront employés à ruiner les » forces de l'ennemi , à convoyer les marchands ; quelques- » uns feront tenus en croifiere pour la sûreté de ceux qui » reviennent des Indes, pour aflurer la Pêche du Harang & de » la Baleine , pour réprimer les Corfaires , forcer ceux de 3> Tunis & d'Alger à garder la foi des Traités , & tenir les 3> conditions convenues pour le rachat de ceux qui font pris » fous le Pavillon Hollandois. » Rançons des Pour donner une idée des rançons de chacun , nous join- drons ici l'étar que le Capitaine Schryver arrêta en 1730 avec les Algériens. Pour un Capitaine de vaifleau marchand . . 2093 florins. Pour un Chirurgien , Pilote , &c. . . . 1828 2 Pour un Matelot hollandois . . » 663 10 Pour un Matelot étranger ... . . 408 7 Pour les Charpentiers , &c. pareille fomme ( a ).. Au furplus L. H. P. ont foin de faire des préfens aux Républiques d'Afrique pour entretenir la paix , & de tenir toujours quelques vaifleaux de guerre dans la Méditerra- née. Ils en ont actuellement dix qui ne fervent qu'à con- voyer les vaifleaux marchands qui vont aux Echelles du Levant. Le Collège de la Meule en fournit un , & celui d'Amfterdam neuf. Les autres ÇoHcges n'en ont point en rems de paix ; mais tous enfemble doivent être en état d'en armer quarante-quatre au premier ordre. («) Voyez le Mercure de l'Europe Juillet Se Décembre 1730. pag. 46» Prilonniers. (Économique &* Politique , des Provinces-Unies. 283 Au commencement les fonds de la Marine confifloient xvi. dans les prifes que les Armateurs faifoient fur l'ennemi. Fonds de la Tous les vaiffeaux étoient armés en guerre , & la Nation ne Marme# connoiffoit que le métier de Coriaire ; mais depuis la dé- couverte d'une nouvelle route pour les Indes , les gains im- menfes de ceux qui tentèrent le Commerce, ont métamor- phofé les Pirates en Marchands , & les droits d'entrée & de iortie qu'on levé fur les marchandifes , font aujourd'hui le fond le plus confidérable des Amirautés. Les Zeelandois fe font diftingués dans tous les tems en- Armâtes». tre les Armateurs. En 1703 la ville de Middelbourg avoit armé vingt-fix vaiffeaux en courfe , & Vliiïîngue en avoit vingt-deux , la plupart montés de quarante canons & de deux cens cinquante foldats (a). Les Amirautés , pour les encourager , non-feulement donnoient des commifïions à tous ceux qui les demandoient , mais encore elles leur pré- voient des canons &: des troupes , & pour récompenfer les avances , elles fe réfervoient une prime fur les prifes. D'un autre coté on augmenta les droits d'affurance & ceux qu'on paye pour les convois. A l'égard des droits fur les marchan- Droits d'en» difes , celles qui font fabriquées dans le pays , payent peu de fée & âe r°r~ choie pour la fortie ; mais la rentrée eft exorbitante : il en efl ie ' quelques-unes dont l'exportation eft plus chargée , & d'autres dont elle efl: entièrement défendue. La graifîe des baleines & le harang ne payent rien pour l'entrée , & les marchan- difes des Indes font franches pour la fortie ( b). La Compa- gnie des Indes Orientales s'efl: abonnée avec les Amirautés pour les entrées. Elle paye trois cens foixante-quatre mille florins tous les ans. La moitié appartient au Collège d'Am- flerdam ; celui de Zeelande reçoit un quart ; celui de la Meufe & celui de Nordhollande les deux autres huitièmes ; celui de Frife , où la Compagnie n'a point de Chambre , ne partage pas. Outre cette fomme la Compagnie doit tous les ans huit pièces de canon de fonte de vingt-quatre livres de (a) Voyez le Détail dans Lamberti Mém. Tom. XII. pag. n 3. (4) Recueil des Placards de l'Amir. Réfol. du 1 j Mars 1700, Terni. U-foU i 86. Noij Officiers de ^Amirauté. Fifcal. Secrétaire. 284 Sect. VI, De V Etat Civil 9 Militaire, baie , & l'Amirauté lui remet en échange les droits fur tout ce qu'elle porte à l'étranger. Les Etats-Généraux accor- doient quelquefois aux Puiifances Etrangères ou à leurs Mi- nières la permilfion d'exporter certaines marchandifes , & même des munitions de guerre, fans payer aucun droit ; mais cet ufage très-nuiliblc en tems de guerre fut aboli par une Kélolution de L. H. P. du 21 Juin, 1644. Il fut en même tems convenu de ne fouffrir l'exportation franche de droits d'aucune marchandife, à l'exception des vins, & l'Eleclcur de Trêves ayant obtenu en 1 646 de L. H. P. un pafTeport 8c franchife pour une provifion de Carême , dont les droits montoient à plus de deux mille cinq cens florins , les Etats de Hollande s'en tinrent à l'Arrêté de 1644, & refuferent l'exemption. Outre les droits dont nous avons parlé , chaque vaifléau paye en entrant un certain droit qui fert à l'entretien des fanaux & des balifes. Les Grands Officiers qui dépendent des Collèges de l'A- mirauté, font le Fifcal, le Secrétaire, le Receveur & le premier Commis , le Maître des Ventes & le Maître des Equipages. Le Fifcal eft. qualifié de Confeiller & d'Avocat. Ses fon- dions confiftent à défendre & à maintenir les droits & les privilèges de fon Corps , à fe porter Accufateur contre ceux qui font pris en fraude , à forcer en tems de guerre les Ar- mateurs à prendre des commiiïions. Mais il lui eft. défendu de prendre aucun intérêt dans les Armemens. Il a foin de faire apporter l'argent des caifTes particulières à la caiffe gé- nérale ; il cite devant le Tribunal ôt pourfuit ceux qui font en retard ; il ne peut traiter fur les amendes & confiscations fans un ordre du Confeil. Le produit de ces condamnations fe partage en quatre parts , dont la première appartient à la caiffe générale ; la féconde au Fifcal ; la troifiéme au Commis & la quatrième au délateur ( a ). Le Secrétaire eft Garde des Archives , des Regiftres & des expéditions qu'il doit délivrer promptement , ians pou- Ca ) Voyez, la Réfolut. des Etats Génér, du ij Mai, 1716, dans Je Grand Re-j «ueil des Placards, Tonu IV. pag. 15 1, (Économique 6" Politique, des Vrovinces-Unies. 285 voir exiger des Parties rien au-delà des droits fixés par le Confeil. Cet Officier doit fe trouver le premier & fortir le dernier de toutes les Affemblées. Le Receveur Général eft tenu d'apurer les comptes , tant ReceveurGê; les fîerra que ceux des Receveurs particuliers , dans les iix néra1' premiers mois de chaqu'année , à la Chambre des Comptes de la Généralité ; mais ce terme n'eft. pas fi précis qu'il n'ob- tienne fouvent des délais beaucoup plus longs (a). Le Commis Général reçoit les déclarations des marchan- Commis. difes qui entrent ou qui fortent des Provinces , & les avis & dénonciations des Commis qui lui font fubordonnés. Lorlque ceux-ci ont fait une faifie , ils doivent rapporter leurs procès- verbaux au Commis Général , qui les dénonce au Fifcal. Il peut accorder la pcrmiffion de charger ou décharger les vaif- îeaux les Fêtes & les Dimanches , ou avant le lever & après le coucher du foleil ; ce qui autrement n'eft pas permis. Il lui eft expreffément défendu de fe mêler du commerce ( b ) , & L. H. P. lui payent cinq florins quinze fols par jour toutes les fois qu'elles le mandent à la Haye (c). Le Maître des Ventes a l'infpe&ion fur toutes les mar- Maîtres IV. pag. 3 14, Bureaux des Collèges d'A- mirauté. Titres & Ar- mes des Con- teillers. XVÏI. Stadhouder , Capitaine & Amiral-Géné- *'al. Origine du Staihcuderat. z%6 Sect. VI. De lxEtat Civil , Militaire , marché ; il doit tenir un regiftre de 1 'état de chaque vaifleau , veiller iur la conduite des Maîtres de Chantiers , vifer les mémoires des ouvriers , revendre les vieux, bâtimens avec l'agrément du Confcil &c. Chaque Collège a plulieurs Comptoirs ou Bureaux fous fes ordres. Celui de la Meule a les liens à Dordrecht , à Haarlem , à Goude, à Bois-le-Duc , à Maeftricht , à Val- kenburg & autres lieux de la Généralité. Le Collège de la Zuiderzee tient ceux d' Amfterdam , de Naarden , de Mui- den, de Weei'p , d'Utrecht & de la Gueldre, de fille de Texel & de celle de Vlieland. Les Bureaux qui dépendent de la Zeelande font à Berg-op-zoom &r. dans la Flandre Hol- landoife. Ceux du Quartier du Nord font dans les Villes de Weilfrife & dans l'OveryfTel.. L'infpecïion du Collège de Friie s'étend fur Groningue, fur l'Abt , fur l'Iile de Ter- Schelling, fur Bourtange & fur Coeverden. Tous les Collè- ges tiennent quelques Pataches aux bouches de la Zuider- zee , & les vaifleaux en entrant dans cette mer font obligés de prendre leur attache. Les Hôtels où tient le Tribunal , '& les Magafins font magnifiques, principalement à Am- fterdam & à Rotterdam. Les Confeillers ont le titre de Nobles £> Paijja?is Seigneur?? Les armes de l'Amirauté font un Lion couronné porté fur une coquille, tenant dans fes pattes un fabre & fept flèches, deux ancres font les fupports , ôc Ton lit pour ame : Pugno pro Pa~ tria » Je combats pour la Patrie, » Il nous refte à dire un mot des Charges de Stadhouder ; de Capitaine & si mirai-Général , qui font fans contredit les premières dignités de la République , & réunies aujourd'hui dans la nouvelle Maifon de NafTau-Orange. Le Grand-Pen- iionnaire peut feul contrebalancer leur puiffance. Le nom de Stadhouder équipollant à celui de Lieutenant , fuppofe nécefc fairement un grade plus élevé. Sous les Princes de la Maifon de Bourgogne & de celle d'Autriche chaque Province en avoir un qui repréfentoit le Souverain , & gouvernoit le pays félon les inftruclions qu'il en avoit reçues (a). Philippe-Je- (a) Le Grand Recueil des Placards» Toyi. III. pag. 6} i. 644. ces. (Economique & Politique :', des Provinces- Unies. 287 Bel établit le premier une Gouvernante Générale , à laquelle il fournit tous les autres Gouverneurs ou Stadhouders. Ses Succefleurs que l'éloignement de leurs Etats forçoit à de fréquens voyages , iuivirent fon exemple, & confièrent pen- dant leur abfence l'adminiftration des Pays à des Seigneurs , dont cependant le titre n'étoit pas toujours le même. Maxi- milien d'Egmond , Comte de Buuren , gouverna fous le règne de Charles V en qualité de Capitaine-Général , pen- dant que Maximilien de Bourgogne , Seigneur de Beveren & Marquis de Veere, occupoit la charge d'Amiral (a). Ainiî les Députés de Hollande fe trompent eux-mêmes , lorfque dans leur Repréfentation aux Etats de Zeelande du 25 Avril , 1 65 1 , ils diient que le Duc d'Albe fut revêtu le pre- mier de la dignité de Capitaine-Général ( b ). Les Provinces de Hollande, de Zeelande & d'Utrecht Guillaume T> ayant fecoué le joug de FEfpagne , & fentant le befoin qu'elles Stadh°"der. d^ a voient d'un Chef, rappellerent Guillaume du Château de Dillenbourg en Allemagne , où il s'étoit réfugié ( c ) , & le rétablirent dans fes charges. Ce Prince avoir été élevé & chéri à la Cour de Charles V ( d ) , qui l'avoit créé Stad- houder des trois Provinces. Sa naifîance, fes lervices ôc fes dignités lui faifoient efpérer que Philippe II partant pour l'Efpagne, le nommeroit Gouverneur Général des Pays- Bas (e) ; mais ce Monarque ayant donné là préférence à Marguerite , Ducheffe de Parme , fa fœur naturelle , il ne penla plus qu'à la vengeance , & commença à fouffler le feu de la révolte qui s'allumoit dans ces Provinces (/). L'arri- vée du Duc d'Albe le forçant à s'éloigner , il déclara à fes créanciers, dont le nombre étoit confidêrable (g) , qu'il lui ' reftoit foixante mille florins de rente fans fes Gouvernemens , (d) Voyez le Regift. des Aflembl. de Hollande d'Aett Van der Goes, pag. 153.269 343- &c. (b) Voyez, la Déduâ. du 25 Juillet, 1654. dans les Ad-dit. n. VIII. "ptg, ijio- ( c ) Bor Hift. dès Pays-Bas. Liv. V. pag. 234. (d) Voyez les Preuves dans Bor.Tom- II. pag. 7 u ( e ) Strada de Bello Belg. Decad. l.Lib. I.p.ag. 36. Aujjery Mém. chapi I, pag, fio. (/) Reid. Hift. des Pays-Bas. Liv. h pag. 1,2. ii) YoyçzBQi ubifupra. dansks Addit.Tom,lLpag. 71Î 288 Skct. VI. De V Etat Civil, Militaire; & qu'ils ne dévoient pas s'inquiéter. Il protefta en même tems qu'il n'attaqueroit jamais le Roi qu'en cas qu'il le fut le premier dans l'es biens ou dans Ton honneur ( a ) , Se le retira dans le Château de Ton frère. Il n'avoit pas encore embraiïe la Religion Proteftante (6) ; mais il avoit foutenu dans le Confeil que les Rois n'avoient aucun droit fur la conlciencc de leurs lu jets , quoiqu'il eût déclaré en même tems que quant à lui , il s'en tiendroit à la Religion Catholique (c ). Le Duc d'Albe l'ayant fait citer, le condamna par contumace , & prononça la confifeation de les biens au profit du Roi (d). Cet Arrêt & la mort d'un de fes frères qui fut tué dans la Frife , le déterminèrent à lever le mafque. Il pafïa la Meufe à la tête de la Noblefle fugitive & d'un Corps d'Allemands qu'il avoit rafle rnblé ; mais le Duc d'Albe , en Capitaine rufé, refufa d'expofer les dix-fept Provinces au hazard d'une ba- taille , & le contenta de le tenir en échec ; de façon que Ion armée le dilïipa faute de paye. Le Prince fans fe rebuter d'une tentative inutile , paffa en France , & fit un Traité avec le Roi , par lequel il le réfervoit la Hollande , la Zeelande, le Pays d'Utrecht & la Frife , & lui abandonnoit le relie des dix-fept Provinces , à la charge de l'aider à les enlever à l'Efpagne (e). Déclaré Chef Cependant les Etats s'étant affemblés à Dordrecht le 15 de l'Etat. Juillet, 1 572 , réfolurent de rappeller leur Stadhouder , & d'accorder aux peuples la liberté de confidence. Le Prince envoya auffitôt Mornix de S. Aldegonde& Duyvenvoorden pour prêter en fon nom un nouveau ferment de fidélité (/) , & les fuivit au mois d'Oclobre. A fon arrivée les Etats lui conférèrent le commandement des troupes par mer & par terre , & en 1 576 ceux de Hollande & de Zeelande le re- connurent), autant qu'il étoit en leur pouvoir , pour Gief& Su- (a) Keid,ubi.fupra. Liv. Lpag. 3. (b) Idem, ibld. (c) Viglius Relat. de la Révolte, à la fin de l'Hift. du Gouver n. des Comte*. pag. 199- (d) Conf. les Sentences du Duc d'Albe. pag. 70. (e) Uitenbogaard Hift. Ecclef. Tom. IV. pag. root. Aubery M cm. chap.h pag. 44. (/) Balen Defcript, de Pordr, Tom, Lpag, 114. Tom, U.ag. 846, ■prêmÇ (Economique &• Politique des Provinces-Unies: 2 89 prêmeMagiflrat des deux Provinces (a). Dans ces qualités il difpofoit des charges , tenoit les rênes du Gouvernement, faifoit la guerre à ion gré fur mer & fur terre : par confe- quent la République doit le recouvrement de fa liberté à fa fageffe , à fa prudence, à fon courage , & à fa fermeté. Il la fcella même de fon fang ayant été affailinéen 1584 par un Emiffaire d'Efpagne, dans le moment qu'il étoit prêt de re- cevoir par fon inauguration le fruit de tant de travaux : car quoiqu'il affectât un grand éloignement pour fe charger d'un fardeau fi pefant , il employoit en fecret S. Aldegonde & iiafpireàia de Buis , pour déterminer les Etats à le déclarer Comte. La ouverameteï Zeelande avoit donné fon confentement la première , la Hollande étoit gagnée : il nereftoit qu'Amfterdam & Goude qui perfiftoient dans leur oppolition ; mais on avoit arrêté de pafier à la pluralité des voix , nonobftantque Pieterszoon Hoofd, Echevin d'Amfterdam , eût ofé dire en pleine Af- iemblée » que fi les Villes en ouvrant leurs portes euffent j> cru que fon pofte devint héréditaire , elles fe feroient bien s> gardées de le recevoir » ( b ). Les Etats conférèrent les charges de Guillaume à Mau- Maurice Staa- rice , Ion fils ; mais en limitant fon autorité de façon qu'elle o°ud? *,. de ,a ' . ^ -n ■ ■ i- ? * République. ne pouvoit nuire. Ce Prince , non moins politique , mais plus grand Général que fon père , s'acquit bientôt la plus haute réputation. Il fervit fidèlement la République jufqu'en 1600 , que la crainte de voir diminuer fon pouvoir par la conclufiondelaTreve, le fit changer de conduite. Il fit tous Veutfe ren* les efforts imaginables auprès d'Henri IV qui s'étoit porté dre Souverain Médiateur avec l'Efpagne , pour l'engager à rompre les né- gociations. Il diioit hautement qu'il ne ratifieroit aucun ac- cord , tant qu'il auroit quatre Villes dans fon parti. Ses Emiflaires agiffoient dans les Provinces pour faire naître des obftacles à la conclufion ( c ). Lorfque la trêve fut arrê- tée malgré les intrigues, l'Archiduc Albert paya fon adhé- (a) Boxhorn Cliron. de Zeel. Tom. II. psg. fép. (i ) Conf. le Supplem. des Pièce? Authent. dans Bor. Toni. ll.pzg. <,6. (c) Négociations du Pxciià'nt'Jcannin , Tom. II. pag. 197- 480. Tom, Ilij yag. 17. • Tqim l O o 2.oo Sect. VI. De V Etat Civil, Militaire", iion trois cens mille florins ( a ) , Se les Etats-Généraux fu- rent obligés de lui laifler les revenus de fes charges & fes droits lur le Militaire, avec une penlion de vingt-cinq mille florins (b). Il faifit peu après l'occafion des troubles excités par Arminius&c Gcmar pour reprendre fon autorité, Il furprit des Etats un Arrêté qui lui ordonnoit de veiller à la sûreté du pays dans fa qualité de premier Membre de la Républi- que , & de mettre ordre avec diligence à tout ce qui pour- roit arriver de fâcheux dans le Civil ou le Militaire. Pour expliquer toute l'étendue du pouvoir qu'il reçut alors , nous Ses Plein-peu- rapporterons les propres termes de cet Acte. » Il maintien- yoirs. „ dra au nom des Souverains la Juftice diftributive , & fou- » tiendra l'exécution des loix , ainfi qu'il eft tenu de le faire » comme Gouverneur & Capitaine-Général de terre & de » mer. Il ne luffit pas dans les circonftances préfentes de bor- » ner fes fondions à la défenfe des frontières ; il doit encore » veiller à la sûreté du dedans , des droits de la Souverai- » neté , de la Juftice , des privilèges des Provinces , des Vil- » les & des Peuples qui composent la République. Il doit » protéger la Religion Réformée , la foutenir contre les at— 5? taques qui pourroient la détruire , faire exécuter à la ri- » gueur les Arrêtés de L. H. P. & ceux du Confeil d'Etat. Il v confultera ce Tribunal fupérieur avant que d'agir , fl le « cas efl: important ; & pour accélérer davantage les opéra- » rions , il fera autorifé à nommer aux charges vacantes dans » tous les Tribunaux , & même à changer hors les tems or- » dinaires le Magiftrat des Villes, après toutefois avoir pris « l'avis du Confeil d'Etat. Il choifira entre trois fujets qui lui « feront préfentés celui qu'il croira le plus capable de rem- j> plir ce pofte , & ce fans porter atteinte aux droits , privi- » leges , libertés , immunités & prérogatives des Villes &c. »- Maurice devint alors comme Souverain & fe fervk de fon pouvoir pour conduire fur un échaffaut Oldenbarneveld , qui s'oppofoit conftamment à fon ambition (c ). Il le fit acculer (a) Ibli.Tom. IV-pag. 78. (£) Déduft.de iéf4. Addit.n. W.pag. 179. JCO Négoçiat.duPréfid.Jeannin.Tb/n.Iî.pa^.ïoj.TcOT.III.^f.^. 1 (Economique & Politique', des Provinces-Unies: 2pi entr'autres crimes d'avoir fait fes efforts pour rompre l'intelli- gence qui regnoit entre la Hollande & l'Angleterre , 8c d'a- voir révélé les fecrets de la République au Roi de France (a). La véritable caufe de la haine de Maurice venoit de ce que s'étant fervi de la Douairière de Guillaume pour gagner le Grand-Penfionnaire , celui-ci lui avoit démontré que le Prince cherchoit la perte en croyant s'élever ; qu'elle-même convaincue de cette vérité avoit fait fes efforts pour le diflua- der de pourfuivre fon projet (6). Guillaume I avoit eu les mêmes vues ; mais rebuté par les difficultés qu'il prévoyoit , il avoit préféré un pouvoir fondé fur le cœur des peuples à la vanité du titre. On eft furpris de voir Maurice s'arrêter après la mort de Barneveld, & fes partifans en concluent qu'il ne fongea jamais à fe faire inaugurer ; mais on leur répond que plus il approchoit du but, plus il découvrit l'impouibilité d'y parvenir ; qu'il connut par l'oppofition des ennemis même du Grand-Penfionnaire & par le refroidiffement de fes propres Amis , que l'exécution d'un innocent le rendoit odieux , & que la profcription des défenfeurs de la liberté le faifoit en- vifager comme un Tyran. Il traverfa toutes leS Villes de Sesdifgr«es Hollande, fans recevoir la moindre acclamation, &s'étant montré à cheval fur le marché de Gorinchem , il ne fut pas même falué du chapeau. Le chagrin qu'il en conçut , & peut- être le regret d'avoir commis un crime inutile , le fit tomber dans une maladie, dont il mourut le 23 Avril, 1625 (c). Frederic-Henri , fon frère , héritier de fes Charges & de Frederîc-Her* fes vertus , ne fut pas moins ambitieux ; mais plus politique, n élu Stadhou- il chercha d'abord à concilier les efprits , & permit fecréte- er> ' ment aux Exilés de revenir dans leur Patrie. Il avoit favo» rifé les Remontrans du vivant même de fon frère , & fur les reproches que Maurice lui fit de fa conduite , il répondit qu'il ne le montroit leur ami que pour pénétrer leurs iecrets. Il fçut fi bien ramener l'efprit de fon Aîné que ce Prince l'employa pour effacer les foupçons que quelques Villes (») Nouvelles Lettres du Comte d'Eftrades , pag. i jy. (b) Aubery Mcmoir. Ckap. II. pag. 103. 110. (c) Aubery Mcmoir. Ckap. W.pag. 314 & j'.S, Ooi] 202 S e c t , VI . De VEtàt Civil , Militaire ,' avoient conçus contre lui; Se fi l'on en croit l' Ambafîadeuf d«f France , il profita de la confiance de Maurice pour s'aflurer Son autorité le Stadhoudérat (a). Grand Capitaine , intrépide dans- dans l'Eut. l*a£lion 9 heureux à la guerre, prudent dans fes defleins, & facrifiant tout à l'exécution , il demeura trois mois devant Bois-le-Duc, fans s'embarraffer de la prife d'Amersfoort ni du Tecours d'Utrecht que les Efpagnols affiegeoient pour faire diverfion. Malgré les ordres des Etats*Généraux qui le rappelloient , il ne quitta point que la Ville n'eût capitulé , 6c avant de marcher au Tecours de la place afllegéc , il déta* cha une partie de Ion armée peur lurprendre "Wefel que les Efpagnols avoient dégarnie. Il n'appréhendoit pas moins la paix que fon Prédéceileur ; il mit tout en ufage pour rompre les négociations de Munfler. On lit dans une lettre qu'il écrivit au Comte d'Eftrades » qu'il devoit s'employer à fixer » le Congrès à la Haye , où il feroit maître des délibérations ; » mais qu'il ne répondoit plus de rien , s'il le laiflbit trans- » férer ailleurs , & qu'il étoit affuré que les Etats-Généraux j> fe prefferoient de conclure fans le confulter ni le Roi de » France («6 ). Les Plénipotentiaires s'étant affemblés à Mun- fler malgré fes oppofitions , il chargea de Knuit , Ambaffa- deur de L. H. P. de veiller à fes intérêts perfonnels , & ce Minilire les ménagea fi bien que fa ligna ture fut achetée cinq millions de florins (c). Il avoit accepté la condition de fouftrir la Religion Catholique dans les Seigneuries que l'Ef* pagne lui abandonnoit : ce qui déplut beaucoup aux Etats de Hollande ; mais ils trouvèrent encore plus mauvais qu'il eût échangé Zevenbergen , petite ville de leur dépendance , fans les avoir confultés (d). Frederic-Henri s'embarrafTa moins du titre que Maurice , & jouit plus réellement du pou- voir , & lorfqu'il demanda la fille de Charles I , Roi d'An- gleterre, pour fon fils , il fit dire au Monarque que quoi- («) Nouv. Lettr. du Gomte d'Eftrades. pag. iyj. (b) Nouv. Lettr. du Comte d'Eftrades. pag. <>?. ( r ) Voyez Aitzema. Lïv. XXVI. pag. 2 3 j . & la Dédutf. de 1 tf J4. Addit. pag* 31. (.d) Dédutf. de 1654. Part. I. chap, VU. §. 