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NATURAL HISTORY
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University of Illinois Urbana-Champaign
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VOYAGES
D'UN
i
NATURALISTE.
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■Jam. y
Froiv ti spice . Voyez T. m. faàe 163 .
banes et Temple des Plrvlanis.
VOYAGES
D'UN
NATURALISTE,
ET SES OBSERVATIONS
Faites sur les trois règnes de la Nature , dans plusieurs ports de ther français , en Espagne, au continent de l'Amérique septentrionale, à Saint- Yago de Cuba, et à St.-Domingue, où l'Auteur devenu le prisonnier de 4o,ooo Noirs révoltés, et par suite mis en liberté par une colonne de l'armée française , donne des détails circonstanciés sur l'expédition du général Leclerc ;
Dédiés à S. Ex. Msr. le Comte de Lacépède ,
Grand Chancelier de la Légion d'Honneur , membre du Sénat, de l'Institut, etc.
Par M. E. DESCOURTILZ,
Es - Médecin Naturaliste du Gouvernement, et Fondateur du Lycée Colonial à St.-Domingue.
% . ; Multa latent in majestate Naturœ !
Pline, Hist. nat. Praem.
TOME PREMIER. PARIS.
DUFART, père, LIBRAIRE-ÉDITEUR. 180g.
Deux exemplaires de cet Ouvrage ont été déposés à la Bibliothèque impériale , afin d'en mettre la propriété sous la protection des lois , et chaque exemplaire sera signé de l'Auteur.
7 /<£■. f 7
- V
A. S, Ex. Msr. LE COMTE
DE LACÉPÈDE,
Grand Chancelier de la Légion d'Honneur , Membre du Sénat, de l'Institut, etc.
Monseigneur,
Comme dest aux grands Génies qiûil appartient de protéger les talens naissons , de sourire à leur essor . et de les encou- rager par T indulgence , fai reçu avec enthousiasme les éloges dont vous avez daigné honorer nies essais.
La faveur de votre protection , Mon- seigneur, m'enhardit à présenter à Votre Excellence , un Ouvrage dont la Dédicace exprime bien foiblement le voeu de mon coeur.
En rendant un juste hommage à votre
\ science profonde , Monseigneur, ne suis-je
point Vécho de V immortel Buffbn? .
et votre nom célèbre n'est - il pas déjà
couronné dans les fastes de l'Histoire
naturelle ?
Quoique P^otre Excellence se plaise à ignorer son vrai mérite , quoiqu'elle cherche à se soustraire aux éloges qui lui sont dus , peut- elle faire taire la voix de la Renommée? jLinsi Von voit dans nos bosquets V humble violette se cacher sous le feuillage , mais son coloris et son parfum la décèlent toujours à notre vue et à notre odorat.
C'est donc de ma gloire que je m'oc- cupe, Monseigneur ■_, en suppliant T^otre Excellence d'agréer la Dédicace de cet Ouvrage, comme un témoignage des bontés dont elle n'a cessé de m'honorer.
Je suis avec le plus profond respect, MONSEIGNEUR,
De T^otre Excellence
m
Le très-humble et très-obéissant serviteur y
DESCOURTILZ.
PREFACE.
J
e devois publier séparément, après les avoir soumis à l'approbation de l'Institut, plusieurs Ouvrages que j'ai depuis réunis au Journal de mes voyages , et que j'ai l'honneur de faire paroître sous le titre spécial des P^oyages cViui Naturaliste , etc. La relation de ces Voj^ages , qui comprend six volumes ornés de planches de sujets nouveaux, est ainsi classée :
Dans le premier volume , j'expose à M. Desdunes-Lachicotte f mon hôte à Saint-Domingue, mes observations faites en Normandie , sur la nature du sol , les productions des pays que j'y ai par- courus , les mœurs et l'industrie des liabitans. J'y trace la description pitto- resque du Havre de Grâce , et de ses environs; je rends compte du résultat de mes courses d'Histoire naturelle , de mes remarques sur les productions ma- rines des ports de mer du Havre et de Honfleur, de mon retour à Paris; de
yiij PREFACE.
mon séjour dans le Gatinais , où j'ai eu occasion d'observer et d'écrire la vie privée d'une fouine devenue domes- tique , et de faire un Traité circons- tancié sur la culture du Safran ; mon départ de Paris pour Bordeaux ; mes observations de la route ; la description de Bordeaux; des remarques sur l'His- toire naturelle faites en haute mer ; la relation de ma traversée ; notre débar- quement à Charles-Town ; un essai sur les mœurs et usages des habitans de ce pays ; mon départ et mon arrivée à Saint -Yago de Cuba ; des relations pittoresques et historiques de ces di- verses contrées ; mon embarquement à Saint -Yago pour l'île de Saint- Domingue , et mon arrivée en cette Colonie.
Dans le second volume, je termine le récit de mon premier voyage; et après avoir fait part à mon hôte de mon juste enthousiasme à la vue des sites enchan- teurs de la Colonie que j'y ai déjà ob- servés jusqu'au moment de mon arrivée à la Hatte , je l'engage à me donner
PREFACE. ix
des renseignemens sur le pays. Précis historique de mon hôte sur Saint-Do- mingue , depuis sa découverte par Chris- tophe Colomb jusqu'à nos jours. Paral- lèle de l'homme primitif, et du colon ambitieux. Essai sur les mœurs des hommes et dames créoles ; sur celles des mulâtres et mulâtresses ; idées générales sur les nègres et négresses.