7. &c. (Economique & Politique , des Provinces-Unies. 203 qu'il n'eût pas la qualification de Souverain , fon autorité n'étoit pas inférieure à celle des Rois (a )« Son opinion fai- foit l'Arrêté des Etats aufïitôt qu'elle étoit connue ( b ) 5 mais il fe conduifoit avec une diffimulation fi profonde que les plus clairvoyans avoient peine à démêler les refîbrts qu'il faifoit mouvoir pour arriver à fon but ( c). Il mourut le 14 Mars , 1647. ^ avoit obtenu des 1631 la furvivance de fes Offices pour Guillaume II , fon fils , quoiqu'il n'eût que cinq ans (d). Ce jeune Prince non moins ambitieux , mais plus impru- Guillaume!? dent que fes Ancêtres , crut s'emparer du Trône fans fe don- Stadhouderpir ner la peine de déguifer fes démarches. La paix ayant été fu^Vlvanc*• conclue , les Etats de Hollande réfolurent de faire une ré- forme générale dans les troupes. Guillaume qui prévoyoit la diminution de fon autorité , fit arrêter les Députés d'Amfter* Ses vues am? dam qui la prefïbient le plus vivement , & fit invertir la b:tieuIes« ville. Il travailloit -en même tems à rompre la paix & re- cherchoit fecrétement le fecours de la France. Le Cardinal de Mazarin avoit envoyé le Comte d'Eftrades à la Haye avec le plan d'un Traité , par lequel ils déclaroient réciproque- ment la guerre à l'Efpagne & à l'Angleterre. Ils s'engageoienr, à faire à frais communs le fiege d'Anvers , Se la Ville avec le Marcgraviat devoit appartenir au Prince. Leurs armées dé- voient enfuite marcher à Bruxelles que le Stadhouder cédoit à Louis XIV avec le Comté de Flandre. Il devoit auffi met- tre en mer une flotte de cinquante vaiffeauX ( e ). Mais ces Arrêtées psi projets ayant échoué par la fermeté des Bourgeois d'Amfter- fain°"' dam , qui menacèrent le Prince d'inonder leur pays & de le noyer avec fon armée , il fe retira dans la Gueldre, où l'exer- cice de la chaffe & le chagrin d'avoir manqué fon coup , al- lumèrent fon fang de façon que la petite vérole l'emporta à la fleur de fon âge. Il mourut à la Haye le 6 Novembre 5 («) Aitzema. Liv. XX.pag. s>6. Liv. XXI. pag. 1S0 & 181» (i) Aitzema. Liv. XVl.pag.4>z & 433- (c) Aubery Mém. chap.V.pag. 364. (d) Aitzema. Liv. XI. pag. 437- (e) Lettre du Comte d'Eftrades. pag. 104. 108, 204 SeCT. VT. Dz l'Etat Civil , Militaire, ^650, taillant fa femme enceinte d'un fils qui naquit chargé de la haine publique. Les Magiftrats des Villes que le Père avoitempriionnésou dépotés, iaiftrentroccaiïon pour anéan- tir une Dignité qui les avoit fait trembler. Les Etats de Hol> lande rétablirent l'ancienne forme du Gouvernement , con- clurent un Traité a vec Cromwel , par lequel ils promettoient Abolition du d'éloigner le jeune Prince des Charges que les Ancêtres; Scadhoiulérat. avoient pofledées ( a ) , Se publièrent un Édit qui abolilToit Je Stadhoudérat à perpétuité (6). xviiî. Cependant Charles II étant remonté fur le Trône d'An- Guiiiaumeiii prlet:erre les Partifans de la Maifon d'Orange commencèrent élu Capitaine V? c r ■ 1 t-irr- ri n •»» -n. Général. a remuer en la laveur ; mais de witt , nis d un Magiltrat opprimé par le Père , n'a voit garde de conientir à l'avance-- ment du fils ? & l'inimitié l'avoit porté fi loin qu'il ne pou- yoit plus reculer fans tomber dans le précipice. Guillaume acquéroit des amis k mefure qu'il gagnoit des années ; & fes malheurs réclamoient la faveur du peuple. Le beioin qu'on eut de l'Angleterre pour conclure la Triple Alliance entre cette Couronne , celle de Suéde & la République , mit les Etats-Généraux dans la néceflité de fe relâcher furie Neveu , afin de s'affurer de l'Oncle , ôc celui-ci exigea le titre de Ca- pitaine-Général en faveur du jeune Prince. Ce premier grade lui fit efpérer un entier rétabliffement , & nous voyons par une lettre de Charles en date du 12 Juillet, 1672 , que le Monarque ne doutoit plus qu'il ne fût bientôt rétabli dans les Charges de fes Ancêtres ( c ). Le Prince de fon côté lui of- froit les conditions les plus avantageufes , pourvu qu'il le mit à la tête de la République (d). Charles n'a voit déclaré la guerre aux Hollandois que pour mieux fervirfon neveu , 8c ïîoreel , alors AmbafTadeur, écrivoit aux Etats que le Monar- que étoit prêt de faire ceffer les hoflilités , fi l'on lui cédoit l'honneur du Pavillon , & qu'on rendît à Guillaume la place de fes Pères. La conquête l'ubite que Louis XIV fie de trois (a) Dédud. de i 6f 4 . dans la Narratio Faâli. §. r?. &c« (&) Réfolut.du temsde De Witt.pag. 800. & 8oj, ( c ) Cofterus Relat. Hiftor. Aid h. pag. 433. {d) Idem, ubifupra.pag, 434. (Economique & Politique dus Provinces-Unies. 20 5 des Provinces-Unies , anima les peuples contre le Gouver- ElevéauStad- nement ; les Partifans d'Orange profitèrent de foccafion pour h°ud«atpari» aigrir les efprits ; la révolte éclata dans différentes Villes , & Poj?uIace* la populace ayant maflacré le Pensionnaire & fon frère , les Etats nommèrent Guillaume III au Stadhoudérat ( a ). Telle fut l'ouverture de la carrière brillante que ce Prince remplit le refte de fa vie. Les vaft.es prétentions des Anglois cefle- rent dès ce moment , & leurs Ambaffadeurs déclarèrent que la Hollande fe feroit épargné la guerre, fi elle eût reconnu G uillaume dès le commencement ( b ) . A peine le jeune Prince fe vit rétabli dans fes droits , qu'il ne penfa plus qu'a fe don- ner le titre de Souverain. Il fe propofa d'abord de fe faire inaugurer Duc de Gueldre 5 mais la Hollande & la Zeelande s'y oppoferent fi vivement qu'il fut contraint d'abandonner ce projet (c). Le refus obftiné de ces Provinces fixa fes vues fur l'Angleterre , il fe propofa de profiter de l'amitié de ce peuple inconftant & de fon mécontentement , pour dé- trôner fon beau-pere. On s'étoit flatté qu'ayant réufii à fe faire Roi, il fe démettroit du Stadhoudérat aufïkôt qu'ilferoit Rr ne couronné ; mais il éleva au contraire fon autorité fur les Pro- Souverain '* vinces-Unies au niveau de celle qu'il avoit ufurpée fur l'An- gleterre ( à ). Quelques Villes ayant voulu réclamer leurs privilèges , il changea le Magiftrat hors les tems ordinaires & les obligea toutes d'envoyer leurs nominations en Angle- terre pour recevoir fa confirmation. Les Etats de Hollande eurent la foibleffe de lui faire tenir l'élettion des Echevins d'Amfterdam que la ville rçfufoit (e) ; il fitafïieger Ter Goes qui défendoit fes privilèges , força la place de capituler, éta- blit un nouveau Magiftrat l'épée à la main, & bannit les plus opiniâtres qui ne purent rentrer dans leur pays tant qu'il vécut (/)„ Sa mort arrivée le 17 Mars , 1702 , fut d'autant ( a ) Recueil des Placards. Tom. III. pag. 123. ( b) Journal MIT. de rAflèmbl. de Hollande en 1671. (c) CofterusRdat. HittoT.pag. ir. (d) Idem, ibid. Addit.pag. 442. (e) Réfolut.des Etais de Holl. du 8. Févr. i6$o. CoHerus ubifupra. pag, 199- (/) Coflerus Relat. Hift.pag. roi. Adàit.pag. 445. 450. & 452. 2Ç)6 Sect. VI. De l'Etat Civil , Militaire j Le Stadhou- plus fatale au Stadhoudérat qu'il ne laiffoit point de poftcv ct,'int.gCnual ritc^ & cluc 'tl branche d'Orange étoit éteinte dans la per- sonne. Les Etats recouvrèrent leur liberté & rétablirent leur Gouvernement fur l'ancien pied. p Stadhouders La Gueldre & la Friie confcrverent le Stadhoudcrat que Guéid'aireS je ces ^eux Provinces avoient déclaré héréditaire dans la bran- t'rife, Sec. ' cne de Naflau. Jean, Comte de Naffau, fut créé en 1577 Stadhouder de Gueldre. Il fut remplacé par les Comtes de Berg & de Meurs, auxquels fuccéda Maurice, Prince d'O- range. Le Comte de Rhenneberg fut en 1 577 Stadhouder de la Frife , de l'Overyffel & de Groningue. Les Frifons nom- mèrent enfuite Guïllaume-Louis , Comte de Naflau , Stad- houder de leur Province, qui le devint auflïen 155)4 de Gror ningue & de Drenth. Erneft-Cafimir, fon frère , lui fuc- céda ; il fut remplacé pat Guillaume-Frédéric , fon fils , & celui-ci par Henri-Cafimir , fils de ce dernier. Celui-ci fut père de Jean^Guillaume-Frifon , aufli Stadhouder de la Frife, de Groningue & de Drenth. jLe Stadhou- Marie-Louife , fille de Charles , Landgrave de HefTe" âfr?? gênerai Caflel , veuve de ce dernier , accoucha le 1 Septembre, 171 1, populace. a d'un fils poflhumequi fut nommé Charles-Henri-Frifon. Les Etats de Gueldre qui firent toujours le premiers pas vers la fervitude , comme la Hollande vers la liberté, le nommè- rent en 1722 Stadhouder & Capitaine-Général. Héritier du nom & d'une partie des biens de la Maifon d'Orange , fon alliance avec la Princeflfe Royale d'Angleterre lui donna un nouvel éclat , & la guerre qui furvint , mit le comble à fon bonheur. Le peuple le foulevant dans quelques Villes , fit la Loi aux Magiftrats ; les Etats de Hollande , & enfuite ceux des autres Provinces , le nommèrent Stadhouder , Capi- taine-Général & Amiral de l'Union. Ainfi ce Prince plus heureux que fes Prédéceffeurs , rafïembla les fept Provinces Déclaré hé- fous Ion gouvernement. Ce n'étoit pas encore allez ; les par- re uaire. tifans profitant des conquêtes de la France , pour éternifer le Stadhoudérat dans la Maifon , & la Noblefle devenue l'organe de fes volontés , propoierent de déclarer fes Char- ges héréditaires. Ce projet adopté par peu de Villes s appuyé. ,tPa! (Economique &* Politique, des Provinces-Unies: 297 par quelques iéditions , favorifé par l'intérêt des Alliés , ioutenu par les libéralités & les intrigues de l'Angleterre , a réuflî à la grande fatisfaclion de la Cour & du peuple , mais au grand regret des véritables citoyens qui voyent avec dou- leur l'empire de la mer & du commerce paffer à leurs voi- fins. Ce Prince ne jouit que peu de tems de fa nouvelle gran- deur ; mais l'autorité de Ta Maifon efl fi bien établie , & les Anglois dominent les Etats au point que les Sept Provinces ont reconnu unanimement fon fils , quoiqu'enfant , & déféré fa tutele à la Princeffe , fa Mère , qui par un exemple nou- veau efl devenue le Chef de la République. On peut juger de tout ceci que le Stadhoudérat hérédi- XIX; , taire réuni aux Charges de Capitaine-Général & d'Amiral pouvdr'des de l'Union , donne pour le moins autant d'autorité dans Stadhouders» la République qu'en avoient les anciens Souverains, & qu'en quelque façon il conduit au defpotifme. Il feroit diffi- cile de marquer les bornes de ce pouvoir , qui s'étend ou fc refferre félon le caraclere de celui qui l'exerce. Les Etats- Généraux avouent eux-mêmes que les Stadhouders font ref- peclés comme les Souverains légitimes du pays (a ). Un des plus célèbres Auteurs du Pays dit que le Prince d'Orange efl nommé improprement Stadhouder ou Lieutenant , puis- qu'il étoit effectivement le Chef du Magijîrat Suprême ( b) ; Ôc un des meilleurs Hijîoriens de Hollande ne balance pas de fbuferire à fon Epître Dédicatoire la qualification de Très- fidèle fujet (c). La France fut la première à donner le titre d'Excellence à Frederic-Henri (d). Ce Prince jouit tant qu'il vécut d'un pouvoir illimité qu'il tranfmit à Guillaume II. Ses Prédéceffeurs étoient fournis à une inflru&ion qu'ils rece- voient des Etats-Généraux. Celle qui fut donnée à Maurice étoit plus reflrainte que celle que Guillaume I avoit eue , & les Provinces avoient le droit de dépofer leur Stadhouder , (a) Dcdud. de i£?4. Tom. II. ckap. VI. §. V. pag. 149. Conf. L'Auteur de U Prière Publ. Tom. l.pag. 59. & AitzemaleLion Rétabli. pag. 149.' (A) Van Leuwen Batav. Illaft. Cap. XIII. pag. 1339. 1340.& 1384. (c) Hooft Hift. des Pays-Bas. Préfac.Sc Lettre CXCI. dans Ces (Euyres, pag, 160. [i) Aubery Mémpir. chap. VL pag. 360, • TçmeL J>p 2p8 Sect. VI. De V Etat Civil, Militaire, lorsqu'il paflbit les bornes qui lui étoient prelcrites (a)* Leur ancienne » I. Il efl: chargé de veillera la confervation des droits & Jnrtrutfion. 9 jes privilèges de chaque Province. » II. Il eft Préfldent né des Cours de Juftice ; les Senten- r> ces & les Arrêts le rendent en fon nom» : ce qui lui donne^ une grande influence dans l'élection des Magiftrats , & les met dans fa dépendance. » III. Il a la nomination des Juges des Villes. Sur trois » fujets que les Confeils lui prélentent , il choifit celui qu'il » veut. Il a la libre diipolition de tous les Offices dans quel- » ques-unes , & dans les Juriidi&ions des Bourgs & des » Villages. » IV. Il peut , lorfque le cas l'exige , changer les Magif- » trats hors les tems ordinaires (b). » V. Il dilpole avec les Etats-Généraux des charges im- » portantes. » VI. H a droit de faire grâce aux criminels, à l'excep- tion des afiafïînats prémédités ( c) » : droit qui rejette fur les Tribunaux ce que la rigueur a d'odieux , & rélerve au Prince ce que la clémence a d'augufte & d'aimable. » VII. 11 efl chargé de l'exécution des Arrêtés & Juge-- » mens des Etats dans l'étendue de fon Gouvernement. • » VIII. Suivant les articles IX & XVI de YUnion d'U- » trecht il efl: Arbitre de tous les différends qui peuvent naî- 5> tre entre les Provinces &c les Villes , & fes Jugemens ont » force de Loi, » IX. Il eft autoriié à donner des audiences particulières » aux Ambafladeurs , & les Etats-Généraux la donnent en » public : « d'où il fuit que ceux-ci n'ont que l'apparence de l'autorité , pendant que le Prince jouit de la réalité. Conte/htïons Les Stadhouders ont même le droit d'envoyer des Am- àes Provinces bafladeurs en leur nom (d ). Il paroît que ce privilège ne (a) Déduft.de i6}4. Tom. I. chap. IL §. t. pag. 10. (b) Conf. Grot. Apolog. Cap. IX. pag. 186. ( c ) Matth. 3e Jatre Gladii; Cap. XLI. pag. 693. 696. Van Ztirk Cod. BataW Titre Pardon. Ç. XXXI. pag. 836. (<0 Conf. Wicquef. Amb. & fesFonct.Liv. I. Se fi. II. pag. i7.Schookii Belg* Fœd. Ui. II. cap.VUl- pag. 6 j. Bynckersh.Qu. Jur, Pub. Lib.U. cap. lU.pag.tvu (Economique & Politique , des Provinces-Unies''. 299 leur efl accordé qu'en qualité de Princes Souverains d'O- fur leurs droits range , & nous voyons qu'ils préfenterent une Requête aux * ^PreroSatl- Etats-Généraux pour obtenir la permiflton d'avoir leurs Plé- nipotentiaires dans les négociations générales pour traiter de leurs Domaines particuliers ; & c'efl ce qu'ils firent par rapport à la Principauté d'Orange dans le Congrès de 1672 , où l'on fit la paix avec la France. Guillaume III écrivit au Greffier Fagel , pour obtenir ce droit. La Nobleffe & la ville de Haarlem opinèrent en fa faveur ; celles de Délit ^ Leide , Gorinchem , Schiedam , Schoonhovcn , la Brille ôc Alkmaar limitèrent la permiflîon à ce qui concernoit Orange ; exceptant nommément les terres iltuées dans les ièpt Provin- ces & dans la Généralité. Les Magiitrats d'Amfterdam , de Rotterdam & des Villes de la Nordhollande requirent qu'on examinât les anciens ufages , avant de prononcer : enlbrte que l'affaire demeura fans réponfe (a). Le Capitaine-Gé- néral prête ferment aux Etats ; mais cette Charge ne donne aucune autorité fur les troupes qui font à la folde d'une Pro- vince particulière. Elle s'étend fimplement fur les armées Se fur les garnifons des places de la Généralité ( b ). Il a féance dans les Affemblées qui concernent la Généralité & dans le Confeil d'Etat. Lorfque les Hollandois abolirent le Stad- houderat , ils rirent leurs efforts pour fermer l'entrée du Con- feil d'Etat aux autres Stadhouders ( c ). Guillaume III reprit les féances après fon rétabliffement ; mais le Prince de Naffau,1 Stadhouder de Frife, a été exclu par la Réfolution de cinq des fept Provinces. La Frife fit des proteftations contraires , & les Députés de la Gueldre déclarèrent qu'ils n'avoient pas de pouvoir fur cet article (d ). Ceux de la Frife, de la Guel- dre, de Groningue & des Ommelandes voulurent en 1730 & en 1732 changer cette Réfolution ; mais les autres Pro- ■ (a) Mém. MOes Délibérations de rAfTemblée des Etats de Holl.rfe 1671.' fi ) Dedu&.de:t6ç4. Addit. n~. VIII. pag-.î 88. & 1 89. Inflruâ.pour Guill. III» 4rt. V. Recueil des Placards. Tom. III. pag. 1 14. & 1 1 8. (c) Réfolut. du \ç Décembre, i£68.Rélblut. du teins de de Witt.pag. 8ï> (£) Lainbcrti Mén-i. Tm. lV;pag*66i. Ppij goo S e ct. V I. De VEtat Civil , Militaire ', vinccs demeurèrent inébranlables (a). Chaque Province a droit de nommer un Commandant pour les troupes de terre & de mer (6). La Hollande a joui de ce privilège Tous les Princes de la Maifon d'Autriche , où l'on trouve la nomina- tion d'un Bailleul ( c ) ; mais lorsqu'elle n'avoit point de Ca- pitaine particulier, les foldats obéiflbient à Ion Stadhouder. Au relie elle s'oppofoit avec attention aux tentatives du Ca- pitaine & de P Amiral-Général , qui cherchoient à s'arroger quelqu'autorité fur les troupes. L'Affemblée du 24 Mai y 1536', arrêta , lur le réquisitoire dés Députés d'Amftcrdam , qu'on armeroit une flotte, dont on confieroit le commande- ment au Sieur de Beveren , à condition qu'il ne prendroit pas le titre d'Amiral-Général , & que les Etats protefte- roient pour la confervation de leurs droits (d). Les Hol- landois demandèrent peu après qu'il leur fut permis d'armer en courfe , fans prendre la permiffion de l'Amiral de la Gé- néralité, attendu leurs exemptions de reconnoître aucun autre Commandant que leur Stadhouder (e) , & ioutenoient que le Capitaine de l'Union ne pouvoit acquérir d'autorité' iur les troupes que par le confentement des Provinces (/)•■ Puiiïancede Les Princes de la Maifon d'Orange difpofoient de tous laManond'O- [gj emplois militaires , en qualité de Stadhouders & de Capitaines des Provinces , dont ils avoient le gou- vernement : ce qu'ils n'auroient pu faire en qualité de Capi- taine-Général de l'Union (g). La jonction de ces Charges portok leur autorité au plus haut degré. Ils avoient le droit de choiiir l'armée qu'ils vouloient commander ; les Veld- Maréchaux leur étoient fournis ; les Officiers leur prêtoient ferment comme aux Etats ; ils nommoient aux Gouverne- •. («). Tiré d'une Miffived>s Etat* de Holl.& de Zeel. dur 3 Juin 17:.*. (b) Recueil des Placards. Tom. III. pag. ioj. 106. Dédud. ubifupra. (c) Voyczle Regift. d'Aart Van derGoes. pag. 67. (d) litgift. d'Aart Vander Goes. pag. 153. (e) Regiftr. d'Aart Van der Goes. pag, z6i. Gonfér. avec pag, x6?. i$8?- 300. 301. & 30^. ( / ) Idem , ubifupra. pag. 73... ig) Réfolut.du temsdede Witt.p^.[34j.4yj, 366. & 367. (Economique & Politique des Provinces-Unies 301 mens & aux emplois , & lorfqu'ils étoient en campagne , ils difpofoient de tout , fans conluker L. H. P* Ils ne pouvoient cependant former d'entreprife fans avoir pris leur avis , foit qu'il fût queftion d'un liège ou d'une bataille. Le Stadhouder devoit communiquer Ion plan , & demander confeil. Pour abbréger les délais , L. H. P. envoyoient fouvent à l'armée quelques-uns de leurs Membres qui formoient avec le Stad- houder le Confeil privé de guerre , & l'approbation de ces Confeillers étoit fuffifante pour autorifer l'aclion. Les Stad- houders avoient encore le droit de convoquer le Confeil de Guerre , qui étoit compofé de ces Députés & des Grands Officiers de l'armée , de faire des Loix nouvelles & de main- tenir la diicipline. Quoique ces Princes fuffent en même tems revêtus du titre d'Amiral-Général , nous ne trouvons pas qu'ils ayent monté des flottes en perfonne, fi ce n'efl dans: l'expédition d'Angleterre, dont Guillaume III prit lui-même la conduite. Les biens immenfes que la Maiion d'Orange pofledoit dans les Provinces-Unies & dans la Généralité, re- nauffoient encore fon crédit. Leurs Domaines en Hollande ne s'étendoient que fur quelques villes , telles que Leerdam y Yifelfiein , Gertrudenberg & Zevenbergen , dont aucune n'avoit droit de voter ; mais dans la Zeelande les Marquifats de Veere & de VlifTingue leur donnoient le premier rang dans' k Nobleffe , & les Maifons des Gentilshommes s'étant étein- tes, ils demeurèrent feuls , enforte que leur Fondé de pro- curation repréfentoit tout le Corps , & par conféquent avoir trois voix iiir fept. Maurice & Frederic-Henri tiroient des fommes immenies de leurs places. Leurs appointemens ckii- n'étoient que de trente mille florins en tems de paix , étoient montés à cent vingt mille pendant la guerre. florins.- La Gueldre leur payoit . ..-..,. .• ô'ooo La Hollande . ........... 840001 La Zeelande . . . . .... . .- •• 18000 Utrecht ...•......-.,. .- 8400 L'Overyffel .- .• . . . . •- . . . .