Je reprend mes observations sur les trois règnes de la Nature. Description de la hatte de M. Dcsduncs-Lachicotte , et du lagon Peinier, appelé le cirque des bambous ; pronostics des orages ; découverte d'une masure qui servit de ïefuge, pendant les crises politiques, à un amant malheureux. Observations sur les oiseaux erratiques de cette Colonie ; ma conférence avec Toussaint-Louver- ture. Analyse des fruits du pays. Voyage pittoresque au cap Français. Statistique des Gondives , Plaisance, etc. Phéno- nomènes observés pendant la route. Remarques botaniques et minéralogi- ques. Essai sur les chasses du pays. Traité des pêches auxquelles se livrent
x PREFACE.
les nègres, soit pour leur usage, soit par objet de spéculation. Notes sur les haras de Saint-Domingue, sur les ca- brits, et sur une espèce de porc appelé à Saint-Domingue, tonquin* Remarques sur les orages , les tremblemens de terre et les ouragans. Notices sur les deux saisons régnantes , et sur les débor- demens utiles et onéreux. Procès des in- sectes et autres animaux nuisibles. Enfin, après avoir décrit beaucoup d'autres incommodités du pays, je remets à en développer les avantages dans îe volume suivant.
Le troisième volume comprend les ressources qu'offre naturellement cette Colonie pour l'existence ; culture des vivres indigènes , et des denrées colo- niales considérées sous le rapport com- mercial ; l'indication des manufactures qu'on pourroit y établir lors du réta- blissement de l'île 5 l'énumération des bois propres aux constructions , ceux de teinture, et autres objets de com- merce, tels que tortues , gingembre, etc. ; voyages aux monts Cibao, et observa-
PRÉFAC E. x}
iïons sur l'exploitation possible de ces mines intarissables, depuis long-tems en repos par l'insouciance des Espa- gnols ; récolte des sables métallifères par les orpailleurs ; vie paisible des Espagnols colons ; réduction volontaire de leurs propriétés : remarques sur les salines naturelles du pays; sur les grottes minéralogiques ; les soufrières ; les sta- lagmites et stalactites; albâtres; spaths, pesanf , vitreux et fluor ; récit de courses d'histoire naturelle. Observations sur les eaux minérales , et les sources puantes des environs du Port-au-Prince. Ce troisième volume est terminé par des anecdotes relatives aux mœurs et usages du pays.
Le quatrième volume contient la des- cription anatomique très -détaillée du caïman de Saint - Domingue , appuyée de trente-cinq planches. Les cinq pre- miers chapitres comprennent sa phy- siologie raisonnée, son ostéologie com- parée , sa myologie , sa splancnologie : le sixième chapitre traite de l'examen des organes de la génération de ce
xij PREFACE.
reptile : le septième décrit les préludes de ses amours , donne des détails sur son accouplement , et sur l'âge auquel il peut engendrer, assertions appuyées d'un tableau comparatif tracé par l'ex- périence. On voit dans le huitième cha- pilre quels sont les soins du mâle et de la femelle avant et après la ponte : dans le neuvième, on arrive successivement à la naissance du petit, et à sa position dans l'œuf. Le dixième chapitre expose au lecteur mes expériences sur les mœurs du caïman, les ruses qu'il emploie, et la finesse de son odorat. Je décris, dans le onzième, la chasse qu'on lui fait aux lagons , et au bord des rivières ; la manière de découvrir les nichées au frai des femelles, et les dangers éminens dont on est menacé dans cette chasse périlleuse. Celle qu'on lui fait en canot , est le sujet du douzième chapitre. Enfin, dans le treizième et dernier, je décris la chasse aux repaires , comme la plus à craindre.
Je termine ce quatrième volume par quinze chapitres de mes Essais sur les
P R E F A C E. xiij
mœurs des Guinéens acclimatés à Saint- Domingue, dans lesquels je passe en revue les caractères et coutumes bizarres des différentes nations qu'on y trans- porte de la côte ; ma relation contient beaucoup d'anecdotes vraies et inté- ressantes sur les nègres Dunkos, et les Arada ; sur ceux de Fida , d'Essa , d'Urba, d'Amina ; sur les nègres Ibo, si fidèles à leurs sermens d'amour; sur ceux de Beurnon ; les Mozambiques , les Dahomet, les Akréens , Crépéens, Assianthéens ; sur les bons Phylanis ; sur les Nègres cruels de Diabon , et de Bodé ; sur ceux d'Ufé ; sur les Vaudoux, espèce de magiciens ; enfin, sur les Nègres créoles de Saint-Domingue.
Le cinquième volume divisé en trois parties, relativement aux époques des événemens , aura pour date celle de ma confirmation de médecin-naturaliste du gouvernement , par Toussaint-Louver- ture, qui alors s'étoit arrogé le titre de gouverneur de la Colonie. Je don- nerai , comme témoin oculaire , des détails curieux et très-circonstanciés sur
xiv PRÉFACE.