• 3000 1 20000 302 Sec t. VI. De VEtat Civil , Militaire , Ils avoienc outre ces fommes quarante-deux mille florins pour les expéditions extraordinaires, cent mille pour les af- faires fecretes & le payement des efpions , dont ils ne ren- voient aucun compte , & le dixième de toutes les prilcs faites fur mer, qui de leur tems montoit déjà à quelques millions. Guillaume III exigeoit encore des dons gratuits. Les Etats de Hollande lui accordèrent en 1 672 , pour llegcr au Conicil d'Etat , vingt-cinq mille florins à prendre fur les revenus de la Généralité (a ), & fur lesinftanecs de la ville d'Amfter- darn ils lui remirent deux ans après une dette de deux mil- lions de florins , dont la perte fur répartie fur la Province. Les Etats-Généraux accordèrent à fon Ayeule quarante mille florins de penlion , & donnèrent à fes héritiers cinq cens mille florins en obligation fur la Généralité (b). Les Fi- nances de cette Maifon étoient devenues fi considérables , qu'elle avoit une Chambre des Comptes pour les adminif- trer. Ce Tribunal d'abord établi à Breda , fut transféré à h Haye fur la fin du feiziéme fiecle ( c ). Il eft compofé aujour- d'hui de trois Maîtres des Comptes, d'un Secrétaire , d'un Thréforier & d'un Auditeur. XX. L'AvocatrGénéral de Hollande , comme nous l'avons dit , Gra:id Pen- eft le Surveillant perpétuel des Stadhouders, & Député ne- Avocat Géaè- ceiTaire aux Etats-Généraux. Il prend le titre de Grand- rai de Holian- Pmfionnaire , & c'eft la Charge la plus pénible & la plus ex- ^e" pofée de Ja République ; il ell le plaftron de la liberté , & n importance plufieurs d'entr'eux fe font facrifiés à fa défenfe. On le choifit ce.ue Ciu.'ge.fc ordinairement entre les Penfionnaires des Villes , qui font tous tirés du Corps des Légiftes. Il efi chargé d'inflruire & de propofer toutes les affaires qu'on met en délibération ; il en fait le rapport , recueille les avis , compte les voix , ré- dige les Arrêtés , les enregiftre , les expédie , en fait la pu- blication, & pourfuit l'exécution. Sa nomination fubfifte toute fa vie ;. il ne peut fe démettre fans là permifîion de L. H. P. ; il eft obligé d'affilier à toutes les délibérations, où il (a) Réfolut.'deHoll. s'étoienc 304 Sec t. VI. DeVEtat Civil , Militaire ; divilcs fur la Grâce , fur la Prédeftination & fur le Libre- Arbitre. Le fécond ayant de ion côté les Calviniftes rigides & tous les Miniftres , traita fon Emule de Novateur & q'Hc- réfiarque. Le premier qui foutenoit une théfe moins dure à l'humanité ôc moins odieufe pour la divinité , avoit gagné les peuples. Les deux partis difputoient- avec aigreur , & ceux qui entendoient le moins la matière , fe momroient les plus emportés. Barneveld qui connoiiïbit 1 impolïibilité de concilier des Théologiens divifés par l'opinion , voulut im- pofer filence aux deux partis. Le Stadhoudcr faifit l'occa- îion , & le fervit d'Aerfens qui revenoit d'une Ambaffade en France. Cet homme intriguant , ambitieux , & qui n'avoit pour but que de gagner la faveur du Prince, accula le Pen- îionnaire d'une tolérance criminelle , de pencher vers la Re-- ligion Catholique, ou peut-être de n'en point avoir, & de vouloir vendre à l'Efpagne l'Eglife & l'Etat. Maurice armé pour infpirer la terreur, puiffant pour répandre les faveurs, ibutenu par le zélé du Clergé , eut bientôt attiré le peuple , la Cour & l'armée dans fon parti. Quelques Villes foute- noient encore Barneveld ; les bons Patriotes & les Magii- trats prenoient fa défenfe , Utrecht entr'autres fe fignaloit. Maurice s'y transporta avec quelques Députés des Etats li- vrés à les volontés , changea le Magiftrat & la garnifon , paffa par Leide, par HaarJem & par Amfterdam , & fes fuc- cès lui donnant une nouvelle audace , il ofa fans la partici- pation de L. H. P. fe fervir de leur nom pour interdire plu* iieurs de leurs Membres , auxquels il en fubftitua d'autres de fa propre autorité. Ces entrepriies réitérées étoient autant d'infractions à VUnion d'Utrecht, & donnoient atteinte à la Souveraineté de chaque Province; mais elles étoient néceffai- res pour perdre un ennemi , & le peuple aveuglé par fes Minif- tres, oublioit fes intérêts pour foutenir les préjugés. Ce fut alors que Maurice fit arrêter le célèbre Grotius , Penfionnaire de Rotterdam , celui de Leide & le Secrétaire d'Utrecht. On les aceufoit , outre les Chefs qu'on imputoit à Barneveld , d'avoir confeillé à leurs Villes d'armer & de s'oppofer à la convocation d'un Synode général. Ils répondoient qu'en qualité de fujets ils devoiens (Economique &* Politique, des Provinces-Unies. 305 dévoient obéir à leurs Provinces, par préférence aux Etats- Généraux qui ne font que le Corps repréfentatif de la Na- tion , & n'ont aucune Jurildittion fur les Provinces ; que l'Union d'Utrecht ayant maintenu leur Souveraineté , les armes leur appartenoient aufïi légitimement que les Loix. Quant au Synode , ils alléguoient qu'il étoit à craindre que ce prétendu remède n'ouvriVun Schiime entre les Réformés , ou tout au moins qu'il ne fut ablolument infructueux. Ces rai- ions , quoique folides , ne purent défendre l'infortuné Pen- sionnaire ; une Commiflion de huit Juges dévoués à Maurice condamna à mort ce Vieillard octogénaire , & la Sentence fut exécutée à la Haye en 1619. Le Secrétaire d'Utrecht fut trouvé mort de plulieurs coups qu'on iuppoia qu'il s'étoit donné dans fa prifon ; Grotius & les autres Républicains zélés furent renfermés dans le Château de Louweftein, dont ils ne fortirent qu'après la mort de Maurice. Antoine Duyck, fucceffeur de Barneveld , mourut en 1629, Adrien Pauw ayant remercié , fit place à Jacques Kats , & ce dernier étant mort , L. H. P. obligèrent le premier à reprendre fes fonctions, dont il fe démit une féconde fois en 163 1. De "Witt remplit la même place. Les François ayant envahi trois Provinces en 1 672, les peuples fe fouleverent & demandèrent un Stadhouder. De Witt s'oppofant au rétabliffement dç Guillaume III , futmaffacré auffi bien que fon frère , comme nous le verrons plus amplement dans le Corps de cette Hijloire. Nous finirons cette Section par l'état politique des Pro- xxr. vinces-Unies à l'égard des autres Souverains de l'Europe. Alll"ancesde L amour de la paix , h neceiiaire a 1 avancement du Com- puiiïances merce , a toujours porté la République à cultiver l'amitié étrangères, des Puiffances voifines ; & ce foin a produit des Alliances avec la plus grande partie des Etats de l'Europe. Si quelques Politiques ontpenfé qu'elle peut fubiifter par elle même (a) , il paroit que le Gouvernement n'a pas adopté leurs maximes. Cet Etat eft aujourd'hui lié par différens Traités avec l'Em- ( a ) Maximes falutair. & politiqu. de la Républ. de Holl. & de Weftfrife. Tom, JI. Chap. IV. X. Tome I. Q q jo6 Sect. VI. De V Etat Civil, Militaire, pire, avec la France, avec l'Efpagnc , avec le Portugal , avec la Grande-Bretagne , avec la Prulfe , avec la Suéde , avec le Danemarc , avec la Rufllc , & même avec la Turquie. Avecl'Emr La Republique avoit long-tems négligé de contracter di-* pire. reclement avec les Empereurs, qui regardant les Provinces- Unies comme Membres de leur Couronne, s'aviferent de les qualifier de Chères & Fidèles ( a ). Ce titre bleffant leur Sou- veraineté , les Etats oferent renvoyer ces Lettres à Leopold fans les ouvrir , ôc lui déclarèrent qu'ils étoient libres & in- dépendans d'un Prince à qui leurs anciens Souverains n'a- voient jamais prêté ferment de fidélité. Il faut cepen- dant convenir que quelques-uns des Comtes de Hollande ont reconnu la mouvance de l'Empire ; mais à titre de fief libre , & fans s'engager au lervice non plus qu'aux contri- butions. Si Jean II parut fe foumettre , il y fut contraint par des motifs que la politique rendoit nécelTaires ( b ) , & quoi- que la Gueldre paroiife plus dépendante , il n'efl pas moins certain qu'elle n'a jamais été affujettie aux mois romains ( c). Par conléquent le Politique Moderne , quoique réfident de- puis long-tems à la Haye , s'efr. trompé , lorfqu'il avance que les Provinces-Unies étoient autrefois comprifes fous le titre de Cercle Belgique ou de Bourgogne ( d). Charles Vmême a reconnu formellement par un Edit du 1 3 Mars , 1 54.0 , que la Hollande & la Zeelande n'avoient rien de commun avec l'Empire (e). La plupart des Provinces étoient cependant étroitement liées avec plufieurs Princes d'Allemagne ; mais ce ne fut qu'en 1701 qu'elles fe lièrent avec tout le Corps Ger- manique & fon Chef par leTraité de la Grande Alliance con- clu entre l'Empire , la Grande-Bretagne & L. H. P. La paix (a) Voyez le Manirel Polit, chap. VII. pag.i 16 & 127. (b) Mat*, âe Nobilit. Lib. I. Cap. XXXI. pag. 138. Epift. not. ad WiJlelm, Frocur. Chron.Tcm. II. Analed. Vet. Mvi. pag. 590. & 660. (c) Conf. Conring. do Finib. Imper. Germ. Lib. II. cap. XXIX. pag. 736. 741. &748. L'Auteur de l.i Prière Fubl. Part. III. pag. 114. (d) Le Chcv. Temple Remarqu. furlesPrevinc. Unies, ch. VI. pag. 28 t. iSz» (c ) Placards de Brabant. Tom. VII. Lw. V. Tin. Lfd. j8j. P.Bort Traité des Airêts. Pan. Tqm. IV. n. XXXIV. pag. W »• (Economique & Politique , des ProvinCes-lfnies. 307 d'Utrecht ayant terminé la guerre que la fucceifion de l'Ef- pagne avoit allumée, L. H. P. conclurent en 17 15 avec Charles VI un Traité , par lequel l'Empereur non-feulement leur céda différentes Villes des Pays-Bas Autrichiens , mais confentit encore qu'ils miffent garnifon dans les places de Barrière , s'engagea à ne jamais céder à la France aucune partie de ces pays , leur permit en cas d'attaque d'envoyer des troupes fur le Demer , depuis PEfcaut jufqu'à la Meule , après en avoir averti le Gouverneur ou la Gouvernante des Pays-Bas , & d'entretenir une armée de trente ou trente-cinq mille hommes , dont il promettoit de fournir les trois cin- quièmes (a). En 1732 les Etats accédèrent au Traité da Vienne conclu l'année précédente entre l'Empereur & le Roi d'Angleterre. Les trois Puiffances s'engagèrent à le dé- fendre mutuellement , & pour cet effet les deux derniers s'o- bligèrent à mettre fur pied huit mille fantaffins & quatre mille chevaux, &: les Hollandois dévoient donner quatre mille hommes d'infanterie & quatre mille cavaliers. Ils s'o- bligeoient en outre à foutenir & à faire valoir la Sancfion- Pragmatique, pour affûter la fucceifion des Etats héréditaires de l'Empereur à l'Aîné de fes enfans , mâles ou femelles , ôc Charles VI renonçoit pour équivalent à tout commerce dans les Indes (b). La Hollande avoit été toujours étroitement unie avec la AveclaFraa- France jufques au règne de Louis XIV. Elle devoit à cette cc* Couronne la liberté quel le avoit recouvrée ; mais s'imaginant que ce Monarque exigeoit trop de fa reconnoiffance , elle courut aux armes. Guillaume III trop foible contre un voifin fi puiffant , eut recours aux alliances étrangères , & vint à * bout de former la Chimère qu'il appella l 'Equilibre de V Eu- rope, La paix d'Utrecht ayant ramené le calme , les Etats cimentèrent par plufieurs Traités le retour de leur intelli- gence avec cette Couronne. Ils lignèrent en 17 13 un Traité de commerce pour vingt-cinq ans , qui porte exemption en faveur des Négocians Hollandois du droit de cinquante fols (a) Recueil des Placards. Tom. V.pag. fii. (b) Voyezles intérêts desPuifT.derfcurope.Tom.il, ptg. jtS. jt«f. 308 Sect. VI. De l'Etat Civil , Militaire , par tonneau que payent tous les vaifTeaux étrangers (a). On conclut enluite la Triple-Alliance (b) ; la République ac- céda en 1726 à celle qui fut conclue à Hanovre entre la France, l'Angleterre & la Prufle (c), & en 172.^ au Traité de Seville fait entre la France , l'Efpagnc & la Grande-Bre- tagne ( d ). Par le Traité d'Hanovre qui devoit durer quinze ans , les Puiffances s'engageoient dans une Ligue défenfive , & L. H. P. dévoient fournir à la partie attaquée quatre mille hommes d infanterie & mille chevaux , ou léquivalcnt en argent ou en vaifTeaux de guerre ou de tranfport , &c. Le Traité de Seville n'étoit , pour ainli dire, qu'une confirma- tion de celui d'Hanovre. Avec l'An- Quoique la Hollande & l'Angleterre foient intércfTécs à gkterre. vivre en paix , pour affurer leur commerce , on a toujours vu une violente jalouiie entre les deux Nations , qui s'eft fouvent manifeftée par des guerres langlantes. Mais depuis le règne de la Maiion d'Hanovre elles ont obferv é les Traités avec afTez de fidélité. Les Anglois cependant fouffrent avec peine le fuccès du Commerce , des Pèches & des Manufac- tures de leurs Voifms , & cherchent à les diminuer autant qu'il leur eft, poffible par des voyes détournées. En 171 3 la Reine Anne ligna un Traité par lequel elle s'engage à dé- fendre les places de Barrière , & les Etats-Généraux garan* tiffent la iucceffion de la Couronne d'Angleterre dans la Maifon Proteftante (e). Nous avons parié de la Triple- Alliance & des Traités de Vienne , d'Hanovre & de Se- ville. Avec TEC- La République eft en paix avec l'Efpagne depuis le Traité ^iT'e' de Munfter : car la guerre de 1701 étoit contre la France plutôt que contre cette Couronne. Les Etats ayant enfin re- connu Philippe V pour légitime R.oi , fiipulerent au Traité de Seville une clauie , par laquelle les Hollandois dévoient (a) Recueil des Placards. Tom. V. pag. 456. 476. ( b) Voyez les Inter. des PuifT. de l'Europe. Tom. II. pag. 106. (c) Ibid.pa^. 300. 30c. ( d ) Ibid. pag. 1 20. 3 1 6. (e) Voyelle Grand Recueil des Placards. Tom. V- pag* 444* (Economique &* Politique , des Provinces-Unies. 309 jouir des mêmes privilèges que les autres Nations , & le Roi s'engageoit à fatisfaire à leurs griefs tant dans l'Europe que dans les Indes (a). Le Traité avec le Portugal efl antérieur à celui-ci. Il fut Avec le Por- conclu peu après le rétablifiement de la Mailbn de Bragance tuSa1, furie Trône. Il concerneïpécialement le Commerce de l'Eu- rope & des Indes. Les deux Nations fe font plaintes depuis de quelques infractions réciproques ; mais ces conteflations n'ont point allumé de guerre, & il ne s'eft pas fait de Traité depuis la paix de 1661 (b). Le Roi de Prufie ayant hérité d'une partie des biens de la AvecIaPruiïè. Maifon d'Orange , le trouve limitrophe & même mêlé dans quelques-unes des Provinces-Unies. Ce voiiinage a donné naiiîance à différens Traités , malgré lefquels il iurvient de fréquentes difputes qui pourroient à la lin devenir funeftes à la République. Les Hollandois font attentifs à eonferver la paix avec les Avec la Sue- Puiffances du Nord , à cauie du commerce de la Mer Baki- de » Ie Darae- q.ue. Ils ont des Traités avec le Danemarc , la Suéde & la /Te"0' laRuf* Rufïïe. Ils cultivent aufïï avec foin une bonne intelligence avec le Avec la Porte Grand-Seigneur & les Républiques d'Alger, de Tunis, de V« d'Afri"" Tripoli, de Salé, &c. Mais -ces Coriaires ayant violé de- que. puis peu le Traité de 1726 (c) , ils font obligés d'envoyer de tems en tems des vaiffeaux fur les côtes d'Afrique , pour ks tenir en refpe£L (a) Intérêts préf. des Puiff! Tom. II. pag. 510. ( b) Voyez le Grand Recueil des Placards. Tom. It.Col. 1850. (cj Voyez le Mercure de l'Europe, Juillet & Décembre , 1716, pag. 2ro.&c. 3 io Sect. VII. Du Commerce des Provinces-Unies ; SECTION VII. Du Commerce des Provinces-Unies, des Naviga- tions , Découvertes & Etabliiïemens des Hci- landois dans les autres Pays du Monde. SOMMAIRE. I,  NCIE N état du Commerce dans la Germanie. Ori- _/j£ gine & Progrès des Manufactures. Et du Commerce. 'Manufactures de la Frife. Commerce des Pays-Bas avec V An- gleterre. Décadence des Manufactures dans la Frife. Elles pajjeîit dans les autres Pays-Bas. Progrès du Commerce fous les Comtes. II. Règlement fur la Marine. Progrès de la Na- vigation. Le Commerce interrompu avec les Anglois. Rétabli. Nouveaux Privilèges accordés aux Anglois. Commencement du Commerce du Nord. III. Ligue Hanféatique. Accroiffemens du Commerce d' Amflerdam. Guerre avec les Ooflerlingues. IV. Pirateries des Hollandois. Leur victoire fur les Ooflerlin- gues. Us font mêlés dans les Troubles de Danemarc. Trêve avec les Ooflerlingues. Accroiffement du Commerce du Nord. V. Commerce actuel avec la Ruffie. Avec le Danemarc. Avec la. Suéde. Avec la Pruffe & la Pologne. VI. Pêche de la Baleine. Compagnie octroyée pour cette Pêche. La Pêche déclarée libre. Sociétés particulières pour la Pêche. VII. Calcul du Produit. VIII. Commerce avec V Allemagne. Avec la Suiffe. Avec les Pays-Bas. IX. Commerce du Levant G* de la Méditerranée. X. Commerce avec l'Efpagne. Avec le Portugal. Avec la France. Avec la Grande-Bretagne. XI. Commerce intérieur du Pays. Manufactures. Pêche du Cabeliau. XII. Pêche du Harang. Réglemens pour cette Pêche. Son Produit. XIII. Commerce des Indes Orientales. Son ancien Etat. Découvertes des Indes par mer. XIV. Origine des Forces Maritimes des Provinces-Unies. Tentatives pour un Pacage aux Indes par le Nord. XV. Pre- mières Navigations des Hollandois aux Indes. Victoire rem*. 'Des Navigations , Découvertes , Etabliffemens, &c. 3 1 1 portée furies Portugais. Prife d'Ambome. XVI. Progrès des Hollandois dans les Indes. Défaite des Portugais devant Ban- îam. Nouveaux avantages remportés fur les Portugais. XVII. Ereclion de la Compagnie des Indes Orientales. Ses Fonds G* Actions. Nouveaux fuccès dans les Indes. Conquêtes de la Com- pagnie. XVIII. Nouvelles Expéditions. Fondation de Batavia. Découverte du Détroit de le Maire. Expédition du Comte Mau- rice de Najfau. XIX. Nouvelles Conquêtes de la Compagnie* Les Holla?idois chaffés de Vljle de Fcrmofe. Conquête de Ma- caffar. Réduction de la Côte de Malabar. Conquête du Cap de Bonne Efpérance. XX. Combat des vaiffeaux des Indes avec les Anglois. Nouveaux Etabliffemens des hlollandois dans les In- des. Leurs intrigues pour s'emparer du Commerce du Japon. Leurs Etabliffemens dans l'Arabie. Nouvelles Découvertes aux Terres Auflrales. XXI. Etendue & Souveraineté de la de la Compagnie des Indes. Ses Redevances à VEtat. Son Eta- bliffement 6' premier Oélroi. Ses Directeurs. Chambre d'Am- Jferdam. De Zeelande. De Delft. De Rotterdam. De Hoom: D 'Enkhui\en. XXII. Départ & retour des vaiffeaux. Rentes de la Compagnie. Immenfité du Bénéfice. XXIlL Gouverneur Général des Indes. Confeil des Indes. Sa Souveraineté. Con- feil de Juflice. Directeur Général. Autres Tribunaux. Forces Militaires. Clergé. Dépenfes annuelles de la Compagnie, XXIV. Divif onde fes Etabliffemens. Gouvernement de Ceylon. D'Amboine.DeBanda.DeTernate.DeMacaffar.DeMalacca. De Coromandel. DuCap de Bonne Efpérance. XXV. Comptoirs de Bengale. De Suratte. De la Perfe, Autres Comptoirs de la Compagnie. De Malabar. De Jafnapatnam , Gale , Sama- rang. De Java. De Sumatra. De Timor. De Siam. Du Japon. De la Chine. De Mocca. XXVI. Règlement de la Compagnie, Contejlationsfurfon Utilité. XXVII. Compagnie des Indes Oc* eidentales. SaFondation. Ses Fonds. Ses Chambres & Directeurs. Expéditions de fes Flottes. S. Salvador pris &* repris. Prife de la Flotille. Prife de Curaçao. Expédition du Comte Maurice de Najfau au Bréfd. Décadence de la Compagnie. Son Octroi éteint. XXVIIL Fondation d'une nouvelle Compagnie. Com- merce d'Afrique. Direction de, la Compagnie, Chambre d'Amr ^ 1 2 S e c t. VII. Du Commerce des Provinces-Unies ; Jhrdam. De Zeclande. De la Meuje. Du Quartier du Nord, De Grcningue & des Ommclandes. Confeil des Dix. Poffef- fions de la Compagnie. Dans la Guinée. Curaçao. S. Eufashe. Ifequebo. Revenus & Dividendes de la Compagnie. XXIX. Société de Suriname. Conquête du Pays. Etabliffement de la Société. Invafion des François. Nouveaux Réglemens de la Société. Le Commerce déclaré libre. XXX. Etat actuel de la Colonie. Directeurs de la Société. Gouvernement de la Colonie. Clergé. Productions ù" Commerce de la Colonie. XXXI. So- ciété de Berbice. Etabliffement de la Colonie. Invafion des Fran- çois. Renouvellement de la Société. Directeurs. Gouverne- ment. Situation de la Colonie. Son Commerce. Conclufion fur U Commerce en général. T- TES anciens Germains fubfiPcoient de la culture des ter<= Ancien Etat JL^/res , du Commerce -L> reS » de la chafï"e & du Pillage' Ils vivoient dans l'i- dans la Ger- gnorance des Arts, 8c mépriloient les richelTes & le luxe de mpje, jgurs voifins. ils étoient cependant actifs , laborieux & même intelligens. Leurs femmes décéloient dans ces liccles grof- fiers leur goût pour la parure par des orncmens de couleurs éclatantes , dont elles relevoient les robes de' toile qu'elles fe tailloient (a ), Les habitans des côtes de la Mer furent les premiers qui commencèrent à commercer. Les Romains leur apprirent à changer ce qu'ils avoient de trop contre ce qui leur manquoit. Ce peuple leur apportoit par mer fes mar- chandifes , & les Zeelandois à leur exemple hazarderent le trajet de la Grande-Bretagne & la vilïte des côtes voifines , pour aller chercher les bleds que leur terroir leur refufoit. On a trouvé dans les Mes de Zeclande plulieurs Infcriptions vouées par ces premiers Navigateurs , en action de grâce de l'aiïiftance que leurs Dieux leur avoient accordée (b). Les Camps que les Romains établiffoient dans les polies avanta- geux , iervoient de retraite aux Légions & d'afyle aux Né- gocians. Ils conrenoient des Arfénaux , des Magafins , & même des Manufactures. Les Forts que Druius éleva fur les (a) Tacit. Morib. Germ. Cap. XVII. [b) Cannegieter Diffère Partie, de Brittenburgo. cap. II. pag. 14. bords Des Navigations, Découvertes, Etablijfemens , G'c. 3 1 3 bords du Rhin, de la Meufe, & de l'Efcaut, affuroient le tranfport des marchandées (a). L'ignorance des Arts cau- fant une difette générale des chofes les plus utiles , en aflii- roit le débit. Le gain étoit fi considérable que Caligula , le plus prodigue & ic plus avare des Empereurs , ayant fait condamner Tes fœurs à mort , fit venir leurs meubles de Rome dans rifle des Bataves , pour les y vendre plus avantageufe- ment, & YHiftorien de fa Vie nous apprend que ion avidité ne fut pas trompée ( b ). Le féjour des flottes & des Légions augmentoit la confommation : les Négocians accouroient de tous côtés ; quelques-uns même s'établirent avec leurs fa- milles , & les Arts fe domicilièrent avec eux. Du tems de Vitellius les fabriques étoient fi riches dans ces pays , qu'el- les tentèrent la concupifcence des Canninefates qui prirent les armes pour les piller ( c ). Les Germains apprirent bientôt à travailler la laine, & Origine s.- pro furpaflerent leurs maîtres. Les Romains enlevoient leurs étof- ^sUr"s,Manu" fes ; ils s'en iérvoient pour les robes appellées Saga, & les Comédiens en faifoient leurs habits de théâtre. Julien qui commandoit dans les Gaules , recevant la nouvelle que Pos- thume étoit maître d'Arras , & voyant fes Capitaines con- cernés , leur demanda : » S'ils croyoient que l'Empire pût jjfubfifter fans les robes des Atrebates (d) ? » plaifanterie qui prouve i'eftime qu'on faifoit de leurs draps. On peut préfumer que ces peuples s'accoutumèrent à com- Et du Com- mercer par l'échange , & que le bled étant la denrée la plus merce* néceflaire dans un pays qui n'en produit pas aflez pour la nourriture de fes habitans , fut la première marchandife qui les tenta. Les Bretons le tranfportoient par mer ; les Ro- mains en faifoient magafin à l'embouchure du Rhin , d'où par fes branches il pafîoit dans la Haute-Germanie & dans les Gaules. Le commerce augmentoit à mefure que les Manufac- tures fe perfeclionnoient. Il étoit très-fioriffant fous l'Em- («) Aufon.Poem. MoCeXl. verf. 4 1$. Oudaan Puiff". Rom.pag. 17. & 18. ( b ) Dio Cafl". Lit. LIX. Sueton. in Calig. cap. XXXIX. ( r ) Tacit. Hitl. Llb. IV. cap. 1 $. Canncgieter ubifupra. cap. Xlll.pag» 138. (i ) Strabo Lis. IV. pag. 301. Tome I. R r 314 Sec t. VII. Du Commerce des Provinces-Unies 9 pire des Francs. On peut en juger par le grand nombre de péages que les Rois dé' la première Race établirent dans les Pays-Bas. Les vieilles Chroniques parlent de Witlam , ville iîtuée à l'embouchure de la Meule, aujourd'hui fous les flots , de "Wyck-te-Duurftede , & de ïiel qui lubliftent fur le Rhin ( a ) , comme de villes célèbres & fréquentées par les Etrangers, Les Frifons connurent plus tard les Arts& les Manufaftu- Manufaflureî res ; mais on peut croire que leur pays étant abondant en «leUFnie. vaches , en chevaux , en bleds & en miel , ils donnoient leur fuperflu pour avoir ce que leur terroir leur refuioit. Sous l'Empire de Charlemagne les draps de Frife avoient acquis la perfection. Cet Empereur entre les préiens qu'il envoya au Roi de Perfe , fit porter des pièces blanches , griles , couleur de pourpre & de faphir (6). Il en donnoit tous les ans aux Fêtes de Pâques un manteau aux Officiers de fa Maifon ( c ) ; & pour encourager les ouvriers , il avoit établi des Foires franches dans plulieurs villes de la Pro- vince (d). Commerce Les Pays-Bas avoient dès-lors un commerce ouvert avec iC$ ?7a ~B\di l'Angleterre. Charlemagne ayant demandé pour un de fes terre. "e * enfans la fille d'Offa , Roi de Mercie, le Monarque Anglois exigea une des filles de l'Empereur pour l'Héritier préfomptif de la Couronne, & fur le refus on défendit tout commerce entre les deux Nations. Les habitans de "Wyck-te-Duurftede & de Tiel repréfenterent à l'Empereur que cette mésintelli- gence ruinait leur pays , & Charlemagne envoya en Angle- terre Girold , Abbé de Fontanelle, pour négocier un ac- commodement (e). Il accorda même aux Anglois des Let- tres , par lefquelles il les afluroit de fa protection, leur per- mettoit en cas de léfion de porter leurs plaintes aux pieds (a) Alpert. de Diverfît. Temp. Lib. II. ( b ) Monach. S. Gall. de Reb. Car. Magn. Lib. II. cap. XIV. Vcy. Van Loon Ancienne Hift. deHoll. Tom. II. pag. 11.