Toussaint -Louverture et Dessalines ; je mettrai au jour des anecdotes se- crettes de leur vie privée , et de leur despotisme envers les Blancs et ceux mêmes de leur couleur. On y verra les prétentions ridicules des chefs de son état-major; le mode de son gouverne- ment , son faste , et la rigidité de son service militaire.
La seconde partie traitera de la guerre du Sud, du massacre des hommes de couleur, et des cruautés inouies exercées contr'eux : on y comprendra des anec- dotes secrettes.
La troisième partie exposera les dé- tails de ma captivité par 4o,ooo Noirs, qui ne me conservèrent la vie que pour le besoin qu'ils avoient de mes connois- sances médico-naturelles. Elle donnera les détails affreux de la trop fatale nuit du massacre général des Blancs au bourg à jamais ensanglanté de la Petite-Rivière. Elle contiendra le récit des diverses affaires de la Crête-à-Pierrot , de la re- doute de la Martinière , et des motifs puissans de leur évacuation, ainsi que
PREFAC E. xv
le développement des événemens extraor- dinaires à la faveur desquels j'ai sauvé une cinquième fois mes jours menacés ; et des accidens miraculeux qui me réuni- rent à la colonne de l'armée française; enfin, après la relation historique et très-détaillée de l'expédition du général Leclerc, je termine le volume par un projet sur la restauration de Saint- Domingue, par des mesures simples et irrésistibles.
Le sixième volume renfermera le Traité des plantes usuelles de Saint-Domingue et d'une partie des Antilles , appliquées aux arts et à la médecine; mon départ pour l'Europe ; mon débarquement à Cadix, mon séjour en cette ville 5 mes observations pendant la traversée de l'Espagne dans sa plus grande étendue ; et mon arrivée à Paris.
J'ai tâché de rassembler et de décrire, avec le plus d'exactitude possible , les objets dignes d'être remarqués dans mes différens voyages ; et j'ai toujours vu avec des yeux admirateurs ces chefs- d'ceuvres de la Nature, dans l'espoir de
xvj PRÉFACE.
faire partager à mes Lecteurs mon juste enthousiasme pour leur divin Auteur.
Je demanderai grâce pour quelques termes francisés qui m'ont paru mieux rendre le sens de la chose , et mon in- tention semble justifier cette licence. Je ne serai donc point disert, mais je serai vrai , et mes récits seront comme ceux des voyageurs devroient toujours l'être.
J'ai cru devoir ajouter aussi au bas des pages de la narration, des notes instructives qui m'ont été demandées par des personnes qui n'ont point fait de voyages sur mer ; c'est pourquoi j'ai répété certaines descriptions déjà connues.
Enfin, j'ai voulu être instructif, inté- ressant et utile, y suis -je parvenu? C'est ce que l'avenir me prouvera. Heureux, si je puis prétendre à l'indul- gence de mes Lecteurs '
DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
Homme ! être privilégié de la Nature , preuve incontestable d'une Puissance infinie , chef- d'œuvre orgueilleux de la création , rends grâce au destin qui t'a fait roi de l'Univers ; admire en tous lieux les merveilles d'un Monde formé pour loi; témoin auguste du passé et du présent, adore le Génie suprême qui l'a doué de facultés intellectuelles, parcours l'espace au moyen du pouvoir inconcevable de ton imagination; partout tu feras des pauses d'extase en faveur de l'Ouvrier qui en a conçu le plan, et de son exé- cution si admirablement coordonnée dans son tout. C'est une obligation que tu as contractée en voyant le jour. Quel plus doux devoir que celui de la reconnoissance envers le grand Archi- tecte de l'Univers !
Soulève d'une main confiante el respectueuse le rideau que les Buffon, Linnseus, Daubenlon, Lacépède , Sonuini , etc. ont placé à la porte du temple qu'ils ont consacré à la Nature en pénétrant dans son sanctuaire. Parcours l'édifice plus circonscrit (i) dont le peintre fidèle, le
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(i) Le Muséum d'Histoire naturelle de Paris,
viij DISCOURS
Pline français posa les premiers fondemens , et dis-moi si lu es insensible à la vue du tableau imposant et majestueux des ressources infinies du Créateur.
Dans cette riche collection , qui n'a pas ïe droit de fixer ton attention , d'émouvoir tes sens , d'enchanter tes regards? Ah ! si tu éprouves ce doux état, rends-en grâce à la Nature, et écrie-toi avec Beriiardin-de-Saint-Pierre : « Il )) n'est peut-être qu'une vérité pure, intellec- )) tuelle, simple et sans idées contraires, c'est D) l'existence de Dieu )) !
Soit que lu élèves tes yeux aux voûtes de cet auguste monument, soit que tu les fixes devant toi, soit que lu les promènes autour, la multi- plicité des objets étonnera la pensée , éblouira toujours la vue; en vain tous ces êtres qui ont existé, ces témoins de la formation du Monde, réclameront-ils ton attention. En vain T'imagina- lion la plus active voudroit-elle embrasser tout? et raisonner. Cette sublime immensité paralvse les sens, suspend le génie ; on voit, on admire, on se lait; mais le silence le plus profond, un éloquent recueillement deviennent l'hommage le plus pur qu'on puisse offrir à l'Auteur de tant de merveilles.