& xi. (c) Monach. S. Gall. Lib. II. Cap. XV. (d) Capitul. de Mmift. Palat. Totî. I. col. 341. ( e) Chron. deFontanell. Cap. XIV. apud d'Achery 7wb.II. coî, h pag» 178» Fragm..Epifl, Alcuini apud Ducheûie Tom. II. pag. m. Des Navigations , Découvertes, Etablijjemens , &c~. 3 1 5. du Trône, & leur promettait prompte juftice(a). Quel- ques Auteurs infèrent que cette Lettre fut précédée d'un Traité de Commerce (b ) : ce feroit certainement le premier entre l'Angleterre & les Pays-Bas ; mais on n'en trouve aucun vertige , & tout ce qu'on peut en conclure c'efr. que le commerce étoit alors ouvert & fiorifTant entre les deux Nations. Les guerres civiles que les petits-fils de l'Empereur allu- Décadence merent pour leur partage, lés delcentes des Normands qui des Mjnufac- profitèrent de la foibleffe des François épuifés dans ces que- Ytife. ans * relies, & le pillage des villes maritimes renversèrent ces heu- reux commencemens. Les Manufactures cefTerent , les Né- gocians n'ofoient plus paroître fur la mer , & les Pays-Bas ne commencèrent à fe relever que fous le règne de leurs Sou- verains particuliers. Les Frifons reprirent vigueur , & la ré- putation de leurs fabriques continua jufques dans le quator- zième fiecle. Le peu d'attention des Magiftrats à calmer une émeute entre les ouvriers , les fit tomber de nouveau , & leur chute fut irréparable. Les Manufacturiers ne pouvant Elles paiïent avoir juftice , parlèrent dans les Provinces voifines , & por- ^ai,s *« '««es terent leurs talens en Hollande , dans la Flandre & dans le 3; Brabant qui profitèrent de la perte des Frifons. * Le commerce avec l'Angleterre étoit très-floriflant fous Progrès Florent V. Il confifloit en laines , en bleds , en fer , en bois , du commerce en vins , en draps , & dans quelques parties d'or & d'argent J"°su.s lcs Coni"' que les Anglois tiroient des mines de Devonshire (c). La guerre s'étant allumée avec les Flamands , Edouard I ferma les ports aux peuples d'Outremer, Ultramariœ Partes ( d ) , terme générique , fous lequel les Hollandois & les Zeelan- dois fe trouvèrent compris. Ces derniers piqués d'une pa- reille injuflice , armèrent en courfe , & défolerent les An- £a) Epift. Car. Magn. ad Off. tipud Willelm. de Malmefb. de Reb. Angl. Lifo I. Cap. IV. (4) Conf. Henr. Canif. Leâ. Ant, qui cite Malmeflj. uhifupra* (c ) Rymer Aâa Publ. Angl. Tom. I. Part. II. pig. 151. (d) Melis Stocke Chron. in. Florent V. pag. ni. Rymer Aâa Publ. Angl. fam. I. P*rt. U.pig.ijj. Rr'ij I 3 16" Sect. VII. Du Commerce (tes Provinces Unies, lois (a). Ces ravages furent fi considérables que quoique e Roi eût fait la paix avec le Comte de Flandre , il refufa d'y comprendre les Hollandois fans un dédommagement préalable ; & cette affaire s'aigrit de façon qu'elle ne put être terminée qu'en 1282 (b). Ce fut par le Traité qui fut alors conclu , que les Zcelandois obtinrent la liberté de pê- cher fur les côtes de Yarmouth (c). Leur Marine l'empor- toit alors fur celle des Anglois , &: leurs ports étoient plus connus que ceux de Hollande & des autres Provinces : » Ne *> les ports , ne les arrierages de Hollande , écrit le même » Edouard , ne font mie ii connus de nos Mariniers ( d ). » Schouwen, "Walcheren, la Brille , Goerede, &c. a voient été fréquentées par les Arabes mêmes , fi l'on en croit Gro- tius (e). La Marine de ces Provinces étoit fi floriflante fous le règne de Florent V que Philippe le Bel étant en guerre avec Edouard I , ce Comte offrit au Roi de France les bâti- mens & les munitions néceffaires pour paffer fon armée en Angleterre (/). L'intérêt de fes Négocians l'a voit alors brouillé avec cette Couronne , & ces conteflations étoient fréquentes ; mais les motifs qui les caufoient , les appaifoient au/fi facilement (g). Edouard III voulant marquer fa re- connoiffance aux Zeelandois qui l'avoient rétabli fur le Trô- ne , accorda aux habitans de Veere le droit de port & de rapport pour toutes les marchandifes , à l'exception des lai- nes & des cuirs , dont l'entrepôt étoit à Calais. Il réduifit les entrées & les forties pour eux à trois groots par livre fter- ling , pendant que pour les autres les impofitions refloient fixées furie tarif des Oofterlingues (h). Quelque confidé- rables que fuffent ces remifes , les Hollandois firent leurs ef- (a) Rymer A<5h Publ. Angl. Tom. I. Part. II. pag. \<>o. (b ) Charta Edouardi I. dans Balen Defcript. de Dordr. pag. ip<. (c) Manifeft. dans Balen ubifupra. pag. i4t>. dans Boxhorn fur Reiger/b. Parc, 11. pag. 109. • (d) Rymer Aâa Publ. Angl. Tom. h Part. III. pag. 181. (e) Hug. Grot. Epift.pflg. 494. Contin. de fa Vie. pag. 177. {f) Rymer Aâa Publ. Angl. Tom. I. part. Ul.pag. 177. (g) Rymer Ada Publ. Angl. Tom. I. part. III. pag. m. (h) Rymer A>3« (d) Rymer A&a PubJ. Angl. Tom. V. fart, ll.pag. 117. Brandt Chron. d'Fnk- huizen pag. 28. («0 Rymer Afta Publ. Angl. Tom. V. part. II. pag. 1^8. Franc. Bacon Hift. d Henri ,VIII. pag. % 66. Des Navigations , Découvertes , Etablijfemens , &c. 3 10 s'opiniâtrât à leur donner afyle dans les Villes dont elle jouiïïbit à titre de Douairière. Henri de fon côté accordoit aux Hollandois la liberté du commerce , s'engageoit à la res- titution des vaifleaux naufragés fur les côtes , quand même il ne fe trouveroit aucun indice vivant du Propriétaire ; & les deux Souverains fe promettoient réciproquement la garantie des Villes commerçantes de leur domination (a ). Ce Traité fut fuivi d'un Edit qui diminuoit en faveur des Anglois l'en- trée & la fortie d'un Schelling par chaque pièce de drap ( b ). Quelque tems après Philippe parlant en Efpagne fut battu Nouveaox d'une tempête qui le força de relâcher à Yarmouth. Henri privilèges ac- Jui dépêcha dans l'inflant quelques Seigneurs de fa Cour pour g°oise,sauxAn" l'inviter à venir à Londres fe remettre des fatigues de la mer , & le jeune Prince n'ofa le refufer dans la crainte qu'on n'en- treprît de le contraindre. Henri profita de fon féjour , pour extorquer de nouveaux privilèges. Il obtint entr'autres l'af- franchifTement des péages de Zeelande (c ). Quelques Ecri- vains trompés par le lilence que les deux Princes gardent dans ce nouvel A£te fur la liberté de la Pêche , avancent que l'Archiduc fut contraint de renoncer au droit qui lui avoit été donné de pêcher fur les côtes de Yarmouth ; mais on peut préfumer le contraire de la Claufe qui réferve la pleine exécution des articles auxquels il n'eft pas dérogé. A mefure que les Hollandois perfetlionnoient leur Ma- Commence- rine , ils entreprenoicnt des voyages plus éloignés. Il paroît mMsduCoifr- qu'ils eurent connoifTance des Mers du Nord dès le règne de Nord! dU Guillaume III. Ce Prince accorda de grands privilèges à ceux qui voudroient entreprendre cette navigation ( d ) ; mais ce fut envain , ôc vraifemblablcmcnt la barbarie des ido- lâtres qui peuploient alors les bords de la Mer Baltique , les rebuta. Les Chevaliers de l'Ordre Teutonique ayant conquis ( a ) Hooft Hift. des Pays- Bas. Liv. I. pag. 53. Rymer Acca Publ. Ar.gl. Tom. fj.piin. W.pag. 91, Boxhorn/àr Reigerfb. part. II. pag. 341. (b) Rymer Afta Pnbl. Angl. Tom. V. part. IV. pag. ioy. Hooft ubi fupra, pag. 83. ( c) Rymer Acta Publ. Angl. Tom. V. part. IV. pag. 1 13. Franc. Bacon Hift, J'Henri VIII. pag. 374. RapinThoyras Hift. d Angl. Tom. IV. pag. ci j. ( deur , en affectant d'effectuer le payement en efpeces le- » gères pour gagner fur le poids. » VIII. Nul ne pourra vendre des munitions de guerre (a) Voyez Sckilter Glojfar. qui fonde fon interprétation furl'ufage que Tatia* fait, de ce mot pour exprimer TAUprablée dont Sajnt Mathieu parle, dans fou Evangil. Chap. XH. rerf. 34, Tome I. Sf 322 S e ct. VII. Du Commerce des Provînces-Unies , j> & de bouche , ou des armes aux Pirates , Corfaires , ou » pareils Brigands, non plus qu'acheter d'eux quelque choie, » fous peine de punition corporelle. » IX. Si le vaiffeau fait naufrage , l'équipage fera tenu de » faire les efforts pour fauver ce qu'il pourra , & le mar- » chand payera félon le travail. Celui qui n'aura pas fait « fon devoir , fera condamné à quinze jours de prifon au » pain & à l'eau. ?» X. Le Capitaine qui aura furchargé fort bâtiment, rc- j> pondra du dommage, & celui qui par négligence laiflera 3> endommager les marchandifes , perdra fon fret. » XI. Il efl défendu de le mettre en mer après la S* s> Martin , c'eft-à-dire , paffé Je 1 1 Novembre , ni devant » le 22 Février, à l'exception des bâtimens chargés de » beurre & de harang , qui pourront fortir du port julqu'à la » S. Nicolas, c'eft-à-dire, jufqu'au 6 Décembre & devant » la Chandeleur , c'eft-à-dire , avant le 2 Février (a).- Toutes les Villes commerçantes fe prefferent d'entrer dans cette Confédération qui fe trouva fi nombreufe qu'on fut obligé de la partager fous quatre Métropoles , Lubeck y Dantzick , Bronfvic & Cologne. Les Pays-Bas fe trouvèrent dans la dernière ; mais cette Affociation défila avec la même rapidité qu'elle s'étoit formée. Le défaut d'autorité empêcha de mettre un ordre juridique dans les conteftations qui fur- Vinrent, & chacun fe retira de l'Affbciation. Le Magiftrat d'Hambourg fur un faux avis envoyé d'Utrecht, fit arrêter en 1223 les vahTeaux Hollandois qui fe trouvèrent dans le port : ceux d'Amfterdam uferent de repréfailles ; mais la Ligue étant dans toute fa vigueur , l'affaire fut bientôt ac- comodée par la main-levée réciproque de l'embargo ( b). AccroifTement Amfterdam commencoit alors à devenir célèbre ; les Com- Amflerdlm6 m^rÇanà abandofinoïent Anvers & Dordrecht , pour fré- quenter cetteVille. Dès 1400 une tempête ayant élargi les (à) Leibnitz Cod. Jur. Gent.Diplomat.paj-- 313. Du Mont Corps Diplomat. Tom. II. Pan. II. pag. roi. (£) Herm. Corneri Chron. ad ann. 1112 Sun}. Ait». ICrantziï Yandal, Lib, h cap, XI. &/e2. gucs. Des Navigations, Découvertes , EtabliJJemens , &c. 323 bouches du Tcxel , avoit ouvert la Zuiderzee aux plus gros navires , & procuré la facilité d'arriver au Pampus , d'où ils font portés dans l'Y qui leur offre un baffin immenfe à l'abri de tous les vents & des ennemis les plus puiffans. L'Amflel qui le perdant dans cet endroit , & fe communiquant par des canaux à toutes les rivières du pays , facilitoit le tranf- port des marchandifes non-feulement dans la Sud-Hollande .& la Weftfrife, mais encore dans la Flandre , dans le Bra- bant , dans l'Ooflfrife & dans toute l'Allemagne , lui donna de grands avantages , & fa lituation attira les Commerçans de toutes les parties du Monde. Cette Ville enorgueillie de les forces , tiroit à elle tout le Commerce du Nord , dont les Villes Vandales étoient en pofleffion depuis longtems , c'eft ainfi qu'on nommoit celles qu'occupoient anciennement les Vandales ou Vendes. Ces peuples fe voyant dépouillés chaque jour par ces nou- Guerre avec veaux-venus , fe plaignirent vivement au Chef de la Ligue. les Oofte-1"1"- Le Sénat de Lubeck demanda juftice à Philippe I , & con- voqua l'Aflemblée. Il paroît que vingt-huit Villes dépu- tèrent alors vers lui, Le Duc de Bourgogne expédia autant les Oollerlingues arrêtèrent dans un jour tous les vailicauxHollandois qui le trouvèrent dans leurs ports,& leurs Armateurs enlevèrent ceux qu'ils rencontrèrent dans la Mer Baltique. Ce coup fut d'autant plus ienfible aux Pays-Bas (a), que la Velu\re& le pays d'Utrccht ayant beaucoup fouffert par une inondation , la récolte a voit entièrement manqué l'année précédente , & que les bâtimens pris étoient deflinés pour la traite des bleds (b). La diiêttç devint ii grande qu'un pain de feigle de cinq livres valoit quatre groots & demi , & le boiffeau de froment le vendoit un Rider d'or (c). Le peuple réduit à vivre de grains de moutarde & de chenne- vis , fe îouleva dans difterens endroits ; l'émeute fut fi vive à Rotterdam qu'il y périt plufieurs Bourgeois. Le Duc de Bour- gogne embarraffé dans les troubles qui déchiroient la France, & ne pouvant mettre ordre dans ces Provinces , ni remédier aux maux du peuple , prit le parti de la négociation. Les Vendes nommèrent un Commiffaire de Dantzick & un autre de Lubeck ; les Hollandois députèrent EVert Jacobszoon , Echevin d'Amflerdam ( d ) , dont les prétentions effarou- chèrent les CommiiTaires dès la première féance (e). L'Af- femblée étant rompue , la Nobleffe de Hollande convoqaa le Confeil des Villes , où l'on réfolut la guerre fans atten- dre les fecours du Duc de Bourgogne. On le fervit cepen- dant de ion nom pour publier une injonction aux Villes maritimes d'armer en guerre tous les bâtimens qui leroient dans leurs ports , d'en conftruire quatre-vingt autres , & l'on ordonna à tous ceux qui leroient en état de fervir , de fe tenir prêts à partir au premier fignal. Les frais nécefiaires pour l'armement turent en même tems répartis fur les Villes & les Villages (/). Philippe de Ion côté fit expédier des» (a) MonftreletFo/. II./d/.ifr. (è) Alb. Krantz. Var.d.il. Lib. I. cap. XXXIX. pag. zja. (c) Chron. de Gouda, pag. 1 29. (d) Lifte delà Régence en l'ann. 1438» (e) Velius Chron.de Hoorn , pag. 54, ■> laifons (b). » LeConleil d'Amiîerdam avoit nommé pour Amiral Nicolas Grebber & Arrand Jacobszoon pour Vice- Amiral ( c ). L'arrivée d'un fi grand nombre de vaiffeaux rendit aux Hollandois l'empire de ces Mers ; leurs Arma- teurs le voyant Ci bien appuyés , enlevèrent en peu de tems un grand nombre de vailîeaux , entre lefquels étoient deux Bifcayens & une Frégate Vénitienne richement chargée. Les Hollandois d'un autre côté avoient pourvu à la fû- IV". reté de leurs côtes. La Zeelande fourniflbit iix Bufesmon- S'"K\iei tées chacune de cinquante foldats , qui croifoient à l'Oueft de la Meule, & la Hollande gardoit le côté de l'Eil avec quatre Bules & deux Hulques (d). Ceux qui commandoient ces bâtimens , abufant de leurs commiflions , enlevoient in- différemment tous les vailîeaux qui paroiflbient dans leurs eaux , & principalement les Efpagnols qu'ils pourfuivoient jufques fur les côtes de Flandre (e). Les Amis fe voyant traités en Ennemis , le plaignirent 11 vivement , que le Duc de Bourgogne fut contraint de retirer les pouvoirs qu'il avoit accordés (/ ) , & fur la pourfuite des Efpagnols , les deux Provinces furent condamnées à payer quatre-vingt mille Schildens de trente groo«,par forme de dédommagement (g). La fupériorité que les Hollandois avoient de tous côtés ,. leur' (a) II Memor. de RoCe. fol. m & ijo. IV. Memor. fÀ. i. (S) Alb. Krantz. Vand. LU. XV. cap. XXIX. pag. 304. (e) IY Memor. de Rôle. fol. 13. ii) IV Memcr. delioCe.fol. £j & 30. (e) Meyer Ann.Flandr. ad ann. 1439. if) IV Memor. âeRole.fd. 39 &43- (.£) VeliusChron.deHoorn.pa^. 71. IV, Memor, de RoCe.fol *£• HoliaildoiJ.- ■$i6 Sect. VII. Du Commerça des Provinces-Unies ; enfla le cœur : ils arborèrent un balai à leurs mâts pour montrer qu ils avoient nettoyé les mers ; mais ces triomphes ne remedioient pas à la famine qui déibloit leur pays. La ccflation du commerce ne failoit qu'augmenter le mal ; &c ce ne fut que la récolte de 1440 qui leur donna quelque foulagement (a). La miiere des Provinces animoit encore Leur victoire }cs Marins ; la flotte d'Amfterdam prit cette année même in ues?' l" ce^e ^cs Vendes , qui revenoit de charger le fel à la Baye. Le combat le donna à la vue de Lubeck , à la hauteur de la Travc , qui fe jette dans la mer proche de cette Ville. La fuite des Prufliens Se des Livoniens qui prirent le large dès le commencement , décida la Victoire ; les Hollandois maî- tres de tous les vaifleaux , mirent les équipages en liberté (b) , & nous les verrons dans la fuite recueillir les fruits de leur générofité. ik font mêlés Sur ces entrefaites les Danois mécontens du Gouverne- ,i.ms les trou- nient d'Eric , appellerait Chriftophe de Bavière , fon ncr marc.6 Ane' vcu ' clu' depuis longtems méditoit l'ufurpation des Cou- ronnes du Nord. Ce Prince s'étant afTuré du fecours des Ooflerlingues , mit les Hollandois dans la néceffité de pren- dre le parti du Roi , & ceux d'Amfterdam , dans l'efpé- rance d'obtenir, dans le befoin qu'il avoit de leur fecours, des conditions plus avantageufes pour leur commerce , lui envoyèrent des Ambaffadeurs. On arma en même tems une flottequi coûta quatre mille Riders, & quinze cens d'entretien. La Hollande , la Zeelande & la Frife portèrent par tiers cette dépenfe (c). Malgré ce renfort, Eric fut contraint de le fauver dans la Pomeranie , & Chriftophe fut proclamé. La levée de bouclier que les Hollandois avoient faite en fa- veur du Roi , leur attira une déclaration de guerre de Fré- déric, Margrave de Brandebourg, Coufin de Chriftophe (d); mais le nouveau Monarque ayant befoin de paix pour s'af- fermir fur le Trône, offrit fa médiation (e). Philippe nomma (a) Velius Chror.de Hoom.pag. ). Elle lut même luivie de trois Traités partieuliers : le premier avec Chriflophe, Roi de Dannemarc , auquel les Hollandois promettoient cinq mille florins par forme de prélent ; ce Monarque ratifioit lus Trai- tés conclus par l'es Prédéceifeurs (c) , & joignoit de nou- veaux privilèges en faveur d'Amflerdam ( d ). Le fécond rc~ gardoit le Pays de Holilein , dont les dédommagemens fu- rent fixés à leize marcs d'argent (e) ; & le troifiéme evaluoit ceux de la Pruffe & de la Livonieàneuf mille livres degroots, que les Hollandois s'obligeoient de payer en quatre ter- mes (/). Il femble que ces iommes ne furent pas acquittées avec exactitude ; nous trouvons en 1443 & en 1444 des dé- libérations tendantes à faire les fonds (g"). Les Députés dç Haarlem preffés fur cet article , répondirent nettement qu'ils n'avoient pas de pouvoir ; ceux de Leide, d'Amflerdam & de Goude parlèrent fur le même ton. On rapporte une quittance du Roi de Danemarc, en date de 1447 , de cinq mille florins , & la preuve eft contredite par un Arrêté de 1450, qui met une accife fur la bierre , fur le fel & fur la tour- be pour acquitter cette dette ; il paraît même que les fonds qu'on tira de cette taxe , furent employés à d'autres ufages. Accroifle- Les Hollandois avoient profité de la guerre pour étendre ment du com- }eur commerce dans le Dannemarc , dans la Suéde , dans la NorT Norvège , & même dans la RufTie. Ils allèrent à Reval & à Nerva ; en 1 5 8 1 & dans la fuite ils fréquentèrent Archan- gel ( h ) , & cultivoient avec foin l'amitié du Czar , qui de ion côté les favorifoit par préférence aux autres Nations. V. Ils portent dans ce pays des Ducats & des Rixdalers mon* Commerce (laP°logne> toiles de Pologne , des peaux de bœufs & de vaches , de l'ambre ou du fuccin , des plumes , du houblon , du cumin , de la potas, de l'anis , &c. La Pruffe Ducale , aujourd'hui Royale , la Poméranie , dont Stetin & Stralfund font les Tomel, ■ Tt 3 30 S e c t. VIT. Du Commerce des Provinces-Unies , Villes principales, Riga, Pveual , Nerva & Pcrnau, fituées' dans la Livonic , fourniflent les mêmes maarchandifes , Ûc la dernière donne encore des arbres pour les mâts & les ver- gues de moulin. On porte fur toutes les côtes de la Mer Bal- tique des Rixdalers & des Ducats , du Ici , des vins , des eaux dévie , des vinaigres , des épiceries , des drogues pour la teinture , du fucre , des étoffes de foye & de laine , de la fayence , &c. Le Roi de Danemarc levé des droits confidé- rables fur les vaifleaux qui paflent dans le Détroit du Sond. Les Hollandois traitèrent de nouveau avec lui en 1721. Us ont depuis renouvelle les mêmes conditions, & tiennent un Commis à Elfeneur , qui prend huit fols par chaque vaifleau , pour veiller à l'exécution du Traite. VI. Nous ne pouvons quitter ces mers fans parler de la Pécha Pèche de la jg jfl Baleine. Les Bifcayens affrontèrent les premiers les Baleine. . . T . J . ni n^\ glaces du JNord pour y chercher ces monitres de 1 Océan. Le gain qu'ils y trouvèrent , excita les Hollandois à former une Compagnie , & n'ofant fe flatter de réuiïir dans cette pêche fans maîtres fans guides , ils promirent des récom- penfes fi fortes, qu'ils débauchèrent plu fleurs Pilotes & Har- ponniers Bifcayens. Us leur donnèrent une autorité fu- périeure au Capitaine de vaifTeau dans tout ce qui concernoit la Pêche. Us fe contentoient d'abord de prendre des Chiens & des Vaches de mer ; mais ces poiffons auflfi bien que les Baleines effarouchés de la chalTe qu'ils leur donnoient, ayant abandonné les mers de l'Iflande & du Groenland , la Cham- bre d'Amfterdam arma en 161 2 deux vaifleaux pour pafler au Spitzberg , & chercher les Baleines dans les glaces du Nord. Les Anglois les enlevèrent tous deux au retour ; mais cet accident,loin de les décourager,leur fit prendre la réfolu- tion d'envoyer des efeadres plus fortes & mieux armées. Dans ce deflein plufieurs Négocians s'étant aflbciés , obtin- Compagnie rent en 1614. un Octroi exclulif pour la Pêche depuis la ceSêcheT Nouvelle Zemble jufqu'au Détroit de Davis ; ce qui com- prend les côtes de Groenland , le Spitzberg , l'Ifle des Ours & les autres qui font dans ces parages (a). Les premiers vaif* (« ) Grand Recueil des Placards. Tom, I. pag. 671 & *7J. Des Navigations, Découvertes , EtablijJ'emens > Gr. 3 3 1 féaux qu'ils envoyèrent , fe rendirent maîtres d'une Ifle , à la- quelle ils donnèrent le nomd'Amflerdam, bâtirent des maga- sins , des fourneaux propres pour les chaudières , afin de fondre plus facilement les graiiTes , de tirer l'huile que ce poifïbn fournit en abondance, & de diminuer les frais qu'il en coûtoit pour ce travail, lorfqu'il fe failoitdans Amfterdam où l'on voit encore les premiers magafins quiportent le nom de Groenland (e). Bientôt les Zeelandois & les Frilons deman- dèrent à être reçus dans cette Compagnie : les premiers furent admis; les féconds ne purent obtenir un intérêt qu'en 16^6. On leur accorda un terrein particulier fur la côte deSpitzberg, Se Ton redraignit la Conceflion à trois mille quarteaux de graiffe fur vingt-fept mille. Cette Société qu'on nommoit la Compagnie du Nord, fe trouva pour-lors compofée des Villes d'Amfterdam, Delft, Rotterdam, Hoorn, Enkhuizen, Mid- delbourg, Vliflîngue & de la Province deFrife. La Pêche étoitalors plus facile & plus abondante, Se l'Ifle d'Amfterdam fe trouva bientôt fipeuplée,qu'elie fembloit une Ville en l'a- bordant (a). Les premiers O&rois étant finis, en 1634, la JCompagnie fe preiTa de les faire renouveller (b) ; mais le gain commença bientôt à diminuer. Les Baleines harcellées continuellement , fe réfugièrent fous les glaces fermes ; plu^- /leurs vaiffeaux revenoient fans prife , & plus de vingt péri- ment en peu de tems pour s'être trop bazardés à la pourfuite des poiiTons : de façon que les intéreffés , loin de retirer des dividendes , furent contraints de faire de nouvelles miles. Le Gouvernement fit différens réglemens pour foutenir une branche du commerce fi lucrative dans les commencemens. Les Etats ordonnèrent des efeortes en tems de guerre ; on infligea des peines contre ceux qui vendroient ou condui- roient chez l'Etranger les bâtimens & les uftenciïes propres à cette Pêche ; on défendit d'employer à d'autre ulage les vaiffeaux qui y étoient deftinés, d'en détourner les matelots , même pour les flottes de guerre ; on affranchie des droits d'en» (a) Voyei Zoradrager Pèche de Groenland pzg. zij. (b) Idem , ibidem. (O Grand Recueil de? Placards. Torr.. I. coi. 678. Ttij 332 S e c t. VIT. Du Commerce des Provinces-Unies , trée les huiles & les barbes des Baleines, & pour encourager les équipages à fauver les bâtimens naufrages , on adjugea les marchandifes à ceux qui les reconnoîtroient , fans égard pour le propriétaire. Ces précautions furent inutiles ; la di~ ictte des poiffons augmentoit , & par conféquent les rifques & les pertes femultiplioicnt. Les Baleines s'étoient retirées dans les glaces du Nord depuis le Cap du Sud jufqu'au Dé- troit de "Weygat , & fur la côte delà Nouvelle Zcmble. Les Négocians rebutés des obftacles , négligèrent de renouvellcr La Pêche dé- l'Octroi, & la Compagnie s'étant diflipée en 1645,. la Pê- ciarie libre, che fut déclarée libre & permife à tout le monde. Société.