Ici tu vois pour toujours dans le repos, des h 'bilans de l'onde qui ont été tyrans d'espèces
PRELIMINAIRE. k
plus foibles (i), placés près de leurs \iclimes fières de leur néant, et semblant insulter à leur impuissant ennemi. Là, des reptiles, ou utiles (2) ou dangereux (3) , dont la vue ne peut plus inspirer de frayeur, mais qui retracent à l'observateur le souvenir de leur ancienne exis- tence. .
De ce côté, l'étonnante variété des richesses végétales , la combinaison à l'infini de contex- ture , de nuances dans les bois et dans les eeorces ; les formes bizarres et régulières des fruits et des semences des quatre parties du Monde , qui proclament la toute-puissance du Génie créateur par leurs modifications souvent indéfinies et toujours nouvelles.
De celui-ci , des corps dont l'existence semble moins reconnue , quoique cependant orga- nisés (4) , louent l'homme de son industrie (5) , ou l'accusent de son ambition (6). Plus loin, les ornemens de la couronne des monarques , ou les parures brillantes de l'opulence (7). A côté,
(1) Les squames, etc....
(2) Les tortues.
(5) Les serpens et crocodiles,
(4) Les métaux.
(5) Le fer , le plomb , etc
(/>) L'or, l'argent.
(7) Le diamant et les pierres précieuse?.
x DISCOURS
des productions pins communes dont les arts savenl tirer le parti le plus avantageux (i).
Veut-on des objets plus propres à récréer la vue? on trouvera dans les galeries supérieures la réunion intéressante de quadrupèdes vivipares. On consultera pour leurs mœurs et leurs habi- tudes, le fidèle interprèle de la INature ; on inter- rogera également pour les découvertes plus ré- centes, un Lacépède (2) , uji Sonnini ; et grâces à ces continuateurs de l'illustre historien qui siège au temple de l'Immortalité, on complétera une étude d'autant plus attrayante qu'elle se modifie à l'infini , el devient attachante par son agréable variété. On aimera à considérer lelion pour retrou- ver en lui le roi des animaux , au caractère fier, franc et généreux ; on préférera ce noble ennemi, cruel par besoin, au tigre féroce par caractère, et sanguinaire par habitude , ravageant , immo- lant de sa dent meurtrière , lors même que sa faim est apaisée, pour le seul plaisir de détruire et de s'entourer de lambeaux palpitans, ou de
( j) Agates , jaspes, marbres , gypse , chaux , etc. . .
(2) « Lacépède a été reconnu cligne de tenir la plume de Buflon , dit Sonnini ; elle lui fut confiée, el la postérité confirme ce jugement solennel ». (Foyezle premier volume de l'Histoire naturelle générale et particulière, par Leclerc de Buffon, rédigée par C. S. Sonnini. )
PRELIMINAIRE. xi
cadavres et d'ossemens dont la vue seule rappelle sa voracité , et semble lui demander de nouvelles victimes.
On examinera avec plus d'intérêt l'industrieux éléphant, l'utile chameau , le cheval , l'âne , ces serviteurs fidèles et soumis aux volontés de l'homme , dont ils partagent les travaux , et à qui ils obéissent volontiers. L'œil sera également flatté de la robe élégante du zèbre, des formes sveltes du cerf, de l'antilope , de la gazelle. Ou se rappellera avec intérêt les ruses du loup, du renard comme tyrans ; du lièvre , du lapin , comme victimes, cherchant à échapper à ces ingénieux chasseurs; les gentillesses de l'adroit écureuil ; la souplesse et l'intelligence de l'imi- tateur de l'homme, du singe dont les espèces sont si variées. Enfin , après s'être arrêté un moment sur les autres espèces dont la vie privée offre moins de détails communs, on donnera des éloges ou des soupirs aux vrais amis de l'homme , aux chiens , dont les races sont aussi tant multipliées.
Cette galerie a-l-elle été suffisamment exa- minée? on trouve dans la suivante la réunion complète des formes , l'élégance des robes , le c,ploris lustré et inimitable , ce vernis inalté- rable, ces nuances irrisées. et chatoyantes qui ne se trouvent que sur la palette de la Nature } c%
sij DISCOURS
qu'elle s'est plue à prodiguer aux colibris , aux ' oiseaux mouches et aux autres oiseaux , qui tous brillent d'un éclat qui en distingue l'espèce.
On y voit aussi les papillons le disputer aux oiseaux pour la richesse de la parure et le brillant du coloris ; enfin les insectes et les ma- drépores annoncent au curieux que les Cuvier, les Lamark , les Desfontaines, les Hauys , les Bernard de Jussieu, les Geoffroy, les Faujas de Saint -Fond , etc. n'ont rien négligé pour remplir les vues du fondateur de ce monument élevé à la gloire du Dieu de l'Univers.
Combien l'homme qui pénètre sous cette voûte imposante, doit être ému d'admiration et de reconnoissance ! Et que ces témoins de la Grandeur suprême doivent puissamment com- battre dans l'impie les sourdes impulsions de l'incertitude ou de l'athéisme !
Croit-on , après celte contemplation , voir la fin des merveilles de la Nature? Si l'on quitte cet édifice, c'est pour pénétrer sous un dôme pins élevé, plus vaste , plus imposant, dont l'œil ne peut embrasser ou pénétrer l'immensité , dont les justes dimensions sont inconnues, et qui donne vie à tout ce qui végète , à tout ce qui respire ; c'est pour cela encore que, plein d'une noble émotion , on aime à aller respirer sous le cèdre antique et sous les autres arbres élégans
PRELIMINAIRE. xiij
et curieux , pour s'y livrer à des réflexions tou- jours pures, et douces à perpétuer. En effet cette extase, qui agrandit l'ame et qui l'élève au dessus des passions humaines, est une muette adoration, un culte en quelque sorte que l'on rend à la Divinité; car l'esprit la retrouve sans cesse dans la multitude prodigieuse de ses oeuvres.
L'étude de la Nature est immense (i) inépui- sable et toujours nouvelle. Ses détails variés, la magie de ses attraits appellent même l'attention et- l'intérêt de ces hommes oiseux que la fortune ac- cable ; mais malheur à eux , s'ils sont insensibles aux charmes de l'harmonie des prés ou des bois,
des ruisseaux ou des vallons! Malheur! le
plus beau des sentimens est éteint en eux; et
(i) La Nature offre tous les jours à l'observateur de nouvelles merveilles, et son étude depuis tant de siècles n'est encore qu'une ébauche imparfaite. Pour établir une échelle de démarcation entre le gramen et l'arbre de nos forêts, dans l'ornithologie entre l'aigle altier et l'agile roitelet, dans les quadrupèdes entre le lion ou l'éléphant et la musaraigne, il a fallu, pour éviter la confusion , composer des nomen- clatures. « Les divisions en genres et espèces, dit Sonnini , sont autant de jalons plantés de distance en distance qui procurent à notre esprit du soulage- ment, à notre imagination des auxiliaires, et à notre mémoire du soutien ».
xîv DISCOURS
matériellement organisés, ils portent par-tout un ennui qu'ils font partager aux autres. Que penser d'une ame qui n'est point émue par la surprise des premières feuilles du printems , qu'une nuit douce, aidée d'une rosée bienfai- sante, a fait éclorre déjà parées des diamans humides de la Nature? Si les premiers accens de Philomèle ou de sa voisine constante, la fauvette babillarde , de cette rivale audacieuse, sile chant soutenu de l'alouette au milieu des airs , si celui plus aigu de la grive ou du merle au milieu des bocages de son parc , si celui égayant du cou- cou sans cesse, en mouvement, ou l'agréable gazouillement de l'hirondelle , et même le simple patois du moineau franc, courtisant avec ardeur la femelle qu'il convoite , n'intéressent point l'opulent, que lui servent les douceurs de la vie champêtre? 11 n'est point digne d'habiter au milieu de la simple INature, et d'en savourer à son réveil les exhalaisons embaumées , dérobées à mille fleurs des prairies ou des bois par un zéphyr badin.
On me reprochera peut-être une partialité que je suis loin de nier, on s'élèvera contre mon enthousiasme pour une étude qui fait et mon bonheur et ma consolation depuis les revers dont la fortune m'a accablé; mais que l'homme malheureux se consulte lui-même, et il ap-
PRELIMINAIRE. xv
prendra , comme moi , à s'abîmer sans réserve dans le sein d'un Dieu qui n'a jamais repoussé sa créature chérie : ainsi le voyageur, fatigué par un chemin âpre et raboteux, aime à se reposer au pied d'une fontaine ombragée, où il doit trouver la fraîcheur , et oublier , en buvant à cette source pure , le feu brûlant qui le dévoroit.
En projetant d'écrire le résultat de mes ob- servations faites dans des pays déjà connus, il y eût eu de la présomption à prétendre ne donner que des choses nouvelles ; mais en considérant la multitude innombrable des productions de la Nature, les diverses modifications sous les- quelles on peut peindre le même objet , j'ai repris courage en réfléchissant qu'un peintre peut obtenir d'une seule tête, d'après la position du modèle , plusieurs dessins produits par la •variété de ses contours, et du point d'où le buste est envisagé.