^ par- Les particuliers qui veulent aujourd'hui tenter ces Navï* J'cp^Tespour gac'ons>r'orment: une Société particulière pour armer un nom- bre fixe de vaifTeaux , & chacun eft reçu à prendre l'intérêt qu'il veut. On choilît un des principaux qui , fous le titre de Teneur de Livres , eft chargé de la direction , & reçoit en- viron foixante-quinze florins par vaifïeau pour falaire. Les bâtimens ont ordinairement cent dix-huit ou cent douze pieds de longueur ; ils ont fept ou fix chaloupes chacun , & iont montés de cinquante ou quarante-deux hommes d'équi- page. La conilruétion revient à vingt-cinq mille florins 6c les uftenciles nécelTaires à huit ou dix mille. Il faut que chaque vaiffeau rapporte deux ou trois poiffons pour acquitter les frais de l'équipement & du voyage. Ceux qui font defti-' nés pour le Groenland , mettent à la voile au mois d'Avril j ceux qui vont au Détroit de Davis , partent un mois plu- tôt. Lorfque la flotte a gagné le 60 ou 65 degré, les équi- pages appareillent pour la Pèche, & portent*vers les glace9 îolides , dont le banc gît à yj ou 70 dégrés. Us fe met- tent enluite à laquête de la Baleine , & f e jettent dans les chaloupes auflitôt qu'ils l'apperçoivent. L'harponnier lance l'harpon , quand il elT à portée ; cet inftrument eft attaché à un cable fouple , retenu par cinq autres cables gaudron- nés , dont les bouts répondent à des moulinets qui font fur les chaloupes. L'animal fe fentantbleffé, plonge le plus avant qu'il peut , file la corde jufqu'à ce que la fatigue & la foi- blelTe l'obligent à revenir fur l'eau pour refpirer. Alors on- Des Navigations , Découvertes , EtabHjJemens , &c. 333 lui darde un fécond harpon , & lorfque le poiflbn efl affai- bli par la perte du fang , on l'approche , & Ton cherche à le percer avec des lances de fix pieds armées d'un fer large & tranchant. G'eil: dans- ce moment que les matelots doi- vent prendre garde à la- queue du monftre , dont les coups ne manqueroient pas de renverfer leur chaloupe. Lorfqu'il efl mort , on lui coupe la queue, & l'onpaffe un cable dans le tronçon , avec lequel on la hiffe fur la glace ; on coupe alors les barbes ; on dépeçe la graiffe qu'on arrange dans des tonneaux , «Se l'on laiffe la chair qui n'eff. bonne à rien, les Danois ayant effayé inutilement d'en manger. Chaque poiflbn fournit ordinairement deux cens quarante à deux cens cinquante barbes premières , & deux cens fécondes , outre la graiffe , dont on tire jufqu'à fûixante-dix à quatre- vingt tonnes d'huile. 11 n'y a point d'année qu'il ne parte depuis cent foixante VU. jufqu'à deux cens bâtimens pour cette Pêche. C'eft cepen- Calcul d« dant mettre à la lotterie ; la perte ou le gain dépendent du ""' nombre des poiffons qu'on rapporte. On nefçaitlur quel fon- dement certains Auteurs avancent que la Pêche de la Baleine eft une Mine d'or pour les Hollandois : pour prouver leur er- reur, ilfuffira de jetter les yeux fur les deux calculs qui fuivent. Pour équiper 180 vaiffeaux , il en coûte dix- florins. huit tonnes d'or, qui font ...... 1800000 dont voici le détail : 2700000 cercles de tonne, coûtent . , . . 43 300 36000 tonnes neuves 108000 Pour la main d'œuvre des Tonneliers . ,- . 21600 400000 livres de viande ....... 40000 2880 quarteaux de beurre • 57600 150000 livres de flocvis 12000 550000 livres de bifeuit ..•.,, , 40000 72000 pairn . . . 18000 172000 livres de cordes ...... , 35000 550 barrils d'eau diftillée 5500 Pour les épiceries , fucre , &c. ....-,• 3000 Pour la ferraille , , » » 1 * * 5000- 334 S e c t . VIL Du Commerce des Provinces-Unies , Pour les chaloupes . . . . . i 5000 60000 livres de lard de Frifc . . , 8000 144000 livres de fromage , 18000 20000 livres de fromage vcrd,&c 1500 10800 tonnes de bierre avec l'accife . . 27000 pooo lacs de gruau , pois , &c. . . . 40500 Harang , falaiibns, vaifTclle, &c. . . . 38000 Auxquels il faut ajouter , Pour l'avance de l'équipage ...... 180000 Pour les gages payables au retour .... 540000 Pour le fret ou louage des bâtimens à 3000 florins, 540000 Total 1800000 Il faut voir à préfent ce qui relie & ce qui fort du pays de cet argent. Il faut obferver que le pays produit les cercles des ton- nes ; que le ialaire des tonneliers y demeure ; qu'on y prend la viande , le beurre , le lard & les fromages ; qu'on peut même y ajouter les épiceries , comme étant fournies par la Compagnie des Indes Orientales , aufli bien que le gruau , les pois , &cf Les autres Articles fe tirent pour la plus grande partie des pays étrangers , comme les bois pour les tonnes , qui revien- nent à deux florins la pièce , dont on peut ôter un quart pour la voiture : ainfi il lort du pays environ . . . 400C0 Le ftoevis qui emporte les deux tiers de fon prix . . . 8000 Le bifeuit & le pain , dont il faut défalquer les accifes , la main d'oeuvre & le gain du boulanger, dont le montant , faifant environ les deux tiers, refte dans le pays ; ainfi il en fort 17000 Les eaux diftillées , la ferraille , les chaloupes , dont les façons font le principal objet , & dont il ne fort qu'un quart du pays 6000. La plus grande partie du prix de la bierre y refte pa- reillement, & l'on peut évaluer le montant de ce qui fort , au dixième , 3000 74000 Des Navigations , Découvertes , Etablijfemens , &c. 335 Ainfi des 540000 florins employés pour l'équipement , il rentre dans le pays 466000 florins. Les 1 80000 qu'on avance aux Marins , font pareillement dépeniés pour l'habillement, tabac , eau de vie , &c. On paye environ un quart des ga- ges aux Iutlandois & Norvégiens qu'on loue pour le retour ; mais ils employent la plus grande partie pour acheter des marchandises du pays : ainfi nous ne compterons de cet arti- cle la fortie en elpece que pour .... 20000 Les autres gages des ouvriers , au retour des vaifîeaux , font confommés dans le pays. Quant au louage des vaiffeaux , on compte qu'il fort du pays pour chanvre , camboui , &c. . 20000 Pour les mâts , bois de conftru£lion , &c. montant à 800 florins par chaque vaifîeauxe qui fait 44000, on peut évaluer ce qui fort , à 24000 Ajoutez à ces fommes celles ci-deflus . . . 74000 Total . . . 138000 Enforte que fuivant ce calcul il ne fortira pas une Tonne & demie d'or fur les dix-huit que coûte l'équipement. On pré- tend qu'il en refte jufqu'à fept dans Amfterdam feul. On a pareillement obfervé qu'une Efcadre ordinaire qui part pour cette Pêche , rapporte communément 44000 quarteaux de graifle de Baleines & 1 200000 livres de barbes , qui fans compter les dents des Vaches marines & les peaux de Chiens de mer , produifent 2100000 Jl faut en défalquer pour l'argent qui fort du pays . 1 50000 Refte ... . . . 1950000 On confomme dans le pays une partie de ces marchandifes , & fi la Nation ne failoit pas la Pêche par elle-même , elle feroit obligée de les acheter au dehors : ce qui reviendroità 600000 Les remifes de trois cinquièmes fur l'huile & de trois quarts fur les barbes , que l'Etranger eft Obligé de faire, produifent , ..... 1350000 1950009 3 3 6 S f. c t. VTT. A/ Commerce des Provinces-Unies ,' Suivant ce calcul laPéche rcndroit trois tonnes d'or de profit par an. Mais il fe trouve des Négocians qui ne font pas moins ha- biles , & qui comptent bien différemment. Le loyer d'un vaifleau de cent douze pieds , étant plus fort pour le Détroit de Davis que pour le Groenland , on peut , l'un flor. portant l'autre , évaluer cet article à .... 3500 Les tonnes neuves &c. reviendront à 5500 , & • d'hazard à 3200 ou 3500. On peut même les avoir à 2000 , & il en coûtera pour la main d'œuvre . . 1000 Les autres choies indifpenfables pour l'équipement reviendront à 4500 Si le vaifleau revient à vuide , il en coûtera en- core ... 3600 12 600 Ainfi fuppofant que le vaifleau revienne à vuide , la perte fera de 12600 florins. Si le vaifleau appartient à l'Entreprer neur , la chofe revient à peu près au même ; il eft détérioré par le voyage de 1000 florins , & pour le remettre en état de tenir la mer , il en coûtera 1000 autres. Si la Pêche eft heureufe , les frais feront aufli plus forts , mais plus faciles à fupporter. Les Officiers du vaifleau ont leur part ; c'eft-à-dire poutre les appointemens , ils ont droit de fe faire payer une fomme fixe fur chaque tonne de graiffe : ce qui monte l'un portant l'autre , à . 6 10 La chaudière pour la cuiflbn , 5 Pour le Tonnelier 15 Pour les autres frais 2 ip Ce qui fait par chaque quarteau ..... 10 Si chaque vaifleau prend deux ou trois poiflbns , il rap- porte 1 00 tonnes de graifle , qui donnent environ un tiers de plus de quarteaux d'huile , la proportion de la tonne au quarteau étant de 18 ou 20 a .12. Ainfi 100 tonnes de graille rendent 130 quarteaux d'huile , qui à 35 florins, valent Des Navigations, Découvertes , Etablijfemens > &"c. 337 valent 455° Sur 100 quarteaux d'huile on compte environ 3000 livres de barbes ; ainfi fur 130 il y en aura 3900 , à 150 florins les cent livres 5850 10400 Comptez d'un autre côté les frais de fortie & de rentrée de ci-deffus '..... 12600 Les 10 florins d'augmentation par quarteau d'huile font de 130 quarteaux 1300 13000 Otez le montant de l'huile 8c des barbes . . . 10400 Refte 35°o Donc un vaiflcau qui rapporte deux ou trois poiflbns , ou 100 tonnes de graifle , au prix moyen , perd environ 3500 florins. S'il a pris trois ou quatre poiffons , rapportant 135 tonnes , il fera au pair : car 135 tonnes de graiffe produisent 180 quarteaux , qui 435 florins font . . 6300 Ajoutez 5400 livres de barbes, à 150 florins. les 100 livres 8100 14400 Frais de fortie & de rentrée ...,.,, 12600 Les 10 florins par quarteau, font de 180 . • . 1800 14400 Il peut y avoir encore quelques petits profits fur les déchés ; mais ils ne valent pas la peine d'en parler , & fe trouvent ab- forbés par le nettoyage des barbes , le tranfport des bar- ques , ôcc. On a remarqué que dans les années 1 607, 1 608, 1 701, 1705 êc 17 14, qui furent très-avantageufes, chaque vaiiTeau rap- porta jufquà dix ou douze poiitons , & qu'en 1710 Se 1730 à peine en avoient-ils un , l'un portant l'autre. En 1736" on équipa cent vaiifeaux pour le Groenland Se quatre-vingt-on- Tome J, V v 338 S e c T. VU. Du Commerce des Pravïnces-Unies r ze pour le Détroit de Davis ; en 1737 cent iix pour le Groenland, 6c quatre-vingt-huit pour le Détroit de Davis ; en 1738 cent vingt-deux pour le Groenland , & foixante- quatorze pour le Détroit de Davis. Cette dernière flotte rap- porta de Groenland 362 poiflbns ou i4<5i4tonnesdcgraiflc,. & du Détroit de Davis 100 poiflbns ou 5860 tonnes de graifle , les barbes à proportion. On ne compte pas les dents de Vaches & les peaux, de Chiens de mer que l'on prend chemin faifant, & dont on fait encore de l'argent , les dents de Vaches éqant. plus eftimées que l'yvoire. On peut même faire un petit commerce avec les habitans du Détroit de Da- vis, auxquels on porte des planches, des chaudrons, des haches , des cifeaux , des couteaux , pour lesquels ils don- nent des peaux de Chiens de mer , de renard & d'ours blancs & des barbes de baleine*.. Vin. Le commerce avec l'Allemagne fe fait par le Rhin , la av^T/SÏ™ Meuie> 1,Ems » Ie ^cfer & l'Elbe- Hambourg efl fituée près magne, de l'embouchure de la dernière qui forme fon port. Les vaif- feaux n'approchent qu'à deux ou trois lieues , & l'on efl: obli- gé d'y porter les marchandifes en batteau. On tire de cette ville & d'Altona ,. petite ville voifine appartenant au Roi de Danemarç , des toiles & du fil deSileiie,dela potas, du cui- vre de Saxe, du fer blanc , du miel , du boisde conftru&ion,.. &c. On y débite des étoffes defoye& de laine, des drogues pour la teinture, des épiceries, delà fayence, des barbes de baleine , du harangfalé, &c. Brème efl: bâtie furie "Weler à quinze lieues de la mer ; on y trafique les mêmes marchan- difes qu'à Hambourg , & l'on rapporte des poêles de fer , de la bierre du pays & de Bronfvic , des toiles ,. du fil , des grains , &c. Embden efl; fur l'Ems ; cette ville s'étoit érigée en République fous la protection des Etats Généraux. Elle efl: aujourd'hui foumife au Roi de Prufleen qualité de Comte d'Ooflfrife. La rivière efl fi large & fi profonde en cet en- droit que les plus gros vaifleaux entrent à toutes voiles 8c fans s'alléger jufques dans le cœur de la Ville : ce qui rend ce port le plus beau & le plus fréquenté de l'Océan lépten- ïrionah Les Hollandois en tirent quantité de bœufs qu'ils en- Des Navigations , Découvertes , Etabliffemens , &c. 339 graiflent dans leurs pâturages , des vaches , des chevaux , 'des toiles de Munfter & de Padcrborn ; ils y apportent les mêmes marchandées qu'à Hambourg & à Brème. Le Rhin qui parcourt un grand pays , rend une infinité de Villes com- merçantes. Cologne efl: une des plus confidérables. On y porte des bois pour les teintures , des étoffes de foye & de laine , du caffé, du thé, des toiles de cotton, des moufleli- nes , des porcellaines , du ftocvis , du fel , du la von , du fro- mage , &c. On échange ces marchandées contre des bois de chêne qui defcendentà flot par le Rhin, des pots& des cruches de terre , des vins du Rhin & de la Mofelle, de l'ar- tillerie de fer , des boulets, des bombes, des grenades , &c. Duffeldorf , Eberfeld 6c d'autres lieux des Duchés de Juliers, de Bergues & de Cleves , fourniffent des toiles , des rubans de toute efpece , du fil & des foyes de cochon. Francfort fur le Main a deux Foires célèbres , l'une à Pâques & l'autre à la Saint Michel. Les Hollandois y portent toutes fortes d'é- toffes de foye & de laine , des dentelles , des rubans , des ..épingles, des aiguilles & autres merceries , des marchandifes des Indes Orientales , de l'étain , du cuivre &c ; & ils en ti- jent des vins , du tartre , de la potas , de la laine , des pru- neaux d'Allemagne, de l'encre d'Imprimeur, &c. Les mar- chands de Hanau , de Wurtzbourg , de Bamberg , de Heil- bron , &c. envoyent en Hollande par la voye de Francfort & de Cologne , des vins , du tabac , des pruneaux , des verres à boire , &c. Le commerce de Nuremberg fe fait aufïi par la voye de Francfort. Les Hollandois en tirent beau- coup d'ouvrages en cuivre & en fer, du cliquant, des coffres forts , des couteaux , du fil d'or & d'argent , des luftres de cuivre & une infinité de quinquallerie, qu'ils débitent très avantageufement dans les deux Indes. Ils y portent les mê- mes marchandifes que dans le refte de l'Allemagne , des dents d'Elephan , des drogues pour la teinture , &c. Augs- bourg & Memmingue fournit aux Hollandois beaucoup de bafin. Leipzick , célèbre par fes trois Foires, du jour de l'an , de Pâques & de la S. Michel , tire de Hollande par la voye d'Hambourg quantité d'étoffes, des draps d'or &; d'ar>= Vvij AvecîaSui.Tf. Avec les Pays- Bas Catholi- •ques. 349 Sect. VTT. Du Commerce des Provinces-Unies , gent , des dentelles , des marchandiies des Indes , &c. & lui rend du ril , du fer blanc , des ouvrages en acier, des gla- ces, &c. Vienne reçoit par la même voyc les marchandiies qui le débitent dans le refte de l'Allemagne, & envoyé du cuivre d'Hongrie & du vif-argent. Le grand nombre de péa-- ges qu'on a établis fur la Meule depuis que la Gueldre eft dé-' membrée entre trois. Souverains, a diminué le commerce qui le faifoit fur cette rivière. On ne va prelque plus qu'à Liège ; encore les Négocians préférent-ils les voitures par terre. On y envoyé des étoffes de foye & de laine, des drogueries, des cuirs , &c. &• l'on en reçoit du cuir à femeler , des ferges, du fer en barre; , des doux, des vis, des fufils, des pitto- lets, des ouvrages de lèrrurerie, des canons , des boulets , des bombes, &c. Les Hollandois envoyent quantité de cui- vre ôc de laine d'Efpagne à Aix-la-Chapelle , à Verviers & autres lieux des environs de Liège , & en retirent des chau- drons & des draps fabriqués. Le Rhin facilite le tranfport des marchandifes jufqucs dans le fond de la Suiffe. On y débite des toiles peintes , des moulfelines , des cannes , des épiceries , des drogues médi- cinales & pour la teinture , des draps , des étoffes de laine 8t de foye , des velours , des dents d'Elephan , des cuirs de Ruflle , de la baleine ,. &c. Les villes de commerce font Zuric , Schafhoufen , Bafle , Bern , S. Gall & Genève. Elles fourniffent des foyes d'Italie & du pays , du floret , des crêpes, &c. Genève eft confidérable pour l'échange des livres & l'horlogerie ; mais en général la Hollande fournit beaucoup plus de marchandifes aux SuifTes qu'elle n'en reçoit. Les Pays-Bas Catholiques entretiennent quelque corn-- merce avec la Hollande par les Villes d'Anvers, de Bru- xelles , de Dunkerque , de Gand , de Bruges , de Tournay , de Lille , de S. Orner & de Cambray. On y porte des étoffes de foye &■ de laine , des épiceries , des drogues médécinales & pour la. teinture , de la potas , du fucre , du harang & au- tre poiffon falé , &c. On en tire des dentelles , des tapiffe- ries , quantité de grains , du lin , des toiles & du fil de Gand. Menin & Courtray fourniffent des toiles j. Cambray donne Des Navigations , Découvertes, Etablijfemens , 6'c. 341 tes plus fines ; Bruges eft renommée pour les bafins, Tour- naypour le coutil &lestapifferies; Lille pour les camelots & les bouraeans ; Mons & Valenciennes pour les dentelles qui font d'une fabrique différente de celles de Malines ; mais ce commerce diminue tous les jours. Les Négocians d'Anvers & ceux de Venife ie communi- 1 x. quoïent beaucoup dans le quatorzième & quinzième fiécle* Commerce Ces derniers , maîtres des Echelles du Levant & de la Mé- J^i diterrannée, fourniffoient à l'Europe les épiceries & les aro- "née. mates duLevant qui leur venoient deSrrrirne & d'Alexandrie. Mais les Portugais ayant découvert une nouvelle route pour aller en droiture aux Grandes Indes , firent tomber leur commerce. Les Hollandois ayant entrepris eux-mêmes le commerce des Indes , apportèrent les épiceries directement dans leur pays , & ne» trouvèrent plus leur compte dans la Méditerranée , nonobftant que le commerce d'Anvers fut déjà tranfporté à Amfterdam. Les Juifs ayant été chaffés de l'Efpagne vers le milieu du feiziéme fiécle , ceux d'entr'eux qui s'étoient établis en Hollande , imaginèrent d'envoyer à ceux de leur Nation qui s'étoient retirés en Italie & au Le- vant, les mêmes marchandifes des Indes , qu'on avoit autre- fois tirées de ce pays. Pluiîeurs jeunes Négocians Hollandois fuivirent bientôt leur exemple , & établirent des Comptoirs en Italie , dans les Ifles de l'Archipel , à Smirne, à Conftan- tinopîe , &c. d'où ils firent un commerce très avantageux en épiceries avec leurs Aflbciés en Hollande. Ce commerce devint 11 confidérable qu'on créa en 1 624 une Chambre à Amfterdam , compolée de huit Directeurs , pour veiller à l'obfervation des Loix & des Réglemens promulgués pour le Levant & la Méditerranée , pour demander à l'Etat des efeortes néceffaires dans les tems deguerre.Onlui attribua le droit de juger en première Inftance les conteftations qui pourroient furvenir entre les Négocians , & celui d'établir un florin par chaque tonneau des vaiffeaux qui partent pour- la Méditerranée , & un pour cent fur les marchandifes qui arrivent du Levant (a). Ce dernier droit a rapporté dans- as) Rcc. desPkc. Tom.lU.pag ,iz68,Tem, I V.pag.i 3 j 1 .Réf. Gén, du 17 Avait,?* 342 S e c t. VII. Du Commerce des Provinces Unies ; florins. les années ifyi , 1692, 8c 1603 * .. 28pp 1 14 Dans les années 1 694 & 1625 . . . 1746 1 8 Dans Tannée 1696 ...... 4812 9 14 1607 , . 1626 1 6 1698 2381 1 14 1600 . ... . . . 1594 2 8 - 1700 . .... . . . 305*9 11 o 1701 ........ 136 18 o 1702 . . .. .. . .. 1831 13 o(a) On peut aifément calculer par ce Tarif la valeur des mar- chandifes qui font rentrées du Levant dans ces années;mais ce commerce a confidérablement diminué depuis quelque tems.. Les impôts que la Chambre levé dans les Ports même du Levant , les frais d"Ambaffade & des Coniulats , les préfens qu'il faut donner aux Miniftres de la Porte , ôc les arrérages de deux cens mille florins que la Chambre emprunta en 1666 y abforbent le profit. Les Hollandois portent au Le- vant & dans la Méditerranée des épiceries, du cacao, du gingembre , du thé , des porcelaines , des perles , des mouf- félines, des étoffes de foye, des toiles fines, des draps fins, des étoffes de laine , du fil , des rubans , des baleines , des cuirs de Ruflie, du cuivre, du fer, du fer blanc, du plomb, des dents d'Elephan, des bois de teinture , du harang,des crabes de mer , &c. Smirne & Conflantinople leur rendent du fil de Turquie ou poil de chameau , des drogueries , des noix de gales , du cotton , de l'alun , des tapis , de la foye, &.c. Alep fournit aufli des noix de gales , du poil de cha- mois , de la laine de chapelier , du cotton & du fil de cotton , de l'encens , des toiles , de la foye, des peaux de chagrin, &c. On tire d'Alexandrie du fafîran & quantité de drogue» ries , & du Grand-Caire à peu près les mêmes marchandifes & des Mumies. L'Italie fournit aux Hollandois quantité de marchandifes précieufes. Ils tirent de Gènes des étoffes de (a) Recueil des Placards. Tom. V.pag. 1548. Des Navigations , Découvertes , Eiablijfemens , &c. 343 foye, des tapifTeries, des draps d'or & d'argent, de la foye crue, de l'huile , du favon , du ris , des drogueries , des blocs de marbre , &c. On tire de Livourne quantité de marchan- difes , comme du caffé , du cotton , &c. dont il y a tou- jours un entrepôt dans ce Port. Venife donne du ris de Vé- rone , des dentelles ,. des glaces & des verres à boire , des drogueries , du foufre , de la graine d'anis , &c Bergame , Bologne , Modene & Turin fourniffent de la foye crue. Par- me elt renommée par ion excellent fromage ; le com- merce de ces lieux & des environs le fait par la voye de Ve- nife ou parcelle d'Allemagne parterre. Les Hollandois alloient auffî chercher les marchandifes du Commerce nouveau Monde dans les ports del'Efpagne & de Portugal. avec ÏE(?3-~- Ce Commerce devint fi confidérable quoiqu'ils n'euffent que S"e* le fret, que Philippe II louffrit qu'ils continuaffent de na- viger fous un pavillon étranger , quoique la guerre qui fut fuivie d'une Révolution générale , fut commencée. L'Elpagne ne pouvoit fe paffer pour la conftru&ion des vaiffeaux des bois qu'ils apportoient du Nord; mais ce Roi réfléchiflant que les richefles qu'ils rapportoient defon pays,nourriffoient leur révolte , leur ferma l'entrée de fes ports. La trêve de douze ans les ouvrit ; mais à Ion expiration , ils furent inter- dits de nouveau & les défenfes ne furent levées que par la paix de Munfter. Le Commerce fut encore rompu en 1702 , & enfuke jufqu'à la paix de 171 3 , une qui fut fuivie en 17 14 d'un Traité de Commerce auquel on n'a plus por- té d'atteinte (a). Les Hollandois fréquentent Cadix, S, Lucar , Seville , Bilbao, S. Sebaftien , Malaga , Valence 3 Alicante, Barcelone, rifle de Mayorque, &c. Ils y portent des épiceries , des toiles de cotton , des étoffes de foye & de laine, de la cire, des cuirs de Rufïie,des épingles, des aiguilles >&c. Ils rapportent de la laine, du tel, des vins de Malaga , d'Alicante , de Xeres ôc des Canaries , de l'huile d'olives , des amandes , des figues & des raifins fecs ,.&c,. Ils {a) Recueil des Placards. Tom. V. yag< $o$. 344 Sect. VII. Du Commerce des Provinces Unies , ont même trouve le moyen de faire le commerce des Indes Orientales fous le nom des marchands Elpagnols , malgré les défenfes expreffes du Gouvernement , & ceux-ci leur font tenir fidèlement leurs fonds au retour des Gallions Ces flottes ne partent que tous les deux ou trois ans en tems de guerre ; mais pendant la paix elles forcent régulièrement de Cadix au mois de Mai ou d'Avril , & vont à Cartagene & à Portobello , ôcc. Les Elpagnols onc écabli des Foires , où les Indiens apportent de l'or & de l'argent qu'ils échan- gent contre des marchandifes de l'Europe. La Flotille parc auflfi tous les ans au mois d'Août pour Vera-Crux ôc pour le Mexique. Ces deux Armades font compofées de quinze ou vingt vaifleaux. EJles mouillent au retour à la Havane pour charger le tabac , les bois de teinture, la laine de Vi- gogne ôc quelques parties de perles & de pierreries. Avec lePor- Philippe II ayant réuni la Couronne du Portugal à celle tugal. d'Efpagne , défendit également tour commerce avec les Hol- landois ; mais les Portugais ayant fecoué en 1640 le joug des Catalans , le Duc de Bragance , leur nouveau Roi , conclue une crevé avec les Hollandois (a) , ôc par le Traire de 1661 il leur accorda de grands privilèges, pour les rap- peller dans fes porcs ( b ). Ils e.nvoyenc aujourd'hui leurs vailfcaux à Lisbonne , à Porco & à Setubal , où ils portent touces forces d'écoffes, des toiles de corcon, des habics d'hom- mes ôc de femmes , des cuirs de Ruflie , des chaudrons ôc badins de cuivre, du papier , des carres à jouer , de la pou- dre à canon , du plomb , des municions de guerre , ôc quan- cicé d'autres marchandifes que les Portugais trafiquent dans le Brelil. Lisbonne fournit du fel, du lucre ôc du tabac du Brefil , du bois de teinture, des peaux , de la laine, de l'huile , du vin , des figues ôc des raifins fecs , du gingembre , des confitures, des oranges &: des citrons, des drogueries , des perles , des diamans ôc aucres pierres précieules. Porto donne du vin , & Setubal quantité de fel. Madère , une des (a) Recueil des Placards. Tom. T. col. 117- (b) Recueil des Placards. Tom, II, col, 1850. Ifles Des Navigations , Découvertes , Etablijjemens , bc. 345 Ifles des Canaries , appartenant aux Portugais , fournit du vin , du fucre , des écorces confites de limon , 8ç d'autres confitures. Le Commerce de France eft intérefTant pour lesHollandois, Avec laFraîfl quoiqu'ils en tirent beaucoup plus de chofes qu'ils n'y portent. "* Ils l'ont cultivé de tout tems avec attention , & les Rois les ont beaucoup favorifés jufqu'à la Paix de Munfter de 1648. Mais le Gouvernement ayant refulé depuis de renouveller les anciens Traités , & voulant augmenter l'entrée & la fortie des marchandifes , Leurs Hautes Puiffances firent repréfenter au Roi par leur Ambaffadeur, qu'elles ne pourroient s'em- pêcher d'augmenter de leur côté les mêmes droits : ce qui leroit préjudiciable à la France", les Sujets de la République tirant tous les ans pour quarante-trois millions de marchan- difes de ce Royaume. Ces remontrances furent fuivies en 1662 d'un nouveau Ttaité de Commerce (a). Cinq ans après le Roi impofa des droits confidérables fur les marchandifes de Hollande , & créa, outre la Compagnie des Indes, deux autres , l'une pour le Levant & l'autre pour le Nord. L. H. P. regardèrent ces nouveautés comme des actes d'hoflilités ; elles défendirent l'entrée des vins & des eaux de vie de France dans leurs Etats. Elles établirent des manufactures pour imiter les draps qu'on avoit coutume de prendre en France , & pour accréditer ces nouvelles fabriques , on dé- bitait la marchandife à meilleur marché. Ces chicannes abou- tirent à une déclaration de guerre, qui fut terminée en 1678 par un Traité de Commerce (&); mais il ne fut pas mieux obiervé que les précédens. Les Hollandois s'appliquèrent à tranfporter chez eux les manufactures , en débauchant les Ouvriers François. La révocation de l'Edit de Nantes leur épargna ces foins. Un grand nombre de familles Huguenottes fe réfugièrent dans leurs Provinces , & levèrent dans leurs Villes des Manufactures de draps, de galons , de chapeaux & de papier. Le Roi s'apperçut trop tard du tort que fon zélé avoit fait à fes Etats. Il s'efforça d'y remédier par la (a) Recueil des Placards. To/n. II. col. 15119. ( b ) Recueil des Placards. Tom. III. coi. 368, Tomel, Xx 1^6 Sect. VIT. Du Commerce des Provinces-Unies , paix de Ryfvick en 1697 (a) , & par cdlc d'Utrecht en 1713 (fc). Il abolit les gros droits qu'il avoir, impofés lur ks marchandiles des Hollandois; mais ces peuples fabri- quant chez eux ce qu'ils venoient chercher dans Ton Royaume, ont change de rôle , & débitent aujourd'hui prclqu'autant de marchandiles qu'ils en achètent. Ce commerce cependant ne laiffe pas d'être encore affez considérable. Les Hollan- dois fourniffent des épiceries , des uftenciles de cuivre & de fer , du fer en barres , des graines de chanvre & de lin , des bois de teinture, de la poix , du gaudron , du camboui , des mats pour les vaiffeaux , des bois de confirutlion & de me- nuiferie, des douves, de la foude, des poillons laïcs , des barbes de baleine, de l'huile de raves ôc de chennevis, du beurre falé , du fromage , de la fayence , de la couperole", du fer blanc, du fil de fer ôc de cuivre , &c. Ils emportent des verres de toutes efpeces , des cardes pour les manufactures de draps, des chapeaux, du papier, du miel, des peaux corroyées , du fucre , du miel , du faffran , des vins , des eaux de vie, des fyrops, du bois de noyer, du fel, de l'huile d'olive , des câpres , du favon , des amandes , des figues , des railins fecs , des pruneaux , du verd de gris , des paftels , des marons , &c. Les Villes avec lefquelles ils tra- fiquent le plus , font Rouen , Dieppe , S. Malo , Nantes , la Rochelle, Libourne, Bordeaux, Bayonne, Marfeille &c. AveclaGran- Nous avons dit au commencement de cette Setlion , que de-Bretagne. ces payS ont fajt fe tous cems un commerce très confidé- rable avec l'Angleterre. La République n'en retire plus au- jourd'hui à beaucoup près les avantages qu'il pourroit pro- duire, par les défenfes que les Anglois ont faites de plu- fieurs marchandifes , par les droits exorbitans qu'ils ont mis fur certaines autres, & par l'eiprit d'intrigue & de domina- tion avec laquelle cette Nation avide & impérieufe a fup- planté & fub.jugué le Commerce des Hollandois. Rotterdam étant par fa lituation plus propre que toute autre ville des Provinces-Unies pour trafiquer avec les Anglois , les vaif- (a) Recueil des Placards. Tom. IV. col. jij. ( b ) Recueil de* Placards. Tom. V. col. 476. Des Navigations , Découvertes , Etabliffemens , &c. 347 féaux portent à Londres du papier , des baleines , des épi- ceries , des toiles fines de Cambra y & d'autres, des voiles , Sec. Ils y chargent de l'étain , du plomb, de la craye , du vitriol , de l'alun , de la colle , du verre , du liège , des peaux de veau , des draps , des flanelles & d'autres étoffes de laine , des bas de foye & de laine, des bonnets , des chapeaux , du tabac de Virginie, des marchandifes des Indes, de lafayence d'Angleterre, &c. Briltol, Exon & Hull fourniffent une grande variété d'étoffes de laine , des bas , &c. Newcaftle Se Sunderland donnent d'excellens charbons de terre. On va auflî à Edinbourg, Capitale de I'Ecoffe , dont on rap- porte des étoffes de laine & des charbons de terre ; mais qui font beaucoup inférieurs à ceux d'Angleterre. Dublin & Cork en Irlande fourniffent auffi des draps , des étoffes de laine , du beurre , du fuif , quantité de viande falée , des peaux de bœuf & de vache. On peut ranger le Commerce des Provinces-Unies fous XI. trois Claffes : les Manufactures , la Pêche & la Navigation. . Commerce Ces trois branches fuppléent à la rigueur d'un terroir qui re- paySt fufe la lubflftance à fes peuples. Aufii l'agriculture eff. de tous les arts le plus négligé, au moins dans la Hollande. La bonté des pâturages dédommage en quelque forte les habitans. La quantité de beftiaux qu'ils nourriffent , & le laitage que ceux-ci produifent, donne affez de beurre & de fromage pour fournir leurs voilins. Leur bierre le tranfporte jufques dans les Indes , & les eaux de vie de grains qui fe font en plufieurs endroits , font débitées dans l'Allemagne & dans le Nord. On ne voit nulle part autant de Manufactures de Manufactura. toutes efpcces. Les raffineries de lucre , les fabriques de vi- naigre , & de lel blanc ; les moulins à huile , pour le papier , pour l'amidon &c , les fabriques d'étoffes de laine Ôc de foye font en, grand nombre. Ils ont inventé des moulins à lçies pour façonner les bois du Nord ; tous les Européens , & principalement les Efpagnôls & les Portugais , recherchent les bois de charpente ôc de menuilerie coupés dans ces mou- lins. Leurs papiers & les plumes qui fortent de ce pays , font eftimés dans tout le monde. Les Imprimeries de la Xxij 348 Sect. VIL Du Commerce des Provinces-Unies ,* Haye, d'Amftcrdam, de Leide , de Rotterdam , &c. font connues depuis longtems. La fayence de Délft , la rotterie & les pipes de Goude , les briques d'Utrecht font rte her- chées. Il faut cependant convenir que les Manufactures de laine , & principalement des draps x font un peu tombées. On en rejette la caufe fur les François , qui donnent plus d'attention aux matériaux qu'ils employent , & font meilleur marché de leurs draps. La différence du prix peut venir des journées des* ouvriers qui font plus fortes en Hollande,à caufe de la cherté des vivres ; l'établiffement des Manufactures en Angleterre , en Suéde , & même en Ruffie, diminuent d'un autre côté le débit. Cependant les Manufactures de Haar- lem , de Leide & d'Amfterdam confervent leur réputation , & leurs étoffes en or & en argent ne font gueres inférieures à celles de France. Il en cft de même des ferges & de ca- melots qui fe fabriquent à Bois-le-Duc & dans les Pays d'Ou- rremeufe ; & les toiles de fil & de cotton blanches ou peintes foutiennent toujours leur prix. Un Patriote zélé préfenta en 1738 un projet tendant à relever les fabriques. Il fuppofe que leur décadence eflcauféepar la difette des bonnes laines, & le peu d'attention qu'on a de multiplier les moutons. Sur ce principe il propofe d'en élever un grand nombre dans la Vieille-Zype , dans les Ifles de Texel , Wieringen & Ame- land , dont les herbages peuvent produire des laines auffi fines que celles d'Efpagne. Il prétend encore augmenter les pâturages en fémant de l'herbe dans les Dunes , fur les chauf- fées & fur les digues , & foutient qu'on acquéreroit par-là un terrain propre à élever deux à trois cens mille moutons. Alors la Hollande pouvant nourrir environ un million de moutons, fourniroit abondamment les Manufactures de lai- nes excellentes. Pèche des Ca- La. Pêche que nous regardons comme la féconde branche behaux. ^ çommerce j n*efi pas moins importante. Nous avons parlé de celle de la Baleine ; nous dirons ici un mot de celle du Hara?ig qu'on nomme par excellence la Grande Pêche , par rapport à fon produit. Nous parferons légèrement fur celle du Cabeliau & des autres poiflbns. Les Pécheurs vont Des Natiigatio'ns , Découvertes , Etabliffemens , &><;. 349 chercher le Cabeliau bien avant dans la Mer du Nord & fur le Doggerzand entre l'Angleterre & le Iutland ; il part tous lea ans plus de cent cinquante barques pour ces parages. Les pêcheurs en rapportent quelques-uns de vivans ; mais le plus grand nombre efl falé dans des tonneaux , & pour-lors on l'appelle Labberdaan. On en débite beaucoup en Allemagne. Le Saumon fe prend à l'embouchure de la Meule , dans la Leck , & dans les Canaux de Zeelande , où le mélange de l'eau douce & de l'eau falée l'engraifle , le rend plus délicat & de meilleur goût ; on en prend encore à l'embouchure de l'Yfïel. L'entrepôt du faumon efl à Dordrecht , àSchoon- hoven & à Campen. Les Etats Généraux attentifs à l'avan- tage de la République, ont fixé par un Règlement la largeur que doivent avoir les mailles des filets, dans la crainte que l'avidité des pêcheurs nedétruife l'efpece en prenant les petits aulli bien que les gros. Le profit que la République retire de ces poiflbns , quoi- xn. qu'aifez confidérable , n'approche pas de celui qui vient du Peche Harang. Ce dernier fortant par bandes des abîmes du Nord , vient s'offrir pour la nourriture de tous les peuples mariti- mes, dans des faifons réglées, & fe montre jufqu'en Amé- rique , d'où il revient pour frayer fous le Pôle. Il cefTa vers l'onzième liecle de paroître avec autant d'abondance fur les côtes de Suéde & du Danemarc , & s'adonna vers la Man- che entre rifle de Schouwen & le Continent à l'embouchure de la Meufe. Les Comtes de Flandre ayant reconnu les premiers l'utilité qu'on pouvoit y trouver , publièrent des Réglemens , & donnèrent des encouragemens à leurs Ma- rins qui commencèrent cette Pêche. Les Zeelandois les fui- virent dans le douzième fiécle , & la première Pêcherie fut établie à la Brille (a). Ceux de Zierikzee ne pouvant dé- biter dans le pays la quantité prodigieuie de Harang qu'ils prenoient, s'aviierent de le faler pour le porter dans l'in- térieur du pays. Guillaume Beukelszoon de Biervliet ima- gina cent ans après d'en couper les nageoires 8c la queue (<0 Semeins Traité du Harang. pag. i. dans G. Brandt Hift, d'Enkhuizen feg.17- Harang. 350 Sec t. VIT. Du Commerce des Provinces-Unies , pour lcconlervcr plus sûrement (a). Les pêcheurs de Hoorn 6c d'Enkhuizen invenrerent les grands filets , & la con- ftruttion des Bules , eipecc de bâtimens du port de vingt- cinq à trente tonneaux , que quatorze hommes gouvernent facilement , Se qui coûte huit à neuf mille florins de conf- trudion, Se lix à huit pour l'équiper pour deux ou trois courtes. Le Harang ayant paffé lur les côtes d'Angleterre, les Pécheurs vont le chercher entre le Hitland , Fairhill Se Bockenes, depuis le 24 Juin julqu'au 14 Septembre, &; du côté de Yarmouth julqu'au 25 Novembre, après lequel tems il difparoît des Mers Occidentales. Ceux qu'on ren- contre plus tard , ne peuvent le garder , &: les Etats Gé- néraux ont exprelfément défendu par un Arrêté du 12 Mai, 1620 (6) , de pêcher avant le 24 Juin, ni d'en aller cher- cher entre les rochers d'Irlande , de Hitland Se de Norvège. Ce poiffon paflfe versleSolftice d'Eté fur les côtes d'Ecoffe, vient a l'embouchure de la Tamife dans l'Automne , Se re- tourne dans le Nord à l'entrée de l'hyver pour ne revenir que l'été fuivant. Régiemens Cette Pêche rendoit des fommes fi confidérables dans les pour cette Pc- premiers tems , que L. H. P. avoient une attention iingu- liere à la maintenir. On peut en juger par le grand nom- bre de Régiemens qu'Elles ont faits à ce fujet. Il eft dé- fendu aux pêcheurs de s'incommoder refpe£tivement; il leur eft enjoint d'éviter de gâter leurs filets. Il leur eft ordonné de mettre à la voile auilitôt qu'ils ne peuvent ou ne veu- lent pas pêcher. Ils ne peuvent trayer le poiffon qu'ils veu- lent conferver pendant qu'ils font en mer ; ils font obligés de jetter celui qui eft défectueux ou malade , &c. (c). Les Jurés font avant l'embarquement la vifite des tonnes def- tinées aux falaifons , Se les marquent avec un fer rouge. Il faut que le bois n'ait qu'un demi-pouce d'épaifleur au fond , (a) Janiçon Etat des Prov. Un.Tom. l.pag. 439 & 44°- k trompe, lorfqu'il place ente invention dans le quinzième fiecle, Beukelfcoon étant mort en 1397* Voyez Smallegange Chron. de Zeel. pag. 766. ( h ) Recueil des Placards. Tom. I. col. ?$>« (#) Recueil des Placards. Tom. I. col. 73*. Des Navigations , Découvertes, Etabliffemens , &c, 3 5 1 un tiers de pouce au milieu , & les cercles doivent être bien conditionnés. L'équipage prend une tonne pour fon droit à chaque Courfe, & les Moufles n'en ont qu'une par faifon , quel que foit le nombre des voyages (a). La façon de faler le Harang varie félon les faifons. On foupoudre avec du gros fel celui qu'on pêche dans la primeur , & celui qu'on prend dans l'Eté , fe met dans une faumure cuite fur le feu. Les tonnes de l'un & de l'autre font différemment marquées. On ne peut débiter les premières qu'au bout de dix jours , afin que les poiffons puiltent prendre le fel; & fi l'on n'y tenoit la main, les Hollandois paiTeroient fur la défenfe : ils ont pour la primeur de ce poilfon la même folie que leurs voi- iîns pour les petits pois. Pour les avoir le plutôt qu'il eft poflible, ils équipent des efpeces de portillons qu'ils ap- pellent Vent]agers ; ce font des bufes très légères qui par- tent avec les autres , & c'eft à qui reviendra la première. Les Pêcheurs vendent ce qu'il veulent cette marchandife dans fa primeur ; mais au 1 5 Juillet le prix tombe à fa va- leur ordinaire. Il eft défendu fous de grottes peines de por- ter ou vendre à l'Etranger ni bufes , ni filets , ni aucuns des uftenciles qui fervent à cette Pêche (&). Les Villes dont les habitans fe donnent à cette navigation , élifent un Di- recteur qui prend le titre de Maître des deniers de la Grande Pêche , & qui juge avec le Bourgmeftre & les Echevins de la Ville où il ie trouve , les conteftations qui arrivent à ce fujet. Il eft chargé de faire exactement obferver les Edits & Réglemens. Son Tribunal eft ambulatoire; mais la féance générale eft fixée huit jours avant le départ des bufes. Il y reçoit ie ferment des pilotes. Il peut demander en tems de guerre une efeorte fufîifante : car pendant la paix les Etats ne donnent que deux vaifleaux , qui fervent d'Hôpital à la flotte. On levé trente fols par tonneau pour les frais & les app'ointemens des Directeurs. C'eft le feul droit qui fe prend fur cette marchandife ; elle eft exempte de l'en- ta) Recueil des Placards. Tom. I. col. 686. 717. 716, 718. 731. 738. & Tom. II. col. 1501. &c. (i) Recueil det Placard». Tbm. I. col. 7*3- & 738. 6on Produit. 