D'ailleurs l'étude de la Nature a toujours eu pour moi tantd'attraits, que j'ai compté, en raison de cet amour, obtenir de cette bonne mère des faveurs qu'elle n'accorde souvent pas toujours à ceux qui osent consulter sa fécondité avec indifférence, ou ceux dont le seul esprit est, par des innovations cabalistiques, de rapporter à eux-mêmes la découverte des merveilles qui.
xnj DISCOURS
parce qu'elles n'éclatent point aux yeux des profanes , n'en existent pas moins dans le réservoir commun de la Nature, où d'un pas plus hardi ils ont osé les surprendre. C'est en vain que ces êtres présomptueux veulent cacher l'existence d'une retraite où tout contemplateur peut pénétrer ; d'un livre où tout aspirant peut lire s'il est mu par des vues sages et par des prin- cipes philosophiques. On peut dire avec Buffon : <( Que l'amour de l'élude de la Nature suppose, » dans l'esprit , deux qualités qui paroissent » opposées ; les grandes vues d'un génie ardent )> qui embrasse tout d'un coupd'œil, et les )> petites attentions d'un instinct laborieux qui )) ne s'attache qu'à un seul point ». J'ai éprouvé d'une manière distincte ces deux mouvemens à la vue de pays inconnus où toutes les produc- tions de la INature devenoient nouvelles pour moi, et où tous les individus qui l'embellissent \enoient éblouir mes yeux étonnés, pour me jeter bientôt dans une extase, où mes facultés devenoient impuissantes. Mais bientôt saisi de ce noble désir de rendre hommage à l'Auteur de ces merveilles , mon intention étoit écoutée , et mon esprit étoit de nouveau susceptible d'em- brasser ces inléressans détails. Telle est la pas- sion dominante qui m'a toujours entraîné vers cette élude chérie, •
Naturellement
PRÉLIMINAIRE. xvij
'Naturellement enclin aux observations de ce genre , il me restoit, après l'examen rigoureux de diverses collections d'Histoire naturelle , à établir des objets de comparaison entre la Nature vivante et la Nature morte , à laquelle un art imposteur veut en vain conserver les grâces et la fraîcheur. Ces préparations, d'ailleurs fort utiles et fort intéressantes , ne peuvent supporter le parallèle, et elles-sont, malgré les ressources de l'art , si éloignées de la perfection et de la vie, que je dirai avec Bernardin-de-Saint-Pierre : <( Nos livres sur l'Histoire naturelle n'en sont que )> le roman , et nos cabinets que le tombeau ».
Les voyages devinrent donc l'unique objet de mes désirs. Ils m'offroient l'occasion d'ob- server en grand,' et d'admirer la magnificence de la Nature dans l'immense variété des tempé- ratures des climats, et de leurs productions spéciales. Les voyages, en réunissant l'utile à l'agréable , épurent nos mœurs et nous ins- truisent; ils nous apprennent à pouvoir apprécier nos connoissances , et ils parviennent souvent à persuader l'observateur de l'imperfection de ses recherches, et qu'il est non point inven- teur, mais seulement l'ouvrier adroit du grand Arcbitecte de l'Univers.
Tout le monde lit avec plaisir les voyages. Ils concourent à l'instruction de la jeunesse 5 Tome I. , 2
xvUj DISCOURS
létude n'en est point applicante, c'est un défas- sèment en quelque sorte après des occupations plus sérieuses j et heureux qui s'instruit en s'amusant ! car, en laissant au courageux voya- geur le soin de tracer des routes nouvelles, on profite sans peine et sans fatigue de ses heureuses découvertes , et c'est alors cueillir des roses sans épines.
On apprend toujours avec un nouvel intérêt à connoîlre les lois , les mœurs , les coutumes des peuples étrangers po.ur établir des comparaisons, réfuter des systèmes , mettre à profit des leçons souvent utiles. On acquiert dans ces lectures , des connoissances topographiques qui conduisent insensiblement à la science utile et agréable de la Géographie universelle. «Moi, dit Sonnini, )) (Courrier de l'Europe, no. 3i2. 1808.) qui )> bientôt serai le doyen des vovageurs de 5) France , et peut-être de l'Europe, moi qui ai » passé quinze* années de ma vie à visiter les )) quatre parties de la Terre , j'avoue que je ne )) connois point de lecture qui m'instruise et me )) plaise autant que celle des voyages; j'aime à » trouver dans les relations des autres ce que je » n'ai pu observer ou apprendre moi-même , et )> dans leurs entreprises , ce qu'il ne m'est plus D permis d'exécuter (1) ».
(1) Ce savant profond est sur le point d'ajouter aux
PRELIMINAIRE. xix
Les arts et la science doivent trop à cet obser- vateur zélé pour que ses sectateurs n'adoptent point un système à la' propagation duquel on, se l^vre volontiers. Nous repéterons également d'après lui : a Qu'on aime à suivre le voyageur » dans ses courses lointaines , à devenir son » compagnon par la pensée , à s'associer à ses )) dangers; on s'intéresse vivement à son sort, » on partage ses peines , ses fatigues , ses plaisirs , » et l'on s'enorgueillit de ses succès. Les relations )> des voyageiws offrent ,en général beaucoup » de variété ; les événemens y sont mêlés aux » observations, et les accidens , les aventures )) viennent tour à tour affliger l'ame sensible, ou )) égayer la narration par des récits qui n'ont )) rien d'imaginaire; on y rencontre tout l'attrait )) qu'inspire le roman , joint à la vérité de » l'histoire ».
On voit d'après cette profession de foi , combien il me tardoit de mettre en pratique la théorie que j'avois acquise. Il falloit voir beaucoup , et revoir souvent pour ne point m'égarer dans les conjectures, pour éviter le labyrinthe de la
diflférens Voyages dont il a enrichi les bibliothèques, un nouvel ouvrage en ce genre qui sera du plus grand intérêt, et formera le pendant du Voyage du jeuoe Anacharsis dans l'ancienne Grèce.