352 S e c T. VII. Du Commerce des Provinces-Unies , trée , & paye feulement la l'ortie qui eft fixée à deux flo- rins par tonneau. Malgré les attentions du Gouvernement & les privilèges le produit de cette Pèche diminue tous les jours. Il fortdt autrefois des Ports des Pays-Bas juiqu'à trois mille buies par an (a) ; on n'en compte à préfent que deux à trois cens : en 1736 , il en partit deux cens dix-neuf, fçavoir : Bufes. Pojîillons, De Vlaardingen .... D'Enkhuizen . . De Maaflandiluis De Rotterdam . De Delfshaven . . De Ryp .... De Schiedam . . • 84 60 12 8 l9 16 11 *5 J3 12 2ip 31 Malgré cette diminution on prétend que cette partie di< commerce fait iubfifter plus de vingt mille perfonnes, ci comprenant les gens de mer & les ouvriers. On fait en core un débit confidérable des falines en Allemagne , ei Pologne , & principalement à Hambourg & à Brème , & fi Ton en croit les anciens Auteurs , il en rentroit dans l'État plus de huit millions tous les ans (6) ; pour-lors le gain étoit très confidérable , & c'efl fa diminuaion qui dégoûte aujourd'hui les Entrepreneurs. Dans les premiers tems cha- que tonneau rendoit deux cens florins ; il ne fe vend au-« jourd'hui que cent vingt : or en défalquant les frais, il refte très peu de profit. L'Auteur de VEtat préfent des Provinces-' Unies ( c ) , ayant pris vraifemblablement des tonnes pour des tonneaux , fait monter le profit de cette pêche à trente-fept millions par an ; nous en avons afJez dit pouf démontrer fon erreur, (a) Voyez Walter Rawleg. Fondem. & Maxim, polit. Tom, I. chap. VI. pag. 30. (A) Maxim, polit, de Hol.Tom.I. chav. VI. pag. 18. (c) Janiçon EtatpréT.des Prov. Un. Tom. \ parle , peuvent venir par terre à Venife , naviger avec » les Vénitiens, & fi quelque peuple peut réuffir , ce doit » être les Allemands , un grand nombre commerçant avec >> nous , fervant dans nos Armades , & plufieurs s'étant * établis à Venife avec leurs femmes ôc leurs enfans. (a). Le Commerce des Indes cfl fans contredit le plus étendu Son anclcu eut. (a) In Allemanice partibus varia habitant gentium nationes , quez valde forent utiles ac necejjariœ ad muniendum negotium maritimum de Egypto , ùfpecialiter Tri- jnantii qui habitant in extremis partibus maritimis Bremenfis Epifcopi , neenon Fri- fones qui dehorfum habitant ex Wejiphaliœ Provincia prope mare, ac etiam gentes1 de Olandia &• Sylandia qui morantur verfum Comitatu Gelriœ G1 Cliviœ. Prœdiâli feire debent per aquas J 'alitas É> dulces optime navigare , fie quod ab ils fanum conji- lium &• optimum invenirMeberet. Conveniemes igitur gentes maritimx Allemardxfu- perius memoratx pojfunt per terrain venin Vemtias , G" cum Venetis transfreure > &• Jï aliquœ. gentes debent benefacere, debent Allemani , cum multi eorum conver- fantur &• in armatis fumuntur G1 bene fe habent , multique cum uxoribus o-filiis Ve- netiis commorantur.'JSlAui Sanuti Sécréta Fidelium Crucis. Lib. II. Part, ll.pag. 18. Tornu h Y y 354 Sect. VIT. Du Commerce des Provinces-Unies , & le plus lucratif. L'excellence ôc la multiplicité des pro- ductions de l'Orient , dont la plupart font devenues né- cefTaires , promettent un gain d'autant plus affuré que la fatigue du voyage fait la plus grande partie des avances*- L'Occident & le Nord ont longtems ignoré les richelTes de ces pays. Les Orientaux ennemis de la peine dans l'af- fiuence des biens dont ils jouiflbient , n'avoient aucun mo- tif qui pût les tirer hors de leurs demeures fortunées : auffi leurs tréfors ne le communiquoient que de proche en pro- che, de Nation à Nation, lentement & en petite quan- tité. Les Occidentaux venoient les chercher par terre dans la Perle , où les Arabes , voilins d'Ormus , apportoient des ïndes de l'or , de l'argent , de l'y voire , des pierres pré- cieufes , des épiceries & des aromates ,. & les Européens n'ayant aucune connoilîance de ces pays, s'imaginant que leurs montagnes produiioient ces parfums, nommèrent ce Canton Y Arabie Heureufc. Le Commerce demeura long- tems dans cet état languiiTant. Les Phéniciens fi propres à le ranimer, fe renfermoient dans les bornes de la Médi- terranée. David ayant étendu fa domination jufqu'aux bords de l'Euphrate , & conquis l'Idumée , lailTa fon fils polTeffeur d'Aziongabart. Salomon , dont la fageffe & les connoif- fances étoient un don particulier de Dieu , profita de ce port pour entreprendre des navigations inconnues. H équipa deux flottes, dont il confia la conduite à des Pilotes de Tyr : l'une fit le tour de l'Afrique, & revint en Judée par le Détroit de Gibraltar ; l'autre cottoyant l'Arabie , pénétra dans la Mer des Indes juiqu'à Ceylon. La mort du Roi enleva a,ux Juifs les avantages que ce Monarque avoit re- tirés de fes découvertes. Son Royaume fe partagea , & Ion Succefleur fut re lierre dans la Palefline. Les Phéniciens ne' perdirent pas cependant le louvenir des richeffes des Indes ; mais ils fe contentèrent d'envoyer leurs marchandifes à Rhi- conolura , Ville iîtuée fur une des branches du Nil , d'où elles paffoient au port d'Elatho fur la côte Orientale de la Mer Rouge. Les Arabes qui les chargeoient en cet endroit,, les voituroient dans les Indes 3 & rapportaient en échange Des Navigations , Découvertes, Etablijemens , &c. 355 celles de l'Orient , que les Phéniciens tranfportoient par la Méditerranée. La ruine de Tyr qu'Alexandre le grand ren- verfa de fond en comble, auroit entraîné celle du Com- merce , fi ce Conquérant n'eut bâti la fameufe Alexandrie fur une des bouches du Nil. La commodité du port & le voifinage de la Mer Rouge attirèrent bientôt les Négocians .de l'Aiie Mineure, de l'Italie & de l'Europe. Sefoftris & Pharaon Necho, anciens Rois d'Egypte, avoient commencé un Canal pour joindre le fleuve à la Mer d'Arabie ; Pro- longée Philadelphie l'acheva ( a ) , & fonda fur la frontière de TEthyopie une Ville qu'il appella Bérénice, du nom de fa mère. On y débarquoit les marchandifes que les chameaux apportoient à Coptus , autre Ville fur le Nil , d'où le fleuve les defeendoit à Alexandrie. Cette Ville devint bientôt encore plus floriffante , & les Romains en ayant fait la conquête , ne penferent qu'à la maintenir dans cet état (6). Lorlque les Barbares inondèrent les parties Occidentales de l'Empire , les Sarrafïins envahirent l'Egypte , & s'emparè- rent du Commerce. Ils recevoient les épiceries de Malabar .& de Cambaye ; les Indiennes apportoient à Aden, d'où on les tranfportoit à Chus, & paffant par le Caire, on les embarquoit fur le Nil , qui les conduifoit à Alexandrie (c). Le Soudan exigeoit un tiers pour les droits de paffage, & ne fouffroit à aucun Européen l'entrée de fes Etats , dans l'appréhenfion qu'on ne lui enlevât un profit fi confidéra- ble. Les Villes d'Italie venoient les chercher dans ce port. Bientôt les Vénitiens & les Génois fe rendirent maîtres de la Méditerranée ; ces Villes étoient également l'entrepôt du Levant & du Couchant. La rivalité ne tarda gueres de brouiller les deux R épubliques ; cependant les guerres qu'elles fe firent , minoient leur opulence fans utilité pour les autres Nations. Le fuccès des batailles verfoit fur un parti les avan- tages qu'il enlevoit à l'autre , & le vainqueur devenu plus (a) Voyez les Notesî de Dribergen fur PHiftoire des Juifs de Prideaux. Tomi 41. Dp. IL pag. 811. (6) Conf. Plin. Hift. Nat. LU. VI. cap. 25. (c ) Marii Sanuti Sécréta Fidelium Crucis. pag. 1^9 & 160. Yyij es Mer. 356 Sect. VU. Du Commerce des Provinces-Unies, puiflant 8c plus fôrt , ne foutfroit que ion pavillon fur ces Mers- Découvertes L'invention de la Bouflble enhardit enfin les Occidentaux Indes par ^ tenter des voyages de long cours. Ils cherchèrent un che- min pour aller en droiture aux Grandes Indes par l'Océan Atlantique , en luivant les côtes d'Afrique. Cette découverte porta le coup fatal à l'Italie 8c à l'Egypte. Les Epiceries devenues plus communes , tombèrent aux deux tiers de leur valeur (a) ; les Peuples ceilerent d'acheter des Vénitiens ce que les Portugais leur livroient à meilleur marché. Les Fran- çois avoient découvert les Canaries dès 1405 , & les Fla- mans s'étoient emparés des Açores , fans avoir été plus loin. Les Portugais lçurent mieux profiter de leurs voyages. Leurs premières découvertes leur fervirent à s'emparer de Madère ; les années iuivantes ils doublèrent le Cap de Gonaro , le Cap Verd, 8c connurent le Cap de Bonne Efpérance. La violence des tempêtes ne leur permit pas de doubler ce der- nier : ils revinrent fur leur fillage ; mais la relation du voyage donna à Emanuel I l'elpérance de pénétrer aux Indes. Il envoya en 1445 itc cfcadre fous les ordres de Vaiquez de Gaina qui doubla le Cap de Bonne Efpérance, rangea les côtes d'Afrique , atteignit celles de Perle, pouffa jufqu a Calicut , & prit connoiflance du Détroit de Malabar. Jufqucs alors les Portugais n'avoient hazardé que quelques Vaifléaux , dans l'incertitude du fuccès. Le retour de Gama les détermina , & les Elcadres le fuivant de près , chaque Amiral fe fit un point d'honneur d'ajouter aux découvertes de fon devancier : enforte qu'ils parvinrent jufqu a la Chine en 1461. Les Efpagnols jaloux du iuccès de leurs voifins , voulurent y prendre part. La guerre étant prête à s'allumer entre ces deux Nations , le Pape fe rendit Arbitre ,.& fai- iant ufage du pouvoir , dont il eft revêtu fur la Terre , il partagea le Nouveau Monde entre les deux Couronnes. Il tira une Ligne du Nord au Sud , adjugea aux Portugais le côté de l'Eil, & donna aux Efpagnols tout ce qu'ils dé- (<0 Boxhorn/ar Reigerfb, CJiion, de Zeel. Pan, il. pag. 3J0. Des Navigations , Découvertes , Eîablijfemejis , &c. 357 couvriroient à l'Oueft. La branche qui regnoit en Portugal, étant éteinte dans la perfonne du Cardinal Henri , Suc- cefleur de Sebaftien, Philippe II, Roi d'Eipagne , s'em- para de la Couronne , & réunit les Indes Orientales & les Occidentales fous fa domination ; ainfi les tréiors de FAfie & de l'Amérique fe trouvèrent dans une même main. Tous les Souverains de l'Europe furent également allar- XIV. mes de la réunion de tant de puiffance ôc de richeffes ; mais f 0»gnedes leurs Etats étoient déchirés par les guerres civiles que l'ef- mes des Pr0~ prit de Réforme avoit allumées. L'inquifition que Charles vinces-Unks. V avoit»»tenté d'introduire enAllemagne, les bûchers que Henri II aliumoit en France, & la fureur avec laquelle Marie Stuart pourfuivoit les nouveaux Sectaires , remplif- foient la Hollande & la Zeelande de Réfugiés. Cette mul- titude contrainte de chercher les moyens de fubfifter dans un pays qui pouvoit à peine nourrir fes habitans , rendit le Commerce une reffource forcée. Les vaiffeaux des Pays- Bas alloient dans les Ports d'Efpagne & de Portugal cher- . cher les marchandifes du Nouveau Monde , & fatisfaits du gain modique qu'ils faifoient du fret , ils les convoyoient à Anvers qui les débitoit dans la France ôc dans l'Allemagne, lorlque Philippe II , malheureufement pour lui , imagina que la violence étoit plus capable que la perfualion de ré- tablir une Religion qui n'eft qu'amour & charité : comme fi la véritable piété excluoit la prudence & la raifon , & qu'un Souverain ne dût pas mettre un frein à fon zélé , quand la rigueur peut exciter des troubles dangereux dans les Etats. Piqué des oppofitions qu'il trouva , il défendit le Commerce avec les Pays-Bas , & porta le fer & le feu dans les Pro- vinces qu'il traitoit de rebelles. La néceffité de fubfifter ra- nima le courage & l'induftrie des Proteftans ; ils devinrent' Corfaires , & n'ayant rien à ménager , ils n'en furent que plus dangereux. L'Angleterre qui d'abord leur donnoit un afyle , fermant fes ports , ils entreprirent de fe faire une retraite indépendante plus proche de leurs pays ; ils furpri- rent la Brille , & s'y fortifièrent de façon qu'il fut impof- fible de les déloger. A l'abri de ce Fort , leur Marine aug- 358 S e c t. VU. Du Commerce des Provinces-Unies , mcntoit des priies qu'ils faifoient tous les jours, & l'Eipagnol s'affoibliffoit à rnefure qu'elle devenok plus formidable. Les Villes voifines enhardies par le fuccès & les forces de ces Fugitifs , commencèrent à les favorifer ouvertement. La Zcelande fecoua le joug la première ; la Hollande &le Pays d'Utrechlt fulvirent,& la Gueldre & la Frifefe mirent de la partie. Les Puiflances voifines les fécondèrent , foie par ja- îoufie , foit par haine contre la grandeur EfpagnoJe. La France ôc l'Angleterre aidèrent à dépouiller cette Couronne; la République des Provinces-Unies s'affermit fur fesfonde- mens , 6c lorfqu'elle eut forcé le Roi d'Efpagne Ire la dé- clarer libre, fes vorfins mêmes furent furpris de la trouver maîtreffe de la Mer. La Paix de Weftphalie ayant affuré le repos de l'Europe , Crowrael fe propofa d'abbaiffer une Puiffance qui lui portoit ombrage , ôc la France entra dans fes vues. La République fe foutint avec avantage contre leurs flottes combinées, & cette fecouffe ne fervit qu'à lui faire connoître que fa sûreté dépendoit de fa Marine. On parla de paix. La France quela fertilité de fon fol & l'éten- due de fes Domaines rendoient moins avide , ne fut pas diffi- cile à contenter;P Angleterre qui par fa fituation & fes befoins étoit obligée d'employer fes forces à la Navigation , ne put fe réfoudre à ligner le Traité fans partager le Commerce. Il fallut lui céder quelques droits , & depuis ce tems ce Peuple entreprenant a fi bien profité de la condefeendance de les Voifins , qu'il eft à craindre qu'il ne cherche un jour à envahir la totalité du Commerce maritime , à l'exclufion des autres Nations de l'Europe. Tentatives L'établiffëment des Hollandois dans les Indes n'étant pas pourunpafla- un ^ moindres ornemens du feiziéme fiécle, on nous per- ■$?e uux Indes • • par le Nord, mettra d'entrer dans quelque détail de leurs progrès & de leurs conquêtes. Leurs Pilotes ne connoiflbient que les côtes de l'Occident ôc du Nord ; quelques-uns étoient entrés dans la Méditerranée ; mais pas un ne s'étoit hazardé dans l'Océan au-delà du Détroit de Gibraltar. Les flottes ennemies leur en impofoient ; ils n'ofoient s'expofer fur une route qui ne leur étoit pas familière, & la crainte étouffoit l'avidité çlu Des Navigations , Découvertes , Etablijjemens , &c. 3 59 gain. L'Univerfité de Lcide fondée par Guillaume I au milieu du tumulte des armes , publia pour-lors une Carte Géographique , qui fuppofoit un paflage par le Nord pour aller à la Chine. Jean Waleck , Penlionnaire , & Guillaume Boetius , Thréferier de Zeelande , faifirent cette idée , & formèrent une Compagnie , dont Balthafar du Boulay, dit Moucheron > François fugitif, Jean Jeanlln , Dideric van Os , furent les premiers Directeurs. Déterminés à tenter la route qui leur étoit indiquée , ils conçurent qu'en rangeant la côte de Tartarie & celle de Cathay , ils pour- roient pénétrer jufqu'à l'Orient. Hugues [Pïlloughby ve- noit de publier l'on Voyage du Tour du Monde , & Thomas Canceler fe vantoit d'avoir découvert un pafTage qui ab- brégeoit de mille lieues la route que le premier avoit te- nue (a). La foibleffe inféparable des nouveaux établiffe-- mens ne put arrêter l'exécution de ce projet. On équipa quatre vaiffeaux qui fortirent du Texel le 5 Juin, 1595 , fous la conduite de Guillaume Barentz. Us fuivirent les côtes de Ruflle jufqués au 73e degré, mouillèrent à la rade de Lamsbay , dépafferent rifle de la Croix, connurent la Nou- velle Zemble, & fe trouvant arrêtés par les glaces, ils revinrent en fuivant les côtes de Tartarie , & arrivèrent en Hollande le \6 Septembre. Brunel , l'un des Capitaines de l'Efcadre, avoit pouffé jufqu'à 80 degrés, où il découvrit une Ifle , à laquelle il donna le nom d'Orange. Les Pilotes & les Officiers revinrent convaincus qu'il y avoit de ce côté une communication entre la Mer du Nord & celle du Sud (6). Les Zeelandois fe laifferent perfuader l'année fuivante de renouveller l'entreprife ; ils donnèrent deux vahTeaux au même Barentz qui fit cette fois le tour de la Norvège , pafla à la vue de la Ruflîe & de la Tartarie, d'où détachant Heems- kerk , Capitaine du fécond vaiffeau , il lui ordonna de fui- vre la bande de l'Eft jufques au Cap Naffau , gifant à yj (a) Recueil des Voyag. des Indes Orient. Tom. I.pag. 10. (4) Recueil des Voy. des Ir.d. Orient. Tom. I. jmg. 4i.| Hug. Grot. Ann. de Holl. Lit. IV. Meteren Hiil. de Holl.pag. 376. Petit Ghron. de Holl. Tom. II. Liy, Xy.pag. 360, -$6o Sect. VII. Du Commerce des Provinces-Unies y degrés , & lui-même courant au Nord , il toucha à la Nou- velle Zemble ; mais les glaces l'arrêtant une féconde fois, il rejoignit fa confervc entre les Illes de Marflie & Dclgoy, & ramena les deux vaiffeaux dans la Meule plus periuadé que jamais de l'exiftence du partage (a). Ces Capitaines em- ployèrent l'hyver à lolliciter li vivement les Négocians des deux Provinces qu'ils obtinrent encore deux vaiffeaux , pour faire une troifîéme tentative. Ils tirèrent en droite ligne au Détroit de Weygat, montèrent jufqu'à 80 degrés , décou- vrirent le Groenland , & coururent foixante lieues le long de Spitsberg. Ils eurent a cette hauteur la vue d'une Parrhe- lie ou de trois Soleils coupés depluficurs Arcs-en-Ciel , phé- nomène qui leur étoit nouveau , quoiqu'affez fréquent dans ces parages. Heemskerk tira pour-lors au Sud , & Barentz s'opiniâtra à fuivre le Nord. Ce Pilote s'étant trop avanturé dans les glaces , fut arrêté , & contraint d'hyverner dans la Nouvelle Zemble. Il fit tirer les provifions de l'on vaiffeau pour les porter à terre , en marchant fur les glaçons avec des peines qu'on ne peut exprimer. Il fut obligé de dépecer une partie de fon bâtiment pour fe mettre à couvert des neiges ; car le froid étoit fi rigoureux qu'on ne pouvoit y parer , même en failant du feu jour & nuit dans le réduit que l'équi- page avoit confinait , & la fumée l'obligeoit iouvent de l'é- teindre ; les neiges qui le couvroient, forçoient ces malheu- reux de lortir pour débarraffer l'ouverture de la cheminée. Il eft difficile d'imaginer ce que ces hommes eurent à fournir dans ce féjour affreux ; la plus grande partie y périt. La ge- lée étoit fi violente quelle glaçoit l'eau-de-vie dans les bou- teilles & les cuirs des iouliers : enforte qu'ils fe firent des çhauffures de laine avec les draps qu'ils avoient dans leur vaiffeau. Le foleil ne fe montra plus depuis le 2 Novembre juiques au 2 Janvier. L'âpreté du Ciel s'adoucit peu à peu par ion retour , & la mer s'ouvrit enfin vers le mois de Mars. Leur premier loin fut de vifiter le vaiffeau ; ils parvinrent jufques au lieu où ils l'avoient laiffé , en fautant de glaçon ( a ) Recueil des Voy. des Ind. Orient. Tom. I.pag.^y. en Des Navigations , Découvertes, Etablijfemejis 9 &c~. ^6h en glaçon à travers mille dangers, & le trouvant enfoncé de toutes parts par l'effort des glaces , ils prirent le parti de le dépecer , pour conftruire deux barques , fur lefqueîs ceux qui reftoient de l'équipage , fe mirent en route , & voguant à tra- vers les glaçons vers la Lapponie, ils traverferent la Mer Blanche & terrirent fur les côtes de la Rufïie. Ils firent quatre cens lieues fur de miférables bâtimens ouverts de tous côtés , à travers les mers les plus dangereufes. Ils apprirent heureu- fement qu'un vaiffeau Hollandois avoit hyvernédans un petit port qui n'étoit qu'à deux lieues ; ils y trouvèrent Heemskerk qui les reçut à bord, & les ramena dans leur pays (a). Heemskerk fut enfuite nommé Vice -Amiral , & mit à la voile avec vingt-fix vaiffeaux de guerre. Il étoit chargé de combattre la Hotte Efpagnole qui étoit à l'ancre dans le Détroit de Gibraltar. Elle étoit forte de trente-lix vaiffeaux , entre lefqueîs on comptoit dix Gallions. Malgré l'inégalité les Hollandois l'attaquèrent ie 23 Avril, 1607 (b). Le combat fut long & fanglant. Davila qui commandoit les Efpagnols , fut emporté d'un boulet de canon , & fon fils fut fait prifonnier ; la vifèoire le déclara pour Heemskerk qui la paya de fon-fang. Lambert Moye , fon Lieutenant , prit le commandement auffitôt qu'il fut mort , & diflipa entièrement cette flotte. Il rapporta en Hollande le corps de fon Amiral, & les Etats-Généraux firent bâtir un fuperbe Maufolée à fa gloire. Son Lieutenant foutint jufqu'en 1625 la réputation qu'il avoit acquife en cette journée , & mérita en mourant ies mêmes honneurs qu'on avoit faits à ion maître (c ). Le combat de la Méditerranée donna une grande réputa- x V. tion à la Marine Hollandoife , que le retour de Corneille Premières Houtman & d'autres des Grandes Indes avoit déjà beaucoup desHoHandois encouragée par les richeffes qu'ils en avoient rapportées, aux Indes, Houtman étant en Portugal s'étoit rendu fufpecl: au Gouver- nement , par l'empreffement avec lequel il s'informoit de la («) Recueil des Voy. des Ind. Orient. Tom.I.pag. 58. Meteren Hift. des Pays-; Bas. Liv. XIX. fol. 403. (i) Hift. Abrégée des Pays-Bas & de leurs C»mp. enO r. &en Occid.pag. 4?t (c) Hift. Abrégée des Pays-Bas & de leurs Comp. en Or. & en Occid. pag. 86» Tome L Z z 3 62 S e c t. VII. Du Commerce des Provinces'Unies , route que les .Portugais tenoient pour aller aux Indes. Cette Nation naturellement ibupçonneuie , l'avoit mis en prilbn , & le gardoit fous prétexte du payement de la rançon , qu'elle avoit eu loin de porter plus haut que Tes forces. Houtman dans l'impolïibilité d'y iatisfaire , s'adreffa aux Négocians d'Amfterdam , & offrit de leur faire part des découvertes qu'il avoit faites , s'ils vouloient le racheter. Ceux-ci s'affem- blerent & réfolurcnt de le mettre en liberté. Il leur tint pa- role à fon retour , ôc fur fes inltruétions on forma une Com- pagnie plus nombreuie que la première , qui prit le titre des Pays Lointains , & dont on nomma Directeurs Henri Hudde, Reinier Paauw , Pierre Haffelaar , Jean Charles Jeantz le vieux , Jean Poppen , Henri Buik , Dideric Van Os , Sivert Sem , & Arend ten Grootenhuizen. Les Intéreffés ayant fourni les fonds , on équipa quatre vaiffeaux , dont on donna la conduite au même Houtman. Il mit à la voile en 15^5 , & ne revint qu'au bout de deux ans & quatre mois. Quoique fon voyage fût entièrement infructueux , la même Compagnie équipa une leconde flotte pour chercher un autre paffage que celui que les Portugais fréquentoient par le Détroit de Ma- gellan. Sur ces entrefaites la Compagnie de Hollande ayant appris qu'il s'en formoit une autre en Zeelande , craignit que l'intérêt ne causât une diviiion nuifibleàl'une & à l'autre, & pour prévenir la ruine du commerce , elle fit propoier aux Zeelandois de les recevoir dans l'Affociation (a). Ceux- ci ayant accepté la propoiition , il fut réfolu unanimement dès la première Affemblée d'appeller Henri Hudlon , Pilote Anglois d'une grande réputation , pour l'envoyer avec quatre navires dans le Détroit de Magellan. Ce voyage cependant ne fut pas plus heureux que le premier. Hudlon après avoir confommé fes provifions , ramena fon Elcadre dans le port de Yarmouth , & dépêcha en Hollande pour offrir aux Affo- ciés de repartir au printemsfuivant pour le Détroit de Davis, s'ils vouloient ravitailler fes vaiffeaux ; les Directeurs le re- mercièrent & rappellerent leurs équipages (b). Réfolusce- ( a ) Recueil des Voy. des Ind. Orient. Avertiff. Tom. I. page 12. <£ ) Recueil des Voy. des Ind, Orient, Tom, Lpag. 1 j 3. Des Navigations , Découvertes, Etabliffemens , &c. 363 pendant de faire de nouvelles tentatives , ils équipèrent qua- tre vaifleaux tous les ordres de Jean Jeantz Moolenaar , & reprirent Corneille Houtman pour premier Pilote. Cette Efcadre mit à la voile du Texel le 2 Avril , 1 507 , paffa la Ligne le 17 Juillet, & fit route à l'Oueit-Nord-Ouefl:. Les équipages fatigués de la mer , obligèrent