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xx DISCOURS
science. Aussi l'espoir d'acquérir faisoit des plaisirs de mes peines; et comme le mystère excite naturellement la curiosité, mon travail augruentoit d'assiduité en raison des difficultés que j'éprouvois dans mes recherches , et des doutes qui s'élevoient pour mes nomenclatures. En cueillant une fleur, par exemple, je la croyois classée par la seule inspection de ses formes, de sa corolle ou de son calice, lorsque l'examen des étamines et du pistil la reportoit dans une autre classe. Nouvelle gloire à acquérir, mais qu'une cruelle incertitude rendoit souvent dou- teuse. OLinnœns! combien souvent tu me fus utile! et qu'il est juste de transmettre ton nom à la postérité! C'est une foible dette qu'acquitte envers toi un des amateurs de l'Histoire na- turelle.
Combien de fois, en consultant tes immortels écrits, j'ai abrégé mon travail; et de quelle utilité tes leçons ont été pour l'ordre de mes décou- vertes, autant que pour soulager ma mémoire ! La merveilleuse concordance de ta méthode réunit des objets qui paroissent étrangers entr'eux , et pourtant en qui une attention soutenue finit par découvrir des rapports incontestables. La ÏN attire moins restreinte que notre imagination, arrive au même but par des chemins differens, dont la recherche désole et trouble notre inteî-
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ligence ; mais, loin de nous trouver humiliés^le ce défaut de pénétration , que cette incapacité soit pour nous le motif louable, d'un hommage respectueux envers l'Etre des êtres, moteur de ces merveilles , et pour qui les problèmes n'exis- tent pas. Multa latent in majestate Naturœ ! « Que de merveilles nous sont cachées dans la )) Nature))! Mais revenons au motif qui m'a fait rassembler les observations faites pendant le cours de mes voyages.
Je devois publier séparément, après les avoir soumis à l'approbation de l'Institut , plusieurs ouvrages que j'ai depuis réunis au journal de mes voyages, et que j'offre au public sous le titre des Voyages d'un Naturaliste _, et ses Observations faites sur les trois règnes de la Nature _, etc. (i). La relation de ces Yoyages qui comprend trois gros volumes, au ïieu de six petits, ainsi que l'annonça le premier
(i) Quelqu'un peu versé dans l'étude de l'Histoire naturelle, et ne considérant que Iç mot, me reprochoit ce titre en prétendant qu'on ne devoit point désigner les trois règnes de la Nature ; cette objection est d'autant plus mal fondée que* tous les jours un naturaliste écrit ses voyages, mais qu'il parle sans ordre de matières, et souvent ne classe point ses observations, ou qu'elles n'embrassent point les trois règnes de là Nature,
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Prospectus , est ornée de planches , de sujets nouveaux ,.et elle est ainsi classée :
J'expose à M. Desdunes - Lachicotle , mon hôte à Saint-Domingue , mes observations faites en Normandie sur la nature du sol , sur les pro- ductions des pays que j'y ai parcourus , sur les mœurs et l'industrie des habitans; et pour ne point fatiguer le lecteur par un récit monotone et des relations stériles, je le conduis au Havre , au milieu des campagnes pittoresques qui bor- dent la grande route , et dont je lui donne la description la plus exacte.
Comme un auteur ne doit point écrire seulement pour les savans , j'ai cru devoir choisir mon lec- teur parmi les personnes qui n'ont jamais voyagé , afin de lui rendre ma narration utile et agréable. C'est pourquoi il m'accompagne par-tout, dans mes courses au milieu des campagnes; je lui fais admirer les beautés delaINature, je le ramène sur le rivage delà mer, où, saisi d'un étonne- ment respectueux , il admire et se lait.
Plusieurs pensées s'élèvent en son ame, à la •vue d'un horizon Jiumide qui lui paroît sans fin; il frémit pqur le matelot assez hardi pour se con- fier aux flots qui l'épouvantent par leurs brisans , et qui lui paroissent redoutables ; il admire le génie de l'homme dans la construction de ces demeures flottantes ; et l'étonnante découvert©
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au moyen de laquelle on est parvenu.à les di- rigera volonté , pour arriver d'un pôle à l'autre , en traversant des écueils sans nombre et une route uniforme, et qui ne laisse apercevoir les traces d'aucun voyageur.
En parcourant les rochers du rivage , je rends mon compagnon témoin de la libéralité du Créa- teur envers ses créatures. A deux époques de la journée , le pauvre se transporte en ces lieux , enrichi par des présens que le Ciel lui envoie; il ramasse en abonç^mce au poisson, des crusta- cées que les flois ont rejetés pour lui de leur sein; il en nourrit sa famille, sesenfans, et sou- vent même, au moyen d'une mesure qu'une main prodigue a comblée, il peut en vendre une partie qui lui devient superflue par l'espoir d'une nouvelle marée. Je fais part de quelques observations relatives aux pêches de la rade , et aux ruses qu'emploient les cruslacées , pour se soustraire aux pièges de leurs persécuteurs.