l'Amiral à relâcher au Cap de Bonne Efpérance. Ils y firent de l'eau , & fe repo- ferent juiques au 3 Septembre qu'ils remirent à la voile pour Madagafcar. Les Portugais établis dans rifle, pouffèrent les habitans à s'oppofer à la defcente ; mais les Hollandois les ayant écartés par quelques volées de boulets de canon , pri- rent terre dans une bonne rade , où les Infulaires leur ap- portèrent des rafraichiffemens , & leur indiquèrent la Baye d'Antongil fur la côte de S. Marie , où ils fe trouveroient plus tranquilles Se plus à portée de recouvrer ce qu'ils fou- haiteroient. L'Efcadre s'y pourvut abondamment de ris , de citrons , de canelle , de lucre , de gingembre ôc de poiffon ; elle partit le lendemain pour Sumatra. Le Commandant mit la pinaffe en avant , qui rapporta des noix mufeades , du poivre , des melons , des concombres & des fruits de toute efpece. Un Inlulaire pilota leurs vaiffeaux pour entrer dans le port de Bantam , où ils jetterent l'ancre. Le Sabandar les reçut avec de grands témoignages de joye ; mais les Por- tugais changèrent bientôt fes ientimens : enforte que le per- fide fit arrêter neuf Hollandois qui fe trouvèrent à terre , du nombre defquels étoit Corneille Houtman. Moolenaar les ayant inutilement demandés , fe vengea fur les pyrogues qui étoient au mouillage , dans lefquelles ayant trouvé une grande partie de fa cargaifon , il mit à la voile pour Jaca- tra. Les Portugais l'avoient prévenu , & le Roi les croyant des Corfaires fans domicile & fans aveu , avoit fait mettre le peuple en bataille fur la côte ; il fortit lui-même du port avec une multitude innombrable de petits bâtimens. Le Com- mandant Hollandois craignant d'être enveloppé , fit jouer le canon avec tant de vivacité que dans un infiant il coula à fond celles qui le preffoient , & repouffa les autres dans le port. Après une falve pareille il ne pouvoit efpércr de rac- Zzij 3^>4 S e e t. VII. Du Commerce des Pr ovin ces-Unie s , commodément : ce qui lui fit prendre le parti de cingler vers Tubao , où il trouva des noix mufeades & des doux de gé~ rofie pour achever fa charge , reprit la route de l'Europe , & arriva au Tcxcl le 10 Août , 1 500 ( a ). La Compagnie avoit mis en mer une autre Eicadre fans attendre fon re- tour. Jacques Van Neck qui la commandoit , étoit parti du Texcl fur la fin de 1598, avec huit navires (6). Il vint mouiller à Bantam , & plus heureux que fon Prédéceffeur ,. il obtint audience malgré les efforts des Portugais, qui repré- fentoient qu'ils étoient les mêmes que ceux qui venoient d'in- fulter fon port. Van Neck détruifit leurs difeours en com- muniquant fa Commifïion. Le Roi lui accorda la liberté du commerce , & trois de fes vaiffeaux étant chargés de muf- cade & de gérofle , il fît voile vers Sumatra , où il territ le 11 Janvier, 1500. Wybrand Van Warwyck qui étoit de- ftiné pour les Moluques , le quitta dans cet endroit ; Van Neck reprit le chemin de l'Europe, ôc fe rendit au Texel chargé d'épiceries (c). Viftoirerem- "Wanvyck de fon côté jetta l'ancre devant le Fort des portée fur ks Portugais dans l'Ifle d'Amboine , une des principales des 'rtugais- Moluques ; une autre flotte le joignit en cet endroit. Fur- tado de Mendoza, Gouverneur des Indes, averti de l'ar- rivée de ces vaiffeaux , avoit armé ce qu'il avoit pu raffem- bler de bâtimens pour les recevoir. Les Hollandois fçachant qu'il étoit fous voiles , appellerent Van der Hagen qui ve- noit d'arriver à Bantam avec cinq vaiffeaux. Ces flottes s'é- tant réunies , le Commandant quoique toujours inférieur, réfolut d'attendre l'ennemi. Le combat fe donna à la vue d'Amboine. Les deux flottes fe canonerent avec le même acharnement ; mais l'artillerie des Hollandois étant mieux fervie , maltraita tellement les Gallions que les Portugais fu- rent contraints de gagner le large. Le chagrin qu'ils eurent (a) Recueil des Voy. aux Ind. Orient. Tom. I. pag. 1 97. De Thou Hift. Univ» Tom.m.Liv. CVlU.pag.^. (b) Orig. & Progr. de la Conip. des Ind. Orient. Part. II. Introd. pag. r. (c) Recueil des Voy. des Ind. Orient. Tom, l, pag, 1^2, De Thou Hift. Univ. J~ojn. III. liv, CVIU.pag. j y. Des Navigations , Découvertes , EtabliJJemens , &c. 365 d'être forcés de céder l'empire de ces mers , les rendit fu- rieux5 ils defeendirent de l'autre côté de l'Ifle, arrachèrent les gérofliers , ôc pafierent au fil de l'épée les habitans d'Iton. Leur cruauté révolta les Inlulaires qui fe donnèrent au vain- queur. "Warwyck , fans perdre un moment, mit pied à terre, & réfolut d'attaquer le Fort. La garnifon dans la confirma- tion de la défake , ne tarda gueres à capituler. Ce fut le pre^ PnTed'Am- mier écabliflement de la Compagnie dans les ïndes ( a ). Le beine. Commandant Hollandois ayant enluite aflemblé les Inlulai- res , s'informa de la quantité de doux qu'ils pouvoient li- vrer. Il fe rendit delà à Ternate , où il bâtit le Fort de Hol- lande & celui de NafTau , & reparlant à Banda , il reprk le chemin de l'Europe (b). Sur ces entrefaites une Société de Négociais équipa a fes XVI. dépens deux vaifTeaux , qu'elle pourvut de vivres & de mu- x,?,r,ogT,ès- Jes nitions pour trois ans , & les confia a Olivier de Noort j-^s les Indes, qu'elle chargea de fiiire le tour du Monde. Ce Capitaine tira droit au Décroit de Magellan, débouqua dans la Mer du Sud , enleva un Gallion à la Mofca , dépaffa Saint Jago, la Corona , furprit trois vaifTeaux dans le port d'Aranco , & fur la nouvelle que la flotte de Lima étok à fa pouriùitc , il cingla vers les Manilles , & fe mit en croifiere à la bouque des Ifles. Les ennemis vinrent l'attaquer ; le combat fut de la dernière vivacité. Leur Amiral fut emporté du canon ; mais le Vice-Amiral s'étant rendu maître d'une frégate , Oli- vier trop foibîe pour tenir la mer , fit voile vers Bornéo , d'où il revint à Vliiïingue le 26 Août , 1601 (c). Les pro- fits immenfes que ces Efcadres rapportèrent , eXcitoient de plus en plus la cupidité des Négocians ; on ne voyoit que des équipemens de tous côtés. Paul Coerden & Pierre Both fortirent du Texel le 1 1 Décembre de la même année. Ils arrivèrent à la rade de Bantam le 6 Août de la luivante , & prirent terre à l'ïfle de Bornéo. Le Roi leur promit de four- nir leur charge après la récolte ; mais les Portugais profite-* (a) Recueil des Voy. des Ind. Orient. Tcm. 1-pag. 484. (b) Recueil des Voy. dès Ind. Orient. Tnm. III. pag. 9. (c) Recueil des Voy. des Ind. Orient. Tom. IV. pag. ir 366 S e c t. VII. Du Commerce des Provinces-Unies ; rcnt du délai pour indifpofer l'eiprit du Prince , en lui fai~ fane entendre que les Hollandois n'étoient qu'un amas de rebelles que la néceflité avoit rendus Corfaires , & qui s'é- tant révoltés contre leurs maîtres , ne pouvoient manquer de communiquer le même eiprit à les fujets. Les ennemis des Portugais avertirent Coerden de ce qu'on tramoit contre lui , qui fçachant qu'on projettoit de s'emparer par furprile de les vaifleaux , le détermina , pour le dédommager des avances qu'il avoit faites , d'enlever les bâtimens Indiens qui étoient dans le port , où trouvant de quoi remplir les liens, il revint en Hollande (a). Jacques Van Neck qui le fuivoit avec fept navires , parut peu de tems après devant Bantam. Il y chargea le Delft qu'il renvoya en Europe , dé- tacha deux de les vaifleaux pour les Moluques , & le mit en mer avec les quatre autres. Il fit rencontre d'onze Cara- ques Portugaises 6c les attaqua fans balancer ; mais ayant été bleffé , Ton Efcadre prit le large , & revint en Hollande avec celle de Zeelande qu'elle joignit à Jacatra (6). Les deux Compagnies jugeant que la foiblefle de leurs Elcadres arrêtoit leurs progrès , fe réunirent pour armer neuf vaif- feaux qui partirent du Texel au commencement de 1601 , lous les ordres de Jacques Heemskerk , & Wolphart Amauch le joignit avec cinq navires d'Amfterdam. Deux de ces bâti- mens que le gros tems avoit féparés , tombèrent dans la flotte ennemie , dont ils le débarraflerent en faifant force de voile , & fe réfugièrent à Palimban dans l'Ifle de Java , où ils rejoignirent leur Commandant. Défaite des Cependant Heemskerk ayant eu nouvelle dans ce port, vantBgan«me" ciue ^es Portugais faifoient le fiege de Bantam avec trente vaifleaux , rélolut de fecourir la place à quelque prix que ce fût. Les Portugais étant arrivés les premiers dans ces mers , s'étoient facilement emparés des poftes & de la confiance des Indiens. Prefque tous les Rois de l'Orient leur avoient ac- cordé la liberté du commerce & la permiflion de bâtir des magafins & de coniïruire des Forts pour leur sûre- (a) Recueil des Voy. des Tnd. Orient. Tom. IV. pag. \-]9. (J) Recueil des Voy. des Ind. Orient. Tom. IV. pag. 141. Des Navigations , Découvertes , Etabliffemens , &c. 36 7 te (a). Au commencement ils alloient par le Cap de Bonne Efpérance , rangeoient les côtes d'Afrique , & mouilloient à Calicut. Dans la fuite ils abbrégerent leur route en tirant au Sud de Madagafcar. Auteurs de ces découvertes , ils fe croyoient propriétaires du Nouveau Monde ; ils avoient même acheté de Charles V le droit exclufif de cette naviga- tion , 6c pour rendre la vente plus authentique , ils Pavoient munie de l'approbation du Saint Père. Tranquilles 6c fans Concurrens , ils fubjuguerent les plus foibles des Rois In- diens , s'allièrent avec les plus puiffans , & bâtirent Goa , ' dont ils firent leur Capitale. L'arrivée des Hollandois , leurs entreprifes 6c leurs fuccès changèrent la face des chofes. Ces nouveaux-venus trop formaliftes à leur gré , s'aviferent de les chicaner fur la légitimité d'un titre dans lequel les vrais propriétaires n'a voient pas parlé , ôc fans égard pour un A£te cimenté du fceau de Rome , ils avoient gagné le Roi de Bantam qui leur ouvrit fon port. Il n'en falloit pas davan- tage pour s'attirer l'inimitié des Portugais. Ce Monarque en garde contre leurs furpriies , avoit pour Amiral un Cor- faire célèbre , appelle Cunal , qui poffédoit un Fort fur la côte de Malabar , fous lequel il fe retiroit avec fes priies. Mendoza, Viceroi des Indes , entreprit de le déloger ; il chargea Louis de Gama de cette expédition , & lui donna un bon corps de troupes commandé par Don Louis de Sylva. Ce Capitaine ayant pris terre , jetta un pont fur une rivière qui le iéparoit du Fort , 6c donna l'affaut avec beaucoup de vigueur ; mais ayant été tué , & fes foldats fe retirant , le pont rompit , & la plupart furent taillés en pièces ou noyés. Mendoza piqué de la défaite des liens , raffembla plus de forces , & prenant lui-même le commandement , il revint aflieger le Fort , l'emporta & prit Cunal qu'il condamna aux galères. L'arrivée de deux Gallions qui le joignirent dans ces circonftances , le déterminèrent au liège de Ban- tam. Heemskerk jugeant que la perte de cette ville entraî- neroit celle de la Compagnie , réfolut d'hazarder'le tout pour (a) Recueil des Voy. des Ind. Orient. Tom. IV. pag. 386. $68 Siîct. VIT. Du Commerce des Provinces-Unies , la fauver. Quoiqu'il n'eût que quatorze navires & quelque» frégates qu'il a voit raifemblés dans ces mers , & que les Portugais cuflént trente vaiffeaux , entre lefquelsoncomptoit plufieurs Gallions , il mit à la voile fie jetta l'ancre à la vue de l'ennemi. Il employa la nuit à appareiller pour l'attaque , & à la pointe du jour il porta fur la flotte avec le vent & la marée. Mcndoza envoya au-devant les meilleurs vaiiïeaux ; Heemskerk les reçut avec un feu fi terrible que fi la pièce d'arrière de Ton vaiffeau n'eût endommage ion gouvernail en • crevant , il auroit forcé l'Amiral d'amener ; cet accident donna le tems aux Portugais de le remorquer vers le gros de fa flotte. Le Vice-Amiral Hollandois combattait avec la même ardeur. Il envoya tant de bordées au Gallion qu'il a voit en tête qu'il l'enfonça de tous côtés. Les Portugais étourdis du feu , fe retirèrent fous Pinfano pour réparer Je dommage. Heemskerk ayant afiemblé le Conleil , on réfo- lut unanimement d'attaquer la flotte dans ion afylc. Le feu fut encore plus terrible des deux côtés ; mais les Portugais voyant le plus grand de leurs Gallions enfoncé fous les eaux , le retirèrent encore fous Pille de Java. Les Hollandois les y fuivirent. Alors Mendoza fit arborer le pavillon rouge ; mais l'es Capitaines refuferent de combattre , fie gagnèrent le large. Heemskerk voyant le paflage ouvert , entra en triom- phe dans le port , où il demeura quinze jours pour fe ra- douber. Il remit à la voile pour les Moluques, où s'étant chargé d'épiceries , il revint dans la Meule le 7 Janvier , 1602 (a). Nouveaux a- Corneille Veen mit à la mer la même année avec neuf vaif- pôrtéf folies &aux > auxquels Rotterdam en joignit trois. Il battit les Ef- fonugaiî. pagnols qui voulurent l'empêcher de faire du bois & de l'eau à Annibon , & le 29 Avril , 1603 , il territ à Bantam , d'où il détacha deux vaiffeaux pour la Chine. Ceux-ci rencontrè- rent une Caravelle Portugaife par le travers de Macao que l'équipage leur livra fans combattre. Ils y trouvèrent tant de richefiës que fatisfaits de cette prife , le Commandant réfolur. (<0 Recueil des Voy. deslnd. Orient. Tom, IV.pag. j?§. de Des Navigations , Découvertes , Etablijjemens , &•£ 3 69 de la ramener en Europe , fans s'arrêter dans ces mers. La .fortune lui préfenta iiir la route deux autres bâtimens char- gés de marchandifes précieufes , & le 3 Août fuivant il vint débarquer l'es tréfors au Texel (a). Dès le 5 Mai les Zeelandois avoient équipé pour Ceiîon trois vaiffeaux fous les ordres de George Spilbergcn. Ce Capitaine étant à la hauteur du Cap Verd , laiffà deux Je fes vaiffeaux à la rade & s'avança pour reconnoitre Puento d'Alés. Il y rencontra trois Caravelles Portugailes , dont le feu lupérieur l'obligea de reculer. Il revint le lendemain avec fes trois vaiffeaux ; mais il ne trouva plus qu'un de ces bâtimens , dont il s'em- para, Il continua la route pour Matecalo , & jetta l'ancre à Candi. Le Prince qui y regnoit alors , venoit de monter fur le trône par la faveur des foldats dont le feu Roi l'avoir, nommé Général , ôc la fiUe unique qu'il avoic laiffée s'étoic mile fous la protection des Portugais. Ceux-ci après avoir baptifé la Princeffe , la marièrent à Lopez de Cola , auquel ils donnèrent une armée pour la ramener dans fes Etats. Mais l'Ufurpateur les venant recevoir fur la frontière , leur livra une bataille , dans laquelle Lopez fut tué 8c fa femme relia prilonniere. Le vainqueur pour fe donner un titre à la- Couronne , l'époula , & la naiffance d'un fils légitima fon ufurpation dans l'année même. Les Portugais cherchant à venger leur défaite , furent battus une féconde fois. Ce fut dans ces circonftances que Spilbergcn arriva dans l'Ifle. II ne lui fut pas difficile de perfuader à ce Roi de ligner un Traité de Commerce exclulif avec les Hollandois , fous la promeffe de l'aider à chaffer les Portugais de Colombo & des autres polies qu'ils tenoient fur la côte. La flotte partit le 16 Décembre pour Achin, où trouvant une Efcadre An- gloife qui fe propofoit de croifer' fur les vaiffeaux Portugais qui revenoient de Malacca , Spilbergen fit fa chaffe-partie , fut avec eux fe pofler au Détroit , & peu de jours après ils découvrirent la flotille , qu'ils enlevèrent après une mé- diocre réfiflance. Cette prife défrayant abondamment les (4) Recueil des Voy. des Ind. Orient. Tom. IV.^g. 4 1 4. Tome h A a a 370 S e c t. VII. Du Commerce des Prov'inces-Unks , deux Nations des frais de leur voyage , leurs vaifleaux re- prirent le chemin de l'Europe , 8c les Zeelandois mouillè- rent à Vlilïingue le 8 Mai , 1604 (a). XVII. L'augmentation du commerce 6c le gain immenfc qui re- Ercftion de venoit des prifCs , fixèrent l'attention de L. H. P. Ces fages la Compagnie . t rr i rr rr - i ^es Indes O- Politiques voulant ailurer des reiiources li puifiantes a la riemaks. République , & jugeant que la multiplicité des Compagnies , en divilant l'intérêt , ne manqueroit pas de les ruiner réci- proquement, arrêtèrent de n'en former qu'une feule , & de lui donner le privilège exclufif de naviger dans les Indes Orientales , fous la Souveraineté des Etats-Généraux, à con- dition de payer une légère reconnoiffanec tous les ans (t). L'Edit qui fut publié en 1602 , réunifToit les différentes Com- pagnies qui s'étoient formées à Amfterdam avec celles de Middelbourg , de Rotterdam, & de quelques Villes de la "Weftfrile. Il confervoit cependant lès Directeurs & les Cham- bres que chacune avoit établies, pour veillera la sûreté des fonds : de façon qu'elles continuèrent leurs Affemblées di- flincles & ieparéês , quoiqu'elles fiflent un commerce com- SesFonds& mun & fous un même privilège. On publia en même tems le Tarif des fonds que chaque Chambre devoit fournir , dont le total félon quelques-uns montoit à foixante-quatre tonnes d'or , argent de banque , leldn les autres à loixante-lix , &: félon l'opinion commune à fix millions quatre cens quarante- quatre mille deux cens florins. fiorins. Amfterdam fut taxée à . . . . 3686430 Middelbourg à .... . 1275654 466562 174562 268430 568562 Delft à Rotterdam à Hoorn à Enkhuizen à 6440200 Ce Capital fut partagé en A&ions de trois mille florins , avec (a) Recueil des Voy.des Ind. Orient. Tom.IVf pag- Ji8. (. i ) Pvecueil ck$ Placards. Tom, I, col, 519* Des Navigations , Découvertes, Etablijfemens , &c. 371 liberté à tous les fujets de la République d'en acquérir ou d'en vendre. Cet Agio efl aujourd'hui un des plus considéra- bles de la Place. L'Action eft. montée au fextuple du premier achat : enibrteque fa valeur roule autour de dix-huit mille flo- rins , l'efcompte fuivant les proportions des Dividendes qui fe diflribuent tous les ans. En 1605 l'action rendoit quinze pour cent de bénéfice ; en 1606 le produit montoit jufqu'à fbixante-quinze pour cent. Urevenoit l'année fuivanteà qua- rante ; en 1 608 à vingt ; en 1 600 à vingt-cinq , & à cinquante en 1610 : de façon que l'action produilit vingt pour cent dans ces cinq années , le fort portant le foible. Pendant que les Directeurs étoient occupés à recevoir le Nouveaux fonds , Warwyck partit avec quatorze vaifleaux , frétés fe- iaijes, Lon les uns par l'ancienne Compagnie , & félon les autres par la nouvelle (a). Cette flotte fortit du Texel le 17 Juin , 1602 , & fit route deconferve jufques au Tropique du Capri- corne (b). Sebald de "Weert, Vice-Amiral, fe fépara à cette hauteur , & cingla vers Ceilon , paffa par Achin , & vint mouiller à Matecalo, d'où il fe rendit par terre à Candi. Le Roi qui fe préparoit au fiege de Colombo , lui demanda le fecours ftipulé par le Traité conclu avec Heemskerk , & promit d'y conduire une armée de vingt mille Indiens. Pen- dant qu'on négocioit fur ce point , les Hollandois prirent trois Carraques Portugaifes , dont le Roi prétendit qu'on devoit lui livrer les équipages ; & le refus qu'en fit de "Weert, commença de l'indifpofer. Quelques jours après le Vice- Amiral preffant ce Prince de vifiter fon vaiffeau , lui dit en riant qu'il n'iroit à Colombo que quand il l'auroit honoré de fa préfence. L'Indien prit ce badinage en mauvaife part , & fur le fignal qu'il donna , fa Garde maffacra le Comman- dant & fa fuite. Le Confeil de la flotte s'étant aflemblé , lui fubftitua Jacques Pieterfzoond'Enkhuizen, qui trop foible j our demander raifon de ce meurtre , mit à la voile pour Achin. Les Portugais qui l'attendoient près de Johor , s'op- (u) Orlg. &Progr. delà Comp. Orient. Tom.l.pag. it. Valentin Anc.&Nou- Tcl. lnâ.Tcrn.l. Liv. lll.pxg. 131. {b) Recueil des Vp}'. des Ind. Orient. Tom, IV. yag. j6i. Aaaij 372 Sect. VÎI. Du Commerce des Provinces- Unies] pofcrcnr à fa retraite : on fe canonna vivement pendant cinq heures ; enfin les Portugais ne pouvant foutenir le feu des Hollandois , parlèrent de l'autre côté de Tlfle pour chercher un abri. Le Confcil de Guerre fut d'avis de les fuivre ; mais iitôt qu'ils s'apperçurent qu'on portoit fur eux , ils forcèrent de voiles & gagnèrent le large. Warwyck écoit cependant a Bantam où il attendoit fes vaifleaux qu'îj avoit envoyés à leurs deftinations. Son féjour ne fut pas inutile. Il obtint du Roi un terrein pour conftruire une Loge avec des Magàfins , & la permiflion d'y établir des Commis, auxquels il lai fia des réglemens qu'il leur fit jurer d'obferver exactement. Le Roi de Sincaputa fuivit l'exemple de Ion voifin , & permit pareillement aux Hollandois de bâtir un Comptoir. Ces établiffemens les encouragèrent à tenter le commerce de la Chine ; mais les Portugais avoient prévenu les Mandarins contre les Hollandois , & leurs Envoyés ne purent obtenir d'audience. Ce voyage quoiqu'inutile , fervit néanmoins à prendre des connoiffances exactes de l'Ille des Pifcadores , voifine de Macao , qui déterminèrent la Compagnie à s'en emparer quelques années après ( a ). Conquêtes de jufques-là les Hollandois ne chcichoient à s'établir dans ^Compagnie, les Indes que par les voyes de douceur & de conciliation. Ils fupportoient leurs pertes , oppofoient la patience à la perfidie , & diffimuloient même les cruautés de leurs enne- mis autant qu'il leur étoit poflible. Ils craignirent enfin qu'on' ne regardât les effets de leur prudence comme des preuves de leur foibleffe , & réfolurent de faire connoître aux In- diens la force de leurs armes. La Compagnie arma en 1605 douze vaiffeaux fous le commandement de Van der Hagen ôc de Corneille Sebaftianz , avec ordre de lubjuguer les Molu- ques , & d'en chaffer entièrement les Portugais. Ces Géné- raux munis de la Commiffion des Etats & du Prince d'O- range , ne craignirent plus d'attaquer leurs ennemis à dé- couvert. Ils emportèrent d'affaut le Fort de Tidor le 1 Fé- vrier, 1606, & s'étant rendus maîtres de toutes les Mes, (a) Recueil des Voy. des Ind. Orient. Tira. IV. pag. 7?°i 1 Des Navigations , Découvertes , EtabliJJemens , frc. 373 ils firent affembler les Indiens , leur donnèrent un tarif oui fixoit les droits d'entrée 8c de fortie à quatre pour cent , & forcèrent le Roi de Malabar à ligner un Traité plus onéreux que ceux qu'il avoit avec les Portugais. Vander Hagen remit enfuite à la voile pour les Moluques, s'empara de Tcrnate & de Banda , où il tic conftruire un Fort qui eft devenu Péta* bliifement le plus conlidérable après Batavia ( a ). Corneille Matelief arriva peu après à Malacca avec onze vaiiTeaux, Il fit alliance avec le Roi de Johor ; ils fe promirent d'alïîe- ger cette ville à frais communs ; le territoire & les habitans dévoient appartenir au Roi, oc la ville aux Hollandois ; le premier promettoit de fournir le bois & la pierre né