J'ai occasion , au retour de ces promenades instructives , d'examiner plus à loisir les objets dont je donne la description. Je me suis parti-* culièrement attaché à la rendre aimable, afin de captiver mon lecteur, « On regrettera toujours , » dit M. Salgues , de quitter d'agréables rela- )> tions qui nous enchantent , pour chercher che:/, » les secs et arides nomenclateurs , cette partie
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» technique , qui est à la science ce que la » Grammaire est à l'éloquence et à la poésie, ce )> que le squelette est à l'homme animé. Si vous » voulez m'instruire , il faut mêler quelques » charmes à vos leçons ».
Je me suis donc fait un devoir de me confor- mer à d'aussi sages principes ; heureux , si j'ai suivi cette roule agréable que tout le monde aime à parcourir!
Afin de détruire la monotonie de mon récit y et de diversifier les objets que je traite , je donne quelques détails sur la position du Havre , que les Anglais bombardèrent plusieurs fois pendant mon séjour.
J'offre également les fruits de mes promenades d'observations aux environs du Havre, de Ron- fleur , et je donne avec le plus grand soin la description exacte des sites enchanteurs com- muns dans ce beau climat, tels que la côte des Ormeaux , celle d'Egouville , et la côte de Grâce.
J'ai aussi occasion de citer quelques anec- dotes particulières, propres à piquer la curiosité; )e décris plusieurs collections d'Histoire natu- relle; je promène mon lecteur dans les agréables vergers de M. Poulet, négociant. De là , je le conduis à Honfletir pour y "étudier avec moi les moeurs et coutumes du pays, y admirer les curieux effets de la marée montante , v prendre
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part sur le gazon à un divertissement cham- pêtre , et y jouir d'un tableau attendrissant d'un bon père fêté par ses enfans.
Mais comme les effets naissent des contrastes , mon journal me rappelle le funeste équinoxe du mois de septembre de celle année. Ce fidèle dé- positaire me fournit les détails affreux de ravages inouis qui désolèrent, à cette époque calami- leuse , le Havre et ses environs. Et comme le calme succède toujours aux tempêtes, je raconte les joutes qui se font sur l'eau en certains jours de fête, je décris celle des canots armés, de vi- goureux rameurs, celle du fameux mât de Cocagne. Enfin, après la description de quelques poissons de la rade, ne pouvant trouver pas- sage sur un bâtiment, je renonce pour le mo- ment au projet de m'embarquer, et je retourne en Câlinais , où je trouve à observer chez mon père le caractère aimable et intéressant d'une fouine devenue familière.
Je m'y livre alternativement à un travail plus utile , sur la culture du safran de cette province ; et quoique celte plante bulbeuse ait été décrite avec détails par l'illustre Duhamel , je trouve à ajouter à son mémoire- mes observations, cl surtout des dessins fidèles qui manquoient à l'histoire de cette plante si précieuse au com- merce ? lesquelles planches servent mieux
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l'intelligence , que les meilleures et les plus exactes descriptions que l'on peut 'faire à ce siijet.
Après quelques idées générales , je considère le safran depuis l'époque de son importation dans le Gàlmais , et j'en donne la description ; j'établis la différence qui existe entre cette plante utile et le colchique , avec lequel les fraudeurs savent le sophistiquer; j'indique sa culture, *et le terrain qui lui est propre ; les caractères aux- quels on doit reconnoître les bons oignons, la' différence de leur robe, et la température qui leur convient.
Je fais connoître la manière de préparer la terre qu'on lui destine , et l'époque à laquelle se font les labours; je désigne le tems qui est le plus propice au plantage , et les moyens à em- ployer pour préparer les oignons, et les disposer à une prompte végétation.
Je décris le développement de ces oignons, et leur floraison; je dénonce les animaux qui les ravagent , et dont la dent meurtrière détruit en un moment les espérances du diligent culti- vateur.
Je passe ensuite aux travaux de la seconde et de la troisième années , qui comprennent l'arra- chis des oignons, et l'usage qu'on en fait. Arrive
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le moment de la récolte de celte fleur autant intéressan.te pour les sens , que sous le rapport du produit qu'on en retire. Je décris avec soin sa cueillette, son épluchage , sa dessication , et le produit annuel qu'on obtient de celui auquel on reconnoît les qualités exigées.
Je rends compte des maladies auxquelles l'oignon est en but , telles que le fausset _, le tacon et la mort.
Je développe les propriétés du safran comme béchique, bistériqueet emrnénagogues,diapho- rétique, cordial, alexitère, cépbalique et ophtal- mique; comme stomachique, hépatique, car- minatif et détersif; enfin comme résolutif, anodin et assoupissant.
Je le considère enfin sous le rapport des arts , et j'évalue les frais de culture d'un arpent de terre à safran, Ce mémoire est terminé par des notes additionnelles sur sa culture, et des détails historiques.
Je me rends ensuite à Paris d'où je fais route pour Bordeaux , en exposant mes observations faites pendant la route. Arrivé à Bordeaux, j'étudie les mœurs et coutumes des habitans de cette ville ; puis embarqué à bord du vaisseau anglo-américain l'Adrastus , j'y écris mes re- marques sur les usages bizarres et peu sensuels